27 January 2016
Cour d'appel de Paris
RG n° 14/25386

Pôle 3 - Chambre 1

Texte de la décision

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 3 - Chambre 1



ARRÊT DU 27 JANVIER 2016



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 14/25386



Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Octobre 2014 - Tribunal de Grande Instance d'EVRY - RG n° 12/02172





APPELANTE



Madame [A] [Z], née le [Date naissance 1] 1947 à [Localité 1], CHILI

[Adresse 1]

[Adresse 1]



représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

assistée de Me Jean-Philippe VECIN, avocat au barreau de PARIS, toque : G 0535 pour Me André COHEN-UZAN, avocat au barreau de PARIS, toque : E 582





INTIME



Monsieur [Q] [U] [R], né le [Date naissance 2] 1933 à [Localité 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]



représenté par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

assisté de Me Stéphanie D'HAUTEVILLE pour Me Yvonne JUNYENT avocats au barreau de PARIS, toque : B1087





COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 03 Novembre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Evelyne DELBÈS, Président de chambre

Madame Monique MAUMUS, Conseiller, chargée du rapport

Madame Nicolette GUILLAUME, Conseiller

qui en ont délibéré



Greffier lors des débats : Madame Emilie POMPON



ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Evelyne DELBÈS, Président et par Madame Emilie POMPON, Greffier présent lors du prononcé.



[O] [W], né le [Date naissance 3] 1925 est décédé le [Date décès 1] 2005 laissant pour lui succéder, son épouse [Z] [R] avec laquelle il s'était marié le [Date mariage 1] 1959 sous le régime de la séparation de biens, les époux, qui n'ont pas eu d'enfants, ayant, par contrat du 20 mai 1987, homologué par jugement du tribunal de grande instance d'Evry du 26 février 1988, opté pour la communauté universelle avec attribution au dernier vivant.



Par requête du 2 juin 2004, [O] [W] a présenté une demande en divorce pour faute.



Par décision du juge des tutelles d'Evry du 2 juillet 2004, il a été placé sous sauvegarde de justice.



Mme [W] a fait assigner par acte du 16 août 2006, Mme [A] [Z] pour obtenir sa condamnation à lui verser la somme de 200 000 €, au motif que son époux aurait diverti des fonds communs et consenti à Mme [Z], sa maîtresse, une donation en violation des dispositions qui régissent le régime matrimonial de communauté universelle.



[Z] [W] est décédée le [Date décès 2] 2011.



L'affaire radiée a fait l'objet d'un rétablissement à la demande de son frère, M. [Q] [R], son légataire universel.



Par jugement du 24 octobre 2014, le tribunal de grande instance d'Evry, a :

- prononcé la nullité de la donation de 200.000 euros consentie par [O] [W] au profit de Mme [Z], et en conséquence, condamné Mme [Z] à régler à M. [R] ès qualités de légataire universel de [Z] [W] la somme de 200.000 euros,

- dit que cette somme sera assortie des intérêts au taux légal dus à compter du 1er juin 2005, et au besoin condamné Mme [Z] au versement des intérêts,

- prononcé la nullité de la donation de 120.000 euros consentie par [O] [W] au profit de Mme [Z] et, en conséquence condamné Mme [Z] à régler à M. [R] ès qualités de légataire universel de [Z] [W] la somme de 120.000 euros,

- dit que cette somme sera assortie des intérêts au taux légal dus à compter du 11 octobre 2007, et au besoin condamné Mme [Z] au versement des intérêts,

- dit que les demandes formées par M. [R] au titre des assurances- vie sont recevables,

- requalifié les contrats d'assurance-vie LIVRET GAIPARE n° [Compte bancaire 1] et PREMIUM LINE n° [Compte bancaire 2] en donations indirectes et prononcé la nullité de ces donations indirectes,

- au vu des pièces produites, condamné Mme [Z] à verser à M. [R] ès qualités de légataire universel de [Z] [W] la somme de 604 041 ,44 euros au titre du compte n° [Compte bancaire 1] LIVRET GAIPARE,

- dit que cette somme sera assortie des intérêts au taux légal dus à compter du 24 mai 2007, et au besoin condamné Mme [Z] au versement des intérêts,

- rejeté toute demande plus ample ou contraire,

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [Z] aux dépens, qui pourront être recouvrés par Maître Françoise Tauvel, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.



Mme [Z] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 16 décembre 2014 et M. [R] par déclaration du 22 décembre 2014.



