Journée internationale des droits des femmes

08/03/2023

La Cour de cassation s'associe à la journée internationale des droits des femmes. Sur cette page, découvrez ou redécouvrez les contributions de la juridiction à cet enjeu essentiel : décision marquante, proposition de réforme, colloques, expositions...

Une demi-journée de congé le 8 mars

Le 12 juillet 2017, la Cour de cassation juge qu'il est possible, par accord d'entreprise, de réserver aux salariés de sexe féminin une demi-journée de congé à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes.

En droit du travail, toute discrimination en raison du sexe est prohibée.

Toutefois, pour assurer une égalité professionnelle effective entre les femmes et les hommes :

  • le code du travail permet, dans le cadre d’un plan pour l’égalité professionnelle entre les sexes, que des mesures soient prises au seul bénéfice des femmes dans le but de remédier aux inégalités de fait qui affectent leurs chances ;
  • le droit de l’Union européenne (traité d’Amsterdam) permet d’accorder aux femmes des avantages spécifiques afin de prévenir ou compenser des inégalités dans le déroulement de leur carrière professionnelle.

 

La journée des Nations unies pour les droits des femmes se tient le 8 mars de chaque année. Cette date est l’occasion, par toute manifestation, de revendiquer l’égalité entre les sexes et d’éveiller les consciences, notamment, quant à la nécessité d’améliorer la place des femmes dans le monde de l’entreprise.

Il est donc possible, par accord collectif, de faire bénéficier aux seuls salariés de sexe féminin d’une demi-journée de congé supplémentaire, le 8 mars, l’écho généré par une journée de mobilisation internationale permettant une mise en lumière particulièrement forte des inégalités de fait qui pénalisent encore spécifiquement les femmes dans le milieu professionnel.

Lire la décision

L'allaitement sur le lieu de travail

Proposition de réforme formulée par la Cour de cassation

Le code du travail traite de l’allaitement sur la base d’une loi adoptée en 1917 dont les dispositions ne sont plus adaptées et qui sont susceptibles de poser des difficultés d’application. D’une part, le code du travail laisse entière la question des modalités de l’allaitement en direct d’un enfant sur le lieu de travail, s’agissant des entreprises de moins de cent salariés. D’autre part, dans les entreprises de plus de cent salariés, c’est une véritable crèche d’entreprise qui est décrite par ces articles, mais les enfants ne peuvent séjourner dans le local destiné à l’allaitement que le temps de celui-ci. Or, la possibilité de concilier allaitement et travail s’inscrit aujourd’hui dans l’objectif recherché d’une égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. La Cour suggère l’adoption de dispositions permettant aux femmes qui le souhaitent de pouvoir allaiter leur enfant dans un local ou de tirer leur lait. Elle propose également que la pause pour allaiter soit rémunérée, conformément à la Charte sociale européenne.

Pour en savoir plus, voir le Rapport annuel 2021

Lutter contre les discriminations indirectes

Nuit du droit 2022

"Figures de femmes" : trois conférences

L’accès des femmes aux postes à responsabilité (2022)

L'engagement des femmes pour la justice (2022)

L’entrée des femmes dans la magistrature (2022)

"Femme, droit et justice" : un colloque événement

Colloque du 11 mars 2019

Simone Rozès, première femme première présidente de la Cour de cassation

En 1985, l’audience solennelle de rentrée s’est tenue le 7 janvier, en présence de monsieur Laurent Fabius, Premier ministre, de monsieur Alain Poher, président du Sénat, et de monsieur Robert Badinter, garde des Sceaux, ministre de la Justice.

 

Discours de madame Simone Rozès, premier président de la Cour de cassation

"Monsieur le Premier ministre,

C’est la première fois que la Cour de cassation a l’honneur et le plaisir de vous accueillir en votre qualité de chef du Gouvernement.

L’ampleur de vos tâches - dont nous sommes tous conscients -, surtout en ce début d’année, fertile en obligations de toutes sortes, nous rend particulière­ment sensibles à la marque privilégiée d’intérêt que vous nous témoignez aujourd’hui.

Nous vous disons, très simplement mais très sincèrement, notre réelle grati­tude.

