Allocution de procureur général, Rémy Heitz, lors de son audience de présentation

08/09/2023

Madame la Première ministre,

Mesdames et Messieurs les hautes personnalités civiles, religieuses, militaires et judiciaires, de France et de l’étranger, qui me pardonneront de ne pouvoir les citer nommément mais que je salue et remercie chaleureusement pour leur présence,

Mesdames et Messieurs, chers collègues,

« Tout commencement est difficile, et la difficulté de celui-ci n’est pas la moindre assurément. Aussi suis-je reconnaissant à la tradition qui m’épargne les incertitudes d’un début en me désignant ce que doit être mon propos : un remerciement. Mais était-il bien nécessaire qu’une tradition me prescrive mon devoir en la circonstance ? Est-il sentiment plus naturel et qu’on ait plus envie d’exprimer que la reconnaissance ? ».

Ces mots, que j’emprunte au discours de réception à l’Académie française de René REMOND, traduisent parfaitement mon état d’esprit au moment où je m’exprime devant vous.

Madame la Première ministre, le président de la République a décidé, sur votre proposition, de me confier les fonctions auxquelles j’accède aujourd’hui.

C’est un honneur, autant que l’est votre présence à cette audience qui manifeste l’intérêt que vous portez à l’institution judiciaire, à cette Cour et à ceux qui la servent. Pour cela, au nom de notre communauté judiciaire, je vous exprime ma vive gratitude.

Je vous remercie aussi, Madame la secrétaire d’Etat chargée de l’Enfance, chère Charlotte CAUBEL, de votre présence.

Mesdames et Messieurs les membres du Conseil supérieur de la magistrature,

Mon regard se tourne en tout premier lieu vers vous, qui avez émis un avis favorable à ma nomination. Votre confiance m’honore, autant qu’elle m’oblige.

Œuvrant désormais au sein de votre collégialité, en qualité de président de la formation du parquet, j’ai déjà pu mesurer la richesse des missions du Conseil et des personnalités qui le composent.

Vous savez l’importance que j’accorde à ces fonctions et combien je suis sensible aux enjeux déontologiques et d’indépendance qui sont au cœur de notre activité.

Nos premières séances de travail m’ont laissé la meilleure impression et je peux vous assurer que mon engagement à vos côtés sera entier.

Monsieur le premier président, cher Christophe SOULARD,

Vous avez eu des mots chaleureux à mon égard et je vous en remercie vivement. Nous nous connaissons bien en effet et vous retrouver dans ce nouveau cadre professionnel est un réel et sincère plaisir. J’ai été très sensible à la courtoisie de votre accueil et à la qualité de nos premiers échanges.

Vous connaissez parfaitement la Cour de cassation et votre première année de fonctions a déjà été marquée par des innovations importantes, destinées notamment à favoriser la connaissance par le plus grand nombre de la jurisprudence de cette haute juridiction.

Soyez assuré que je placerai notre action commune à la tête de la Cour de cassation dans la pleine continuité de cet élan, avec le souci d’une parfaite harmonie dans les relations du siège et du parquet général.

Monsieur le premier avocat général, cher Dominique GAILLARDOT, je me réjouis aussi de vous retrouver et vous remercie très sincèrement pour les paroles que vous venez de prononcer, qui me sont précieuses à l’heure d’embrasser mes fonctions.

Ma reconnaissance est immense également envers l’institution qui m’a offert jusqu’à ce jour une vie professionnelle si intense et si riche, et envers toutes celles et tous ceux qui ont accompagné mon chemin. En saluant les nombreux chefs de cour et de juridiction, représentatifs de la diversité à la fois de nos parcours et de nos territoires, je tiens à souligner le bonheur professionnel rencontré dans chacune de mes affectations, au parquet comme au siège, de l’Est à l’Ouest de notre grand pays. J’ai eu la chance d’occuper de nombreux postes, au sein même de notre institution, à l’extérieur aussi. Tous m’ont enrichi. Tous m’ont permis d’apprécier les forces mais aussi les faiblesses de notre système judiciaire. Et parmi les forces, je place l’unité de notre corps, qui permet le partage de valeurs communes à l’ensemble des magistrats de ce pays, gardiens vigilants des libertés individuelles au siège comme au parquet. Tous mes postes m’ont surtout donné l’occasion de mesurer l’importance du besoin de justice ressenti par nos concitoyens.

