14 décembre 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-14.206

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:CO00758

Titres et sommaires

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (LOI DU 26 JUILLET 2005) - Liquidation - Nullité des actes pendant la période suspecte - Nullités facultatives - Applications diverses - Paiement - Absence de procédure assimilable à un cadre de restructuration préventive

Ayant relevé qu'une convention de fourniture de conseil avait été conclue entre deux sociétés à une date où la société bénéficiaire des prestations était en procédure de conciliation et que cette dernière avait payé les prestations après la survenance de sa cessation des paiements, sans qu'il soit soutenu qu'à la date des paiements, elle bénéficiait d'une procédure assimilable à un cadre de restructuration préventive au sens de la directive (UE) 2019/1023 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019, une cour d'appel peut annuler ces paiements en application de l'article L. 632-2 du code de commerce, sans être tenue d'interpréter ce texte à la lumière de la directive que la transposition par l'ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021 n'a pas modifié

UNION EUROPEENNE - Directive (UE) 2019/1023 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 - Paiement effectué pendant la période suspecte - Interprétation conforme de l'article L. 632-2 du code de commerce - Restructuration préventive - Nécessité

Texte de la décision

COMM.

FB


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 14 décembre 2022




Rejet


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 758 F-B

Pourvoi n° A 21-14.206



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 14 DÉCEMBRE 2022

La société Prosphères, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° A 21-14.206 contre l'arrêt rendu le 26 janvier 2021 par la cour d'appel de Versailles (13e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [V] [G], domicilié [Adresse 2], pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société TBI,

2°/ au procureur général près la cour d'appel de Versailles, domicilié [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bélaval, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Prosphères, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [G], ès qualités, les observations du procureur général près la cour d'appel de Versailles et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Bélaval, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 26 janvier 2021), le 21 avril 2017, le président d'un tribunal a ouvert une procédure de conciliation à l'égard de la société TBI, la société BTSG étant désignée en qualité de conciliateur.

2. Le 23 juin 2017, aux termes d'un contrat dénommé « convention d'assistance et de conseil », passé entre la société Prosphères, spécialiste en management de crise, la société TBI, représentée par sa présidente, la société C Plus, et la société C Plus, la présidence de celle-ci a été confiée à la société Prosphères.

3. Le 31 juillet 2017, la société Prosphères a procédé à la déclaration de cessation des paiements de la société TBI. Par un jugement du 4 août 2017, le tribunal a ouvert la liquidation judiciaire de la société TBI, la date de cessation des paiements étant fixée au 1er juillet 2017, et M. [G] étant désigné liquidateur. Le 13 octobre 2017, le tribunal a arrêté le plan de cession de la société TBI. La date de cessation des paiements a été reportée ensuite au 31 décembre 2016.

4. Entre le 23 juin 2017, date de la nomination de la société Prosphères à la tête de la société C Plus, et le 4 août 2017, date du jugement d'ouverture de la procédure collective de la société TBI, cette dernière a versé à la société Prosphères une somme de 382 206,48 euros à titre de rémunération des prestations fournies en exécution de la convention d'assistance et de conseil.

5. Considérant que ces paiements au profit de la société Prosphères étaient intervenus en période suspecte, le liquidateur l'a assignée afin d'obtenir leur annulation sur le fondement de l'article L. 632-2 du code de commerce.

Examen des moyens

Sur le premier moyen et le second moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, ci-après annexés


6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Et sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. La société Prosphères fait grief à l'arrêt de dire nuls les virements effectués par la société TBI à son profit entre les 5 et 31 juillet 2017 pour un montant de 382 206,48 euros sur le fondement de l'article L. 632-2 du code de commerce et de la condamner à payer cette somme à M. [G], ès qualités, avec intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation et capitalisation des intérêts, alors « qu'en cas d'insolvabilité ultérieure d'un débiteur, le paiement d'honoraires pour la recherche d'assistance et de conseils professionnels, lorsqu'ils sont raisonnables et immédiatement nécessaires à la négociation d'un plan de restructuration, ne saurait être déclaré nul ; qu'en annulant les virements effectués par la société TBI entre le 5 et 31 juillet 2017 au profit de la société Prosphères en raison de la prétendue connaissance par la seconde de l'état de cessation des paiements de la première, cependant qu'il était constant que ces paiements avaient été versés en exécution d'une convention d'assistance et de conseils dont l'objet était de faire bénéficier la société TBI de l'assistance de la société Prosphères dans le processus de cession de la société TBI et dans la négociation avec ses créanciers, la cour d'appel a violé l'article L. 632-2 du code de commerce, interprété à la lumière de la directive (UE) 2019/1023 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019, relative aux cadres de restructuration préventive, à la remise de dettes et aux déchéances, et aux mesures à prendre pour augmenter l'efficacité des procédures en matière de restructuration, d'insolvabilité et de remise de dettes. »

