La bibliothèque intègre le Plan national de conservation partagée des périodiques de Droit

30/10/2023

Le 10 juillet dernier, le premier président a signé la charte d’adhésion au Plan national de conservation partagée des périodiques de Droit (PCP Droit) pour donner à la bibliothèque de la Cour de cassation les moyens d’œuvrer à une meilleure gestion de ses collections de périodiques, à la fois en termes de conservation, de désherbage et de don. Ce plan, coordonné par le Centre technique du livre de l’Enseignement supérieur (CTLes) et la Bibliothèque interuniversitaire Cujas (BIU Cujas), rassemble actuellement 14 bibliothèques juridiques dans un dispositif qui, depuis 2016, a fait ses preuves. En lien avec le réseau universitaire, la bibliothèque de la Cour de cassation se donne ainsi pour objectif de rationaliser plus encore sa politique documentaire dans un contexte budgétaire et immobilier contraint, tout en garantissant à ses usagers un accès à la totalité des ressources concernées par le Plan. Un entretien avec le conservateur en chef de la bibliothèque (ci-joint) vous permettra de mieux cerner les enjeux, non seulement pour la Cour, mais aussi pour l’ensemble de la communauté des praticiens du droit et chercheurs en sciences juridiques.

Entretien avec Philippe Galanopoulos, conservateur de la bibliothèque de la Cour de cassation

Qu’est-ce que le Plan de conservation partagée des périodiques de Droit ?

Philippe Galanopoulous : Le Plan de conservation partagée des périodiques juridiques (dit « PCP Droit ») est entré dans sa septième année de fonctionnement. Il est coordonné par le Centre Technique du Livre de l’enseignement supérieur (le CTLes) et la Bibliothèque interuniversitaire Cujas (BIU Cujas). Il rassemble actuellement 14 bibliothèques juridiques dépendant des universités d’Aix-Marseille, Sorbonne Université, Sorbonne Nouvelle, Paris Panthéon Assas, Paris Cité, Paris Sud, Paris-Saclay, Nanterre, Rouen Normandie et Toulouse 1 Capitole.

La mise en place des premiers plans de conservation partagée, qui remonte aux années 1990, s’est considérablement développée ces dix dernières années. Il existe à ce jour 39 plans, nationaux (thématiques) ou régionaux, concernant 600 bibliothèques et portant sur près de 43 000 titres et 77 000 exemplaires. Le PCP Droit est l’un des derniers nés : il a été mis en place en juillet 2016 pour permettre aux bibliothèques partenaires de faire le choix de conserver ou de se démettre de certaines collections juridiques spécialisées, tout en garantissant à la communauté des chercheurs un accès exhaustif aux titres concernés par le plan.

Pour en savoir plus :

Conservation partagée - Réseau Sudoc PS - abes.fr

Les plans de conservation partagée des périodiques en France, comparatif 2019 - 2021 (enssib.fr)

Pour quelles raison la bibliothèque de la Cour de cassation a-t-elle souhaité intégrer ce Plan ?

P.G. : L’intégration du PCP Droit prolonge en un sens la dynamique des partenariats documentaires initiés, il y a dix ans, par la Cour de cassation avec le réseau universitaire. En 2012, en effet, la bibliothèque signait une double convention de partenariat avec l’Agence bibliographique de l’enseignement supérieur (l’Abes) et la BIU Cujas pour, d’une part, signaler l’ensemble de ses collections de périodiques dans le Système universitaire de documentation (le SUDOC) et, d’autre part, permettre aux membres de la Cour de cassation de bénéficier du service de Prêt entre bibliothèques (le PEB). Ce qui a permis à la bibliothèque de la Cour de cassation : 1/ de valoriser ses collections par un signalement complet de ses 600 titres de périodiques dans le catalogue national du réseau universitaire ; 2/ d’améliorer l’offre de service documentaire à destination des magistrats et des autres membres de la Cour de cassation.

