14 February 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-84.760

Chambre criminelle - Formation de section

ECLI:FR:CCASS:2023:CR00327

Texte de la décision

N° K 22-84.760 FS-D

N° 00327




14 FÉVRIER 2023

GM





RENVOI
IRRECEVABILITE
NON LIEU A RENVOI







M. BONNAL président,





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 14 FÉVRIER 2023


M. [H] [F], Mme [I] [K], civilement responsable, les sociétés [3], partie civile, et [2] ont présenté, par mémoires spéciaux reçus les 15 novembre et 1er décembre 2022, deux questions prioritaires de constitutionnalité à l'occasion des pourvois formés par eux contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, chambre spéciale des mineurs, en date du 17 juin 2022, qui, dans la procédure suivie contre le premier du chef de destruction de bois par incendie pouvant causer un dommage aux personnes ou un dommage irréversible à l'environnement, a prononcé sur les intérêts civils.

Des mémoires en réponse et des observations complémentaires ont été produits.

Sur le rapport de M. Joly, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocats de M. [H] [F], Mme [I] [K], les observations du cabinet Rousseau et Tapie, avocats des sociétés [3], et [2], les observations de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de M. [L] [F], les observations du cabinet Le Prado, Gilbert, avocat de la société [1] et M. [S] [T] et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 février 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Joly, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, M. Samuel, M. Sottet, M. Coirre, Mme Hairon, conseillers de la chambre, M. Leblanc, M. Charmoillaux, M. Rouvière, conseillers référendaires, M. Aldebert, avocat général, et M. Maréville, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Examen de la recevabilité du mémoire présenté pour M. [S] [T] et la société [1], contestée en défense

1. La société [1] et M. [T], qui ne se sont pas pourvus, sont sans qualité pour présenter des observations au soutien des questions prioritaires de constitutionnalité posées pour les demandeurs au pourvoi.

2. Leur mémoire n'est donc pas recevable en application de l'article R. 49-31 du code de procédure pénale.

Examen des questions prioritaires de constitutionnalité

Sur la question prioritaire de constitutionnalité présentée pour M. [H] [F] et Mme [I] [K]

3. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :

« Les dispositions de l'article 1242, alinéa 4, du code civil, telles qu'interprétées par la Cour de cassation comme attribuant la responsabilité de plein droit, en cas de divorce, au seul parent chez lequel la résidence habituelle de l'enfant a été fixée, quand bien même l'autre parent, bénéficiaire d'un droit de visite et d'hébergement, exercerait conjointement l'autorité parentale, portent-elles atteinte au droit de mener une vie familiale normale et à l'exigence de protection de l'intérêt supérieur de l'enfant résultant des dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 ainsi qu'au respect de la vie privée garanti à l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et au principe d'égalité devant la loi consacré par l'article 6 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, en ce qu'elles encouragent le parent non cohabitant à se soustraire à son obligation de pourvoir au développement de l'enfant auteur du dommage et imputent au parent cohabitant une charge financière inéquitable ? »

4. Les dispositions législatives contestées sont applicables à la procédure et n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

5. La question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.

6. La question posée présente un caractère sérieux en ce que les dispositions législatives contestées, qui ne confèrent pas la qualité de civilement responsable au parent chez lequel la résidence de l'enfant mineur n'a pas été fixée et font obstacle à sa condamnation solidaire avec l'autre parent par le juge pénal, alors que tous deux exercent conjointement l'autorité parentale, sont susceptibles de porter atteinte au principe d'égalité, en conférant à l'un d'eux un droit qui n'est pas assorti des mêmes devoirs.

7. En conséquence, il y a lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité présentée pour les sociétés [3] et [2]

8. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :

« Les dispositions de l'article 1242, alinéa 4, du code civil, telles qu'interprétées par la Cour de cassation comme attribuant la responsabilité de plein droit, en cas de divorce, au seul parent chez lequel la résidence habituelle de l'enfant a été fixée, quand bien même l'autre parent, bénéficiaire d'un droit de visite et d'hébergement, exercerait conjointement l'autorité parentale, portent-elles atteinte au droit de mener une vie familiale normale et à l'exigence de protection de l'intérêt supérieur de l'enfant résultant des dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution ainsi qu'au respect de la vie privée garanti à l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et au principe d'égalité devant la loi consacré par l'article 6 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, en ce qu'elles encouragent le parent non cohabitant à se soustraire à son obligation de pourvoir au développement de l'enfant auteur du dommage, imputent au parent cohabitant une charge financière inéquitable et créent une inégalité entre les victimes selon qu'elles sont indemnisées par le juge pénal ou par le juge civil ? »

Examen de la recevabilité de la question prioritaire de constitutionnalité en ce qu'elle est présentée pour la société [2]

9. Il résulte des pièces de procédure que la société [2], qui n'était ni appelante ni intimée devant la cour d'appel, n'a pas été partie à la décision contre laquelle elle a formé un pourvoi.

10. La question prioritaire de constitutionnalité, en tant qu'elle est présentée pour la société [2], n'est donc pas recevable.


Examen de la question

Sur la question présentée pour la société [3] en tant qu'elle vise l'inégalité entre les victimes selon qu'elles sont indemnisées par le juge pénal ou par le juge civil

11. Il résulte de ce qui précède que les dispositions législatives contestées sont applicables à la procédure et n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

12. La question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.

13. La question posée ne présente pas un caractère sérieux.

14. En effet, d'une part, les dispositions contestées ne font pas obstacle à l'indemnisation des victimes par le juge pénal selon le principe de la réparation intégrale de leur préjudice, lorsqu'il statue sur les conséquences dommageables des agissements d'un mineur auteur d'une infraction et l'en déclare solidairement responsable avec le seul parent chez lequel sa résidence a été fixée.

15. D'autre part, il ne saurait découler une atteinte au principe d'égalité du choix procédural effectué par les victimes de rechercher l'indemnisation de leur préjudice lié à l'infraction devant le juge pénal ou devant le juge civil.

16. En conséquence, il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité en ce qu'elle porte sur ces motifs.

Sur le surplus de la question présentée pour la société [3]

17. Le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité présentée pour M. [F] et Mme [K], renvoyée par la Cour de cassation et mettant en cause la constitutionnalité des dispositions législatives contestées.

18. Il convient, dès lors, en application de l'article R. 49-33 du code de procédure pénale, de ne pas renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel en ce qu'elle porte sur les mêmes motifs.

19. En conséquence, il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

RENVOIE au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité présentée pour M. [H] [F] et Mme [I] [K] ;

DECLARE irrecevable la question prioritaire de constitutionnalité, en tant qu'elle a été présentée pour la société [2] ;

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité en tant qu'elle a été présentée pour la société [3] ;

SURSOIT A STATUER sur les pourvois jusqu'à la décision du Conseil constitutionnel ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze février deux mille vingt-trois.

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