Communiqué : Vices cachés - dans quel délai l’action en garantie peut-elle être engagée ?

21/07/2023

Chambre mixte - Pourvois n° 21-15.809, 21-17.789, 21-19.936, 20-10.763.

Une personne qui découvre le défaut du bien qui lui a été vendu a 2 ans pour engager une action en garantie des vices cachées. Ce délai peut être suspendu lorsqu’une mesure d’expertise a été ordonnée. Cette action en garantie doit aussi être engagée dans un délai de 20 ans à compter de la vente du bien.

Les décisions rendues par la Cour de cassation, au centre de nombreux enjeux économiques, répondent tant aux interrogations des consommateurs, particuliers ou commerçants, qui ont découvert un défaut de fabrication et doivent connaître le temps dont ils disposent pour engager une action en réparation, qu’à celles des fabricants sur lesquels pèse une obligation de garantie.

Avertissement : Le communiqué n’a pas vocation à exposer dans son intégralité la teneur des arrêts rendus. Il tend à présenter de façon synthétique leurs apports juridiques principaux.   

Repère : La garantie des vices cachés

Articles 1641 et suivants. du code civil

La garantie des vices cachés protège les acquéreurs : elle impose au vendeur professionnel ou occasionnel de livrer un bien sans défaut (dit « vice ») susceptible de compromettre l'utilisation que l'acheteur souhaite en faire.

Cette garantie s’applique à un vice caché lors de la vente : l’action doit être engagée dans un délai de 2 ans à compter de la découverte du défaut.  

Les faits et les procédures

Affaire n°1

Un producteur de pulpe de tomate a commandé à une autre société des poches de conditionnement pour cet aliment. Plusieurs clients ont constaté un gonflement de ces poches, à l’origine d’une détérioration de la pulpe de tomate. Un expertise judiciaire a conclu à un défaut de fabrication.

Le producteur a ensuite assigné le vendeur de poches et son assureur sur le fondement de la garantie des vices cachés. Les juges du fond ont jugé que les poches étaient affectées d’un vice caché. Le producteur de poches et son assureur ont formé un pourvoi en cassation.

 

Affaire n°2

Un véhicule acheté d’occasion est tombé en panne. Une expertise judiciaire a conclu à un défaut de fabrication.

L’acquéreur a ensuite agi en réparation contre le fabricant, sur le fondement de la garantie des vices cachés.  Les juges du fond ont condamné le fabricant à verser une indemnisation. Le fabricant soutient que l’action en garantie était prescrite : il a formé un pourvoi en cassation.

 

Affaire n°3

Dans cette affaire, un véhicule acheté d’occasion est également tombé en panne. Une expertise judiciaire a conclu à un défaut de fabrication.

L’acquéreur a agi à la fois contre le revendeur du véhicule d’occasion, le fabricant et son assureur. Les juges du fond ont jugé que l’action de l’acquéreur contre le fabricant était prescrite, condamné le revendeur à indemniser l’acquéreur, et condamné le fabricant à garantir intégralement le revendeur. Le fabricant a formé un pourvoi en cassation.

 

Affaire n°4

Un producteur agricole a confié à un constructeur la couverture d’un bâtiment. Ce dernier s’est approvisionné en plaques de fibrociment auprès d’un fournisseur, lequel a commandé les plaques chez un fabriquant. La société agricole a remarqué l’existence d’infiltrations dans la toiture du bâtiment. Ce constat a été confirmé par une expertise judiciaire. La société agricole a ensuite assigné le constructeur, le fournisseur et le fabricant en indemnisation de son préjudice. Le constructeur a appelé en garantie le fournisseur et le fabricant sur le fondement de la garantie des vices cachés.

Le tribunal de commerce a condamné l’entrepreneur à indemniser le producteur agricole et écarté les demandes en garantie du constructeur à l’égard du fournisseur et du fabricant. La cour d’appel a condamné le fournisseur et le fabricant à garantir le constructeur des condamnations prononcées à son encontre. La chambre commerciale de la Cour de cassation a censuré la décision de la cour d’appel. La cour d’appel chargée de rejuger l’affaire a déclaré que l’action du constructeur était prescrite. Le constructeur a donc formé un pourvoi en cassation. 