En évoquant le parcours qui m’a conduit jusqu’ici, vous comprendrez que j’ai une attention particulière pour mes amis procureurs généraux, avec lesquels j’ai tant aimé échanger dernièrement au sein de notre Conférence et pour l’ensemble de mes collègues du ressort de la cour de Paris dont j’ai pu mesurer au fil du temps l’inlassable engagement et la loyauté sans faille. J’adresse en particulier mes chaleureuses pensées à Jean-Michel HAYAT et à Jacques BOULARD, premiers présidents de la cour d’appel de Paris, qui me font l’amitié de leur présence et avec lesquels j’ai eu le plaisir de diriger cette cour en tout point exceptionnelle.

Dans mes fonctions à l’administration centrale, j’ai pu appréhender et défendre la place de la Justice dans l’Etat, sous l’autorité de plusieurs gardes des Sceaux. Trois d’entre eux, Mme Elisabeth GUIGOU, M. Dominique PERBEN et Mme Nicole BELLOUBET me font l’honneur d’être présents ce jour. Qu’ils en soient chaleureusement remerciés.

Un parcours se construit au fil de rencontres, fruit parfois du hasard, mais ô combien décisives. Le mien en est l’illustration. Le privilège m’a été donné de travailler sous l’autorité de grands magistrats. Certains sont avec nous par la pensée aujourd’hui, d’autres physiquement là et je veux saluer notamment M. Laurent LE MESLE, qui a été envers moi d’un soutien constant depuis ma première affectation à Pontoise.

Ma reconnaissance va enfin aux miens, à mon épouse partie trop tôt, à mes enfants, petits-enfants présents et à venir qui me donnent cette force de vie sans laquelle on ne peut rien. A mes amis aussi, nombreux à être présents dans cette salle.

Me voici donc revêtu de cette robe, qui rappelle avant tout à celle ou celui qui la porte la charge et les devoirs qui lui incombent au quotidien et marque l’effacement de l’individualité du magistrat au bénéfice de la fonction.

Me voici dans ce palais où la justice est rendue depuis des temps immémoriaux, au sein de cette juridiction nationale unique siégeant au cœur du Paris historique, ville à laquelle je suis si profondément attaché et que vous représentez aujourd’hui, Madame la maire, chère Anne HIDALGO.

Me voici dans le fauteuil de prédécesseurs qui ont exercé cette fonction avec grandeur, en laissant une empreinte profonde dans l’histoire judiciaire de notre pays. Les noms de Pierre TRUCHE, Jean-François BURGELIN, Jean-Louis NADAL, Jean-Claude MARIN, François MOLINS résonnent encore dans les murs de cette grand-chambre comme ceux de Robert SCHMELCK ou de Pierre ARPAILLANGE.

A l’énoncé de ces grandes figures, je mesure le poids et l’étendue des responsabilités qui m’incombent désormais.

*

J’aurai à cœur d’exercer pleinement et sans relâche le magistère moral attaché à cette fonction et de défendre avec toute la vigueur nécessaire l’institution judiciaire et ceux qui la servent. Ces magistrats et fonctionnaires de justice dont 35 années d’exercice me permettent d’attester la disponibilité, l’engagement et le désintéressement.

Je le ferai dans l’esprit ayant animé à cette place mon prédécesseur, François MOLINS, auquel vous avez fort justement, mes chers collègues, rendu hommage. Pour la seconde fois, je vais succéder à celui qui a porté au plus haut les principes fondamentaux du ministère public. Exercice exigeant s’il en est, tant François MOLINS aura incarné l’image du procureur. Je le ferai, avec la personnalité et le style qui sont les miens, avec humilité certes mais animé d’une même détermination à défendre les valeurs qui fondent l’action de la justice.

Je le ferai dans un moment particulier, où se mêlent espoir et inquiétude.

