22 juin 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 23-40.006

Troisième chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:C300576

Titres et sommaires

QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE - Code de l'environnement - Article L. 322-9 - Violation alléguée de dispositions de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales - Question imprécise - Irrecevabilité

Texte de la décision

CIV. 3

COUR DE CASSATION



SG


______________________

QUESTION PRIORITAIRE
de
CONSTITUTIONNALITÉ
______________________





Audience publique du 22 juin 2023




IRRECEVABILITÉ


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 576 FS-B

Affaire n° K 23-40.006




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 JUIN 2023

Le tribunal paritaire des baux ruraux de Tarascon a transmis à la Cour de cassation le 31 mars 2023, par jugement rendu le 29 mars 2023, des questions prioritaires de constitutionnalité, dans l'instance mettant en cause :

D'une part,

- M. [E] [O], domicilié [Adresse 3],

D'autre part,

- le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, établissement public de l'Etat à caractère administratif, dont le siège est [Adresse 2], représenté par sa directrice en exercice, Mme [Z] [T].

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Davoine, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [O], de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, et l'avis de Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 juin 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Davoine, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, MM. David, Jobert, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, conseillers, M. Jariel, Mmes Schmitt, Aldigé, Gallet, M. Pons, conseillers référendaires, Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. M. [O] occupe depuis 1995, sur le territoire de la commune des [Localité 4], des parcelles dénommées [Adresse 1], qui ont été acquises par le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres (le Conservatoire du littoral) le 31 mars 2005.

2. Par une délibération du 21 novembre 2013, le conseil d'administration du Conservatoire du littoral a classé ces parcelles dans son domaine propre.

3. Par jugement irrévocable du 15 mai 2019, le tribunal paritaire des baux ruraux a dit que M. [O] bénéficiait d'un bail rural depuis 1995.

4. Le 18 août 2020, le Conservatoire du littoral lui a notifié un congé portant refus de renouvellement du bail à effet au 31 mars 2022, que le preneur a contesté devant le tribunal paritaire des baux ruraux.

Enoncé des questions prioritaires de constitutionnalité

5. Les questions posées par M. [O] dans son mémoire distinct, déposé devant le tribunal paritaire des baux ruraux, sont ainsi rédigées :

« - Le principe du statut d'ordre public du fermage agricole est-il un principe fondamental reconnu par les lois de la République ?
- Le cas échéant, les dispositions de l'article L. 322-9 du code de l'environnement sont-elles conformes à ce principe ?
- Les dispositions de l'article L. 322-9 du code de l'environnement sont-elles conformes aux droits et libertés que la Constitution garantit, spécifiquement les articles 4, 13 et 17 de la déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, l'article premier du protocole additionnel n° 1 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, les articles 6, 8 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ? »

6. Toutefois, par jugement du 29 mars 2023, sans pour autant refuser de transmettre une partie de ces questions pour l'un des motifs prévus par les articles 23-1 et 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, le tribunal paritaire des baux ruraux a transmis des questions prioritaires de constitutionnalité ainsi rédigées :

« Le principe du statut d'ordre public du fermage agricole est-il un principe fondamental reconnu par les lois de la République ? Le cas échéant, les dispositions de l'article L. 322-9 du code de l'environnement sont-elles conformes à ce principe fondamental reconnu par les lois de la République compte tenu des valeurs qu'il protège ? »

7. Si les questions posées peuvent être reformulées par le juge à l'effet de les rendre plus claires ou de leur restituer leur exacte qualification, il n'appartient pas au juge d'en modifier l'objet ou la portée. Dans une telle hypothèse, il y a lieu de considérer que la Cour de cassation est régulièrement saisie et se prononce sur le renvoi des questions prioritaires de constitutionnalité telles qu'elles ont été soulevées dans le mémoire distinct produit devant la juridiction qui les lui a transmises.

Recevabilité des questions prioritaires de constitutionnalité

8. Par arrêt du 8 septembre 2022 (3e Civ., 8 septembre 2022, QPC n° 22-40.011), la Cour de cassation a déclaré irrecevable la question prioritaire de constitutionnalité invoquant une atteinte portée par l'article L. 322-9 du code de l'environnement aux droits et libertés garantis par l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, transmise par la même juridiction dans la même instance opposant les mêmes parties, aux motifs, d'une part, que la partie n'avait pas formulé de question dans son écrit distinct, d'autre part, que l'affaire n'avait pas été communiquée au ministère public qui n'est pas partie à l'instance.

9. Ces causes d'irrecevabilité ayant disparu, la Cour de cassation peut être, de nouveau, saisie de cette question prioritaire de constitutionnalité.

10. Cependant, en premier lieu, les questions prioritaires de constitutionnalité ne sont pas recevables en ce qu'elles allèguent la violation des articles 6, 8 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du premier Protocole additionnel à cette Convention.

11. En second lieu, les autres questions, dès lors qu'elles n'explicitent pas ce que recouvrirait le « principe du statut d'ordre public du fermage agricole », ni ne précisent les droits conférés par le statut du fermage, tel qu'institué par le titre Ier du livre IV du code rural et de la pêche maritime, dont le fermier entend se prévaloir, et dès lors qu'elles ne précisent pas en quoi la disposition législative critiquée porterait atteinte aux principes constitutionnels garantis par les articles 4, 13 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, ne permettent pas à la Cour de cassation d'en vérifier le sens et la portée.

12. Ces questions prioritaires de constitutionnalité sont donc irrecevables.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DÉCLARE IRRECEVABLES les questions prioritaires de constitutionnalité ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux juin deux mille vingt-trois.

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