16/03/2023

Audience d'assemblée plénière - Vendredi 17 mars 2023 - 09h30 - en Grand'chambre
Pourvois n° 22-80.057 et 22-84.468
- Mise à jour : La décision sera rendue le 12 mai 2023
Cette audience sera diffusée sur internet, en différé, à 14h
La Cour de cassation examinera les conditions dans lesquelles la justice française est compétente pour juger des actes de torture, des crimes contre l’humanité ainsi que des crimes et délits de guerre lorsque les faits ont été commis à l’étranger et que leur auteur et la victime ne sont pas français.
Avertissement : Ce communiqué n’a pas vocation à exposer dans son intégralité la teneur de l’affaire. Il tend à présenter de façon synthétique les principales questions juridiques posées à l’audience.
Repères : Compétence « universelle » du juge pénal
En principe, la justice française est compétente pour juger les crimes commis en France, et, sous certaines conditions, les crimes commis à l’étranger, en particulier lorsque leur auteur est français ou que la victime est française.
Néanmoins, dans certains cas, la justice française est compétente pour juger de crimes commis à l’étranger par une personne étrangère sur une victime étrangère. Il s’agit alors d’une compétence dite « universelle ».
Art. 689-1 du code de procédure pénale
En application des conventions internationales, toute personne qui se trouve en France peut être poursuivie et jugée par les juridictions françaises lorsqu’elle est coupable hors du territoire de la République de l'une des infractions énumérées dans les articles suivants.
Art. 689-2 du code de procédure pénale
En application de la convention de New York de 1984 contre la torture, toute personne coupable de tortures (au sens de l'article 1er de cette convention), peut être poursuivie et jugée par les juridictions françaises.
Art. 689-11 du code de procédure pénale
Si elle réside habituellement sur le territoire de la République, toute personne peut être poursuivie et jugée par les juridictions françaises lorsqu’elle est soupçonnée d’avoir commis à l'étranger l'une des infractions suivantes :
- le crime de génocide défini dans le code pénal ;
- les autres crimes contre l'humanité définis dans le code pénal, si les faits sont punis par la législation de l'État où ils ont été commis ou si cet État ou l'État dont la personne soupçonnée a la nationalité est partie à la convention de Rome de 1998 ;
- les crimes et délits de guerre définis dans le code pénal, si les faits sont punis par la législation de l'État où ils ont été commis ou si cet État ou l'État dont la personne soupçonnée a la nationalité est partie à la convention de Rome de 1998.
Les faits et les procédures
Affaire n°1 :
Après un signalement de l’OFPRA, la justice française a ouvert une enquête sur des faits commis en Syrie, entre 2011 et 2013, à l’encontre d’opposants au régime syrien, susceptibles de constituer des crimes contre l’humanité.
Un ressortissant syrien, mis en examen pour complicité de crimes contre l’humanité, a contesté la compétence de la justice française : il a demandé l’annulation de la procédure. Il a notamment fait valoir que les crimes contre l’humanité ne sont pas incriminés en Syrie, État dans lequel ils auraient été commis.
La cour d’appel a rejeté sa demande.
Le ressortissant syrien a formé un pourvoi. La chambre criminelle de la Cour de cassation a considéré que la justice française n’était pas compétente : elle a cassé la décision de la cour d’appel.
La Fédération internationale des ligues des droits de l’homme, partie civile, qui n’avait pas eu connaissance du pourvoi, a fait opposition à la décision de la chambre criminelle.
Affaire n°2
Plusieurs personnes et associations ont déposé une plainte auprès de la justice française pour des faits qui auraient été commis par un groupe islamiste, en Syrie, entre 2012 et 2018, susceptibles de constituer des crimes contre l’humanité, des actes de torture et des crimes de guerre.
Un ressortissant syrien a été interpellé en France où il était arrivé moins de trois mois auparavant en qualité d’étudiant.
Mis en examen pour actes de torture et crime de guerre, il a contesté la compétence de la justice française et demandé l’annulation de la procédure. Il a notamment fait valoir que :
- il ne résidait pas habituellement en France ;
- les crimes de guerre qui lui sont reprochés ne sont pas incriminés en Syrie, État dans lequel ils auraient été commis ;
- il ne pouvait être poursuivi en France pour des actes de torture car, à la date des faits, il n’était pas un agent de l’État syrien.
La cour d’appel a rejeté sa demande.
Le ressortissant syrien a formé un pourvoi.
Le premier président de la Cour de cassation, à la suite de la demande du procureur général près la Cour de cassation, a ordonné le renvoi de l’examen de ces deux affaires devant l’assemblée plénière, formation de jugement la plus solennelle au sein de laquelle toutes les chambres de la Cour sont représentées.
Les questions posées à la Cour de cassation
Question n°1 : La résidence habituelle
Un ressortissant étranger peut être jugé devant une juridiction française pour des crimes contre l’humanité et des crimes ou délits de guerre commis à l’étranger sur des victimes étrangères, à la condition qu’il réside habituellement sur le territoire français. Comment faut-il définir cette notion de « résidence habituelle » ?
Question n°2 : La législation de l’État étranger
Un ressortissant étranger peut être jugé devant une juridiction française à la condition que les faits qualifiés en droit français de crime contre l’humanité ou de crime ou délit de guerre soient punis par la législation de l'État où ils ont été commis. Comment faut-il interpréter cette condition ? L’infraction de crime contre l’humanité ainsi que celle de crime ou délit de guerre doivent-elles être prévues de manière strictement identique par le droit étranger ? Ou suffit-il que les faits en cause soient punis, quelle que soit la qualification appliquée par le droit étranger ?
Question n°3 : La fonction de l’auteur au sein de l’État étranger
La compétence universelle des juridictions françaises pour juger des actes de torture commis à l’étranger lorsque ni l’auteur ni la victime ne sont français concerne-t-elle uniquement les actes commis par les agents de la fonction publique et les personnes agissant à titre officiel ?
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