26 January 2021
Cour d'appel de Paris
RG n° 19/06920

Pôle 5 - Chambre 8

Texte de la décision

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8



ARRET DU 26 JANVIER 2021



(n° / 2021 , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/06920 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7T7G



Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Mars 2019 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2017065543





APPELANT



Monsieur [C] [E]

Né le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 9] (61)

Demeurant [Adresse 2]

[Localité 7]



Représenté par Me Patricia HARDOUIN de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056,

Assisté de Me Patrick TABET, avocat au barreau de PARIS, toque : D0681





INTIMÉS



Monsieur LE PROCUREUR GÉNÉRAL - SERVICE FINANCIER ET COMMERCIAL

[Adresse 4]

[Localité 6]





SCP BTSG, prise en la personne de Maître [K] [G], en sa qualité de mandataire judiciaire liquidateur de la Société STAFF +,

Immatriculée au RCS de [Localité 10] sous le numéro 434 122 511,

Ayant son siège social [Adresse 3]

[Localité 8]



Représenté par Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753,

Assisté de Me Victor RANIERI, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque NAN 172,





COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Décembre 2020, en audience publique, devant la Cour, composée de :



Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, Présidente de chambre,

Madame Anne-Sophie TEXIER, conseillère,

Madame Florence DUBOIS-STEVANT, conseillère,



qui en ont délibéré.



Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Florence DUBOIS-STEVANT dans le respect des conditions de l'article 804 du code de procédure civile.





Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL





MINISTÈRE PUBLIC: L'affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par Monsieur François VAISSETTE, avocat général qui a fait connaître son avis écrit le 17 décembre 2019 et oral lors de l'audience.





ARRÊT :



- contradictoire



- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, Présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.






*

* *



FAITS ET PROCÉDURE:



Sur déclaration de cessation des paiements du 5 novembre 2014 et par jugement du 19 novembre suivant, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de la société Staff+, créée en 2010 et qui exploitait une activité d'agence d'intérim dans le domaine de la restauration, hôtellerie et événementiel, la date de cessation des paiements étant fixée au 19 mai 2013 et la SCP BTSG désignée en qualité de liquidateur judiciaire.



Par acte du 17 novembre 2017, la SCP BSTG ès qualités a assigné M. [C] [E], en sa qualité de dirigeant de la société Staff+ en responsabilité pour insuffisance d'actif et sanction personnelle.



Le liquidateur judiciaire reprochait à M. [E] comme fautes de gestion :

- une comptabilité incomplète et irrégulière en raison de la dissimulation d'informations,

- la poursuite abusive d'une exploitation déficitaire,

- le détournement du fonds de commerce,

- la poursuite de l'activité sans garantie financière,

- le défaut de déclaration de l'état de cessation des paiements dans le délai de 45 jours.



Par jugement rendu le 12 mars 2019, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal n'a pas fait droit à la demande de sursis à statuer formée par M. [E] et a retenu l'ensemble des griefs. Il a prononcé une mesure de faillite personnelle d'une durée de 12 ans et condamné M. [E] au paiement de la somme de 403.305 euros au titre de l'insuffisance d'actif et de celle de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



Par déclaration du 28 mars 2019, M. [E] a fait appel de ce jugement et, par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 15 octobre 2019, il demande à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et, à titre principal, de surseoir à statuer sur toutes les demandes du liquidateur dans l'attente que soit déterminé de manière définitive le montant du passif social de Staff+, qu'il soit définitivement statué judiciairement sur la contestation de la prétendue créance de 4.305.000 euros du Comité d'entreprise de la RATP et que le réel passif soit déterminé, à titre subsidiaire, de débouter le liquidateur judiciaire de toutes ses demandes et, subsidiairement, de diminuer dans de très fortes proportions le montant de la condamnation prononcée par les premiers juges, de mettre les dépens de première instance et d'appel à la charge de la SCP BTSG ès qualités avec droit de recouvrement direct.



Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 22 juillet 2019, la SCP BTSG ès qualités demande à la cour de débouter M. [E] de son appel, de rejeter toute demande de sursis à statuer, en conséquence de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, y ajoutant, de condamner M. [E] au paiement de la somme complémentaire de 10.000 euros au titre des frais irrépétibles en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens avec droit de recouvrement direct.



Le ministère publis est d'avis que la cour confirme le jugement en toutes ses dispositions. Cet avis a été communiqué par RPVA le 16 décembre 2019.






