19 April 2024
Cour d'appel de Colmar
RG n° 23/01777

Chambre 2 A

Texte de la décision

MINUTE N° 184/2024































Copie exécutoire

aux avocats



Le 19 avril 2024



Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 19 AVRIL 2024



Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 23/01777 - N° Portalis DBVW-V-B7H-ICDS



Décision déférée à la cour : 14 Avril 2023 par le président du tribunal judiciaire de STRASBOURG



APPELANT :



Le Syndicat CFDT SANTÉ SOCIAUX PRIVÉ DU BAS-RHIN, pris en la personne de son secrétaire général

ayant son siège social [Adresse 2]



représenté par Me Eulalie LEPINAY, avocat à la cour.

Avocat plaidant : Me Pierre DULMET, avocat à [Localité 4].



INTIMÉE :



L' ASSOCIATION BAS-RHINOISE D'AIDE AUX PERSONNES AGEES (ABRAPA) association inscrite au Registre des Associations de Strasbourg, représentée par son représentant légal audit siège.

ayant son siège social [Adresse 1] à [Localité 3]



représentée par Me Nadine HEICHELBECH, avocat à la cour.

Avocat plaidant : Me Patrick BARRAUX, avocat à [Localité 4].





COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Février 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mesdames Isabelle DIEPENBROEK, présidente de chambre et Nathalie HERY, conseillère, chargées du rapport.



Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente de chambre,

Madame Myriam DENORT, conseillère,

Madame Nathalie HERY, conseillère,

qui en ont délibéré.



Greffière lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN



ARRÊT contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.




FAITS ET PROCÉDURE



Selon assignation délivrée le 30 novembre 2022, le syndicat CFDT santé sociaux privé du Bas-Rhin (ci-après le syndicat) a fait citer l'association bas-rhinoise d'aide aux personnes âgées (ABRAPA) « en référé devant le tribunal judiciaire de Strasbourg » aux fins, notamment, au visa des articles 834 et 835 du code de procédure civile, de voir dire que les salariés de l'ABRAPA, responsables de secteur ayant une autorité sur le personnel de leur service étaient éligibles à l'élément complémentaire de rémunération « responsabilité » prévu à l'article 19.3 de l'avenant n° 43/2020 du 26 février 2020 ;

et en conséquence,

- enjoindre à l'ABRAPA de respecter les dispositions de l'accord collectif de branche pris en son article 19.3 de l'avenant n° 43/2020 du 26 février 2020 à la convention collective de branche de l'aide, de l'accompagnement, des soins et des services à domicile, étendu par arrêté du 28 juillet 2021, pour les salariés responsables de secteur remplissant les conditions de l'article précité, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée, que le tribunal se réservera Ie droit de liquider ;

- enjoindre à l'ABRAPA de verser aux salariés responsables de secteur remplissant les conditions prévues par l'accord, de régulariser leur situation de façon rétroactive depuis le 1er octobre 2021, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée, que le Tribunal se réservera le droit de liquider ;

- condamner l'ABRAPA au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de provision sur dommages et intérêts au titre du non-respect de la convention collective de branche et au titre de l'atteinte portée aux intérêts collectifs de la profession.



Par jugement du 14 avril 2023, le tribunal judiciaire de Strasbourg, statuant selon la procédure accélérée au fond, a déclaré l'action du syndicat irrecevable, l'a condamné aux entiers dépens et a débouté les parties pour le surplus.



Après avoir rappelé les dispositions de l'article L.2132-3 du code du travail conférant aux syndicats professionnels le droit d'agir en justice pour la défense des intérêts collectifs de la profession, et qu'il est admis que l'action d'un syndicat est ouverte aux fins de détermination d'avantages acquis individuellement, même par quelques membres de la profession, en exécution d'une convention collective ou d'un accord collectif, sous réserve que l'action du syndicat ne tende pas à faire respecter un droit exclusivement attaché à la personne du salarié, le tribunal a retenu que :



- le litige ne portait pas sur le refus de l'ABRAPA de faire application de l'avenant 43/2020 mais sur la question du niveau de responsabilité réelle et d'encadrement effectif de chaque salarié qui revendiquait à son profit la mise en oeuvre d'un élément complémentaire de rémunération ;

- le syndicat n'était donc pas recevable, pour défaut de qualité à agir, à demander en référé l'opposabilité de l'article 19.3 de l'avenant n°43 à la convention collective de branche de l'aide, de l'accompagnement, des soins et des services à domicile, dans la mesure où il ne pouvait que s'associer à l'instance qu'il appartiendrait à chaque salarié concerné d'engager devant le conseil de prud'hommes, et non de s'y substituer.



