14 novembre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 23-14.577

Première chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:C100697

Titres et sommaires

QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE - Code de la santé publique - Article L. 1221-14, alinéa 8, issu de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 - Inapplicabilité au litige - Irrecevabilité

Texte de la décision

CIV. 1

COUR DE CASSATION



CF


______________________

QUESTIONS PRIORITAIRES
de
CONSTITUTIONNALITÉ
______________________





Audience publique du 14 novembre 2023




IRRECEVABILITE


Mme CHAMPALAUNE, président



Arrêt n° 697 F-B

Pourvoi n° V 23-14.577




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 14 NOVEMBRE 2023

Par mémoire spécial présenté le 14 août 2023, la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formulé des questions prioritaires de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi n° V 23-14.577 qu'elle a formé contre l'arrêt rendu le 2 mars 2023 par la cour d'appel de Versailles (3e chambre), dans une instance l'opposant à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), dont le siège est [Adresse 1].

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bacache-Gibeili, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Axa France IARD, de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, et l'avis de M. Poirret, premier avocat général, après débats en l'audience publique de ce jour où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Bacache-Gibeili, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, M. Poirret, premier avocat général, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 2 mars 2023), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 9 décembre 2020, n° 19-20.315 ), après avoir reçu des transfusions sanguines, Mme [P] a été contaminée par le virus de l'hépatite C et a sollicité, devant la juridiction administrative, le paiement d'une provision par l'Établissement français du sang (l'EFS) dont le versement a été mis à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM), légalement substitué à celui-ci. L'ONIAM a conclu une transaction avec les consorts [P] qui l'avaient saisi d'une demande d'indemnisation amiable complémentaire.

2. Parallèlement, le 22 février 2010, l'EFS a assigné en garantie la société Axa France IARD, venant aux droits et obligations du Groupe Drouot (la société Axa), en sa qualité d'assureur de responsabilité civile du centre départemental de transfusion sanguine de [Localité 3] (le CDTS) au titre de la fourniture d'un produit sanguin transfusé à Mme [P]. L'ONIAM s'est substitué à l'EFS et a sollicité le remboursement par la société Axa des sommes versées aux consorts [P].

3. La cour d'appel de renvoi a condamné la société Axa à rembourser à l'ONIAM l'intégralité des sommes versées aux consorts [P].

Enoncé des questions prioritaires de constitutionnalité

4. A l'occasion du pourvoi qu'elle a formé contre l'arrêt rendu le 2 mars 2023 par cette cour, la société Axa a, par mémoire distinct et motivé, demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité suivantes portant sur la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du huitième alinéa de l'article L. 1221-14, du code de la santé publique, issu de l'article 39 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 :

1°/ - « Le huitième alinéa de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, tel qu'issu de l'article 39 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020, qui dispose que "l'office et les tiers payeurs, subrogés dans les droits de la victime, bénéficient dans le cadre de l'action mentionnée au septième alinéa du présent article de la présomption d'imputabilité dans les conditions prévues à l'article 102 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Les assureurs à l'égard desquels il est démontré que la structure qu'ils assurent a fourni au moins un produit sanguin labile ou médicament dérivé du sang, administré à la victime, et dont l'innocuité n'est pas démontrée, sont solidairement tenus de garantir l'office et les tiers payeurs pour l'ensemble des sommes versées et des prestations prises en charge", en ce qu'il aboutit à faire peser sur l'assureur actionné par l'ONIAM ou le tiers payeur la charge de l'intégralité de la créance de réparation de la victime d'une contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite C, excédant la part contributive de son assuré, est-il contraire au droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ? »

2°/ - « Le huitième alinéa de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, tel qu'issu de l'article 39 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020, qui dispose que "l'office et les tiers payeurs, subrogés dans les droits de la victime, bénéficient dans le cadre de l'action mentionnée au septième alinéa du présent article de la présomption d'imputabilité dans les conditions prévues à l'article 102 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Les assureurs à l'égard desquels il est démontré que la structure qu'ils assurent a fourni au moins un produit sanguin labile ou médicament dérivé du sang, administré à la victime, et dont l'innocuité n'est pas démontrée, sont solidairement tenus de garantir l'office et les tiers payeurs pour l'ensemble des sommes versées et des prestations prises en charge", en ce qu'il aboutit à faire peser sur l'assureur actionné par l'ONIAM ou le tiers payeur la charge de l'intégralité de la créance de réparation de la victime d'une contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite C, est-il contraire à la liberté contractuelle garantie par l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789? »