Monsieur le président du Sénat,

L’amitié attentive que vous nous manifestez personnellement depuis long­temps souligne encore le vigilant intérêt que, dans ses travaux, votre assemblée porte à la Cour de cassation et qu’il nous est donné d’apprécier à sa valeur.

Au nom de la Cour, permettez-moi de vous assurer de nos remerciements et d’y joindre nos sentiments de haute considération.

Monsieur le garde des Sceaux,

Votre présence en ce palais ranime toujours pour moi les souvenirs, certains proches, d’autres déjà lointains, des moments où nous nous trouvions dans une même salle d’audience.

Il est vrai qu’alors vous étiez chargé des intérêts particuliers de tel ou tel plai­deur.

Vous avez aujourd’hui la tâche, combien plus ardue, de défendre la justice elle-même !

Je suis sûre de ne pas me tromper en affirmant qu’il s’agit là du plus lourd de vos dossiers et du plus ingrat.

Mais je ne suis pas seule à pouvoir évoquer les audiences qui naguère nous rassemblaient. Votre venue à la Cour est pour beaucoup d’entre nous, et je tenais à vous le dire, l’occasion de mesurer la persistance amicale de souvenirs com­muns.

La Cour vous sait gré d’assister à la cérémonie qui marque sa rentrée.

Mesdames et messieurs,

Traditionnellement cette audience solennelle est consacrée à une présenta­tion de l’activité de la juridiction pendant l’année écoulée et dans quelques ins­tants monsieur le procureur général prendra la parole, notamment à ce sujet.

Si j’observais strictement les dispositions du Code de l’organisation judiciaire, mes remarques devraient se terminer ici puisque n’est réservée qu’aux cours d’appel la possibilité de faire précéder cet exposé d’un discours portant « sur un sujet d’actualité ou sur un sujet d’intérêt juridique ou judiciaire ».

Permettez-moi cependant, monsieur le Premier ministre, monsieur le garde des Sceaux, d’inaugurer cette nouvelle année par une sorte de « rébellion de juges », comme nous disons si volontiers dans ces murs lorsque nous constatons que l’arrêt de cassation rendu n’a pas été suivi par la cour de renvoi. Mais je ne voudrais com­mettre qu’une infraction mineure à la loi, trouvant une excuse absolutoire - du moins je l’espère - dans la brièveté de mes propos.

L’usage a très naturellement conduit les chefs de cette Cour à dépeindre les difficultés rencontrées au cours de l’année et celles prévisibles pour l’année à venir. Il me semble que ces justes inquiétudes sont désormais bien connues de vous-même, monsieur le Premier ministre, et de messieurs les membres du Parlement et du Gouvernement. Mais ils sont aussi largement connus de tous puisque la justice, que l’on représente généralement les yeux bandés, jouit de l’étonnant privilège de fonctionner sous le regard aigu, pour ne pas dire acéré, de ceux qui ont affaire à elle et il n’y a rien là que de très naturel, mais aussi sous celui des « médias » qui n’hésitent pas, le plus souvent, à poser des diagnostics définitifs où sont évoquées « la montée des périls », une justice « bloquée », une « dérive », voire une « crise » de l’institution et ceci à un tel point que l’un des premiers présidents de cette Cour introduisait une conférence par l’interrogation suivante : « la Cour de cassation est-elle prospère, malade ou morte ? »

Ces estimations alarmistes appartenant désormais au domaine commun, vous me permettrez cette année de ne pas évoquer autrement que d’un mot la notoire insuffisance de nos moyens face à l’envahissement continu des pourvois, le cruel manque de locaux qui ne permet à aucun des conseillers qui nous entou­rent aujourd’hui, dans la magnificence de leur toge rouge, de disposer d’un coin de bureau, d’un téléphone et du moindre secrétariat...

On peut dès lors considérer que le « minimum vital professionnel » n’est pas assuré aux plus hauts magistrats de France dont la mission périlleuse la plus importante reste de clore définitivement un litige.

Soyez assurés que je prends à mon compte tout ce qui a déjà été exprimé et si bien dit ici même par nos prédécesseurs. Leurs préoccupations sont aujourd’hui les nôtres, elles sont - comme elles l’étaient pour eux - quotidiennes.