SUR CE,



Sur la demande de sursis à statuer :



M. [E] demande que le cour surseoie à statuer dans l'attente d'une décision définitive sur la créance que le comité d'entreprise de la RATP a déclarée au passif de la socité Staff +. Il soutient qu'il ne peut être utilement statué sur l'action en comblement de passif et en sanction personnelle du dirigeant que si le passif de la société est exactement déterminé, ce qui n'est pas le cas en l'espèce compte tenu du contentieux en cours devant le tribunal de commerce relatif à la créance déclarée par le comité d'entreprise de la RATP pour un montant de 4.305.000 euros, et ce, quand bien même le liquidateur judiciaire a exclu cette créance du passif pris en compte au soutien de son action.



La SCP BTSG ès qualités réplique qu'elle a exclu du montant de l'insuffisance d'actif la créance litigieuse, que l'insuffisance d'actif est certaine à hauteur de 403.305 euros, le passif non contesté étant définitif, que le sursis à statuer est donc sans intérêt.



Contrairement à ce que soutient M. [E], toutes les créances déclarées au passif de la société en liquidation judiciaire n'ont pas à être vérifiées de manière définitive pour permettre au liquidateur d'exercer une action en responsabilité pour insuffisance d'actif et au juge de statuer. Il suffit qu'une insuffisance d'actif soit certaine au regard du passif définitivement admis ou, en tout cas, non contesté pour qu'une demande en comblement de passif puisse être accueillie.



Il en résulte que, dès lors que la SCP BTSG ès qualités ne se prévaut pas de la créance, contestée devant le juge du fond, du comité d'entreprise de la RATP, pour déterminer l'insuffisance d'actif susceptible d'être mise à la charge de M. [E], le sursis à statuer sollicité est dépourvu d'intérêt. La demande est donc rejetée.



Sur l'insuffisance d'actif :



Selon le dernier état du passif, le passif déclaré et non contesté atteint la somme totale de 453.719,35 euros. La SCP BTSG ès qualités fait état d'un actif réalisé de 5.780 euros de sorte que l'insuffisance d'actif est certaine à hauteur de 447.939,35 euros.



Sur la comptabilité incomplète ou irrégulière :



M. [E] soutient qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir remis des documents qu'il ne détenait pas, étant alors retenus par l'expert-comptable faute de paiement de ses honoraires, qu'il a communiqué le grand livre de l'exercice 2014 et que, contrairement à ce qu'affirme le liquidateur judiciaire, il n'y a eu aucune rétention d'information.



La SCP BTSG ès qualités réplique qu'à l'exception du grand livre de l'année 2014, aucun élément comptable relatif à l'exercice 2014 n'a été communiqué, que la déclaration de cessation des paiements, pourtant datée du 5 novembre 2014, ne comporte pas de situation de trésorerie de moins d'un mois et ne mentionne que le chiffre d'affaires de 2013, que M. [E] a admis que, l'expert-comptable n'ayant pas été payé, il n'a pas disposé de la comptabilité, que cette rétention d'information est destinée à dissimuler le transfert de l'activité de la société Staff+ vers une autre société, la société Taurus interim, qu'en l'absence de documents fiables et récents donnant une image précise de la société, un lien de causalité existe entre cette faute de gestion et l'insuffisance d'actif.



Il est acquis aux débats que seul le grand livre de 2014 a été remis au liquidateur judiciaire. Ni le livre d'inventaire, ni le livre-journal ni aucun autre document comptable permettant de connaître la situation de la société n'ont été communiqués.



M. [E] exlique que l'expert-comptable a retenu des pièces comptables faute d'avoir été payé. Mais il ne justifie pas d'une telle rétention, l'expert-comptable de la société n'étant pas même identifié, et aucune déclaration de créance émanant d'un expert-comptable ne figure dans l'état du passif. En outre, la déclaration de cessation des paiements du 5 novembre 2014 est dépourvue de toute information comptable relatif à l'exercice 2014.



Il se déduit de ces éléments que la comptabilité de l'exercice 2014 n'a pas été tenue de manière complète conformément aux dispositions légales et réglementaires, lesquelles imposent notamment la tenue d'un livre-journal, d'un grand livre et d'un livre d'inventaire. Un tel défaut de tenue d'une comptabilité complète constitue une faute de gestion, laquelle en privant le dirigeant de la perception de l'évolution réelle de la situation financière, a contribué à l'insuffisance d'actif.



