18 March 2008
Cour d'appel de Colmar
RG n° 06/03847

Texte de la décision

Copie exécutoire à

-Me Serge ROSENBLIEH

-la SCP CAHN & Associés



COUR D'APPEL DE COLMAR
PREMIERE CHAMBRE CIVILE-SECTION A

ARRET DU 18 Mars 2008



Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A 06 / 03847

Décision déférée à la Cour : 03 Juillet 2006 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE A COMPETENCE COMMERCIALE DE MULHOUSE

APPELANT :

Maître Philippe X... ès qualités de liquidateur de la SAS IRH ENGINEERING

...


représenté par Me Serge ROSENBLIEH, avocat à la Cour
Avocat plaidant : Me BRIQUET, avocat à PARIS

INTIMEE :

BANQUE POPULAIRE D'ALSACE
Immeuble Le Concorde 4 Quai Kléber-B. P. 10401 67001 STRASBOURG CEDEX

représentée par la SCP CAHN & Associés, avocats à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 12 Février 2008, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. HOFFBECK, Président de Chambre, entendu en son rapport
M. CUENOT, Conseiller
M. ALLARD, Conseiller
qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme MUNCH-SCHEBACHER, Greffier

ARRET :
- Contradictoire
-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile.
- signé par M. Michel HOFFBECK, président et Mme Christiane MUNCH-SCHEBACHER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Selon assignation délivrée le 12 mars 2004, la société GROUPE IRH ENVIRONNEMENT, qui avait repris les actifs de la société en redressement judiciaire BEFS-PEC aux termes d'un plan de cession arrêté le 9 juillet 2003 par le tribunal de grande instance de Mulhouse, et la société IRH ENGINEERING qui s'était substituée au repreneur, ont attrait Me Y..., ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la société BEFS-PEC, devant le Tribunal de grande instance de Mulhouse pour obtenir paiement de la somme principale de 541. 800 € qu'avait versée entre ses mains la société SOFRECO en règlement d'une facture du 31 octobre 2003 émise par la société IRH ENGINEERING.

Le 21 mai 2004, la BANQUE POPULAIRE D'ALSACE est intervenue volontairement à la cause.

La BANQUE POPULAIRE a sollicité le versement de la somme litigieuse, détenue par Me Y... en sa qualité de séquestre, en faisant valoir que la dette de la société SOFRECO lui avait été cédée par la société BEFS-PEC avant sa mise en redressement judiciaire.

Me Y..., ès qualités, a demandé l'autorisation de se libérer de la somme entre les mains de la BANQUE POPULAIRE.

Par jugement du 3 juillet 2006, la juridiction saisie a :

- donné acte à la BANQUE POPULAIRE de son intervention volontaire,
- débouté les sociétés GROUPE IRH ENVIRONNEMENT et IRH ENGINEERING de leur entière demande,
- jugé que la somme de 581. 800 € versée par la société SOFRECO doit revenir, en ce qui compris les intérêts au taux légal depuis la remise en date du 15 décembre 2003, à la BANQUE POPULAIRE,
- autorisé Me Y... à verser à la BANQUE POPULAIRE la somme de 541. 800 € majorée des intérêts au taux légal à compter du 15 décembre 2003,
- condamné les sociétés GROUPE IRH ENVIRONNEMENT et IRH ENGINEERING aux dépens,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- rejeté toute autre demande.

Les premiers juges ont principalement retenu :

- que la société IRH ENGINEERING avait poursuivi l'exécution de la commande passée par la société SOFRECO à la société BEFS-PEC selon contrat des 20 décembre 2002 et 10 janvier 2003, approuvé le 6 décembre 2002 par le représentant de la Communauté européenne, et émis le 31 octobre 2003 à l'adresse de la société SOFRECO sa facture d'un montant de 680. 400 € ;

- que la société BEFS-PEC avait régulièrement pu céder une créance de 541. 800 € sur la société SOFRECO à la BANQUE POPULAIRE, selon bordereau signé le 31 juillet 2002, avant la conclusion définitive du marché, dès lors qu'elle détenait une " créance en germe sur la société SOFRECO résultant du contrat restant à signer pour un montant prévisible de 903. 000 € " ;

- que la cession de créance, notifiée par la banque à la société SOFRECO selon courrier recommandée avec accusé de réception signé le 7 août 2002, avait pris effet entre les parties et était devenue opposable aux tiers à la date du 5 août 2002, avant la cessation des paiements de la société BEFS-PEC fixée au 1er octobre 2002.

