14 January 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-20.517

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2021:C200051

Titres et sommaires

SAISIE IMMOBILIERE - Commandement - Caducité - Effets - Etendue - Contestations

Il résulte de l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire que, lorsqu'il a été mis fin à la procédure de saisie immobilière, le juge de l'exécution ne peut plus connaître des contestations élevées à l'occasion de celle-ci ni statuer sur les demandes reconventionnelles nées de cette procédure ou s'y rapportant

SAISIE IMMOBILIERE - Incident - Contestations - Compétence du juge de l'exécution - Etendue - Limites

Texte de la décision

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 14 janvier 2021




Cassation sans renvoi


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 51 F-P+I

Pourvoi n° U 19-20.517






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 JANVIER 2021


M. G... M..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° U 19-20.517 contre l'arrêt rendu le 5 juin 2019 par la cour d'appel d'Agen (chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Crédit foncier de France, dont le siège est 19 rue des Capucines, 75005 Paris, défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Dumas, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. M..., de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Crédit foncier de France, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 25 novembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Dumas, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Agen, 5 juin 2019), par un acte notarié du 16 juin 2004, M. M... a acquis un immeuble sis à Mérignac (33700), financé par deux prêts consentis par la banque Entenial, aux droits de laquelle vient le Crédit foncier de France (la banque).

2. M. M... a obtenu, par ordonnance de référé d'un tribunal d'instance du 4 novembre 2011, la suspension de ses obligations à l'égard de la banque, pendant une durée de deux ans sous la condition de mise en vente d'un immeuble situé à Hendaye. Selon ordonnance du 6 septembre 2013, signifiée le 31 janvier 2014, le tribunal d'instance a mis fin au délai de grâce accordé.

3. Parallèlement il avait assigné la banque, ainsi que la compagnie d'assurance AGF Vie, pour obtenir leur condamnation à lui payer une certaine somme pour manquement au devoir de conseil et de mise en garde, demandes dont il a été débouté par jugement d'un tribunal de grande instance, devenu définitif.

4. Après déchéance du terme prononcée le 5 novembre 2014, un commandement de payer valant saisie de l'immeuble situé à Mérignac a été délivré le 21 mai 2015.

5. Par jugement du 10 mars 2016, un juge de l'exécution a :
- dit la créance du Crédit Foncier de France non atteinte par la prescription,
- constaté que les conditions des articles L. 311-2, L. 311-4 et L. 311-6 du code des procédures civiles d'exécution sont réunies,
- débouté M. M... de sa demande de déduction de versements complémentaires,
- dit irrecevables les demandes de M. M... au titre d'un manquement du Crédit foncier de France à son obligation d'information et de conseil en matière d'assurance,
- constaté que le montant retenu pour la créance du Crédit foncier de France en principal, intérêts, frais et autres accessoires est de 160 201,11 euros arrêté du 31 juillet 2015,
- ordonné la poursuite de la procédure de vente forcée de l'immeuble saisi, fixé la date et les conditions de la vente aux enchères publiques.

6. Par déclaration du 21 mars 2016, M. M... a formé appel de ce jugement, confirmé par un arrêt du 2 novembre 2016, cassé en toutes ses dispositions, au motif qu'il ne résultait pas de l'arrêt que la cour d'appel avait pris en considération les dernières conclusions signifiées par M. M... le 19 septembre 2016 (2e Civ., 12 avril 2018, pourvoi n° 17-10.847).

7. Dans l'intervalle, la créance de la banque a été intégralement réglée à la suite d'une saisie-attribution pratiquée le 20 janvier 2017, du prix de vente de l'immeuble appartenant à M. M... sis à Hendaye, à laquelle celui-ci a acquiescé pour le montant de 180 844,40 euros. La banque n'a donc pas requis la vente forcée de l'immeuble sis à Mérignac et par jugement du 16 février 2017, la caducité du commandement de payer a été prononcée.

8. Par déclaration du 4 septembre 2018, M. M... a saisi la cour d'appel de renvoi.

Recevabilité du pourvoi contestée par la défense

9. Si la procédure de saisie immobilière s'est terminée par l'effet de la caducité du commandement de payer valant saisie immobilière, le débiteur conserve un intérêt au pourvoi dans la mesure où la cour d'appel a confirmé le jugement du juge de l'exécution fixant notamment la créance du poursuivant et rejetant sa demande tendant à voir déclarer ladite créance prescrite, dispositions revêtues de l'autorité de la chose jugée.