Les deux affaires ont été jointes par ordonnance du conseiller de la mise en état du 17 mars 2015.




Dans ses dernières conclusions du 9 juillet 2015, Mme [Z] demande à la cour de :

- la déclarer recevable et fondée en son appel,

- infirmer le jugement,

- statuant à nouveau,

- dire que feu Mme [W] née [R] avait souscrit seule plusieurs contrats d'assurance-vie qui révélaient bien l'existence de conventions en marge du régime des époux [W],

- dire et juger que [O] [W] qui percevait des revenus importants depuis 1969 avait conservé depuis l'adoption du régime de communauté universelle ses pouvoirs de gestion concurrente, et pouvait disposer librement de ses gains et pensions en vertu du régime primaire impératif,

- dire que ce n'est qu'après sommations et itératives sommations qui lui ont été faites, de communiquer tous éléments sur leur état de fortune et notamment les déclarations ISF des 10 dernières années précédant le décès de [O] [W], que Mme [W] n'y avait satisfait que partiellement en produisant les déclarations de revenus, avis d'imposition et déclarations ISF faites en France seulement depuis 2001,

- dire et juger que ces déclarations ne font pas figurer les sommes perçues au titre des droits détenus dans la SCI Clinique [Localité 3] après la vente le 8 mars 2001 du patrimoine immobilier de celle-ci pour 40 000 000 frs soit 6 098 000 €, le prix de l'appartement d'une superficie d'environ 140 m2 sis [Adresse 3] dans lequel elle exerçait son activité professionnelle qu'elle a vendu à sa retraite, les avoirs de plusieurs millions d'euros qu'elle plaçait à la Banque de gestion de fortune CLARIDEN Bankk (alors filiale du Crédit suisse), et les contrats d'assurance-vie qu'elle avait souscrits dont M. [R] était lui-même bénéficiaire de longue date, si ce n'est dès leur souscription,

- dire et juger que les contrats d'assurance-vie souscrits par [O] [W] auprès des compagnies AGF et AFER à son profit ne constituent pas des contrats de capitalisation en raison de l'aléa auxquels ils étaient soumis,

- dire et juger que lesdits contrats qui sont des instruments d'épargne ne pouvaient être requalifiés en donations déguisées au sens de l'art 894 du code civil et que [O] [W] conservait sa faculté de rachat sous le régime juridique antérieur à la loi du 18 décembre 2007,

- dire et juger que Mme [W] avait produit délibérément un décompte erroné faisant figurer deux fois le montant des capitaux versés au titre des deux contrats d'assurance-vie GAIPARE qui totalisaient 604 041,44 €,

- dire et juger que la lettre de M. [W] de changement de bénéficiaire des contrats GAIPARE et PREMIUM LINE signée par elle, qui accepte la nouvelle clause en tant que bénéficiaire du 28 septembre 2004, soit 10 jours avant la conclusion de l'avenant validant le contrat, était hors délai de sorte que son acceptation n'était pas irrévocable,

en conséquence,

- déclarer M. [Q] [R] mal fondé en son appel et l'en débouter,

- dire et juger qu'il procède par dénaturation des faits et des principes de droit régissant les contrats d'assurance-vie,

- dire et juger l'action introduite par Mme [Z] [W] et reprise par son frère, abusive et malveillante,

- le condamner à lui payer 20 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- le condamner en outre au paiement de la somme de 7 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.



Dans ses dernières conclusions du 7 septembre 2015, M. [R] demande à la cour de :

Vu les articles 262-2, 1153, 1154, 1356, 1421 paragraphe 1, 1477, 1422 et 1427 du code civil,

Vu les articles 32-1, 699 et 700 du code de procédure civile,

Vu le jugement du 24 octobre 2014,

Vu l'appel interjeté par lui ès qualités de légataire universel de [Z] [R]-[W] le 22 décembre 2014, enregistré le 29 décembre 2014,

Vu l'appel interjeté par Mme [Z],

- débouter Mme [Z] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

* prononcé la nullité de la donation de 200.000 euros consentie par [O] [W] au profit de Mme [Z], et en conséquence condamné Mme [Z] à lui régler ès qualités de légataire universel de [Z] [W] la somme de 200.000 euros,

* dit que cette somme sera assortie des intérêts au taux légal dus à compter du 1er juin 2005, et au besoin condamné Mme [Z] au versement des intérêts,