Espoir de voir notre institution dotée de moyens propres à assurer son fonctionnement de manière plus satisfaisante. L’effort mobilisé par la Nation au service de la Justice est, dans la continuité des Etats généraux, historique, avec le recrutement de nombreux magistrats et greffiers supplémentaires, prévu dans le projet de loi porté par le garde des Sceaux devant le parlement et une augmentation sans précédent du budget de la justice.

De leur côté, les juridictions se sont mobilisées pour accompagner cette forte dynamique et revoir leur organisation et leurs modes de fonctionnement. Je pense par exemple aux initiatives engagées pour évaluer la charge de travail, développer l’équipe autour du magistrat ou encore à l’énergie et l’imagination déployées pour proposer puis expérimenter des innovations numériques.

L’inquiétude demeure cependant.

Une inquiétude nourrie par l’ampleur des difficultés entourant l’exercice de nos missions judiciaires, mais également par les attaques répétées subies par l’institution, ses acteurs, jusqu’à ses tribunaux, de manière inacceptable encore récemment.

Dans un monde éminemment instable, soumis au diktat de l’immédiateté, certains repères s’effacent. La justice, comme les autres institutions de notre République, est mise à rude épreuve. Il faut aujourd’hui être lucide. La survie de notre modèle démocratique, fondé sur l’Etat de droit, n’est pas acquise. Elle est bien au contraire une quête perpétuelle qui dépend de la vigilance des citoyens mais aussi de la capacité de chaque acteur institutionnel à tenir son rôle et à respecter celui des autres. Cet équilibre est un édifice placé sous notre responsabilité, individuelle et collective. Un édifice forgé par le temps et qui peut se fissurer très vite, très gravement. Un édifice qui repose sur la confiance de nos concitoyens. Et l’on sait à quel point la confiance dans la justice et la confiance dans les institutions politiques vont de pair. Il est donc du devoir de chacun, et notamment de chaque responsable public de faire preuve de rigueur, de mesure et de solidarité pour préserver cette confiance et assurer la solidité de nos institutions républicaines.

*

C’est dans cet état d’esprit que je souhaiterais vous dire la conception que je me fais de mon rôle. Le temps qui m’est imparti pour ces nouvelles fonctions, si les circonstances de la vie le permettent, est un temps long. Je crois à la force de ce temps long, qui permet de construire dans la durée et la stabilité, et d’échapper aux dangers de l’immédiateté que je viens d’évoquer.

A l’instar de beaucoup de mes prédécesseurs, j’exerce pour la première fois à la Cour de cassation.

Il serait donc présomptueux de présenter ici un plan d’action détaillé. Il me faut au départ consulter, observer, écouter pour comprendre.

Néanmoins, je tiens à fixer dès aujourd’hui un cap clair.

Je donnerai à mon action quatre impulsions.

En premier lieu, chacun comprendra que j’évoque les moyens d’agir du parquet général et que je me tourne vers mon équipe. Je tiens à exprimer à l’ensemble des premiers avocats généraux, des avocats généraux et des avocats généraux référendaires, la fierté qui est la mienne de travailler avec eux.

Mon prédécesseur a souvent été amené, ici même, à préciser la spécificité du parquet général de la Cour de cassation, qui, n’exerçant pas l’action publique et donc l’engagement des poursuites, ne peut être comparé aux parquets des juridictions du fond.

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il a défendu avec force une proposition de modifications législatives traduisant dans la loi l’indépendance dont jouissent de facto les avocats généraux dans l’exercice de leur mission. Cette indépendance est issue d’une tradition longue, ininterrompue et incontestée. Elle participe à la qualité du travail produit par le parquet général, comme à celle des décisions de notre Cour qui, riche de cette intelligence collective, agit aux seuls services qui comptent, celui de l’intérêt général, celui du justiciable.

Pourtant, l’ambiguïté des textes en vigueur a entravé l’action du parquet général de la Cour de cassation depuis plus de 20 ans. Cette ambiguïté l’a injustement fait paraître comme partial et a conduit la Cour européenne des droits de l’homme à en tirer les conséquences. 