10. Le pourvoi est donc recevable.

Examen du moyen

Sur le moyen relevé d'office

11. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire :

12. Il résulte de ce texte que lorsqu'il a été mis fin à la procédure de saisie immobilière, le juge de l'exécution ne peut plus connaître des contestations élevées à l'occasion de celle-ci ni statuer sur les demandes reconventionnelles nées de cette procédure ou s'y rapportant.

13. Pour confirmer le jugement entrepris, l'arrêt se prononce sur la question de la prescription de la créance du créancier poursuivant.

14. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que par suite du paiement de l'intégralité de sa créance, la procédure de vente forcée de l'immeuble de Mérignac était devenue sans objet pour le Crédit foncier de France, qui ne pouvait que renoncer à la requérir à l'audience du tribunal de grande instance de Bordeaux du 16 février 2017, et que la caducité du commandement valant saisie immobilière avait été prononcée, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

15. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

16. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

17. Il résulte de ce qui a été dit au paragraphe 14 qu'il convient d'infirmer le jugement rendu le 10 mars 2016 par le juge de l'exécution de Bordeaux, et de déclarer irrecevables les demandes des parties.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 juin 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

INFIRME le jugement rendu le 10 mars 2016 par le juge de l'exécution de Bordeaux ;

DÉCLARE irrecevables les demandes des parties ;

Condamne M. M... aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel d'Agen ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées devant la cour d'appel d'Agen ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. M... devant la Cour de cassation et le condamne à payer au Crédit foncier de France la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du quatorze janvier deux mille vingt et un et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. M...

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé, par substitution de motifs, le jugement entrepris en ce qu'il avait dit la créance du Crédit Foncier de France non atteinte par la prescription, constaté que les conditions d'application des articles L. 311-2, L. 311-4 et L. 311-6 du code des procédures civiles d'exécution étaient réunies, débouté M. M... de sa demande de déduction de versements complémentaires, dit irrecevables les demandes de M. M... au titre d'un manquement du Crédit Foncier à son obligation d'information et de conseil en matière d'assurance, et constaté que le montant retenu pour la créance du Crédit Foncier de France en principal, intérêts, frais et autres accessoires était de 160 201,11 euros arrêté au 31 juillet 2015 ;

AUX MOTIFS QUE depuis le jugement dont appel, la créance du Crédit foncier a été réglée par la mise en oeuvre d'une saisie-attribution d'une somme devant revenir à G... M... sur le produit de la vente d'un de ses immeubles sis à Hendaye ; que G... M... soutient que le paiement dans le cadre de la saisie-attribution pratiquée le 20 janvier 2017 ne peut valoir acquiescement à la dette dès lors qu'il a été effectué sous la contrainte, et il est selon lui en tout état de cause survenu plus de deux ans après le 31 janvier 2014 de sorte qu'il ne peut permettre de revenir sur une prescription acquise ; qu'il ne s'est pas opposé au virement uniquement pour stopper la saisie immobilière de son habitation de Mérignac ; que les obligations s'éteignent notamment par le paiement ; que le paiement emporte reconnaissance de la dette ; que l'article 2249 du code civil dispose que le paiement effectué pour éteindre une dette ne peut être répété au seul motif que le délai de prescription était expiré ; qu'il n'est pas nécessaire que le paiement traduise une renonciation du débiteur à se prévaloir de la prescription ; que la jurisprudence considère que la prescription ne peut ouvrir aux auteurs de versements volontaires une action en répétition des sommes spontanément versées, peu important même qu'à la date du paiement ils aient ignoré que le bénéfice de la prescription leur était acquis ; qu'en l'espèce il résulte des pièces du dossier que par courrier du 7 novembre 2016, le conseil de G... M... a indiqué que son client « avait signé le 18 octobre précédent un acte sous-seing privé pour la vente de son appartement d'Hendaye pour un prix de 370 000 € net vendeur qui va permettre de régler la créance revendiquée par le Crédit foncier » et il proposait d'établir « un ordre irrévocable de paiement au bénéfice du Crédit foncier adressé à son notaire et confirmé par ce dernier » ; qu'il résulte de cette correspondance que l'appartement d'Hendaye a été vendu volontairement par G... M... pour désintéresser la banque, et qu'il a pris l'engagement écrit et irrévocable de l'affectation des fonds ; qu'il ne peut ensuite venir dénier cet engagement au seul motif que le Crédit Foncier a procédé à une saisie-attribution pour appréhender les fonds ; que la saisie-attribution entre les mains du notaire, à laquelle il a aussi expressément acquiescé par mention manuscrite le 24 janvier 2017, n'a été destinée pour l'établissement financier qu'à s'assurer que son débiteur ne dissiperait pas les fonds, ou qu'un autre créancier vienne les appréhender ; que par suite de ce paiement de l'intégralité de sa créance, la procédure de vente forcée de l'immeuble de Mérignac est devenue sans objet pour le Crédit foncier et il ne pouvait que renoncer à la requérir à l'audience du tribunal de grande instance de Bordeaux du 16 février 2017 ; que la caducité du commandement aux fins de saisie-immobilier a été prononcée ; que G... M... ne peut en tirer argument, sauf par totale mauvaise foi, ou encore manoeuvre grossière, pour faire valoir que par suite de cette caducité, le commandement a perdu rétroactivement son effet interruptif de prescription ; qu'en tout état de cause comme rappelé plus haut, le paiement effectué pour éteindre une dette ne peut être répété au motif que le délai de prescription était expiré ; que dans ces conditions et sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens soulevés par l'appelant, le jugement du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Bordeaux du 10 mars 2016 ne peut qu'être confirmé en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a fixé une audience pour la vente aux enchères publiques de l'immeuble saisi et les modalités préalables à cette vente ;