Sur la poursuite abusive d'une activité déficitaire :



M. [E] conteste cette faute. Il soutient que l'exercice 2012 a été bénéficiaire de 107.329 euros et qu'en 2013 des dépenses importantes ont été engagées dans le cadre de la collaboration avec le comité d'entreprise de la RATP mais que la rupture avec cet organisme, qui représentait 91 % du chiffre d'affaires de la société Staff +, a entraîné de graves difficultés.



La SCP BTSG ès qualités prétend que la société Staff + était en cessation des paiements bien avant la date fixée par le tribunal au 19 mai 2013 comme le révèle l'état des inscriptions de privilèges au profit de l'Urssaf et des caisses de retraite, la première remontant au 7 juin 2012, que les déclarations de créances fiscales et sociales montrent que le passif social et fiscal est né courant 2013 et que la poursuite de l'activité en 2014 a généré un passif supplémentaire. Elle observe en outre que M. [E] ne justifie d'aucune action en recouvrement des factures dues par le comité d'entreprise de la RAPT ni même de l'existence de ces factures qui ne lui ont pas été transmises aux fins de recouvrement.



L'exploitation de la société Staff + a été déficitaire en 2011 (- 102.444 euros), puis bénéficiaire en 2012 (+ 87.774 euros) et à nouveau déficitaire en 2013 (- 382.351 euros). Alors que l'exploitation de la société Staff + était gravement déficitaire au 31 décembre 2013 et qu'il affirme lui-même avoir perdu comme client, dès 2013, le comité d'entreprise de la RATP qui représentait selon ses propres dires 91 % du chiffre d'affaires, M. [E] a poursuivi l'activité de la société en 2014. Il est ainsi établi que M. [E] a poursuivi en 2014 une exploitation déficitaire, n'étant ni alléguée ni démontrée l'existence d'un chiffre d'affaires suffisamment important pour équilibrer l'exploitation, et ce, de manière abusive dès lors que M. [E] s'est abstenu de s'acquitter des charges sociales et fiscales, le passif social s'étant accru de 77.597 euros et le passif fiscal de 71.053 euros en 2014. Cette poursuite abusive d'une exploitation déficitaire en 2014 constitue une faute de gestion qui a contribué à l'insuffisance d'actif en ce que le passif s'est accru d'au moins 148.650 euros sans que l'actif ne soit renforcé à due concurrence dans le même temps.



Sur le détournement d'actif :



M. [E] réfute tout détournement de l'activité de la société Staff + au profit de la société Taurus interim et soutient que la SCP BTSG ès qualités ne prouve pas ses allégations.



Le liquidateur judiciaire affirme que la poursuite abusive de l'activité de la société avait pour seule finalité le transfert progressif de son activité et de son fonds de commerce vers une société Taurus intérim, également dirigée par M. [E], que le détournement est établi par une lettre-circulaire adressée aux clients de la société Staff + annonçant un changement d'adresse et de coordonnées bancaires et par une lettre du comité d'entreprise de la RATP se disant trompé par la société Staff +, que le seul premier exercice de la société Taurus intérim a permis de réaliser un chiffre d'affaires de 4.220.600 euros et un résultat bénéficiaire de 118.000 euros au 31 décembre 2015.



La société Staff + avait pour associés M. [E] et Mme [F]. La société Taurus intérim a été immatriculée le 12 juin 2014 ; elle avait également pour gérant M. [E], par ailleurs son associé unique, et une activité identique à celle de la société Staff +, étant une entreprise de travail temporaire spécialisée dans le domaine de la restauration, de l'hôtellerie et de l'événementiel.