*prononcé la nullité de la donation de 120.000 euros consentie par [O] [W] au profit de Mme [Z] et, en conséquence condamné Mme [Z] à lui régler ès qualités de légataire universel de [Z] [W] la somme de 120.000 euros,

* dit que cette somme sera assortie des intérêts au taux légal dus à compter du 11 octobre 2007, et au besoin condamné Mme [Z] au versement des intérêts,

* dit que les demandes formées par lui au titre des assurances vie sont recevables,

* requalifié les contrats d'assurance-vie LIVRET GAIPARE n° [Compte bancaire 1] et PREMIUM LINE n° [Compte bancaire 2] en donations indirectes et prononcé la nullité de ces donations indirectes,

* condamné Mme [Z] à lui verser ès qualités de légataire universel de [Z] [W] la somme de 604 041 ,44 euros au titre du compte n° [Compte bancaire 1] LIVRET GAIPARE,

* dit que cette somme sera assortie des intérêts au taux légal dus à compter du 24 mai 2007, et au besoin condamné Mme [Z] au versement des intérêts qui seront capitalisés par application de l'article 1154 du code civil,

* condamné Mme [A] [Z] aux dépens, qui pourront être recouvrés par Maître Françoise Tauvel, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- le dire et juger recevable et bien fondé en son appel ès qualités de légataire universel de [Z] [R]-[W],



- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l' a débouté ès qualités de légataire universel de [Z] [R]-[W] de :

* sa demande de requalification en donation indirecte du contrat d'assurance-vie AGF VIE GAIPARE N° [Compte bancaire 3], de sa demande d'en voir prononcer la nullité et de sa demande de condamnation de Mme [Z] à lui verser la somme de 604 041 ,44 € correspondant au montant des capitaux décès perçus au titre du dénouement de ce contrat,

* sa demande de condamnation de Mme [Z] à lui verser la somme de 161 632,46 € correspondant au montant des capitaux décès perçus au titre du dénouement du contrat d'assurance- vie Premium Line N°[Compte bancaire 2],

* sa demande de requalification en donations indirectes des contrats d'assurance vie N° [Compte bancaire 4] et [Compte bancaire 5] souscrits auprès du GIE AFER, de sa demande d'en voir prononcer la nullité et de sa demande de condamnation de Mme [Z] à lui verser la somme de 732 224,96 €, correspondant au montant des capitaux décès perçus au titre du dénouement de ces contrats en exécution desquels lui ont été versées deux fois 366.112,48 €,

- sa demande de condamnation de Mme [Z] à lui verser la somme de 17.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

statuant à nouveau,

- dire et juger que le contrat d'assurance-vie AGF VIE n° [Compte bancaire 6]55 souscrit à l'insu de Mme [R]-[W] son épouse par [O] [W] au profit de sa maîtresse, Mme [Z], constitue une donation indirecte de biens communs soumises à l'article 1422 du code civil réalisées en violation des dispositions qui régissent le régime matrimonial de la communauté universelle de biens et en fraude des droits de cette dernière,

- requalifier ce contrat en donation indirecte,

- prononcer la nullité de cette donation indirecte effectuée au profit de Mme [Z] par le biais dudit contrat d'assurance-vie dont elle était bénéficiaire,

- ordonner que les capitaux-décès perçus par cette dernière au titre du dénouement de cette assurance-vie, s'élevant à 604 041 ,44 €, soient réintégrés à la masse de la communauté,

- condamner Mme [Z] à lui verser ès qualités de légataire universel de [Z] [W] la somme de 604 041 ,44 € au titre du contrat AGF VIE GAIPARE n° [Compte bancaire 6],

- dire et juger que cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 mai 2007,

- ordonner la capitalisation de ces intérêts en application de l'article 1154 du code civil,

- dire et juger que les capitaux décès perçus par Mme [Z] en raison du dénouement du contrat PREMIUM LINE [Compte bancaire 7] s'élèvent à 161 632,46 €,

- ordonner que les capitaux décès perçus par cette dernière au titre du dénouement de cette assurance-vie, s'élevant à 161 632,46 € soient réintégrés à la masse de la communauté,

- condamner Mme [Z] à lui payer ès qualités de légataire universel de [Z] [R]-[W] la somme de 161 632,46 €,

- dire et juger que cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 mai 2007,

- ordonner la capitalisation de ces intérêts en application de l'article 1154 du code civil,

