Communiqué : Contrats de prêts immobiliers libellés en devises étrangères et clauses abusives

12/07/2023

Première chambre civile - pourvoi n° 22-17.030

La Cour de cassation précise le régime juridique de l’action en restitution consécutive à une action en déclaration de clause abusive dans un contrat de prêt immobilier libellé en devises étrangères.

Elle apporte une réponse attendue dans de nombreuses affaires en cours.

Avertissement : Le communiqué n’a pas vocation à exposer dans son intégralité la teneur des arrêts rendus. Il tend à présenter de façon synthétique leurs apports juridiques principaux.

Les faits et la procédure

Une personne a souscrit auprès d’une banque un prêt immobilier libellé en francs suisse, à taux d’intérêt variable, indexé sur le LIBOR francs suisses 3 mois, remboursable in fine dans la monnaie nationale de l’emprunteur.

Repères

Prêt immobilier in fine : Prêt dont le remboursement se fait en dissociant les intérêts du capital : les intérêts sont payés pendant toute la durée du prêt, tandis que le capital n’est remboursé qu’au terme du prêt et en une seule fois.

LIBOR : Taux d’intérêt interbancaire à court terme. Il pouvait être calculé à différentes échéances, notamment tous les 3 mois. Le franc suisse était l’une des principales devises sur lesquelles pouvait reposer ce taux d’intérêt. 

Le prêt est arrivé à son terme.

Puis, l'emprunteur a assigné la banque :

  • afin de faire reconnaître le caractère abusif de certaines clauses du contrat de prêt, en particulier celles relatives au remboursement du crédit et au risque de change ;
  • et d’obtenir en conséquence la restitution des sommes versées.

 

La banque s’est défendue en affirmant que l’action en restitution de l’emprunteur était prescrite.

 

La cour d’appel a donné raison à l’emprunteur, jugeant que :

  • son action en restitution n’était pas prescrite ;
  • la banque devait lui restituer toutes les sommes perçues en remboursement du prêt, soit la contrevaleur en euros de chacune de ces sommes calculées selon le taux de change applicable au moment de chacun des versements.

 

La banque a formé un pourvoi en cassation.

 

Les questions posées à la Cour de cassation

Lorsqu’une banque a perçu de façon indue le remboursement d’un prêt en exécution de clauses abusives, quel est le point de départ du délai de prescription de l’action en restitution de ces sommes ?

  • S’agit-il, comme l’affirme la banque, de la date à laquelle l’emprunteur a pu prendre conscience du risque de change encouru (dans cette affaire, lorsque l’emprunteur a eu connaissance de l’appréciation significative du franc suisse par rapport à l’euro) ?

ou…

  • S’agit-il, comme l’affirme l’emprunteur, de la date à laquelle le caractère abusif de la clause a été constaté ?

 

Quel est le taux de change applicable à la restitution des sommes indûment perçues ?

  • La banque doit-elle restituer les sommes perçues en appliquant le taux de change en vigueur au jour auquel elle rembourse l’emprunteur, sans tenir compte du fait que la valeur des sommes a fluctué depuis le début de l’exécution du prêt ?

ou…

  • La banque doit-elle appliquer le taux de change en vigueur le jour des règlements effectués par l’emprunteur ?  

 

La décision de la Cour de cassation

La Cour de justice de l’Union européenne impose de garantir une protection effective au consommateur qui est dans une situation d’infériorité à l’égard du professionnel, dès lors qu’il ne peut influer sur le contenu des clauses prévu au contrat.

Se fondant sur cette analyse, la Cour de cassation rejette le pourvoi.

Elle juge que :

  • le point de départ du délai de prescription de l’action en restitution des sommes versées doit être fixé à la date de la décision de justice constatant le caractère abusif des clauses ;
  • la banque doit restituer à l’emprunteur la contrevaleur en euros de chacune des sommes perçues selon le taux de change applicable au moment de chacun des paiements.

 

Les contrats de prêt immobilier libellés en devises étrangères comportant des clauses abusives ont alimenté un contentieux important devant les juridictions, compte tenu du risque de change qu’ils font peser sur l’emprunteur.

Cette décision de la Cour de cassation, saisie parallèlement d’une demande d’avis, permet de répondre aux interrogations soulevées dans de nombreux dossiers en cours devant les juridictions.

 

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