23 novembre 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-13.386

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:CO00680

Titres et sommaires

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (LOI DU 26 JUILLET 2005) - Redressement judiciaire - Période d'observation - Créanciers - Déclaration des créances - Prescription - Interruption - Effets - Effets à l'égard de la caution - Détermination

Il résulte des articles 2241 et 2246 du code civil que la déclaration de créance au passif du débiteur principal en procédure collective interrompt la prescription à l'égard de la caution et que cet effet se prolonge jusqu'à la clôture de la procédure collective. Si, en vertu de l'article L. 631-20 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021, la caution ne peut se prévaloir des dispositions du plan de redressement dont bénéficie, le cas échéant, le débiteur principal, cette disposition ne fait pas échec à l'interruption de la prescription à son égard jusqu'au constat de l'achèvement du plan, ou, en cas de résolution de celui-ci et d'ouverture de la liquidation judiciaire du débiteur principal, jusqu'à la clôture de cette procédure

PRESCRIPTION CIVILE - Interruption - Causes - Citation en justice - Déclaration des créances - Portée - Caution

Texte de la décision

COMM.

CH.B



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 23 novembre 2022




Cassation


Mme VAISSETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 680 F-B

Pourvoi n° J 21-13.386




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 23 NOVEMBRE 2022

La société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Alpes-Provence, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 21-13.386 contre l'arrêt rendu le 26 novembre 2020 par la cour d'appel de Grenoble (chambre commerciale), dans le litige l'opposant à M. [B] [K], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bélaval, conseiller, les observations de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Alpes-Provence, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 4 octobre 2022 où étaient présentes Mme Vaissette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bélaval, conseiller rapporteur, Mme Vallansan, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 26 novembre 2020), la société [K] et Moutte (la société) a souscrit un contrat d'ouverture de crédit en compte courant auprès de la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Alpes-Provence (la banque). Le 2 mai 2007, M. [K] s'est rendu caution de la société en faveur de la banque.

2. Par un jugement du 13 mars 2009, la société a été mise en redressement judiciaire. La banque a déclaré sa créance le 6 avril 2009, laquelle a été admise par une ordonnance du 5 février 2010. Un plan de redressement a été arrêté par le tribunal le 12 mars 2010. Le plan a été résolu et la société a été mise en liquidation judiciaire le 11 octobre 2013.

3. Le 23 décembre 2016, la banque a assigné M. [K] en exécution de son engagement de caution.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La banque fait grief à l'arrêt de déclarer prescrite et donc irrecevable sa demande, alors « que la déclaration de créance interrompt la prescription à l'égard de la caution jusqu'à la clôture de la procédure ; qu'ayant relevé que la créance déclarée le 6 avril 2009 a été admise le 5 février 2010, qu'un plan de redressement a été homologué le 12 mars 2010, lequel a été résolu le 11 octobre 2013, la débitrice principale ayant fait l'objet d'une mesure de liquidation judiciaire, la cour d'appel qui pour considérer que c'est à juste titre que le tribunal a retenu qu'aux termes de l'article L. 630-21 (lire 631-20) du code de commerce, l'action de la banque était à nouveau possible envers la caution personne physique faisant courir un nouveau délai de cinq ans pour agir énonce que les co-obligés et les personnes ayant consenti une sûreté personnelle ne peuvent se prévaloir des dispositions du plan et que les délais de paiement accordés au débiteur principal lui sont en effet strictement personnels et la caution solidaire ne peut en bénéficier, n'a pas tiré les conséquences légales s'évinçant de ses propres constatations dont il ressortait que la procédure collective était toujours en cours en l'absence de clôture et partant a violé les articles L. 631-20 du code de commerce par fausse application, ensemble les articles L. 622-28 et suivants dudit code. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 2241 et 2246 du code civil et l'article L. 631-20 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021 :

5. Il résulte des deux premiers textes que la déclaration de créance au passif du débiteur principal en procédure collective interrompt la prescription à l'égard de la caution et que cet effet se prolonge jusqu'à la clôture de la procédure collective. Si, en vertu du troisième, la caution ne peut se prévaloir des dispositions du plan de redressement dont bénéficie, le cas échéant, le débiteur principal, cette disposition ne fait pas échec à l'interruption de la prescription à son égard jusqu'au constat de l'achèvement du plan, ou en cas de résolution de celui-ci et d'ouverture de la liquidation judiciaire du débiteur principal, jusqu'à la clôture de cette procédure.