- dire et juger que les contrats d'assurance-vie GIE AFER n° [Compte bancaire 4] et [Compte bancaire 5] souscrits à l'insu de Mme [R]-[W] son épouse par [O] [W] au profit de sa maîtresse, Mme [Z] constituent des donations indirectes de biens communs soumises à l'article 1422 du code civil réalisées en violation des dispositions qui régissent le régime matrimonial de la communauté universelle de biens et en fraude des droits de cette dernière,

- requalifier ces contrats en donations indirectes,

- prononcer la nullité des donations indirectes effectuées au profit de Mme [Z] par le biais desdits contrats d'assurance-vie dont elle était bénéficiaire,

- ordonner que les capitaux-décès perçus par cette dernière au titre du dénouement de ces assurances-vie, s'élevant à 732 224,96 €, soient réintégrés à la masse de la communauté,

- condamner Mme [Z] à lui payer ès qualités de légataire universel de [Z] [R]-[W] la somme de 732 224,96 €,

- dire et juger que cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 mai 2007,

- ordonner la capitalisation de ces intérêts en application de l'article 1154 du code civil,

- condamner Mme [Z] à lui payer la somme de 17.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés dans le cadre de la première instance,

subsidiairement,

- prendre acte de l'aveu judiciaire de Mme [Z] d'avoir perçu au titre des contrats d'assurance- vie souscrits par [O] [W] à son profit, la somme globale de 1.498.569,71 €,

- condamner Mme [Z] à lui verser en sa qualité de légataire universel de [Z] [W] la somme de 1.498.569,71 € au titre du dénouement des contrats d'assurance-vie AGF VIE GAIPARE n° [Compte bancaire 6]5 et GAIPARE n° [Compte bancaire 1], PREMIUM LINE° [Compte bancaire 7] et GIE AFER n° [Compte bancaire 4] et [Compte bancaire 5],

- dire et juger que cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 mai 2007,

- ordonner la capitalisation de ces intérêts en application de l'article 1154 du code civil,

- en tous les cas,

- condamner Mme [Z] à lui payer en sa qualité de légataire universel de [Z] [R]-[W] la somme de 10.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés par lui en cause d'appel et 17.000 euros pour les frais irrépétibles exposés en première instance,

- condamner Mme [Z] aux entiers dépens de première instance et d'appel avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.






SUR CE, LA COUR,



sur les sommes de 200 000 et 120 000 €



Considérant que [O] [W] a remis à Mme [Z] un chèque de 120 000€ le 2 août 2004 ainsi qu'un chèque de 200 000 € le 27 août 2004, étant observé que ces sommes sont des fonds communs et qu'il n'est pas soutenu qu'elles proviendraient de biens qui seraient restés propres à [O] [W] ;



Considérant que Mme [Z] ne conteste pas la qualification de don manuel de ces remises, mais argue du pouvoir de co-gestion conféré à chacun des époux par le régime primaire impératif et estime que [O] [W] avait la libre disposition de ses gains et salaires ;



Considérant, en effet, que selon l'article 223 du code civil, chaque époux peut librement exercer une profession, percevoir ses gains et salaires et en disposer après s'être acquitté des charges du mariage ;



Que, cependant, aux termes de l'article 1422 du même code, 'les époux ne peuvent l'un sans l'autre, disposer entre vifs, à titre gratuit, des biens de la communauté' et que selon l'article 1427 du code civil 'si l'un des époux a outrepassé ses pouvoirs sur les biens communs, l'autre, à moins qu'il n'ait ratifié l'acte, peut en demander l'annulation';



Considérant qu'il résulte de la déclaration de revenus pour l'année 2004 que [O] [W] avait perçu au titre de ses pensions de retraite la somme de 96 704 € de sorte que la donation de la somme globale de 320 000 € pendant le mois d'août 2004 correspond au montant de ses pensions de retraite pendant plus de trois ans ;



Considérant que la remise par [O] [W] à Mme [Z], des sommes de 120 000 et 200 000 € dépasse la libre disposition de ses gains et salaires que l'article 223 du code civil permet à tout époux quel que soit son régime matrimonial ;