Le syndicat CFDT santé sociaux privé du Bas-Rhin a interjeté appel de ce jugement le 27 avril 2023, aux fins d'annulation, subsidiairement d'infirmation, en toutes ses dispositions.



Par ordonnance du 22 mai 2023, la présidente de la chambre a fixé d'office l'affaire à bref délai en application de l'article 905 du code de procédure civile. L'avis de fixation a été envoyé par le greffe le même jour.



MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES



Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 4 janvier 2024, le syndicat CFDT santé sociaux privé du Bas-Rhin demande à la cour, au visa du trouble manifestement illicite, et des articles 834 et 835 du code de procédure civile, et L.2262-1, L.2262-4, L.2261-15 et L.2261-16 du code du travail, de le recevoir en son appel, le déclarer bien fondé et de :

- annuler, et statuant par évocation ou en tout cas infirmer le jugement du 14 avril 2023 rendu par le tribunal judiciaire de Strasbourg,

et statuant à nouveau,

- dire recevables et bien fondées les demandes du syndicat,

- dire que la catégorie de salariés de l'ABRAPA responsables de secteur ayant une autorité sur le personnel de leur service sont éligibles à l'Elément complémentaire de rémunération « responsabilité » prévu à l'article 19.3 de l'avenant n°43/2020 du 26 février 2020 ;

- 'enjoindre l'ABRAPA' de respecter les dispositions de l'accord collectif de branche pris en son article 19.3 de l'avenant n°43/2020 du 26 février 2020 à la convention collective de branche de l'aide, de l'accompagnement, des soins et des services à domicile, étendue par arrêté du 28 juillet 2021, pour la catégorie des salariés Responsables de secteur remplissant les conditions de l'article précité, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée que la cour se réservera le droit de liquider,

- 'enjoindre l'ABRAPA' à verser aux salariés responsables de secteur remplissant les conditions prévues par l'accord, de régulariser leur situation de façon rétroactive depuis le 1er octobre 2021 sous astreinte de 500 euros par infraction constatée que la cour se réservera le droit de liquider,

- condamner l'ABRAPA à verser au syndicat CFDT santé sociaux privé du Bas-Rhin, la somme de 5 000 euros à titre de provision sur dommages et intérêts au titre du non-respect de la convention collective de branche et au titre de l'atteinte portée aux intérêts collectifs de la profession,

- débouter l'ABRAPA de toutes ses fins, demandes et conclusions contraires,

- condamner l'ABRAPA à verser au syndicat CFDT santé sociaux privé du Bas-Rhin, la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance, et la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais d'appel ;

- condamner l'ABRAPA aux intérêts légaux et aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel.



Au soutien de sa demande d'annulation du jugement, le syndicat fait valoir que le tribunal judiciaire a été saisi en référé pour faire cesser un trouble manifestement illicite, au visa des articles 834 et 835 du code de procédure civile qui fondent la compétence du juge des référés, et non selon la procédure accélérée au fond, or le tribunal judiciaire n'a pas rendu une ordonnance de référé mais un jugement selon la procédure accélérée au fond.



Le syndicat rappelle qu'un accord de branche s'applique à toutes les entreprises relevant de son champ d'application, et ce d'autant plus quand l'accord a été étendu par arrêté ministériel, ce qui est le cas de l'avenant n°43/2020 du 26 février 2020 à la convention collective de branche de l'aide, de l'accompagnement, des soins et des services à domicile dont relèvent les salariés de l'ABRAPA.



Il soutient que l'ABRAPA refuse d'appliquer cet avenant qui a procédé à une refonte de la grille des classifications dans la branche, et a mis en place des 'éléments complémentaires de rémunération' sous forme de points donnant lieu à des majorations salariales pour les salariés ayant des fonctions de responsabilité, aux responsables de secteur en estimant qu'ils ne sont pas des cadres de degré 1, alors qu'ils sont des responsables de 'service' au sens de l'article 19.3 dès lors qu'ils ont la responsabilité d'un certain nombre de salariés en équivalent temps plein. Il souligne que des avenants à leur contrat de travail avaient d'ailleurs été adressés aux responsables de secteur en mentionnant l'application de l'avenant n°43 avec ECR (élément complémentaire de rémunération) responsabilité, puis sans cet ECR.