Réponse de la Cour

8. L'arrêt relève qu'à la date de la convention conclue entre la société Prosphères et les sociétés C Plus et TBI, soit le 23 juin 2017, la société TBI était en procédure de conciliation, et que les paiements litigieux sont intervenus en exécution de cette convention les 5, 25 et 31 juillet 2017, sans que la société Prosphères ait soutenu devant la cour d'appel que la société TBI bénéficiait alors d'une procédure assimilable à un cadre de restructuration préventive au sens de la directive (UE) 2019/1023 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 relative aux cadres de restructuration préventive, à la remise de dettes et aux déchéances, et aux mesures à prendre pour augmenter l'efficacité des procédures en matière de restructuration, d'insolvabilité et de remise de dettes (la directive).

9. Le moyen, qui postule à tort que l'article L. 632-2 du code de commerce devait être interprété à la lumière de la directive dont la transposition par l'ordonnance du 15 septembre 2021 n'a pas modifié ce texte, n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Prosphères aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Prosphères et la condamne à payer à M. [G], en qualité de liquidateur de la société TBI, la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Prosphères.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

La société Prosphères fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR dit recevable mais non fondée sa demande de sursis à statuer, d'AVOIR dit nuls les virements effectués par la société TBI à son profit entre le 5 et 31 juillet 2017 pour un montant de 382 206,48 euros sur le fondement de l'article L. 632-2 du code de commerce, de l'AVOIR condamnée à payer à Maître [V] [G] pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société TBI la somme de 382 206,48 euros avec intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation et capitalisation des intérêts, et de l'AVOIR déboutée de ses demandes,

ALORS QUE lorsque le ministère public est partie jointe à l'instance et qu'il adresse des conclusions écrites à la juridiction, celle-ci ne peut statuer sans s'assurer que ces conclusions ont été régulièrement communiquées aux parties ou que le ministère public les a développées oralement à l'audience, afin que les parties soient mises en mesure d'y répondre ; qu'en prononçant la nullité des paiements effectués par la société TBI au profit de la société Prosphères intervenus au entre le 5 et 31 juillet 2017 pour un montant de 382 206,48 euros sur le fondement de l'article L. 632-2 du code de commerce, au visa de l'avis transmis au greffe par le ministère public, sans constater que les parties avaient reçu communication écrite de cet avis du ministère public, qui ne s'était pas borné à s'en rapporter à justice, et avaient pu y répondre utilement, ou que le ministère public, qui était représenté à l'audience, avait développé des observations orales auxquelles les parties avaient eu la possibilité de répliquer, même après la clôture des débats, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 16 et 431 du code de procédure civile, et de l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

SECOND MOYEN DE CASSATION

La société Prosphères fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR dit nuls les virements effectués par la société TBI à son profit entre le 5 et 31 juillet 2017 pour un montant de 382 206,48 euros sur le fondement de l'article L. 632-2 du code de commerce et de l'AVOIR condamnée à payer à Maître [V] [G] pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société TBI la somme de 382 206,48 euros avec intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation et capitalisation des intérêts,

1) ALORS QU'en cas d'insolvabilité ultérieure d'un débiteur, le paiement d'honoraires pour la recherche d'assistance et de conseils professionnels, lorsqu'ils sont raisonnables et immédiatement nécessaires à la négociation d'un plan de restructuration, ne saurait être déclaré nul ; qu'en annulant les virements effectués par la société TBI entre le 5 et 31 juillet 2017 au profit de la société Prosphères en raison de la prétendue connaissance par la seconde de l'état de cessation des paiements de la première, cependant qu'il était constant que ces paiements avaient été versés en exécution d'une convention d'assistance et de conseils dont l'objet était de faire bénéficier la société TBI de l'assistance de la société Prosphères dans le processus de cession de la société TBI et dans la négociation avec ses créanciers, la cour d'appel a violé l'article L. 632-2 du code de commerce, interprété à la lumière de la directive (UE) 2019/1023 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019, relative aux cadres de restructuration préventive, à la remise de dettes et aux déchéances, et aux mesures à prendre pour augmenter l'efficacité des procédures en matière de restructuration, d'insolvabilité et de remise de dettes ;

2) ALORS QUE le juge ne peut statuer par voie de simple affirmation ; qu'en affirmant péremptoirement que la nullité des paiements effectués au profit de la société Prosphères était justifiée « au regard du caractère excessif de la rémunération convenue », sans aucunement étayer une telle affirmation pourtant dûment contestée par la société Prosphères, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3) ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en jugeant que la nullité des paiements effectués au profit de la société Prosphères était justifiée « au regard du caractère excessif de la rémunération convenue », sans répondre au moyen de la société qui soulignait que le coût pratiqué était inférieur à celui de l'emploi de cadres salariés pour faire le même travail, et que ce coût était très largement compensé par les gains générés par son intervention, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

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