18/10/2023

Première chambre civile - pourvoi n°22-18.926
Une association de protection de l’enfance peut demander à la justice d’ordonner aux fournisseurs d’accès internet le blocage de l’accès à un site pornographique susceptible d’être vu par un mineur sans avoir à agir d’abord contre l’hébergeur, l’éditeur ou l’auteur des contenus.
Avertissement : Le communiqué n’a pas vocation à exposer dans son intégralité la teneur des arrêts rendus. Il tend à présenter de façon synthétique leurs apports juridiques principaux.
Les faits et la procédure
Repères : Les hébergeurs, les fournisseurs et leurs obligations
« Hébergeur » : entreprise qui fournit sur ses propres serveurs un service de stockage de données au profit d’éditeurs de contenus.
« Fournisseur » : entreprise qui offre les moyens techniques de se connecter au réseau internet, le plus souvent en contrepartie d’une rémunération.
Leurs obligations : hébergeurs et fournisseurs ont l’obligation de participer à la lutte contre la diffusion de certaines infractions telles que la diffusion de contenus pornographiques lorsqu’ils sont susceptibles d’être vus par des mineurs.
Une association de protection de l’enfance a demandé à la justice de contraindre des fournisseurs d’accès internet à bloquer l’accès du public à plusieurs sites pornographiques, depuis la France.
L’association a fait le choix de saisir le juge en urgence (procédure dite de « référé »), sans avoir d’abord cherché à mettre en cause les éditeurs des sites pornographiques ou leurs hébergeurs.
Repères : Les pouvoirs du juge judiciaire
La diffusion sur internet d’un message pornographique susceptible d’être vu ou perçu par un mineur est interdite (art. 227-24 du code pénal).
Le juge peut imposer en urgence aux hébergeurs ou aux fournisseurs de prendre toute mesure propre à faire cesser ou prévenir un dommage causé par le contenu d’un service de communication en ligne (art. 6-I-8 de la loi de 2004 pour la confiance dans l’économie numérique).
Les juges ont refusé d'examiner la demande de l'association, considérant qu'elle aurait dû agir d'abord contre les éditeurs des sites pornographiques ou contre leurs hébergeurs.
La question posée à la Cour de cassation
Une association de protection de l’enfance peut-elle saisir la justice pour lui demander de contraindre des fournisseurs internet à bloquer l’accès du public à un site pornographique, sans avoir engagé au préalable une action en justice contre l’éditeur des contenus ou contre son hébergeur ?
La réponse de la Cour de cassation
L’article 6-I-8 de la loi de 2004 pour la confiance dans l’économie numérique ne crée pas de hiérarchie entre l’action en justice menée contre l’hébergeur de sites pornographiques et l’action en justice menée contre le fournisseur d’accès internet.
Dès lors, une association de protection de l’enfance peut demander à la justice de contraindre des fournisseurs d’accès internet à bloquer un site pornographique sans qu’il soit exigé d’elle qu’elle ait d’abord mis en cause l’éditeur des contenus ou son hébergeur.
Il n’est pas non plus attendu de l’association de protection de l’enfance qu’elle démontre qu’il lui était impossible d’engager une procédure contre ces éditeurs, auteurs ou hébergeurs de sites pornographiques. La personne qui demande le blocage d’un site pornographique peut donc agir indifféremment contre l’hébergeur ou contre les fournisseurs d’accès à internet.
Il appartient ensuite au juge saisi d’accorder ou non les mesures demandées.
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