22 June 2020
Cour d'appel de Basse-Terre
RG n° 18/01100

Texte de la décision

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE


1ère CHAMBRE CIVILE


ARRET No 218 DU 22 JUIN 2020






No RG 18/01100 - VMG/EK
No Portalis DBV7-V-B7C-C74N


Décision déférée à la Cour : jugement au fond, origine tribunal de grande instance de BASSE-TERRE, décision attaquée en date du 03 mai 2018, enregistrée sous le no 17/00578




APPELANT :


Monsieur Q... N...
[...]
[...]


Représenté par Me Camille CEPRIKA, (TOQUE 27) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/000126 du 08/04/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASSE-TERRE)




INTIMÉ :


Etablissement Public POLE EMPLOI
Centre commercial de Vannier
[...]


Représenté par Me Vathana BOUTROY-XIENG, (TOQUE 117) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART




COMPOSITION DE LA COUR


En application des dispositions de l'article 779-3 du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état, à la demande des parties, a autorisé les avocats à déposer leur dossier au greffe de la chambre civile avant le 27 avril 2020.


Par avis du 27 avril 2020, le président a informé les parties que l'affaire était mise en délibéré devant la chambre civile de la cour composée de :


Madame Claudine FOURCADE, présidente de chambre,
Mme Valérie MARIE GABRIELLE, conseillère,
Madame Christine DEFOY, conseillère,
qui en ont délibéré.


Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la Cour le 22 juin 2020.








GREFFIER


Lors du dépôt des dossiers : Mme Esther KLOCK, greffière.




ARRET :


Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées. Signé par Madame Claudine FOURCADE, présidente de chambre et par Mme Esther KLOCK, greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.




FAITS ET PROCEDURE


Par acte d'huissier de justice délivré le 26 juin 2017, M. Q... N... a fait assigner l'établissement public Pôle Emploi (Pôle Emploi), aux fins de le voir condamner à lui payer les sommes de 31 893 euros au titre de l'allocation d'aide au retour à l'emploi, 20 000 euros au titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et 3 000 euros au titre de ses frais irrépétibles.


Par jugement du 03 mai 2018, le tribunal de grande instance de Basse-Terre, a rejeté ces demandes et condamné M. N... à payer à Pôle Emploi la somme de 750 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.


M. N... a interjeté appel de ce jugement par déclaration d'appel en date du 13 août 2018.


Pôle Emploi a constitué avocat le 21 août 2018 et les parties ont conclu.


Suite à la mise en oeuvre du plan de continuité d'activité spécial Covid 19 ordonnée le 16 mars 2020 par M. le premier président de la cour d'appel de Basse-Terre et la suspension des effets de l'ordonnance de roulement annuel concernant le contentieux civil, les avocats ont été avisés dans le cadre de "la procédure sans audience" instaurée par l'ordonnance 2020-304 du 25 mars 2020, du report de cette affaire prévue initialement à l'audience du 20 avril 2020, à l'audience de dépôt du 27 avril 2020. L'instruction du dossier a été close à cette date et les avocats ont pu déposer leur dossier.




PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES


Les dernières conclusions, remises les 12 novembre 2018 par l'appelant, 14 novembre 2018 par l'intimé, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions, peuvent se résumer ainsi qu'il suit.


M. N... demande à la cour, de :
-dire que l'intégralité de ses demandes sont recevables et fondées,
-infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Basse-Terre du
3 mai 2018,
-condamner Pôle Emploi, outre les dépens, à octroyer à M. N... les sommes de 31 893 euros nets d'arriérés d'allocation d'aide au retour à l'emploi, outre 20 000 euros pour résistance abusive ainsi que 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.




M. N... embauché le 30 juillet 2001 en qualité de tôlier-peintre par la société Calebassier Réparation soutient qu'en raison de l'annulation par le conseil des prud'hommes de Basse-Terre le 24 février 2006 de son licenciement survenu le 24 juin 2004 et de la cession de son contrat de travail après réintégration à la société Baillif Carrosserie (mise en liquidation judiciaire le 15 septembre 2011), son contrat de travail a pris fin à cette dernière date. Il ajoute que la prescription biennale de l'article L. 5422-4 du code du travail ayant été interrompue par le jugement du 12 juin 2014 du conseil des prud'hommes de Basse-Terre ordonnant notamment la remise de son attestation Assedic, il est recevable et fondé en sa demande d'allocation de retour à l'emploi formulée le 09 juillet 2015 suite à sa réinscription comme demandeur d'emploi au 13 février 2015.