Par déclaration reçue le 14 août 2006, la société IRH ENGINEERING a interjeté appel de cette décision en intimant la BANQUE POPULAIRE D'ALSACE.

Aux termes de conclusions déposées le 21 novembre 2006, reprises le 13 mars 2007 par Me X..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la société IRH ENGINEERING, demande à la Cour de :

- infirmer le jugement entrepris ;
- condamner la BANQUE POPULAIRE à verser à la société IRH ENGINEERING la somme de 541. 800 € majorée des intérêts au taux légal à compter du 15 décembre 2003 ;
- condamner la BANQUE POPULAIRE aux dépens ;
- condamner la BANQUE POPULAIRE au paiement d'une somme de 5. 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de son appel, il fait valoir en substance :

- qu'à la date du bordereau Dailly, soit au 8 août 1992, la société SOFRECO n'avait passé aucune commande à la société BEFS-PEC ; que cette dernière ne détenait ainsi aucune créance sur la société SOFRECO à cette date ;

- que cette créance ne peut être qualifiée de créance future, en l'absence d'intention de la cliente de passer commande ;

- que la créance étant inexistante, la cession de créance Dailly est nulle ;

- que la BANQUE POPULAIRE a certes été victime de la fraude des dirigeants de la société BEFS-PEC ;

- que malgré tout, la société IRH ENGINEERING n'a pas à répondre de la légèreté blâmable commise par la BANQUE POPULAIRE en ne vérifiant pas la réalité de la prétendre créance cédée ;

- que la seule créance existante est celle détenue par l'appelante contre la société SOFRECO, résultant de sa facture émise le 31 octobre 2003.

Selon conclusions remises le 29 juin 2007, la BANQUE POPULAIRE, qui rétorque que la créance à naître d'un marché non encore conclu peut être cédée lorsque, comme en l'espèce, le principe du contrat est acquis, prie la Cour de :

- rejeter l'appel ;
- confirmer le jugement entrepris ;
- condamner l'appelante aux dépens ainsi au paiement de 2. 000 € à titre de dommages et intérêts pour appel abusif et de 3. 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 13 novembre 2007.

SUR CE, LA COUR

Vu les pièces et les écrits des parties auxquels il est renvoyé pour l'exposé du détail de leur argumentation,

Attendu que la recevabilité de l'appel n'est pas discutée ; qu'aucun élément du dossier ne démontrant qu'il aurait été tardivement exercé, l'appel qui a été interjeté suivant les formes légales sera déclaré recevable ;

Attendu qu'il résulte du dossier :

- que le 24 janvier 2002, la société BEFS-PEC, société d'ingénierie, a répondu à un appel d'offres de la société SOFRECO, lancé dans le cadre du projet européen " Tacis Envrus 9802 ", portant sur la fourniture d'un équipement baptisé " pilot decontamination unit " destiné au site de Dzerzhinski en Russie ;

- que par télécopie du 12 mars 2002, la société SOFRECO a informé la société BEFS-PEC que la Commission européenne n'avait pas retenu son offre au motif que cette offre ne respectait pas le délai de livraison imparti mais que les négociations restaient ouvertes " " we have been authorised to proceed with the negotiations with you in ordre to conclude a mutually satisfactory contract " ;

- que selon bordereau de cession de créances professionnelles daté du 31 juillet 2002, la société BEFS-PEC a cédé à la BANQUE POPULAIRE du HAUT-RHIN une créance de 541. 800 € détenue sur la société SOFRECO ;

- que par courrier recommandé retiré le 2 août 2002, la banque a notifié la cession à la société SOFRECO ;

- que par acte des 20 décembre 2002 et 10 janvier 2003 approuvé par la Communauté européenne, la société SOFRECO a passé commande à la société BEFS-PEC d'un " pilot decontamination unit " pour un montant global de 756. 000 € (article 3) ;

- que selon jugement du 19 mars 2003, le tribunal de grande instance de Mulhouse a placé la société BEFS-PEC en redressement judiciaire en fixant au 1er octobre 2002 la date de cessation des paiements ;