3°/ - « Le huitième alinéa de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, tel qu'issu de l'article 39 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020, qui dispose que "l'office et les tiers payeurs, subrogés dans les droits de la victime, bénéficient dans le cadre de l'action mentionnée au septième alinéa du présent article de la présomption d'imputabilité dans les conditions prévues à l'article 102 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Les assureurs à l'égarddesquels il est démontré que la structure qu'ils assurent a fourni au moins un produit sanguin labile ou médicament dérivé du sang, administré à la victime, et dont l'innocuité n'est pas démontrée, sont solidairement tenus de garantir l'office et les tiers payeurs pour l'ensemble des sommes versées et des prestations prises en charge", en ce que les recours en contribution que pourrait engager l'assureur ainsi actionné à l'encontre des autres fournisseurs et de leurs éventuels assureurs seraient soumis à la démonstration, en pratique quasiment impossible, d'une faute et seraient en tout état de cause dépourvus d'efficacité en présence de fournisseurs non identifiés ou non assurés, laissant ainsi définitivement à la charge de l'assureur actionné par l'ONIAM ou les tiers payeurs une part d'indemnisation excédant celle de son assuré, est-il contraire au droit à un recours juridictionnel effectif, garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ? »

Examen des questions prioritaires de constitutionnalité

Sur la recevabilité de la question prioritaire de constitutionnalité, examinée d'office, après avis donné aux parties, dans les conditions prévues à l'article 1015 du code de procédure civile :

5. La disposition dont la constitutionnalité est contestée est le huitième alinéa de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique.

6. L'article L. 1221-14 a été créé par le I de l'article 67 de la loi n° 2008-330 du 17 décembre 2008. Il a mis à la charge de l'ONIAM l'indemnisation des victimes de contamination transfusionnelles par le virus de l'hépatite C et prévu une procédure amiable d'indemnisation. Il a été déclaré applicable aux actions juridictionnelles engagées à compter du 1er juin 2010, sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée. Il a été modifié par le I de l'article 72 de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 ayant notamment donné à l'ONIAM la possibilité de demander à être garanti des sommes versées par les assureurs des structures de transfusion sanguine reprises par l'EFS.

7. Les actions juridictionnelles en cours au 1er juin 2010 ont été soumises à des dispositions transitoires édictées au IV de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008 prévoyant une substitution de l'ONIAM à l'EFS et la possibilité pour le demandeur de solliciter un sursis à statuer pour bénéficier de la procédure amiable instaurée. Ces dispositions ont été complétées par le II de l'article 72 de la loi du 17 décembre 2012 ayant également donné la possibilité à l'ONIAM de solliciter la garantie des assureurs des structures reprises par l'EFS.

8. Le huitième alinéa de l'article L. 1221-14 a été ajouté par le I de l'article 39 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020. Cet alinéa précise les conditions des recours de l'ONIAM contre les assureurs des structures de transfusion sanguine reprises par l'EFS ayant fourni des produits sanguins administrés aux victimes et dont l'innocuité n'a pas été démontrée et ouvre un tel recours aux tiers payeurs.

9. Cependant, selon le II de l'article 39, ces dispositions ne s'appliquent, comme les autres dispositions de l'article L. 1221-14, qu'aux actions juridictionnelles engagées à compter du 1er juin 2010, sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, de sorte que demeurent applicables, pour les actions antérieurement engagées, les dispositions transitoires précitées.

10. Dès lors que l'action en garantie de la société Axa a été intentée le 22 février 2010 par l'EFS, auquel l'ONIAM s'est ensuite substitué, la disposition contestée n'est pas applicable au litige.

11. Les questions prioritaires de constitutionnalité sont donc irrecevables.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DÉCLARE IRRECEVABLES les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille vingt-trois.

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