8 November 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-10.350

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2023:SO02005

Texte de la décision

SOC.

ZB1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 8 novembre 2023




Cassation partielle


Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 2005 F-D

Pourvoi n° E 22-10.350


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 NOVEMBRE 2023

Mme [N] [B], domiciliée [Adresse 5], [Localité 3], a formé le pourvoi n° E 22-10.350 contre l'arrêt rendu le 18 novembre 2021 par la cour d'appel de Pau (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la Mutuelle prévifrance services santé, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Pietton, conseiller, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [B], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la Mutuelle prévifrance services santé, après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pietton, conseiller rapporteur, M. Seguy, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 18 novembre 2021), Mme [B] a été engagée en qualité d'opticienne le 20 août 1996 par la Mutuelle des Landes aux droits de laquelle est venue la Mutuelle prévifrance services santé. En dernier lieu, elle exerçait les fonctions d'opticienne à temps partiel thérapeutique dans le centre optique de [Localité 3].

2. A la suite de son refus d'une proposition de modification du contrat de travail par transfert du lieu de travail du centre optique de [Localité 3], dont la fermeture avait été décidée, au centre optique de [Localité 4], l'employeur l'a licenciée pour motif économique à titre conservatoire le 4 septembre 2018. La salariée a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle qui lui avait été proposé.

3. Contestant la rupture de son contrat de travail, elle a saisi la juridiction prud'homale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

4. La salariée fait grief à l'arrêt de dire son licenciement justifié par une cause économique réelle et sérieuse et de la débouter de ses demandes de ce chef, alors :

« 1°/ que l'employeur qui propose au salarié une modification pour motif économique de son contrat de travail est tenu de l'informer de ses nouvelles conditions d'emploi comme des éventuelles mesures accompagnant cette modification afin de lui permettre de prendre position sur l'offre qui lui est faite en mesurant les conséquences de son choix ; qu'à défaut, le licenciement est privé de cause réelle et sérieuse ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a rappelé que ''Mme [B] soutient que l'employeur dans son courrier du 25 mai 2018 ne lui a pas soumis une proposition sérieuse et loyale de modification du contrat de travail, le courrier ne mentionnant pas la date d'ouverture du centre de [Localité 4]'', qu' ''elle ajoute qu'elle avait perdu son conjoint en 2016 et élevait seule ses deux filles de 2 et 6 ans et qu'elle ne parvenait à concilier sa vie familiale avec sa vie professionnelle que grâce au soutien de sa famille qui prenait en charge ses enfants pendant ses absences'' et qu' ''elle fait valoir que l'employeur qui avait connaissance de sa situation familiale spécifique ne pouvait lui proposer un lieu d'affectation aléatoire incompatible avec sa vie de famille afin de la décourager'' ; que pour juger le licenciement pour motif économique justifié, la cour d'appel a énoncé que ''la proposition de modification du contrat de travail mentionne que la salariée, en cas d'acceptation, sera amenée, « dans l'attente de l'ouverture effective du centre optique de [Localité 4] à effectuer des missions de remplacement ou intervenir en renfort au sein des centres optiques des landes selon une organisation et des moyens à définir » ''et que ''la salariée a, par courrier du 12 juin 2018 refusé cette modification sans avoir sollicité des précisions sur les conditions d'une affectation temporaire dans l'attente de l'ouverture du centre optique de [Localité 4] et qui n'était envisagée que dans le cas d'une acceptation dans la modification proposée'' ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'elle constatait que la proposition de modification du contrat de travail pour motif économique ne mentionnait pas la date d'affectation définitive de Mme [B] au centre optique de [Localité 4] et qu'elle ne précisait pas, dans cette attente, le ou les lieux temporaires d'affectation de la salariée, se bornant à indiquer qu'ils se situeraient dans les Landes, ce dont il résultait que ladite proposition n'était pas suffisamment précise pour permettre à l'intéressée de prendre position sur l'offre qui lui est faite en mesurant les conséquences de son choix, en sorte que le licenciement pour motif économique prononcé sur le fondement du refus de cette modification du contrat de travail n'avait pas de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé les articles L. 1222-6 et L. 1233-3 du code du travail ;

2°/ qu'en statuant comme elle l'a fait, cependant que la proposition de modification du contrat de travail pour un motif économique doit se suffire à elle-même, la cour d'appel, qui a statué par un motif erroné tiré de l'absence de demande de précision des conditions d'emploi relative à cette proposition, a violé les articles L. 1222-6 et L. 1233-3 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1222-6 du code du travail :

5. L'employeur qui propose au salarié une modification de son contrat de travail pour l'un des motifs prévus à l'article L. 1233-3 du code du travail est tenu de l'informer de ses nouvelles conditions d'emploi afin de lui permettre de prendre position sur l'offre qui lui est faite en mesurant les conséquences de son choix. A défaut, le licenciement est privé de cause réelle et sérieuse.

6. Pour juger que le licenciement de la salariée était fondé sur une cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que la proposition de modification du contrat de travail mentionne que la salariée, en cas d'acceptation, sera amenée, « dans l'attente de l'ouverture effective du centre optique de [Localité 4] à effectuer des missions de remplacement ou intervenir en renfort au sein des centres optiques des Landes selon une organisation et des moyens à définir » et relève que la salariée a, par lettre du 12 juin 2018, refusé cette modification sans avoir sollicité des précisions sur les conditions d'une affectation temporaire dans l'attente de l'ouverture du centre optique de [Localité 4] et qui n'était envisagée que dans le cas d'une acceptation de la modification proposée.

7. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que la proposition de modification du contrat de travail pour motif économique ne mentionnait pas la date d'affectation définitive de la salarié au centre optique de [Localité 4] ni ne précisait, dans cette attente, le ou les lieux temporaires d'affectation de la salariée dans un centre des Landes, ce dont elle aurait dû déduire que la proposition de modification du contrat de travail n'était pas suffisamment précise pour permettre à l'intéressée de prendre position sur l'offre qui lui avait été faite en mesurant les conséquences de son choix, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

8. La cassation des chefs de dispositif jugeant le licenciement justifié par une cause réelle et sérieuse et déboutant la salariée de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'une indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents emporte cassation des chefs de dispositif condamnant la salariée aux dépens de première instance et d'appel et rejetant sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que le licenciement est justifié par une cause réelle et sérieuse, déboute Mme [B] de ses demandes en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'une indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, aux dépens de première instance et d'appel et rejette la demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 18 novembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne la Mutuelle prévifrance services santé aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Mutuelle prévifrance services santé et la condamne à payer à Mme [B] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit novembre deux mille vingt-trois.

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