Le syndicat considère que ce refus d'application de l'avenant à une catégorie entière de personnel, le rend recevable à agir ainsi que l'admet la chambre sociale de la Cour de cassation qui a récemment jugé que l'inexécution d'un accord collectif portait atteinte à l'intérêt collectif de la profession, peu importe le nombre de salariés concernés. Ainsi le seul fait que l'action du syndicat repose sur l'inexécution de dispositions d'une convention ou d'un accord collectif, ce qui cause nécessairement un préjudice à l'intérêt collectif de la profession, lui confère qualité à agir, la circonstance que seuls quelques salariés de l'entreprise soient concernés par cette violation étant sans incidence sur le droit d'agir du syndicat.



Le syndicat soutient que tous les responsables de secteur répondent aux conditions fixées par l'article 19.3 de l'avenant ainsi que cela résulte de leurs fiches de poste, et qu'ils sont donc éligibles à l'ECR responsabilité ; que cette position est confirmée par l'avis de la commission d'interprétation de la branche, dont il résulte que seul le nombre de salariés placés sous l'autorité directe du responsable de secteur ou de service, permet de conclure au montant de versement de l'ECR responsabilité aux cadres de degré 1 ou 2, peu important la dénomination exacte de leur poste, la liste des métiers de la catégorie cadres détaillée dans le guide paritaire relatif à l'ECR responsabilité n'ayant pas un caractère limitatif ; que l'avis de l'USB-domicile dont se prévaut l'ABRAPA, qui n'est qu'une position syndicale d'une organisation patronale, n'ayant aucune valeur juridique.



L'appelant fait valoir que le non-respect de cet avenant par l'ABRAPA caractérise un trouble manifestement illicite qu'il appartient au juge des référés de faire cesser, l'intimée ne pouvant lui opposer l'existence d'une contestation sérieuse, et justifie l'octroi de dommages et intérêts au syndicat.



Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 17 janvier 2024, l'ABRAPA conclut à la confirmation du jugement du tribunal judiciaire de Strasbourg en toutes ses dispositions, et en tout état de cause, demande à la cour de :

- dire et juger que l'action engagée par le syndicat CFDT relève d'une réclamation non pas à caractère collectif, mais d'une série de situations individuelles portant sur des éléments de fait pouvant conduire ou non à la recevabilité de l'action individuelle de chaque salarié susceptible d'être concerné par la réclamation élevée, dans le cadre d'une action individuelle par-devant le juge du contrat de travail, à savoir le conseil des prud'hommes compétent ratione materiae et territorialement,

- déclarer en conséquence l'action engagée en référé par le syndicat demandeur irrecevable dès lors qu'elle ne présente nullement les caractéristiques d'une action à caractère collectif et se déclarer incompétent pour en connaître ;

- la dire, en tout état de cause, malfondée,





- dire et juger qu'en tout état de cause, la réclamation collective du syndicat CFDT tendant à l'application de l'ECR « Responsabilité » au bénéfice « d'un certain nombre de cadres de l'ABRAPA » se heurte à une contestation sérieuse du bien-fondé de cette réclamation ne permettant nullement au juge des référés de la trancher en lui donnant un caractère d'attribution automatique bénéficiant à l'ensemble des cadres de l'ABRAPA, sans que soient analysés et pris en compte l'ensemble des éléments fondant une telle attribution,

- dire et juger que cette contestation sérieuse relève en tout état de cause du pouvoir d'appréciation du juge du fond.

En conséquence,

- débouter le syndicat requérant de l'ensemble de sa réclamation, frais et dépens de procédure à sa charge,

- le condamner à payer à l'ABRAPA la somme de 1 euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et malfondée.

- le condamner aux dépens.



Elle relève qu'hormis une mention inappropriée dans le dispositif de la décision qui serait le fait d'une erreur matérielle ou d'un dysfonctionnement du logiciel, il n'est fait aucune autre référence à la procédure accélérée au fond, de sorte que rien ne permet de considérer qu'il aurait été fait application de cette procédure qui n'est pas applicable en la matière, l'affaire ayant été introduite, instruite et jugée 'en la forme des référés'.



Elle approuve les motifs du jugement qui a considéré que l'action engagée par le syndicat ne visait pas à défendre les intérêts collectifs de la profession, dans la mesure où cette action tendait à obtenir l'application d'un avenant à certaines catégories de salariés qu'il définit alors que ledit avenant suppose une appréciation des situations individuelles pour vérifier si les salariés remplissent ou non les conditions leur permettant d'en bénéficier, ce d'autant plus qu'il existe en l'espèce des contestations sérieuses.