Considérant, en conséquence, que son épouse n'ayant pas ratifié ces actes, était fondée à en demander l'annulation, de sorte que son ayant-droit, M. [R], est également fondé dans sa demande d'annulation de ces donations, et que le jugement qui a fait droit à ses prétentions de ce chef doit être confirmé ;



sur les assurances-vie



Considérant que Mme [Z] conteste les dispositions du jugement requalifiant certains contrats d'assurance- vie en donations indirectes en soutenant que lesdits contrats qui sont des instruments d'épargne ne pouvaient être requalifiés dès lors que [O] [W] conservait sa faculté de rachat sous le régime juridique antérieur à la loi du 18 décembre 2007 et que la lettre de M. [W] de changement de bénéficiaire des contrats GAIPARE et PREMIUM LINE signée par elle, qui accepte la nouvelle clause en tant que bénéficiaire du 28 septembre 2004, soit 10 jours avant la conclusion de l'avenant validant le contrat, était hors délai de sorte que son acceptation n'était pas irrévocable ;



Considérant que M. [R] conteste les dispositions du jugement qui l'ont débouté de sa demande de requalification en donation indirecte du contrat d'assurance- vie AGF VIE GAIPARE N° [Compte bancaire 3], de sa demande d'en voir prononcer la nullité et de sa demande de condamnation de Mme [Z] à lui verser la somme de 604 041 ,44 € correspondant au montant des capitaux décès perçus au titre du dénouement de ce contrat, de sa demande de condamnation de Mme [Z] à lui verser la somme de 161 632,46 € correspondant au montant des capitaux décès perçus au titre du dénouement du contrat d'assurance-vie Premium Line N°[Compte bancaire 2], et de sa demande de requalification en donations indirectes des contrats d'assurance-vie N° [Compte bancaire 4] et [Compte bancaire 5] souscrits auprès du GIE AFER, de sa demande d'en voir prononcer la nullité et de sa demande de condamnation de Mme [Z] à lui verser la somme de 732 224,96 €, correspondant au montant des capitaux décès perçus au titre du dénouement de ces contrats en exécution desquels lui ont été versées deux fois 366.112,48 €, et demande subsidiairement de prendre acte de l'aveu judiciaire de Mme [Z] d'avoir perçu au titre des contrats d'assurances vie souscrits par [O] [W] à son profit, la somme globale de 1.498.569,71 € ;



Considérant, comme l'ont jugé les premiers juges, qu'un contrat d'assurance-vie peut être requalifié en donation, si les circonstances dans lesquelles son bénéficiaire a été désigné révèlent la volonté du souscripteur de se dépouiller de manière irrévocable ;





Considérant que tel est le cas lorsque le souscripteur a consenti à l'acceptation de sa désignation par le bénéficiaire ;



Qu'en effet, dans cette hypothèse, le souscripteur est privé de toute possibilité de rachat, de sorte que l'acceptation de sa désignation par le bénéficiaire avec l'accord du souscripteur constitue l'acte visé par l'article 894 du code civil aux termes duquel 'la donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée, en faveur du donataire qui l'accepte';



Considérant, en l'espèce, que par lettre du 28 septembre 2004 adressée à Gaipare-Agf, et signée de Mme [Z] et [O] [W], ces derniers demandent 'd'enregistrer l'accord de Mme [A] [Z], bénéficiaire acceptante des contrats d'assurance Gaipare et Premium Line dont les références sont les suivantes :

livret Gaipare n° [Compte bancaire 1]

Premium Line n° [Compte bancaire 2]", Mme [Z] donnant son accord pour la modification des clauses bénéficiaires, en ce sens qu'en cas de décès du souscripteur avant le terme du contrat, elle en sera bénéficiaire, et à défaut son fils, [V] [Z] ;



Considérant qu'il résulte de cette lettre que la bénéficiaire, Mme [Z], a accepté sa désignation et que [O] [W] a consenti à cette acceptation, pour laquelle, avant la loi du 18 décembre 2007, aucun formalisme ou délai n'étaient imposés de sorte que Mme [Z] ne peut soutenir que son acceptation était hors délai ;



Considérant qu'aucun autre contrat d'assurance-vie souscrit par [O] [W] n'a fait l'objet d'une acceptation par sa bénéficiaire et d'un accord du souscripteur quant à cette acceptation le privant de sa faculté de rachat ;



Considérant que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont dit que les contrats livret Gaipare n° [Compte bancaire 1] et Premium Line n° [Compte bancaire 2] doivent être requalifiés en donations indirectes, [O] [W] s'étant ainsi dépouillé irrévocablement et que cette requalification devait être limitée à ces deux contrats, M. [R] étant débouté de sa demande au titre des contrats d'assurance-vie N° [Compte bancaire 4] et [Compte bancaire 5] souscrits auprès du GIE AFER ;



