Motivation enrichie : le guide de rédaction

Les arrêts de la Cour de cassation constituent l’aboutissement du travail juridictionnel accompli au sein de chaque formation de jugement.

Pendant longtemps, ces arrêts se sont caractérisés par leur concision.  Ce style court a pu être considéré comme un facteur d’autorité. Il aurait également été imposé par la technique de cassation, fondée sur le syllogisme, qui exige l'énoncé de la règle de droit, puis du moyen et des motifs des juges du fond avec lesquels elle sera confrontée pour parvenir à sa conclusion.

Depuis plusieurs années, la question de l’évolution de la rédaction de ses arrêts est devenue un enjeu majeur pour la Cour de cassation.

Il importe aujourd’hui que les décisions de justice soient plus intelligibles pour les justiciables, mais aussi, au-delà des parties, pour l’ensemble de la communauté des juristes, afin de garantir un droit plus prévisible.

Dans un contexte de mondialisation du droit, ces décisions doivent également être comprises des juridictions étrangères ou supranationales dans le souci de favoriser un dialogue des juges ou tout au moins une diffusion de la jurisprudence.

L’argumentation convaincante de la décision contribue à sa compréhension et à son autorité.  Comme l’ont montré les travaux de la commission « cassation 2030 », elle légitime le pouvoir créateur du juge. 

Sous l’impulsion de M. le premier président Bertrand Louvel, les premiers travaux de réflexion et d’expérimentation sur la rédaction et l’enrichissement de la motivation des arrêts ont été menés à compter de 2014.

Ils ont donné lieu à des recommandations dans le rapport de la commission sur la réforme de la Cour de cassation déposé par M. le président Jean-Paul Jean en avril 2017.

Rapport de la commission sur la réforme de la Cour de cassation (2017)

Première étape : abandon de l’attendu et passage au style direct pour une rédaction plus claire et plus accessible

En 2019, les travaux de la Commission de mise en œuvre de la réforme de la Cour de cassation, présidée par M. le président Bruno Pireyre, ont conduit à l’adoption d’un guide des nouvelles règles relatives à la structure et à la rédaction des arrêts avec abandon du recours à la phrase unique et de la rédaction en « attendu ». Les décisions de la Cour de cassation sont désormais rédigées en style direct avec le recours à un plan organisé et à des paragraphes numérotés.

guide des nouvelles règles relatives à la rédaction des arrêts

Deuxième étape : motivation enrichie pour une rédaction plus explicative

Parmi les recommandations, publiées en 2021, de la commission de réflexion « Cour de cassation 2030 » créée par  Mme la première présidente Chantal Arens, figure l’utilisation plus fréquente de la motivation enrichie, « en y intégrant non seulement la dimension juridique de l’arrêt mais également des explications destinées à faciliter sa compréhension par le plus grand nombre » (recommandation n° 2).

Rapport "Cour de cassation 2030"

L’explication pédagogique est préconisée dans certaines affaires auxquelles l’ensemble des citoyens est particulièrement sensible. Il est également préconisé que la motivation enrichie soit étendue à un plus grand nombre d’affaires et que sa méthodologie donne lieu à une réflexion prospective et rétrospective.

M. le premier président Christophe Soulard a confié, en septembre 2022 à Mme la présidente Agnes Martinel la mission de poursuivre les réflexions avec, notamment, la rédaction d’un guide pratique sur la motivation enrichie commun à l’ensemble des chambres de la Cour de cassation.

Le guide s'est construit à partir de la pratique des différentes chambres et de l’assemblée plénière de la Cour de cassation. Il a pour vocation d’encourager et de faciliter le recours à la motivation enrichie. Il a également permis de théoriser certaines initiatives de chambres.

Mais ce guide n’est pas un outil figé. La pratique de la motivation enrichie a vocation à continuer à progresser et ce guide a vocation à évoluer avec elle.

La publication du mémento a pour objectif de donner à voir l’évolution et la modernisation des méthodes de travail de la Cour de cassation, qui s’inscrivent dans un processus de progrès continu.