Mme [F] a adressé une lettre à en-tête 'Taurus intérim' rédigée comme suit : 'l'adresse du siège social de notre société a changé depuis le 1er juillet 2014 ainsi que notre compte bancaire. Vous trouverez ci-joint à ce courrier un RIB indiquant nos nouvelles coordonnées bancaires sur 'laquelle' (sic) il faudra effectuer les prochains virements. Nous souhaitons que vous adressiez les prochaines factures ainsi que les courriers à l'adresse suivante : Taurus intérim [Adresse 11]. Vos interlocuteurs ainsi que nos coordonnées téléphoniques restent inchangées'. Il résulte de ce courrier que les interlocuteurs de la société Staff +, clients et fournisseurs, ne sont pas informés de ce que la société Taurus interim est une société distincte de la société Staff + mais sont invités à mettre à jour les coordonnées postales et bancaires de la société avec laquelle ils sont en relations. Le comité d'entreprise de la RATP a ainsi indiqué à la Direccte, dans une lettre du 6 janvier 2015, qu'en souhaitant contacter les dirigeants de la société Staff +intérim ils avaient découvert que la société avait fait l'objet d'une liquidation judiciaire et que l'activité pour son compte avait été reprise par une société Taurus intérim, ayant son siège à [Localité 12], alors que la société Staff + intérim lui avait indiqué qu'il s'agissait d'un simple changement de dénomination sociale. Il s'évince de ces éléments que la lettre de Mme [F] était manifestement destinée à détourner la clientèle de la société Staff + et l'ensemble de son activité au profit de la société Taurus interim, dirigée par M. [E]. Le détournement d'actif est ainsi établi. A compter du 1er juillet 2014, la société Staff + a été privée de toute possibilité d'encaisser des recettes alors que son passif a continué de s'aggraver après cette date (3.154 euros de TVA et 35.325 euros de cotisations sociales) de sorte que cette faute de gestion a contribué à l'insuffisance d'actif.



Sur la poursuite d'une activité sans garantie financière



M. [E] ne conteste pas la perte de la garantie financière, destinée à protéger les salariés, en juillet 2013 mais soutient qu'aucune créance salariale n'a été constatée et qu'une déclaration de cessation des paiements au jour de la perte de la garantie aurait fait apparaître une créance salariale restante qui aurait grevé d'autant le passif de la procédure collective.



La SCP BTSG ès qualités réplique que la perte de la garantie financière, imposée par l'article L. 251-49 du code du travail, a rendu la poursuite de l'activité illégale et qu'il n'est pas nécessaire de démontrer l'existence d'un préjudice pour établir la faute de gestion. Elle ajoute que la société Staff + a bien généré un passif social important révélé par les inscriptions de privilèges des organismes sociaux.



S'il est manifeste, et non contesté, que la société Staff + a poursuivi pendant plus d'un an une activité d'entreprise de travail temporaire sans garantie financière, la contribution de cette faute à l'insuffisance d'actif n'est pas démontrée. L'aggravation du passif en 2013 et 2014 dont fait état le liquidateur judiciaire résulte en effet de la seule poursuite de l'activité sans que le caractère illégal de l'activité ait contribué à une insuffisance d'actif encore plus importante. Il s'ensuit que cette faute ne sera pas retenue.



Sur le défaut de déclaration de l'état de cessation des paiements dans le délai de 45 jours :



M. [E] ne conteste pas que le délai légal de 45 jours n'a pas été respecté et se borne à faire observer que ce grief ne suffit pas à justifier une condamnation en comblement de tout ou partie de l'insuffisance d'actif.



La SCP BTSG ès qualités estime cette faute caractérisée, la date de cessation des paiements ayant été fixée par le jugement d'ouverture au 19 mai 2013.



Il est acquis aux débats qu'en déclarant l'état de cessation des paiements le 5 novembre 2014, M. [E] n'a pas respecté le délai légal de 45 jours pour ce faire.



Le jugement d'ouverture a, de manière irrévocable, fixé la date de cessation des paiements au 13 mai 2013. Entre le 1er juillet 2013 et le 19 novembre 2014, date du jugement de liquidation judiciaire, le passif de la société Staff + s'est accru des cotisations impayées à l'Urssaf sur cette période (102.911 euros) et de la CFE 2014 et de la TVA également demeurées impayées sur cette période (107.244 euros), sans que dans le même temps l'actif soit renforcé dans les mêmes proportions. Il en résulte que le retard pris dans la déclaration de cessation des paiements est constitutif d'une faute de gestion qui a contribué à l'insuffisance d'actif.



Sur la contribution à l'insuffisance d'actif :



Compte tenu du montant de l'insuffisance d'actif, du nombre important de fautes de gestion commises par M. [E] et du fait qu'elles ont consisté à laisser s'aggraver un passif social et fiscal substantiel tout en, in fine, détournant l'activité au profit d'une société tierce dans laquelle il avait un intérêt, M. [E] sera condamné à contribuer à l'insuffisance d'actif à hauteur de 250.000 euros, M. [E] ne fournissant aucun élément sur sa situation personnelle et financière.