Le législateur est venu à notre secours en 2016, en définissant mieux la mission du parquet général de la Cour de cassation qui « rend des avis dans l’intérêt de la loi et du bien commun » et « éclaire la Cour sur la portée de la décision à intervenir ». Mais cela n’est pas suffisant.

Madame la Première ministre, Madame et Monsieur les représentants du Sénat et de l’Assemblée nationale, je me tourne vers vous car je ne doute pas que vous saurez répondre à cette demande de clarification. Il est possible de donner rapidement au parquet général de la Cour de cassation les moyens de son action en levant les ambiguïtés et en mettant en cohérence les textes avec la pratique. La période est propice, voire décisive, puisque la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme a connu une évolution récente permettant une association plus étroite du parquet général à l’élaboration des décisions.

C’est à la fois symbolique et très concret.

De mon côté, je m’attellerai à des réformes de fonctionnement et d’organisation.

Mes premiers échanges avec les magistrats, du siège comme du parquet général, m’ont en effet permis de mesurer le besoin d’un cadre de travail clair et pérenne, commun à toutes les chambres. Je n’entrerai pas ici dans le détail de ce fonctionnement. Mais je veux vous assurer, mes chers collègues du parquet général, que la valorisation et le renforcement de notre place dans ce processus décisionnel constituera pour moi une priorité de tous les instants.

Une place qui offre à cette juridiction de tirer le meilleur profit du savoir, des compétences, de la rigueur et de la richesse des avis des avocats généraux. Une place dont l’histoire a montré, dans des affaires célèbres comme l’affaire Dreyfus, réhabilité dans cette salle en 1906, ou dans d’autres plus anonymes, combien elle était essentielle. Pour avancer, nous devrons, mes chers collègues du parquet général, nous appuyer sur ce qui fait notre force : la dimension collective de notre organisation et le travail en équipe.

Car l’indépendance n’est pas synonyme d’isolement.

Je conçois cette équipe de façon large en y incluant naturellement les fonctionnaires et agents de la Cour dont j’ai déjà pu constater l’extrême disponibilité et la remarquable compétence. Cette équipe est elle-même partie d’une communauté humaine plus large : celle de la Cour de cassation dans son ensemble. Je saisis cette occasion pour vous saluer chaleureusement, Mesdames et Messieurs les présidents de chambre, Mesdames et Messieurs les conseillers, conseillers référendaires et auditeurs, et pour vous dire le plaisir que j’aurai à travailler avec vous.

Dans cette démarche de réforme, je sais pouvoir compter sur votre indispensable soutien M. le premier président. Comme je suis aussi certain du soutien des avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, avec lesquels mes premiers échanges ont été, Monsieur le président de l’Ordre, cher François MOLINIE, Monsieur le président désigné, cher Thomas LYON-CAEN, des plus cordiaux. Ceux qui me connaissent savent l’importance que j’attache au contradictoire, à la place de la défense dans notre système judiciaire et à la qualité des relations entre les magistrats et les avocats.

*

La deuxième impulsion que je donnerai à la tête de ce parquet général est celle de l’ouverture et du dialogue.

L’apport spécifique du parquet général est d’offrir un double regard porté sur les affaires, comme le fait d’ailleurs le rapporteur public au Conseil d’Etat ou l’avocat général de la Cour de justice de l’Union européenne. Il est aussi cette fameuse « fenêtre ouverte sur le large » qui permet d’enrichir, au nom de l’intérêt général, les travaux de la Cour. Cette fenêtre mérite à mes yeux d’être encore agrandie, élargie ! J’entends donc soutenir pleinement toutes les actions destinées à accroître cette ouverture vers l’ensemble de nos partenaires institutionnels. Il s’agit là d’un objectif primordial destiné à mieux cerner les incidences sociales, économiques et juridiques des décisions prises dans ces murs.

Cette attention se portera notamment vers le législateur.

Messieurs les présidents des commissions des lois du Sénat et de l’Assemblée nationale, nos premiers contacts augurent de relations constructives et ouvertes, et vous trouverez en moi un interlocuteur soucieux de rapprocher l’expertise de nos institutions respectives au service de l’élaboration de la loi et de son application.