 


Dans un souci d’unification de la jurisprudence, il a été décidé de réunir une chambre mixte, présidée par le premier président, et au sein de laquelle les trois chambres de la Cour concernées par ces contentieux sont représentées.


 

Les questions posées à la Cour de cassation

Question n° 1. Délai de prescription ou de forclusion

Une personne a 2 ans pour engager une action en garantie des vices cachés. Mais l’exécution d’une mesure d’expertise a-t-elle pour effet de suspendre ce délai ?

Pour répondre à cette question, la Cour doit déterminer la nature juridique de ce délai.

  • S’agit-il d’un délai de « prescription » ?

Le délai de « prescription » est un mode d’extinction d’un droit résultant de l’inaction de son titulaire. Or, ce délai peut être suspendu.

  • S’agit-il d’un délai de « forclusion » ?

Le délai de « forclusion » est un délai légal, d’une durée simple et limitée, prévu spécifiquement pour une action particulière. Une fois ce délai écoulé, l’action qu’il concerne s’éteint.

En principe, ce délai ne peut pas être suspendu.

 

Question n° 2. Délai butoir

Le délai de 2 ans dont dispose une personne pour exercer une action en garantie des vices cachés s’écoule à compter de la découverte du défaut par l’acquéreur. Mais ce délai est-il encadré par un second délai dit « butoir » qui, lui, s’écoule à compter de la vente du bien ?

Repère : Le délai butoir

Cette technique consiste à combiner un délai dont le point de départ est subjectif ou glissant (ex. : la découverte d’un vice caché) avec un délai dont le point de départ est objectif (ex. : la date du contrat de vente du bien) et dont la durée ne peut être prolongée. L’application d’un délai butoir en matière de garantie des vices cachés conduit à faire obstacle à l’action en garantie de l’acheteur qui ne découvre le vice qu’après l’expiration du délai butoir.

Si ce « délai butoir » existe, quelle en est la durée ?

S’agit-il du délai de 20 ans prévu à l’article 2232 du code civil ou du délai de cinq ans prévu à l’article L.110-4 du code de commerce ?

Enfin, la vente initiale du bien est-elle toujours le point de départ de ce « délai butoir » ?

 

Les réponses de la Cour de cassation

Réponse n° 1. Un délai de prescription

Le délai de 2 ans prévu pour intenter une action en garantie à raison des vices cachés d’un bien vendu est un délai de prescription qui peut donc être suspendu, en particulier lorsqu’une mesure d’expertise a été ordonnée.

 

Réponse n° 2. L’existence d’un délai butoir

Pour engager une action en garantie des vices cachés l’acheteur doit saisir la justice :

  • dans un délai de 2 ans à compter de la découverte du défaut affectant le bien qui lui a été vendu

mais aussi

  • dans un délai de 20 ans à compter de  la vente du bien.

 

La Cour de Cassation consacre donc l’existence d’un délai butoir de 20 ans qui encadre l’action en garantie des vices cachés.

La Cour établit ainsi un équilibre entre :

  • la protection des droits des consommateurs, qui ne doivent pas perdre leur droit d’agir lorsqu’il découvre tardivement un vice caché

et

  • les impératifs de la vie économique, qui imposent que l’on ne puisse rechercher indéfiniment la garantie d’un vendeur ou d’un fabricant.

 

La Cour de cassation apporte la même solution :

  • qu’il s’agisse d’une vente simple ou intégrée dans une chaîne de contrats ;
  • quelle que soit la nature du bien.

 

Cette solution unique appliquée à différents cas de figure vise à renforcer la sécurité juridique.

 

Lire les décisions

Pourvoi n°21-15.809

Pourvoi n°21-17.789

Pourvoi n°21-19.936

Pourvoi n°20-10.763

          

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