Communiqué : Information judiciaire sur les activités d’une société française pendant la guerre civile en Syrie

16/01/2024

Chambre criminelle - pourvoi n° 22-83.681

La mise en examen de la société française ordonnée pour mise en danger des salariés syriens est annulée.

Cette société reste par ailleurs mise en examen pour des faits de complicité de crimes contre l’humanité et financement d’entreprise terroriste.

Avertissement : Le communiqué n’a pas vocation à exposer dans son intégralité la teneur des arrêts rendus. Il tend à présenter de façon synthétique leurs apports juridiques principaux.

Les faits

En 2011, une guerre civile débute en Syrie.

Une société française de matériaux de construction a maintenu en activité une cimenterie dans ce pays, par l’intermédiaire d’une sous-filiale syrienne employant des salariés syriens.

En 2012, les équipes d’encadrement, qui n’étaient pas de nationalité syrienne, ont été évacuées vers l’Egypte, d’où elles ont continué d’organiser l’activité de l’usine.

Les salariés syriens de l’usine ont poursuivi leur activité au sein de la cimenterie. Logés par leur employeur syrien à Manbij (nord de la Syrie) ces salariés syriens ont été exposés à différents risques, notamment d'enlèvement par des groupes armés tels que l’organisation dite « État islamique ».

En 2014, la cimenterie finit par être évacuée.

 

La procédure

Plusieurs associations et salariés syriens de la cimenterie se sont constitués partie civile pour dénoncer la mise en danger de la vie d’autrui.

La société française a été mise en examen, notamment pour mise en danger d’autrui.

La chambre de l’instruction a rejeté la demande en annulation de cette mise en examen.

La Cour de cassation a annulé cette décision de rejet.

La chambre de l’instruction chargée de réexaminer la demande en annulation a confirmé la mise en examen de la société française.

Elle a jugé qu’il existait des indices graves et concordants de mise en danger de la vie d’autrui. La société française aurait violé de façon manifestement délibérée l’obligation de sécurité imposée à l’employeur par le code du travail français, mais également par le code du travail syrien.

En effet, les salariés syriens qui assuraient la continuité de l’exploitation de l’usine ont été exposés à un risque de mort ou de blessures alors qu’ils n’avaient pas reçu de formation adéquate en cas d’attaque.

 

La décision de la Cour de cassation

Repères

  1. La mise en danger d’autrui

Le fait d’exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou à un risque immédiat de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité qu’impose une loi ou un règlement est puni d'1 an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende (art. 223-1 du code pénal).

Le délit de mise en danger d’autrui ne peut être reproché à une personne que si une loi ou un règlement lui impose une obligation particulière de prudence ou de sécurité.

  1. La loi applicable au contrat de travail exécuté à l’étranger
  • a. Un règlement européen prévoit que, lorsqu’un salarié exécute son travail à l’étranger, la loi applicable à la relation de travail est déterminée par le contrat de travail et, à défaut, par la loi du pays soit ‘dans lequel’, soit ‘à partir duquel’, le travailleur, en exécution de son contrat, accomplit habituellement son travail.
  • b. Par exception, la loi d’un autre pays peut être retenue s'il apparaît que le contrat présente des liens plus étroits avec celui-ci. Certaines dispositions qualifiées de « lois de police », dont le respect est jugé crucial par un pays pour la sauvegarde de ses intérêts publics, sont en outre applicables en toute hypothèse.

Le délit de mise en danger de la vie d’autrui n’est constitué qu’en cas de violation d’une obligation imposée par une loi ou un règlement français.

Or :

  • en l’absence de mentions contraires du contrat de travail, la loi syrienne était applicable à la relation de travail entre la société française et les salariés syriens, puisque ceux-ci travaillaient en Syrie ;
  • il n’existe pas d’éléments suffisants pour affirmer que les contrats de travail des salariés syriens travaillant en Syrie présentaient des liens plus étroits avec la France ;
  • les dispositions du code du travail français concernées ne peuvent être qualifiées de « lois de police » au sens du règlement européen (cf. supra « Repères 2.b. »).

 

La loi française n’étant pas applicable, la Cour de cassation annule la mise en examen de la société.

Comme le prévoit la loi, l’annulation de la mise en examen a pour effet d’attribuer automatiquement à la société le statut de « témoin assisté » : en l’état, elle ne pourrait être renvoyée devant un tribunal pour ces faits.

La société demeure par ailleurs mise en examen des chefs de complicité de crime contre l’humanité et financement d’entreprise terroriste.

  • Communiqués
  • International
  • Pénal

mise en danger de la personne

Actualités similaires

Procédure suivie devant la commission d’instruction de la Cour de justice de la République à la suite de la crise sanitaire liée à la Covid-19

Assemblée plénière - pourvoi n° 22-82.535...

  • Communiqués
  • Pénal
  • Relations institutionnelles
  • Santé

Information judiciaire sur les activités d’une société française pendant la guerre civile en Syrie

Par quatre arrêts rendus sur des pourvois liés à la même affaire, la Cour de cassation apporte des précisions importantes en particulier su...

  • Communiqués
  • International
  • Institution judiciaire
  • Pénal

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.