Aujourd’hui, la participation de la bibliothèque de la Cour de cassation au PCP Droit lui donne la possibilité d’intégrer un dispositif collectif qui a fait ses preuves, et dont l’objectif est de mutualiser à l’échelle nationale les moyens de conservation, de rationaliser sa politique documentaire dans un contexte budgétaire et immobilier contraint, tout en garantissant à ses usagers (praticiens du droit, chercheurs, universitaires) un accès à la totalité des ressources gérées par les établissements et bibliothèques partenaires. On comprend immédiatement l’intérêt pour la bibliothèque de la Cour de cassation de bénéficier des moyens offerts par ce réseau constitué de professionnels, en termes de gestion des espaces de stockage et de fourniture documentaire. L’intégration du PCP Droit donne également la possibilité à la bibliothèque de solliciter, à l’occasion des appels à projet annuels, des subventions pour d’éventuels besoins logistiques (récolement, transferts, etc.) ou matériels (reliure, numérisation, etc.).

Pour en savoir plus :

Catalogue en ligne PCP (docressources.fr)

 

Plus concrètement, quelle est la place ou le rôle de la bibliothèque de la Cour de cassation au sein d’un tel dispositif ?

P.G. : Il faut tout d’abord rappeler que, depuis 2016, les copilotes du Plan ont travaillé à établir l’inventaire des ressources concernées et à établir une cartographie de celles-ci.

Le PCP Droit porte aujourd’hui sur 1 367 titres de périodiques juridiques. Il revient désormais à chaque partenaire de participer à la gestion commune de la base de données bibliographiques et à la répartition des actions de conservation durable ou pérenne.

Concrètement, chaque bibliothèque est libre de se porter « pôle de conservation » sur les titres qu’elle estime devoir conserver de manière pérenne. Ce statut l’engage dès lors à constituer et à entretenir une collection de référence (notamment grâce aux dons des autres bibliothèques participantes), à signaler l’état précis de ses collections dans la base de gestion partagée et dans le SUDOC (en particulier, pour signaler toute lacune) et permettre l’accès à la collection, soit sur site, soit à distance par le biais de reproduction de contenus. Sur les 1 367 périodiques concernés par le PCP Droit, 965 titres possèdent déjà un ou plusieurs « pôles de conservation ». La bibliothèque de la Cour de cassation, par la richesse de ses collections de périodiques, a toute sa place dans ce dispositif, à la fois pour constituer et conserver ses propres collections de périodiques de référence et pour contribuer, par le biais de dons, à la constitution de collections de références au sein des autres bibliothèques partenaires.

Pour en savoir plus :

PCP Droit (ctles.fr)

 

Pour la bibliothèque de la Cour de cassation, quels sont les titres directement concernés ?

P.G. : Il faut savoir que la bibliothèque conserve plus de 50 000 volumes, soit un linéaire de près de 5 kilomètres, répartis à tous les étages du 5 quai de l’horloge, depuis les magasins situés en sous-sol jusqu’aux placards du Dôme et de la Tour Bonbec, en passant par la salle de lecture, les galeries, les chambres, les secrétariats généraux. Les deux tiers environs de ses collections concernent des périodiques (revues, journaux, gazettes, magazines, etc.), périodiques dont les plus nombreux ne sont jamais consultés. Une rationalisation des espaces de conservation devient non seulement urgente, mais indispensable, plus encore dans un contexte immobilier qui, au Palais de justice, nécessite le retrait imminent des collections actuellement disposés dans le bâtiment B5 (ancienne bibliothèque du TGI et salle du Cercle), ce qui représente environ 500 mètres linéaires à déplacer, puis replacer, et laisse prévoir d’autres mouvements du même ordre. Une réflexion documentaire sur le long terme est donc impérative, elle doit tenir compte des spécificités de la Cour de cassation : ses missions, les besoins documentaires de ses membres, ses grandes orientations, sans omettre évidemment sa dimension historique et patrimoniale.

Pour l’équipe de la bibliothèque, le travail doit se faire étape par étape, sans précipitation. Tout d’abord, il va falloir travailler au récolement fin des collections de périodiques. Cela suppose de vérifier les bornes chronologiques conservées, le nombre de volumes et les lacunes éventuelles. Ensuite, une réflexion devra être portée, titre par titre, sur l’utilité de leur conservation sur site au regard de l’utilité pour nos publics ou de leur pertinence historique, voire patrimoniale.