Pôle Emploi demande à la cour, de :
-confirmer le jugement rendu en toutes ses dispositions,
-dire et juger que l'action de M. N... en paiement d'allocations chômage est prescrite,
-le débouter de toutes ses demandes,
-condamner M. N... au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.


Pôle Emploi réplique que la demande en paiement présentée par M. N... est prescrite aux motifs que bien que le conseil des prud'hommes de Basse-Terre ait condamné dès le 24 février 2006, son ancien employeur la société Calebassier Réparation, à lui payer diverses indemnités et à lui remettre ses documents légaux, ce n'est qu'en 2010 qu'il s'est inscrit à Pôle Emploi en qualité de demandeur d'emploi et qu'en 2015 qu'il a sollicité le paiement des indemnités chômage. Pôle Emploi soutient que M. N... disposait en réalité jusqu'au 24 février 2008 pour s'inscrire en cette qualité et jusqu'au 24 février 2010 pour intenter une action en paiement à son encontre.


MOTIFS


Sur la demande en paiement des indemnités d'aide au retour à l'emploi


Aux termes de l'article L.5422-4 du code du travail (dans sa version applicable aux faits de l'espèce), la demande en paiement de l'allocation d'assurance est déposée auprès de l'institution mentionnée à l'article L.5312-1 (Pôle Emploi) par le travailleur involontairement privé d'emploi dans un délai de 2 ans à compter de sa date d'inscription comme demandeur d'emploi. L'action en paiement est précédée du dépôt de la demande en paiement. Elle se prescrit par deux ans à compter de la date de notification de la décision prise par Pôle Emploi.


Selon l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.


Au soutien de sa demande, M. N... verse notamment au dossier les pièces suivantes:
-le jugement de départage du conseil des prud'hommes de Basse-Terre en date du 24 février 2006 l'opposant à l'EURL Calebassier Réparation déclarant nul le licenciement à lui notifié le 26 juin 2004 et condamnant cette dernière à lui verser diverses indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et ordonnant la remise d'une attestation Assedic dans le mois de la notification dudit jugement outre le certificat de non appel y afférent,
-le jugement en date du 12 juin 2014 du conseil des prud'hommes de Basse-Terre opposant M. N... à la SARL Baillif Carrosserie représentée par Mme P... S... es qualités de liquidateur judiciaire fixant la créance de celui-ci au passif de la société à la somme de 47 757 euros, disant que l'AGS sera appelée en garantie dans les limites fixées en cas d'insuffisance d'actif et condamnant le liquidateur à lui délivrer l'attestation Pôle Emploi outre le certificat de non appel y afférent,
-l'attestation employeur et le certificat de travail en date du 20 janvier 2015 délivré par Mme P... S... mandataire liquidateur précisant que M. N... a été employé à Baillif Carrosserie du 30 juillet 2001 au 26 août 2004,
-un courrier de Pôle Emploi adressé à M. N... en date du 10 décembre 2010 faisant en l'occurrence état de son inscription en qualité de demandeur d'emploi le 09 novembre 2010 et du projet personnalisé d'accès à l'emploi élaboré avec son conseiller,
-deux courriers de Pôle Emploi adressés à M. N... en date du 13 février 2015 faisant état de sa demande d'inscription du même jour, lui demandant de se présenter à Pôle Emploi et de compléter son dossier,
-un courrier de M. N... en date du 22 juin 2015 adressé à Pôle Emploi demandant le versement de la somme de 31 893 euros au titre des allocations d'assurance chômage,
-la réponse de Pôle Emploi en date du 9 juillet 2015 portant refus de cette allocation au motif que la demande d'allocation (du 9 juillet 2015) doit être déposée dans les deux ans suivant l'inscription comme demandeur d'emploi (du 9 novembre 2010),
-l'extrait Kbis de la société Calebassier Réparation en date du 20 novembre 2006 portant mention de sa dissolution au 01er décembre 2005 au profit de la société Baillif Carrosserie,
-l'extrait Kbis de la société Baillif Carrosserie en date du 27 septembre 2010.