1° ALORS QUE l'acte de saisie-attribution emporte, à concurrence des sommes pour lesquelles elle est pratiquée, attribution immédiate au profit du saisissant de la créance saisie ; qu'en jugeant que le paiement de la créance du Crédit Foncier ne pouvait être répété en raison de la prescription, parce qu'il aurait été volontaire, bien qu'elle ait relevé que ce paiement était intervenu en exécution de la saisie-attribution du prix de vente par M. M... de son appartement d'Hendaye (arrêt, p. 9 dern. al. et p. 10, al. 1er), de sorte qu'il était imposé par les effets légaux de la saisie, la cour d'appel a n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a ainsi violé l'article 2249 du code civil, ensemble l'article L. 211-2 du code des procédures civiles d'exécution ;

2° ALORS QUE le paiement d'une créance monétaire s'entend de la remise d'une somme d'argent ; qu'en déduisant un paiement volontaire de circonstances antérieures à la remise des fonds (arrêt, p. 9, antépén. et pén. al.) quand seule celle-ci valait paiement, de sorte que seule la remise volontaire des fonds aurait pu valoir paiement, la cour d'appel a violé l'article 1342 du code civil ;

3° ALORS QU'en toute hypothèse, seul un paiement volontaire fait obstacle à la répétition d'une dette prescrite ; qu'en se bornant à constater, pour juger que le paiement de la créance du CCF ne pouvait être répété en raison de la prescription, que M. M... avait volontairement vendu son appartement d'Hendaye, et proposé que le prix serve au désintéressement du CCF (arrêt, p. 9, antépén. et pén. al.), sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions d'appel, p. 9 et 10), si M. M... n'avait pas fait cette proposition sous la contrainte, afin d'éviter la vente forcée de son domicile de Mérignac, laquelle avait été ordonnée par l'arrêt du 2 novembre 2016, qui était exécutoire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2249 du code civil ;

4° ALORS QU'en toute hypothèse, l'article 2249 du code civil n'exclut que la répétition fondée sur la prescription ; qu'en déduisant de l'application du principe selon lequel le paiement d'une dette prescrite ne peut être répété, qu'il n'y avait pas lieu d'examiner les autres moyens soulevés par M. M... (arrêt, p. 10, al. 5), quand celui-ci, outre la prescription, contestait la certitude et le montant de la créance (conclusions, p. 18 et s.), et invoquait un manquement de la banque à son obligation d'information (conclusions, p. 21 et s.), la cour d'appel a violé, ensemble, les articles 2249 et 1302-1 du code civil ;

5° ALORS QUE la reconnaissance de dette suppose une volonté claire et non équivoque ; qu'en jugeant que le paiement intervenu à la suite de la saisie-attribution du prix de vente de l'appartement d'Hendaye emportait reconnaissance de dette, sans rechercher s'il ne s'évinçait pas de ses propres constatations, par lesquelles elle avait relevé que le paiement était intervenu à la suite d'une saisie-attribution et qu'un arrêt exécutoire du 2 novembre 2016 avait constaté la créance du CCF et ordonné le vente forcée de son domicile de Mérignac, que M. M... ne cherchait qu'à éviter la saisie de son domicile, de sorte que le paiement ne pouvait être interprété comme une reconnaissance de dette, et une renonciation claire et non équivoque à la contester, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134, devenu 1103, du code civil.

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