Communiqué : Arbitrage frauduleux ayant conduit à un détournement de fonds

28/06/2023

Chambre criminelle - pourvoi n° 21-87.417

Dans une affaire d’escroquerie à l’arbitrage ayant conduit au détournement de fonds détenus par un consortium chargé de la gestion des contentieux liés à la liquidation d’actifs nocifs d’une banque :

  • la culpabilité de l’un des arbitres et celle de l’avocat d’un dirigeant de groupe financier privé sont confirmées ; 
  • la condamnation du président du consortium et celle du directeur de cabinet du ministre de l’économie en fonction à la date de l’arbitrage sont cassées : ces deux prévenus seront rejugés ;
  • l’État ne pouvait pas se constituer partie civile.

Avertissement : le communiqué n’a pas vocation à exposer dans son intégralité la teneur des arrêts rendus. Il tend à présenter de façon synthétique leurs apports juridiques principaux.   

Les faits et la procédure

Dans les années 1990, une banque française a rencontré des difficultés financières. Un consortium a été créé afin de liquider ses actifs nocifs. Les actions du consortium étaient détenues par un établissement public, placé sous la tutelle du ministre de l’économie. Cet établissement public avait pour mission de gérer le soutien financier apporté par l’État à la banque.

En 2008, un contentieux opposant la banque à un groupe financier privé a été soumis à un tribunal arbitral : le consortium a été condamné à verser au groupe financier et à son dirigeant environ 400 millions d’euros. Estimant que l’un des arbitres avait manqué d’impartialité, le consortium a formé un recours devant la cour d’appel de Paris en 2013 : le juge a annulé la sentence arbitrale et a ordonné la restitution des 400 millions d’euros au consortium.

Le dirigeant du groupe financier privé, son avocat et l’un des arbitres ont été poursuivis pour escroquerie : ils auraient cherché à obtenir une décision arbitrale en faveur du groupe financier et de son dirigeant dans le but de détourner des fonds détenus par le consortium. Le directeur de cabinet du ministre de l’économie alors en exercice et le président du consortium ont été poursuivis pour complicité de détournement de fonds remis à une personne chargée d’une mission de service public.

En 2021, la cour d’appel de Paris a constaté l’extinction des poursuites menées contre le dirigeant du groupe financier, décédé.

Elle a condamné :

  • l’arbitre pour escroquerie ;
  • le président du consortium et le directeur de cabinet du ministre de l’économie pour complicité de détournement de biens remis à une personne chargée d’une mission de service public ;
  • l’avocat du dirigeant du groupe financier privé pour escroquerie et complicité de détournement de biens remis à une personne chargée d’une mission de service public ;
  • certains des prévenus à indemniser le consortium du préjudice subi ainsi que l’État français.

 

Les prévenus ont formé des pourvois en cassation contre ces décisions.

 

La décision de la Cour de cassation

Sur les condamnations pénales de l’arbitre et de l’avocat du dirigeant du groupe financier privé

La Cour de cassation rejette les pourvois de l’arbitre et de l’avocat du dirigeant.

Toutefois, la Cour de cassation précise que l’avocat du dirigeant ne pouvait pas être condamné à l’interdiction temporaire d’exercer la profession de conseil juridique : en effet, cette profession n’a plus d’existence légale. Seule l’interdiction d’exercer la profession d’avocat pouvait être prononcée.

Sous cette réserve, leurs déclarations de culpabilité ainsi que les peines prononcées à leur encontre sont désormais définitives.

 

Sur les condamnations pénales du directeur du cabinet du ministre de l’économie et du président du consortium  

La Cour de cassation censure les déclarations de culpabilité du directeur de cabinet et du président du consortium. En effet, ils ignoraient le caractère frauduleux de la décision rendue par le tribunal arbitral ; dès lors, la cour d’appel ne pouvait considérer qu’ils étaient complices du détournement.

Ces deux prévenus seront donc rejugés par la cour d’appel de Paris.

 

Sur les dommages et intérêts accordés aux parties civiles 

Le consortium 

La cour d’appel a condamné l’avocat du dirigeant du groupe financier privé, l’arbitre et les liquidateurs du groupe financier à verser au consortium environ 392 millions d’euros en réparation de son préjudice.

La Cour de cassation précise que cette condamnation interviendra « en deniers ou quittance ». Cela signifie que si le consortium récupère tout ou partie des 400 millions d’euros détournés, ces fonds ne pourront se cumuler avec la somme obtenue en réparation de son préjudice.

En d’autres termes, le consortium ne pourra recevoir plus de 400 millions d’euros.

L’État français

En revanche, la Cour de cassation casse la décision de la cour d’appel qui déclarait recevable la constitution de partie civile de l’État français.

En effet, elle considère que les préjudices invoqués par l’État ne découlent pas directement de l’infraction dont a été victime le consortium.  Ils existent en raison de l’obligation qui pesait sur l’État de garantir les dettes de celui-ci.

La cour d’appel de Paris devra donc statuer de nouveau sur ce point.

 

Lire la décision (pdf)

  • Communiqués
  • Economie
  • Pénal
  • arbitrage
  • banque
  • escroquerie
  • complicité

Actualités similaires

Brève : Exercice illégal de la profession de taxi

Chambre criminelle - Mercredi 28 novembre 2023  - Pourvoi n° 22-80.577 (rectificatif)...

  • Communiqués
  • Economie
  • Pénal
  • Travail

Communiqué : Contrats de prêts immobiliers libellés en devises étrangères et clauses abusives

Première chambre civile - pourvoi n° 22-17.030...

  • Communiqués
  • Economie

Le gel des avoirs interdit les mesures conservatoires - La Cour de cassation en tire les conséquences

Pourvois n°18-18.542 et 18-21.814...

  • Communiqués
  • Economie
  • International

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.