Il résulte de ces pièces que M. N... a été employé en qualité de tôlier-peintre du 30 juillet 2001 au 26 août 2004 par la société Calebassier Réparation dissoute le 01er décembre 2005 par transmission de son patrimoine à la société Baillif Carrosserie laquelle a par ailleurs été judiciairement liquidée le 15 septembre 2011.


Dans tous les cas, il a procédé le 09 novembre 2010 à son inscription à Pôle Emploi en qualité de demandeur d'emploi, ayant saisi le 06 septembre 2010 le conseil des prud'hommes de Basse-Terre en contestation de son licenciement, jugé par décision du 12 juin 2014, sans cause réelle et sérieuse.


Contrairement à ce qui est soutenu par M. N..., il apparaît expressément des jugements rendus les 24 février 2006 et 12 juin 2014 que suite à son licenciement survenu le 24 juin 2004, il n'a sollicité sa réintégration, ni à la société Calebassier Réparations, ni à la société Baillif Carrosserie de sorte qu'il n'y a pas eu de transfert de contrat de travail et il ne peut soutenir qu'il a été employé par cette dernière jusqu'à sa liquidation en 2011. Il ne peut davantage se prévaloir d'un retour à l'emploi postérieur au 09 novembre 2010 (date de sa première demande d'inscription à Pôle Emploi) jusqu'au 13 février 2015 (date de sa seconde demande d'inscription).


Aussi, peu important que l'attestation Assedic lui ait été remise le 20 janvier 2015 par le liquidateur de la société Baillif Carrosserie, dans son courrier du 09 juillet 2015, c'est bien en raison de son inscription non contestée le 9 novembre 2010 en qualité de demandeur d'emploi que Pôle Emploi a refusé à M. N... sa demande d'allocation au titre de l'assurance chômage formulée le 22 juin 2015 soit postérieurement au délai légal de 2 ans.


Il convient de signaler qu'au regard de la règle rappelée par Pôle Emploi selon laquelle la fin du contrat de travail prise en considération pour l'ouverture des droits doit se situer dans un délai de 2 ans au plus et dont le terme est l'inscription comme demandeur d'emploi, M. N... est dans tous les cas forclos en sa demande de paiement puisque son licenciement remonte au 24 juin 2004 et son inscription initiale à Pôle Emploi le 09 novembre 2010.


De surcroît, en l'état du principe de l'unicité de l'instance applicable aux deux instances qu'il a engagées au titre du même contrat de travail et au visa des dispositions de l'article 2241 du code civil, c'est à bon droit que le premier juge a rappelé que M. N... ne peut se prévaloir, du fait des actions prud'homales ayant abouti aux décisions des 24 février 2006 et 12 juin 2014 introduites à l'encontre des sociétés Calebassier Réparations et Baillif Carrosserie, étrangères au présent litige, de l'interruption de la prescription encourue par cette demande en paiement dirigée à l'encontre de Pôle Emploi.


Dés lors, il y a lieu de considérer que faute pour M. N... d'avoir formulé sa demande d'indemnités chômage dans le délai légal, son action en paiement de l'allocation retour à l'emploi est désormais prescrite.


En conséquence, le jugement querellé sera confirmé sauf à déclarer M. N... irrecevable en sa demande en paiement de la somme de 31 893 euros au titre de l'allocation d'aide au retour à l'emploi.




Sur la demande en dommages-intérêts


Vu le raisonnement retenu supra, cette demande injustifiée sera purement et simplement rejetée.


Aussi, confirmant le jugement entrepris, M. N... sera débouté de sa demande de dommages et intérêts.




Sur les frais irrépétibles et les dépens


Il n'est pas inéquitable en l'espèce que chacune des parties supporte les frais irrépétibles engagés par elle en cause d'appel. Aussi, la prétention faite à ce titre par Pôle Emploi sera rejetée.


L'appelant supportera les dépens de l'instance.




PAR CES MOTIFS


La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe,


Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté M. Q... N... de sa demande en paiement d'arriérés d'allocations d'aide au retour ;


Statuant à nouveau et y ajoutant ;


Déclare irrecevable la demande en paiement d'arriérés d'allocations d'aide au retour présentée par M. Q... N... ;


Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile;


Condamne M. Q... N... aux entiers dépens de l'instance ;


Ecarte toute autre demande plus ample ou contraire ;


Et ont signé le présent arrêt ;




Le Greffier, Le Président,

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