Considérant que ces donations doivent être annulées en application de l'article 1427 du code civil ;



Considérant que M. [R] soutient qu'au titre du contrat Gaipare, Mme [Z] a perçu deux fois la somme de 604 041,44 €, dès lors qu'il y avait deux contrats, l'un n°2009 et l'autre n° 255 ;



Considérant, toutefois, que dans la lettre précitée du 28 septembre 2004, il n'est fait état que d'un contrat, de sorte que l'acceptation du bénéficiaire accompagnée du consentement du souscripteur ne porte que sur ce contrat et qu'en outre, si M. [R] produit deux documents (des captures d'écrans informatiques) mentionnant cette somme de 604 041,44 €, force est de constater que le n° de règlement est le même, soit le 14 65624, de sorte que la preuve d'un règlement de la même somme à deux reprises n'est pas établi ;



Considérant qu'en ce qui concerne la demande au titre de'Premium Line', la somme de 161 632,46 € figure sur un document qui ne porte aucune mention permettant de le rattacher à ce contrat ;



Qu'en revanche, la somme de 156 583,62 € figure sur un document qui retrace les opérations relatives au contrat Premium Line n° [Compte bancaire 2] résilié pour décès le 25 mai 2005 à effet au 26 avril 2005, de sorte qu'il convient de faire droit à la demande de M. [R] au titre de ce contrat à concurrence de cette somme et de condamner Mme [Z] au paiement de 156 583,62 € avec intérêts au taux légal à compter du 27 mai 2007, infirmant le jugement de ce chef ;





Considérant que M. [R] demande à la cour, subsidiairement, de retenir l'aveu judiciaire de Mme [Z] qui indique avoir perçu au titre des contrats d'assurance-vie souscrits par [O] [W] à son profit, la somme globale de 1.498.569,71 € ;



Considérant, toutefois, que la perception de sommes en application d'un contrat d'assurance-vie ne peut systématiquement être qualifiée de donation indirecte, dès lors, comme il a été vu précédemment, qu'il faut pour cela, l'acceptation de sa désignation par le bénéficiaire et le consentement du souscripteur à cette acceptation, de sorte que le simple aveu de la perception d'une somme est inopérant, la charge de la preuve qu'il s'agit d'une donation indirecte pesant sur celui qui s'en prévaut ;



Considérant, enfin, que M. [R] argue très subsidiairement de l'article L 132-13 du code des assurances pour soutenir que les primes versées sur les contrats d'assurance-vie étaient manifestement exagérées en ce qu'elles représentaient la moitié du capital investi par le couple et près de 61 % de leurs placements en assurance-vie et qu'elles ont été versées alors que [O] [W] était âgé de près de 80 ans ;



Considérant que selon l'article précité ni les règles du rapport à succession, ni celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant ne s'appliquent aux primes versées à moins que celles-ci n'aient été manifestement exagérées eu égard aux facultés du contractant ;



Considérant toutefois que Mme [Z] n'étant pas soumise au rapport, et M. [R] n'alléguant aucune atteinte à la réserve des héritiers du contractant, les arguments tirés du caractère exagéré des primes sont dépourvus de toute portée et ne peuvent pas justifier sa demande qui doit être rejetée ;



Considérant que les demandes de Mme [Z] relatives aux éléments manquants sur les déclarations de revenus et déclarations ISF faites en France depuis 2001 ne sont pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile et qu'il n'y a donc pas lieu de statuer de ce chef ;



Considérant que les prétentions de M. [R] étant fondées en partie, aucun abus de droit ne peut lui être reproché par Mme [Z] qui doit être déboutée de sa demande de dommages intérêts ;



PAR CES MOTIFS,



Confirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté M. [R] de sa demande au titre du contrat d'assurance-vie Premium Line N°[Compte bancaire 2],



Statuant à nouveau de ce chef,



Condamne Mme [A] [Z] à verser à M. [Q] [R] ès qualités de légataire universel de [Z] [W] la somme de 156 583,62 € avec intérêts au taux légal à compter du 24 mai 2007 et capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil,



Rejette toute autre demande,



Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes,



Condamne Mme [Z] aux dépens,



Accorde à l'avocat postulant de M. [R] le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.



Le Greffier, Le Président,

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