Dans le même état d’esprit, nous poursuivrons les échanges réguliers engagés tant avec le Conseil constitutionnel qu’avec le Conseil d’Etat, Monsieur le vice-président, cher Didier-Roland TABUTEAU. Je sais combien ce dialogue permanent entre nos cours est précieux et participe d’une œuvre de justice harmonieuse.

Le rôle du parquet général est aussi de faire connaître et comprendre les décisions rendues par la Cour de cassation, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’institution.

A l’intérieur bien sûr, en renforçant nos liens avec les juridictions du fond. La mise en place de l’observatoire des litiges judiciaires constituera une belle opportunité à cet égard. J’entends par ailleurs proposer aux procureurs généraux, qui sont à l’initiative de nombreux pourvois, de nouvelles modalités d’échanges et souhaite poursuivre le tour de France des cours d’appel initié par mon prédécesseur en élargissant les thématiques retenues pour ces rencontres.

A l’extérieur aussi, ce qui me conduira à aller au-devant des principaux acteurs politiques, économiques et sociaux de notre pays et à faire vivre le dialogue avec ses grandes institutions, telles que la Cour des comptes, dont le premier président et le procureur général me font l’honneur de leur présence. Et à échanger de façon permanente avec l’Université dont je salue les éminents représentants dans cette salle et notamment Monsieur le Recteur de Paris, Chancelier des Universités. Plus que jamais, notre parquet général doit se nourrir de la doctrine et de la recherche, en droit bien sûr mais aussi, plus largement, en sciences sociales. A cette fin, il prendra appui sur l’Institut des études et de la recherche sur le droit et la justice dont la Cour de cassation est membre.

Ces échanges doivent nous permettre de mieux comprendre la société dans laquelle nous œuvrons. Ils doivent nous permettre de déchiffrer le monde dans lequel notre pays évolue.

A cet égard, permettez-moi d’insister sur ma volonté de développer les échanges internationaux du parquet général et d’entretenir des relations nourries avec les cours supérieures étrangères et européennes, dont je salue les représentants ici présents. Je me rendrai prochainement à Strasbourg et à Luxembourg. Naturellement, je continuerai à faire vivre le Réseau des procureurs généraux près les cours suprêmes de l’Union européenne, dit réseau NADAL, dont j’espère qu’il se dotera bientôt d’un secrétariat permanent. Je souhaite aussi accroître le dialogue avec mes homologues au-delà des frontières européennes, persuadé que nous pouvons y trouver une source d’inspiration, tant sur les modes de fonctionnement que sur la jurisprudence. Vous l’avez compris : le parquet général entend participer activement au dialogue mondial des juridictions.

*

Les moyens d’agir et l’ouverture donc comme premières priorités.

Le troisième axe du cap que je me suis fixé, qui constituera l’une de mes préoccupations du quotidien, sera l’attention portée à notre principale richesse, les ressources humaines. La co-présidence du Conseil supérieur de la magistrature et la vice-présidence du conseil d’administration de l’Ecole nationale de la magistrature me mobiliseront pleinement à cet égard.

Les enjeux sont de taille.

Enjeux de moyens pour un Conseil supérieur de la magistrature dont l’indépendance et la capacité d’agir méritent encore d’être consolidées, puisque cette indépendance concourt à celle de l’autorité judiciaire comme l’a clairement énoncé le Conseil constitutionnel.

Enjeux de croissance et de développement pour notre Ecole nationale de la magistrature, appelée à former un nombre sans cesse plus grand de publics tout en maintenant l’excellence qui fonde sa réputation en France comme partout dans le monde. Les recrutements d’ampleur déjà évoqués doivent en effet s’effectuer sans altération du niveau de qualité exigé pour l’exercice des fonctions de magistrat. Il nous faut, dans le même temps, promouvoir davantage l’égalité des chances et l’optimisation des reconversions professionnelles vers la magistrature. Madame la directrice, chère Nathalie RORET, vous pourrez compter sur mon entier soutien pour que l’ENM, qui donne déjà tant à chacun de nous, relève ces défis sans précédents.