La bibliothèque est actuellement abonnée à près de 200 titres de périodiques, elle en fait relier une centaine chaque année. On peut raisonnablement estimer que ces 200 titres continueront d’être acquis et conservés par la bibliothèque : ce sont les titres les plus consultés. A l’intérieur de cet ensemble, il faudra positionner la bibliothèque en tant que « pôle de conservation ». Ce positionnement est évident pour les publications de la Cour de cassation, pensons en particulier au Bulletin des arrêts de la Cour de cassation (an II – 2019), aux Etudes, Rapports, Discours de rentrées, Annuaires de la Cour, au Bulletin d’information de la Cour de cassation, etc. De même, la conservation pérenne des recueils de jurisprudence commentée (Devilleneuve, Dalloz, Sirey) ou de titres majeurs comme La Gazette du Palais, La semaine juridique (JCP), la Revue trimestrielle de droit civil, la Revue de sciences criminelles et de droit pénal comparé, Droit social, et bien d’autres encore, s’imposent.

La réflexion va surtout porter sur les titres que l’on dit « morts » dans le jargon professionnel, à savoir les titres très anciens ou qui ont cessé d’être publiés. La bibliothèque en conserve plus de trois cents ! Or, quelle utilité y a-t-il à garder, par exemple, les annales de différentes facultés de droit publiées au XIXe et XXe siècles ? Doit-on conserver toutes les revues – et elles sont nombreuses – ayant trait à la législation, la jurisprudence et la doctrine coloniales ? Celles des cours d’appel d’Alger, Rabat ou Tunis, de Madagascar et de la Nouvelle-Calédonie ? Ne vaut-il pas mieux en confier la conservation et la valorisation à des établissements accueillant des publics d’historiens du droit directement concernés par tels champs thématiques ou tels corpus documentaires ? Pourquoi conserver des revues juridiques parcellaires ou lacunaires faisant état de la jurisprudence des cours d’appel de Paris, Versailles ou d’autres ressorts dans les années 1970, 1980 ou 1990 ? Quel usage aujourd’hui pour les revues pénitentiaires datant des années 1950 ? Ou pour des revues de réflexion politique et juridique remontant à la Belle Epoque ? Que dire encore de titres pointus et obsolètes comme la Revue pratique de législation agricole publiée entre 1955 et 1966 ?

A l’instar des autres plans thématiques, le PCP Droit a pour but de permettre aux établissements partenaires de se dessaisir des collections de périodiques sans lecteur au bénéfice de bibliothèques intéressées par la constitution de corpus de référence.

 

Quels sont les résultats attendus ?

P.G. : À terme, la participation de la Cour de cassation au PCP Droit devrait permettre à la bibliothèque de rationaliser sa politique de conservation, en concentrant sa gestion documentaire sur des collections de référence. Moins de titres, mais des titres complets, en bon état matériel, utiles au travail des magistrats ou précieux pour une recherche universitaire ciblée. Cet objectif de rationalisation se traduira mécaniquement par la libération d’espaces de stockage – que l’on peut estimer autour de 2 kilomètres linéaires, espaces qui pourraient dès lors être réaffectés à d’autres collections ou besoins. La mise en réseau des moyens de signalement et d’informations portant sur les collections de la Cour de cassation contribuera ainsi à une meilleure visibilité de celles-ci auprès d’un large public.

La labélisation de la bibliothèque au titre de « pôle de conservation » est également une garantie de sanctuarisation de ses missions et collections, pour ne pas dire de ses moyens : ceux affectés à la bonne gestion du service documentaire. Enfin, l’articulation du PCP Droit avec des projets de numérisation de dimension nationale donnera la possibilité à la bibliothèque de la Cour de mettre les titres de périodiques qu’elle ne souhaite pas conserver à la disposition du plus grand nombre, par voie de dématérialisation. Cette solution sera envisagée chaque fois que possible, soit en lien avec le groupe de travail CollEx-Persée, soit en lien avec la Bibliothèque nationale de France pour l’enrichissement de sa bibliothèque numérique Gallica. Ce serait ainsi une manière de donner une nouvelle vie à des collections vouées à l’abandon ou à la destruction.

Pour en savoir plus :

Numérisation < CollEx - Persée (collexpersee.eu)

Les partenaires de Gallica | Gallica (bnf.fr)

Philippe Galanopoulos

Culture

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