6. Pour déclarer prescrite l'action de la banque à l'égard de M. [K], l'arrêt retient qu'après l'arrêté du plan de redressement, aux termes de l'article L. 631-20 du code de commerce, l'action de la banque était à nouveau possible envers la caution personne physique, ce qui lui ouvrait un délai de cinq ans pour agir et que, la banque n'ayant poursuivi la caution qu'à compter de fin 2016, quand le plan de redressement était antérieur de plus de cinq ans, la demande était prescrite.

7. En statuant ainsi, alors qu'ayant retenu, sans être critiquée, que la prescription applicable en l'espèce était la prescription quinquennale prévue par l'article L. 110-4 du code de commerce, et constaté que la banque avait déclaré sa créance le 6 avril 2009, que le plan de redressement de la société, arrêté le 12 mars 2010, avait été résolu et que la société avait été mise en liquidation judiciaire le 11 octobre 2013, elle ne pouvait déclarer prescrite l'action introduite par la banque le 23 décembre 2016, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés, le troisième par fausse application.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne M. [K] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. [K] à payer à la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Alpes-Provence la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat aux Conseils, pour la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Alpes-Provence.

LE POURVOI REPROCHE A L'ARRÊT ATTAQUÉ D'AVOIR confirmé le jugement ayant déclaré prescrite et partant irrecevable la demande en paiement dirigé contre la caution,

1°) ALORS QUE la déclaration de créance interrompt la prescription à l'égard de la caution jusqu'à la clôture de la procédure ; qu'ayant relevé que la créance déclarée le 6 avril 2009 a été admise le 5 février 2010, qu'un plan de redressement a été homologué le 12 mars 2010, lequel a été résolu le 11 octobre 2013, la débitrice principale ayant fait l'objet d'une mesure de liquidation judiciaire, la cour d'appel qui pour considérer que c'est à juste titre que le tribunal a retenu qu'aux termes de l'article L 630-21 (lire 631-20) du code de commerce, l'action de la banque était à nouveau possible envers la caution personne physique faisant courir un nouveau délai de cinq ans pour agir énonce que les coobligés et les personnes ayant consenti une sûreté personnelle ne peuvent se prévaloir des dispositions du plan et que les délais de paiement accordés au débiteur principal lui sont en effet strictement personnels et la caution solidaire ne peut en bénéficier, n'a pas tiré les conséquences légales s'évinçant de ses propres constatations dont il ressortait que la procédure collective était toujours en cours en l'absence de clôture et partant a violé les articles L 631-20 du code de commerce par fausse application, ensemble les articles L 622-28 et suivants dudit code ;

2°) ALORS QUE la déclaration de créance interrompt la prescription à l'égard de la caution jusqu'à la clôture de la procédure ; qu'ayant relevé que la créance déclarée le 6 avril 2009 a été admise le 5 février 2010, qu'un plan de redressement a été homologué le 12 mars 2010, lequel a été résolu le 11 octobre 2013, la débitrice principale ayant fait l'objet d'une mesure de liquidation judiciaire, puis considérer que c'est à juste titre que le tribunal a retenu qu'aux termes de l'article L 630-21 (lire 631-20) du code de commerce, l'action de la banque était à nouveau possible envers la caution personne physique faisant courir un nouveau délai de cinq ans pour agir puisque les coobligés et les personnes ayant consenti une sûreté personnelle ne peuvent se prévaloir des dispositions du plan, les délais de paiement accordés au débiteur principal lui sont en effet strictement personnels et la caution solidaire ne peut en bénéficier, n'étant pas contesté que la créance était intégralement exigible, la cour d'appel qui se prononce par des motifs inopérants, faute de caractériser la clôture de la procédure, a violé les articles L 631-20 du code de commerce par fausse application, ensemble les articles L 622-28 et suivants dudit code ;