*

La quatrième impulsion que je souhaite donner au parquet général consiste à le tourner vers l’avenir.

La Cour de cassation, à la tête de l’ordre judiciaire, doit continuer à être pionnière, par exemple sur le champ numérique. Avec son service de documentation, des études et du rapport, elle porte déjà la mise en œuvre de l’open data, qui donnera accès à terme, chaque année, à près de 5 millions de décisions rendues par l’ensemble des juridictions judiciaires. Je me réjouis d’ailleurs que les avis du parquet général soient eux aussi davantage accessibles. Il s’agit d’un enjeu démocratique majeur.

Le parquet général doit s’inscrire résolument dans cette démarche prospective car, pour citer LEIBNIZ, « le présent est gros de l’avenir ».

C’est notre responsabilité commune que de « dire le droit ».

Non pas un droit figé, mais un droit vivant intégrant les évolutions de la société, un droit « trop humain pour prétendre à l’absolu de la ligne droite » selon la belle formule du doyen CARBONNIER. Dire le droit en appliquant la loi, notre loi de la République, la même pour tous. Et pour nous le rappeler, regardons, au-dessus de nos têtes, le tableau de Paul BAUDRY représentant un magistrat s’inclinant devant la loi qui trône en majesté.

Dans cet exercice, il nous faut comprendre les mutations à l’œuvre, d’autant plus que la société civile nous en saisit et attend des réponses de principe qui nous obligent à repenser nos concepts juridiques. Il en va ainsi par exemple du contentieux émergent du droit des générations futures, lié à la protection de l’environnement, au dérèglement climatique et à la préservation de la biodiversité.

*

Je terminerai en soulignant la fierté et la conscience qui sont les miennes de servir une institution co-responsable d’une démocratie précieuse et fragile.

Vous l’avez rappelé Monsieur le premier président, en tant que procureur général, je me vois confier l’exercice du ministère public devant la Cour de justice de la République. J’exercerai ces fonctions de procureur, accompagné de l’avocat général délégué à cette fin, avec l’exigence d’impartialité, d’indépendance et de justice qui a jusqu’alors guidé chacune de mes décisions de magistrat.

*

A l’heure de clore mon propos, je souhaite au-delà de ces murs, en tant que « premier procureur du pays » selon l’expression consacrée, m’adresser aux plus de 2000 magistrats du ministère public français.

Mes chers collègues, en tant que défenseurs de la société, de la loi et des libertés, vous avez entre vos mains l’équilibre de notre pacte social. Il s’agit d’une mission intense et périlleuse, qui impose un dévouement de tous les instants et un courage hors du commun. Je sais avec quel sens éthique vous l’accomplissez au quotidien. Vous l’avez encore pleinement démontré au début de l’été.

Alors que le rôle des parquets ne cesse de s’étendre et que le champ des réponses pénales réserve une part de plus en plus importante au procureur, il est impératif de consolider le statut du parquet par une réforme constitutionnelle si souvent promise et tant attendue. Je m’emploierai à répéter inlassablement ce message qui, je l’espère, sera un jour entendu.

Mes chers collègues, la passion qui vous anime, qui nous anime, doit être portée par le sens de notre rôle.

Or, les plus jeunes d’entre vous ont, il y a bientôt deux ans, à travers une tribune dans la presse, poussé un cri légitime pour dire que ce sens était atteint.

Ce cri, soyez-en certains, n’a pas été vain !

Je veux vous assurer, ici, ce matin, mes chers collègues, qu’à travers les différentes attributions qui me sont confiées, ma vigilance se portera sur la qualité et l’ampleur du soutien que recevra dans les mois et les années à venir votre action. Une action que vous portez haut. Une action que vous portez au service de nos concitoyens, de tous nos concitoyens au nom desquels la justice est rendue.

Je vous remercie pour votre attention.

Je n’ai pas, Monsieur le premier président, d’autres réquisitions.

 

Mais aussi

Allocution du premier président

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