5 March 2002
Cour de cassation
Pourvoi n° 01-83.777

Chambre criminelle

Publié au Bulletin

Titres et sommaires

PRESSE - procédure - action publique - mise en mouvement - provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée - personnes visées individuellement (non) - partie civile - conditions - recevabilité de l'action civile - provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard de certaines personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance à une ethnie, à une nation, à une race ou à une religion déterminée - ministère public - provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non - appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée - personnes lésées individuellement (non) - associations habilitées - extinction - prescription - interrruption - acte d'instruction ou de poursuite - plainte de la personne visée individuellement (non) - action civile - interruption - personnes lésées individuellement - recevabilité - action par voie d'intervention - atteinte au principe du droit à un tribunal garanti par l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme - convention europeenne des droits de l'homme - article 6.1 - tribunal - accès - personne lésée individuellement - atteinte au principe du droit à un tribunal (non)

Il résulte des articles 47, 48 et 48-1 de la loi du 29 juillet 1881 que seuls le ministère public et certaines associations peuvent mettre en mouvement l'action publique dans le cas du délit prévu par l'article 24, alinéa 6, de ladite loi(1).

Texte de la décision

REJET du pourvoi formé par :

- X... Katiza, épouse Y..., partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de Nancy, chambre correctionnelle, en date du 19 avril 2001, qui, dans la procédure suivie contre Viviane Z..., épouse A..., et Eliane B..., épouse C..., du chef de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance à une ethnie, une nation, une race ou à une religion déterminées, a constaté la nullité des poursuites.

LA COUR,

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 23, 24, 47, 48, 48-1 de la loi du 29 juillet 1881, 131-26. 2°, 3° du Code pénal, 2 et 3 du Code de procédure pénale, 6. 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 14 du Pacte international des droits civils et politiques et 591 du Code de procédure pénale :

" en ce que l'arrêt attaqué a constaté la nullité des poursuites dirigées contre les deux prévenues et de toute la procédure subséquente ;

" aux motifs qu'aux termes de l'article 47 de la loi du 29 juillet 1881, la poursuite des délits commis par voie de presse ou par tout autre moyen de communication, a lieu d'office et à la requête du ministère public sous réserve des cas prévus par l'article 48 de ladite loi ; que ce dernier article énumère de manière limitative les cas dans lesquels la poursuite peut être exercée, soit à la requête de la partie lésée, soit à l'initiative de certaines autorités en fonction des situations concernées ; que le délit prévu par l'article 24, alinéa 6, sur lequel est fondée la plainte avec constitution de partie civile déposée par Katiza Y..., ne figure pas au nombre de ces cas ; qu'à défaut d'intervention d'une association habilitée pour exercer les droits reconnus à la partie civile conformément à l'article 48-1 de la loi du 29 juillet 1881, l'action publique n'a pu valablement être mise en mouvement par la seule plainte de cette dernière (Crim. 3 mars 1980 Bull. Crim. n° 74) ; que le réquisitoire introductif visant à l'ouverture d'une information sur les faits dénoncés par Katiza Y... a été délivré le 29 septembre 1999 ; qu'à cette date, l'action publique et l'action civile résultant desdits faits étaient prescrites, ces derniers s'étant déroulés le 14 mai 1999, soit plus de 3 mois avant l'acte de poursuite, en application de l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 ; qu'il suit de là que la Cour ne peut que constater la nullité des poursuites dirigées contre les deux prévenues et celles de toute la procédure subséquente ;

" alors, d'une part, que la victime directe de cris provoquant à la discrimination, à la haine ou à la violence à raison de son origine ou de son appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée est recevable à se constituer partie civile et partant à déclencher seule l'action publique à l'encontre de l'auteur de ce délit ; qu'en retenant qu'en vertu des articles 47 et 48 de la loi du 29 juillet 1881, la demanderesse, victime du délit de provocation à la discrimination et à la haine raciale, prévu par l'article 24, alinéa 6, de ladite loi, ne pouvait, à défaut d'intervention d'une association pour exercer les droits reconnus à la partie civile, valablement mettre en mouvement l'action publique par sa seule plainte avec constitution de partie civile, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

" alors, d'autre part, que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal indépendant et impartial qui décidera notamment des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil ; qu'est applicable aux constitutions de parties civiles la garantie d'un procès équitable posé à l'article 6. 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en privant la victime directe d'un délit de provocation à la haine et à la violence raciale du droit de mettre en mouvement l'action publique par sa seule plainte avec constitution de partie civile en l'absence d'intervention d'une association habilitée pour exercer les droits reconnus à la partie civile ou d'initiative du ministère public et partant de son droit d'obtenir que soit établie la culpabilité du prévenu et sa condamnation par l'allocation de dommages et intérêts à réparer le préjudice qui en est résulté, la cour d'appel a méconnu le droit au procès équitable de la demanderesse " ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, le 4 août 1999, Katiza X... a porté plainte avec constitution de partie civile en exposant que le 14 mai précédent, lors d'une altercation, devant son immeuble, des voisines avaient prononcé à son endroit des paroles constitutives de provocation à la discrimination ou à la haine raciale ; que, le 29 septembre 1999, le ministère public a requis l'ouverture d'une information pour infraction aux dispositions des articles 23 et 24, alinéa 6, de la loi du 29 juillet 1881 à l'issue de laquelle les deux prévenues ci-dessus nommées ont été renvoyées devant le tribunal correctionnel de ce chef ;

Attendu que, pour annuler les poursuites, les juges d'appel prononcent par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en cet état, la cour d'appel a fait l'exacte application des dispositions combinées des articles 47 et 48 de la loi du 29 juillet 1881 sans méconnaître les dispositions conventionnelles invoquées ;

Que les règles spéciales de mise en mouvement de l'action publique, en cas de délit prévu par l'article 24, alinéa 6, de cette loi, ne privent pas la partie qui s'estime lésée par les propos de la faculté, soit d'intervenir dans l'instance pénale qui aura été engagée sur l'initiative du ministère public ou d'une association habilitée, soit d'engager son action civile séparément de l'action publique ;

D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.

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