- que la BANQUE POPULAIRE a déclaré entre les mains de Me X..., ès qualités, un montant global 1. 731. 830, 59 € représentant à due concurrence de 541. 800 € la créance cédée par la société BEFS-PEC (déclaration reçue le 15 mai 2003) ;

- que par jugement du 9 juillet 2003, le tribunal de grande instance de Mulhouse a arrêté le plan de cession des actifs de la société BEFS-PEC à la société IRH ENVIRONNEMENT ou à toute autre société que celle-ci pourrait se substituer, en précisant que " le périmètre de la cession (incluait) le compte client au 31 / 07 / 2003 " ;

- que le 31 août 2003, la société IRH ENGINEERING a émis une facture no 27 / 10 / 03 d'un montant de 680. 400 € représentant 90 % de la valeur de l'équipement commandé par la société SOFRECO ;

- que la société SOFRECO a, conformément aux instructions de Me Y..., commissaire à l'exécution du plan de la société BEFS-PEC, viré la somme de 541. 800 € sur un compte ouvert à la Recette de Colmar au nom de celui-ci ;

Attendu que l'article L 313-23 du code monétaire et financier autorise, par la remise d'un bordereau, la cession à un établissement de crédit des " créances liquides et exigibles, même à terme ", mais également des " créances résultant d'un acte déjà intervenu ou à intervenir mais dont le montant et l'exigibilité ne sont pas encore déterminés " ;

Attendu qu'il n'existe aucune discussion sur la régularité du bordereau daté du 31 juillet 2002 par lequel la cession litigieuse est intervenue ;

Attendu, certes, que la société SOFRECO n'avait passé aucune commande à la date du 31 juillet 2002 ;

Mais attendu que la définition large de la créance cessible adoptée par le texte susvisé autorise la cession d'une créance à naître si celle-ci est identifiable ; qu'au 31 juillet 2002, les négociations entre la société BEFS-PEC et la société SOFRECO étaient suffisamment avancées pour tenir la conclusion du marché pour certaine, celle-ci intervenant d'ailleurs quelques mois plus tard ; que si le marché effectivement signé a été d'un montant moindre que le marché escompté par la société BEFS-PEC, la différence de prix s'explique par la seule absence de service après-vente ; que dès lors, il ne peut être reproché à la société BEFS-PEC d'avoir cédé une telle créance ; que celle-ci a régulièrement cédé une créance future mais certaine, laquelle est entrée dans le patrimoine de la banque ;

Attendu que la cour observe que dans un document daté du 19 mai 2003, le cabinet PRICE WATERHOUSE COOPERS, qu'avait mandaté la société GROUPE IRH ENVIRONNEMENT, avait mentionné dans son " analyse des affaires en cours " qu'à la fin avril 2003, le marché SOFRECO (affaires no 22. 081) avait déjà donné lieu à une facturation à due concurrence de 541. 800 € et que seuls 214. 200 € restaient à facturer ; que la cession litigieuse n'avait aucun caractère occulte ; que la société GROUPE IRH ENVIRONNEMENT en avait connaissance lorsqu'elle a élaboré son plan de reprise et a décidé d'inclure dans son périmètre " les encours sur les commandes en cours d'exécution " énumérés par l'annexe 4. 2 de son offre du 27 juin 2003 (§ B. 2 d) ;

Attendu que, dans leur " requête tendant à la présentation d'un plan de redressement par voie de cession " datée du 3 juillet 2003, les administrateurs judiciaires avaient regretté la concision des développements de l'offre IRH sur la reprise des encours dont ils soulignaient le caractère hasardeux tant juridiquement que financièrement ; que les déboires du repreneur trouvent leur source dans son inconséquence ;

Attendu, en conclusion, que les fonds versés par la société SOFRECO ont vocation à être encaissés par la banque ; qu'il convient de confirmer le jugement entrepris ;

Attendu que l'appelante supportera les dépens ; qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la banque la charge de ses frais irrépétibles ; que le caractère abusif de l'appel n'étant pas établi, la BANQUE POPULAIRE sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts ;



PAR CES MOTIFS



LA COUR,

Déclare la société IRH ENGINEERING recevable en son appel ;

Le rejetant quant au fond, confirme le jugement entrepris ;

Déboute la BANQUE POPULAIRE D'ALSACE de sa demande de dommages et intérêts et de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Met les dépens en frais privilégiés de liquidation judiciaire.

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