3°) ALORS QUE la déclaration de créance interrompt la prescription à l'égard de la caution jusqu'à la clôture de la procédure ; que la Caisse exposante faisait valoir que la prescription n'était pas acquise dés lors que la déclaration de créance suspend la prescription jusqu'à la clôture de la procédure, le point de départ du délai de prescription ne pouvant être fixé à la date de l'homologation du plan puisque l'obligation principale n'est pas encore exigible en l'état de l'approbation du plan accordant des délais au débiteur principal, le délai ne pouvant commencer à courir qu'à partir du jour où l'obligation principale est devenue exigible soit en l'espèce à la date de la clôture de la liquidation judiciaire, la débitrice principale ayant été placée en liquidation judiciaire le 11 octobre 2013 à la suite de la résolution du plan ; qu'ayant relevé que la créance déclarée le 6 avril 2009 a été admise le 5 février 2010, qu'un plan de redressement a été homologué le 12 mars 2010, lequel a été résolu le 11 octobre 2013, la débitrice principale ayant fait l'objet d'une mesure de liquidation judiciaire, puis considéré que c'est à juste titre que le tribunal a retenu qu'aux termes de l'article L 630-21 (lire 631-20) du code de commerce, l'action de la banque était à nouveau possible envers la caution personne physique faisant courir un nouveau délai de cinq ans pour agir puisque les coobligés et les personnes ayant consenti une sûreté personnelle ne peuvent se prévaloir des dispositions du plan, les délais de paiement accordés au débiteur principal lui sont en effet strictement personnels et la caution solidaire ne peut en bénéficier, n'étant pas contesté que la créance était intégralement exigible, la cour d'appel qui n'a pas constaté que la procédure avait fait l'objet d'une clôture a violé les articles L 631-20 du code de commerce par fausse application, ensemble les articles L 622-28 et suivants dudit code ;

4°) ALORS QUE si le jugement d'ouverture suspend jusqu'au jugement arrêtant le plan ou prononçant la liquidation toute action contre les personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie, la déclaration de créance interrompt la prescription à l'égard de la caution jusqu'à la clôture de la procédure ;qu'en retenant par motifs adoptés que la créance déclarée le 6 avril 2009 a été admise le 5 février 2010, qu'un plan de redressement a été homologué le 12 mars 2010, qu'en application de l'article L 631-20 du code de commerce, s'agissant d'une procédure de redressement judiciaire, c'est à cette date du 12 mars 2010 que l'action de la Banque envers la caution personne physique était de nouveau possible, faisant courir un nouveau délai de 5 ans et que ce délai ne saurait être de nouveau interrompu par la résolution de ce plan et la mise en liquidation du débiteur principal le 11 octobre 2013 et par motifs propres que les coobligés et les personnes ayant consenti une sûreté personnelle ne peuvent se prévaloir des dispositions du plan, que les délais de paiement accordés au débiteur principal lui sont en effet strictement personnels et la caution solidaire ne peut en bénéficier, n'étant pas contesté que la créance était intégralement exigible, le délai d'action contre la caution n'ayant pas été affecté par la décision révoquant le plan et prononçant la liquidation judiciaire, pour en déduire que la banque n'ayant poursuivi la caution qu'à compter de fin 2016, c'est à juste titre que le tribunal a relevé que la demande était prescrite, le plan de redressement étant antérieur de plus de 5 ans, les juges du fond n'ont pas tiré les conséquences légales s'évinçant de leur constatations dont il ressortait qu'en l'absence de clôture de la procédure la déclaration de créance produisait toujours son effet interruptif et, partant ils ont violé les articles L 631-20 du code de commerce par fausse application, ensemble les articles L 622-28 et suivants dudit code ;

SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

LE POURVOI REPROCHE A L'ARRÊT ATTAQUÉ D'AVOIR confirmé le jugement ayant déclaré prescrite et partant irrecevable la demande en paiement dirigé contre la caution,

ALORS QUE la déclaration de créance interrompt la prescription à l'égard de la caution jusqu'à la clôture de la procédure ; qu'en ajoutant que le délai d'action contre la caution n'a pas été affecté par la décision révoquant le plan et plaçant la société sous liquidation judiciaire, quand la prescription, à la supposer en cours depuis le 12 mars 2010 avait été interrompue par la résolution du plan et la liquidation judicaire intervenue selon jugement du 11 octobre 2013, jusqu'à la clôture de la procédure de liquidation judiciaire, la cour d'appel a violé l'articles L 630-21 du code de commerce par fausse application, ensemble les articles L 622-28 et suivants et L 631-20-1 et suivants dudit code.

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