Elle fait valoir que :

- l'avenant n°43/2020 instaure un ECR 'responsabilité' pour les cadres de degré 1 et 2 soit pour des postes de responsables/directeurs d'entités soit pour des postes de responsables/ directeurs de service, en fonction du nombre salariés équivalents temps plein encadrés ;

- c'est le critère d'encadrant, complété par la prise en compte du nombre de salariés encadrés, qui constitue l'élément qui détermine l'attribution de cet ECR ;

- en l'espèce il s'agirait de 28 salariés qui bien que disposant de la position de cadre n'auraient pas la responsabilité d'une équipe ;

- il n'est pas inexact de considérer que l'attribution de l'ECR 'responsabilité' n'est effectivement pas fonction de l'appellation du poste occupé mais d'éléments factuels et objectifs qui peuvent permettre de déterminer si le salarié est ou non éligible à l'attribution de cet ECR, l'avis de la commission paritaire permanente ne disant pas le contraire puisqu'elle considère qu'il est nécessaire de déterminer le nombre (en ETP) de salariés placés sous l'autorité directe du salarié concerné ;

- l'interprétation a contrario que fait le syndicat de l'avis de cette commission est non seulement spécieuse mais totalement inexacte ;

- il n'y a aucun refus de l'ABRAPA d'appliquer ledit avenant aux salariés qui sont susceptibles d'en bénéficier ;











- au vu de la distinction figurant dans le texte de l'avenant lui-même et de l'interprétation qui en a été faite par la Commission ad hoc de la Convention paritaire ad hoc, l'employeur dispose de la faculté de prendre en considération cette distinction et, après l'avoir confrontée à des critères objectifs, de réserver l'application de l'ECR « Responsabilité » à ceux des salariés qui y sont éligibles ;

- l'action engagée par le syndicat sur la base d'une interprétation collective de la problématique qu'il pose, n'est pas recevable puisque ce type d'action relève exclusivement de la décision individuelle des salariés qui se considèrent comme concernés par la discussion sur le principe ou non de l'éligibilité à l'avantage discuté.



Elle considère que la liste des métiers de la catégorie cadres détaillés dans le tableau du Guide paritaire relatif à l'ECR « Responsabilité » créé par l'avenant 43 est une liste limitative, et que seuls les salariés dont les missions effectivement exercées correspondent aux métiers classés conventionnellement en catégorie « cadres », figurant sur cette liste, peuvent bénéficier de cet ECR, quel que soit l'intitulé de leur poste dans l'organigramme, à condition, qu'ils répondent en sus à toutes les autres conditions d'attribution. Pour les autres salariés exerçant des métiers classés dans la catégorie cadres, mais qui ne sont pas répertoriés dans cette liste, ils ne peuvent en bénéficier, ce qui est le cas des cadres de secteur.



Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises par voie électronique aux dates susvisées.




MOTIFS





Sur l'annulation du jugement



Il résulte de l'assignation en référé délivrée le 30 novembre 2022 à la demande du syndicat, que l'ABRAPA a été citée à comparaître devant le président du tribunal judiciaire de Strasbourg, au visa des articles 834 et 835 du code de procédure civile, aux fins de voir mettre fin à un trouble manifestement illicite.



Par voie de conséquence, la première vice-présidente ne pouvait, comme elle l'a fait, statuer selon la procédure accélérée au fond dont les parties admettent qu'elle n'avait pas vocation à s'appliquer en la matière, aucun élément ne permettant de considérer que la mention selon laquelle le jugement a été rendu selon la procédure accélérée au fond serait le fruit d'une erreur matérielle.



Il convient donc d'annuler le jugement, et d'évoquer le fond du litige en application de l'article 568 du code de procédure civile, la cour devant se prononcer dans la limite des pouvoirs du juge des référés.



Sur la qualité à agir du syndicat



Selon l'article L.2132-3 du code du travail, les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.









Il est admis qu'en vertu de ce texte un syndicat peut agir en justice pour faire reconnaître l'existence d'une irrégularité commise par l'employeur au regard de dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles, ou au regard du principe d'égalité de traitement et demander, outre l'allocation de dommages-intérêts en réparation du préjudice ainsi causé à l'intérêt collectif de la profession, qu'il soit enjoint à l'employeur de mettre fin à l'avenir à l'irrégularité constatée, le cas échéant sous astreinte, la circonstance que seuls quelques salariés de l'entreprise soient concernés par l'irrégularité ou la violation du principe d'égalité de traitement alléguée étant sans incidence sur le droit d'agir du syndicat.



En l'espèce, l'action du syndicat tendant à voir enjoindre à l'employeur de faire bénéficier une catégorie de salariés d'un avantage salarial prévu par un avenant à la convention collective du secteur est recevable, et le juge des référés est compétent pour en connaître dès lors qu'il est argué d'un trouble manifestement illicite..