Sur la sanction personnelle :



M. [E] fait valoir qu'il a fait preuve de diligences pour éviter toute dette salariale, en dépit du nombre important de salariés, et la prise en charge de créances par les AGS et qu'aucune condamnation à une mesure de faillite personnelle n'est justifiée.



La SCP BTSG ès qualités soutient que les fautes précémment évoquées sont constitutives de faits passibles de faillite personnelle, tels que le fait d'avoir disposé des biens de la personne morale comme des siens propres, le fait d'avoir sous le couvert de la personne morale masquant ses agissements fait des actes de commerce dans un intérêt personnel,le fait d'avoir fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirement, le fait d'avoir poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale, le fait d'avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif ou frauduleusement augmenté le passif, le fait d'avoir fait disparaître des documents comptables ou de ne pas avoir tenu de comptabilité ou d'avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables.



Elle rappelle que le tribunal peut également prononcer une mesure d'interdiction de gérer à l'encontre du dirigeant qui a omis sciemment de demander l'ouverture d'une procédure collective dans le délai de 45 jours à compter de la cessation des paiements.



Elle estime enfin que M. [E] a délibérément occulté des informations sur l'existence de la société Taurus interim et qu'il s'est ainsi abstenu volontairement de coopérer avec les organes de la procédure faisant ainsi obstacle au bon déroulement de la procédure, fait également passible de faillite personnelle.



Aux termes des articles L. 653-4 du code de commerce la faillite personnelle peut être prononcée lorsque le dirigeant a poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements, a détourné tout ou partie de l'actif, a fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement, n'a pas tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font l'obligation ou a tenu une comptabilité fictive, incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables.



Comme il a été jugé précédemment, il est établi que M. [E] n'a pas tenu de comptabilité complète en 2014 et que le fonds de commerce de la société Staff + a été détourné au profit de la société Taurus intérim dans laquelle il était associé, ce dernier agissement constituant un détournement d'actif et un usage des biens de la société Staff + contraire à son intérêt favorisant la société Taurus intérim dans laquelle M. [E] était directement intéressé puisqu'associé unique. M. [E] a également poursuivi une exploitation déficitaire en 2014, alors même que la société Staff + était en cessation des paiements depuis le 19 mai 2013 aux termes du jugement prononçant sa liquidation judiciaire, et ce, dans un intérêt personnel dès lors qu'elle lui a permis de constituer la société Taurus interim, dont il était l'associé unique et le gérant, et de lui faire profiter de la clientèle de la société Staff +.



Il n'y a pas lieu en revanche de retenir le grief invoqué par la SCP BTSG ès qualités tenant au fait d'avoir disposé des biens de la société Staff + comme des siens propres, le liquidateur judiciaire ne faisant pas la démonstration d'un tel usage des biens de la société. De même, le grief tenant au fait d'avoir, sous le couvert de la personne morale masquant ses agissements, fait des actes de commerce dans un intérêt personnel n'est pas démontré par le liquidateur judiciaire qui ne précise même pas les actes litigieux.La SCP BTSG ès qualités n'explique pas non plus en quoi la dissimulation de l'existence de la société Taurus intérim a fait obstacle au bon déroulement de la procédure collective de la société Staff +.



Quant au grief tenant au fait de ne pas avoir déclaré l'état de cessation des paiements dans le délai légal, il ne sera pas pris en compte dès lors qu'il n'est pas sanctionné par la faillite personnelle.



Compte tenu du nombre des griefs retenus passibles de la faillite personnelle, soit quatre, et de leur gravité, il convient de prononcer une mesure de faillite personnelle pour une durée de 8 ans.





PAR CES MOTIFS



La Cour statuant contradictoirement,



Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;



Statuant à nouveau et y ajoutant,



Condamne M. [C] [E] à payer à la SCP BTSG ès qualités la somme de 250.000 euros au titre de sa contribution à l'insuffisance d'actif ;



Prononce à l'encontre de M. [C] [E], né le [Date naissance 5] 1954 à [Localité 9] (61), de nationalité française, demeurant [Adresse 2], la faillite personnelle pour une durée de 8 ans ;



Condamne M. [C] [E] à payer à la SCP BTSG ès qualités la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en cause d'appel ;



Condamne M. [C] [E] aux dépens de première instance et d'appel et accorde aux avocats de la cause qui peuvent y prétendre le droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.









La greffière,



Liselotte FENOUIL



La Présidente,



Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT

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