Il appartient toutefois au syndicat, qui se prévaut d'un trouble manifestement illicite résultant du refus allégué de l'ABRAPA de faire bénéficier la catégorie de salariés responsables de secteur ayant une autorité sur le personnel de leur service de l'élément complémentaire de rémunération « responsabilité » prévu à l'article 19.3 de l'avenant n°43/2020 du 26 février 2020 à la convention collective de branche de l'aide, de l'accompagnement, des soins et des services à domicile, étendue par arrêté du 28 juillet 2021, de démontrer l'existence de ce trouble et son caractère manifestement illicite.



L'article 19.3 de l'avenant précité, intitulé 'ECR spécifique aux cadres' prévoit que les salarié(e)s de la catégorie cadre de la filière support et de la filière d'intervention peuvent bénéficier d'ECR. (...), notamment un ECR 'responsabilité' pour les emplois de la catégorie cadres, degré 1 et 2, cet ECR étant attribué 'en fonction de la responsabilité du (ou de la) salarié(e), c'est à dire en fonction du nombre de salarié(e)s équivalant temps plein (ETP) entrant dans son champ d'intervention [...], pour les postes de responsable de service et de directeur (trice) de service : l'ECR est versé en fonction de l'autorité directe de l'encadrant(e) sur le personnel de son service.'



Selon avis n°05/2022 du 8 mars 2022 de la commission paritaire et permanente de recours et de suivi de l'avenant 43 à la CCN de la branche de l'aide, de l'accompagnement, des soins et des services à domicile du 21 mai 2020, « pour les postes de responsable de service et directeur.trice de service, le ou la chef.fe de service, le ou la psychologue, le médecin ou la doctoresse, le médecin coordinateur ou la doctoresse coordinatrice: l'ECR Responsabilité est versé en fonction de l'autorité directe de l'encadrant.e sur le personnel de son service.[...] Afin de déterminer si un cadre, autre que le/la responsable d'entité, directeur.trice d'entité ou directeur.trice générale.e d'entité, peut se voir attribuer l'ECR, il est nécessaire de déterminer le nombre (en ETP) de salariés qui sont placés sous son autorité directe. ».



Ainsi que l'admettent au demeurant les parties, le bénéfice de cet ECR 'responsabilité' est indépendant de l'intitulé du poste dans l'organigramme, mais suppose de déterminer si des salariés, à partir d'un seuil de 5, sont placés sous l'autorité directe de l'encadrant qui prétend au bénéfice de cet ECR.











En l'espèce, le syndicat ne démontre pas que tous les responsables de secteur seraient éligibles à cet ECR, ni que l'ABRAPA refuserait d'appliquer cet avenant à une catégorie de cadres éligibles, ce qui ne peut être déduit de la réponse apportée le 22 avril 2022 par le directeur général de l'association qui indique que « en l'état, les cadres de secteurs et les infirmiers coordinateurs de services de soins ne sont pas éligibles à l'ECR 'responsabilité', l'avis de la commission ne remettant pas en cause les élément d'objectifs d'attribution », dès lors qu'il n'est pas démontré que des salariés de cette catégorie se serait vu refuser le bénéfice de cet avantage salarial alors qu'ils y étaient éligibles, la seule production de fiches de postes étant insuffisante à cet égard, puisque la détermination de l'éligibilité à cet ECR suppose un examen concret, au cas par cas, du niveau de responsabilité de l'encadrant pour déterminer s'il remplit les conditions d'attribution de l'ECR.



Le syndicat ne rapportant pas la preuve d'un trouble manifestement illicite, il convient de dire n'y avoir lieu à référé.



Succombant, le syndicat supportera la charge des dépens de première instance et d'appel et sera débouté de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



La procédure bien que mal fondée n'est pas pour autant abusive, l'ABRAPA sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.





PAR CES MOTIFS



La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,



ANNULE le jugement du tribunal judiciaire de Strasbourg rendu en la procédure accélére au fond le 14 avril 2023 ;



Statuant sur évocation,



DECLARE recevables les demandes du syndicat CFDT santé sociaux privé du Bas-Rhin ;



DIT n'y avoir lieu à référé ;



DEBOUTE l'association bas-rhinoise d'aide aux personnes âgées de sa demande de dommages et intérêts ;



DEBOUTE le syndicat de sa demande sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;



CONDAMNE le syndicat CFDT santé sociaux privé du Bas-Rhin aux entiers dépens de première instance et d'appel.



La greffière, La présidente,

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