Mais je voudrais aujourd’hui me tourner vers des perspectives qui, pour être étroitement liées à ces soucis, s’engagent plus résolument dans l’avenir, vers ce demain auquel nous n’échapperons pas et qui contraint toute institution, fût-elle par nature la plus traditionnelle et la plus conservatrice, au changement néces­saire à sa survie.

Monsieur le garde des Sceaux, vous nous avez convié à moderniser la Justice. Nous sommes nombreux à partager votre conviction d’une évolution nécessaire de l’appareil judiciaire pour répondre à l’attente de son temps. La Cour suprême, qui en est à la fois une composante et l’organe de contrôle, ne peut être exclue ou s’exclure elle-même de ce mouvement de rénovation.

Bien que le pourvoi soit une voie de recours exceptionnelle, les décisions de la Cour de cassation s’insèrent logiquement dans le processus de jugement des litiges. Pour répondre à l’urgence d’une justice moderne, elle ne devrait donc pas en retarder excessivement l’issue et pour être efficace son activité doit d’une cer­taine façon obéir aux rythmes commandés par le flux des affaires...

Il y a quelques années, alors que j’exerçais les fonctions de président du Tri­bunal de grande instance de Paris, il me souvient d’avoir observé que si cette grande juridiction parisienne avait été une institution privée, elle aurait déposé son bilan depuis longtemps.

Nous utilisions déjà des mots qui appartiennent au monde économique - c’est-à-dire à notre monde contemporain. Pour mieux frapper l’imagination de vos auditeurs ou de vos lecteurs, vous avez, monsieur le garde des Sceaux, employé l’expression assez provocante de « l’entreprise Justice ». Nous acceptons ici le défi et déjà, depuis longtemps, nous n’hésitons pas entre nous à parler de « stock » de dossiers, de contentieux « de masse », d’« inflation » des pourvois, vocabulaire qui aurait frappé de stupeur nos anciens, aujourd’hui figés dans le marbre blanc de la galerie des bustes qui mène à cette Chambre. La justice aux yeux bandés était, d’une certaine façon, la leur et sans doute était-ce justifié. Aujourd’hui nous lui voulons les yeux largement ouverts sur son époque, nous maintenons ou créons des contacts, non seulement avec le monde judiciaire et universitaire, mais encore avec celui des entreprises, des banques, des assurances, du travail ! Loin de nous boucher les oreilles, nous nous efforçons d’être à l’écoute du monde dans lequel nous vivons, même si nous ne l’avons pas désiré tel qu’il est, encore moins choisi. Mais nous avons délibérément choisi d’être magistrat et par suite de rendre la justice avec tout ce que cette expression comporte de contraintes à l’égard de ceux que nous jugeons. Je me demande si aujourd’hui, un seul d’entre nous se sentirait à l’aise dans le splendide isolement d’une tour d’ivoire.

Oui, il nous faut accepter le défi de la modernisation, bousculer nos habitudes pour avoir recours à des procédés d’information qui ne nous sont pas familiers, même si cela fait naître chez quelques-uns un certain scepticisme, sans doute pour mieux se laisser convaincre par la suite...

Oui, nous devons nous équiper du matériel que nous offre la technologie informatique la plus récente, utiliser les banques de données juridiques, ces ban­ques dont l’accès est, d’ores et déjà, rendu plus facile par les procédés de téléma­tique.

Les moyens matériels dont nous disposons et dont nous disposerons demain sont et seront, en dépit de leur apparente complexité, les bienvenus à cette Cour.

Celle-ci dispose en outre, depuis les mesures législatives de juillet 1978, jan­vier 1979 et août 1981, des moyens de différencier les processus de jugement.

Ainsi nous dirigeons-nous vers une gestion rationnelle des contentieux, en distinguant des voies différentes selon qu’il s’agit d’affaires simples ou d’affaires plus complexes, de celles qui posent des questions nouvelles et de celles qui peu­vent être traitées par référence à des solutions jurisprudentielles constantes, de celles qui sont urgentes et de celles qui le sont moins.

En clair, nous pouvons désormais opérer un véritable traitement « sélectif » des affaires.

A titre d’exemple, par le recours systématique aux facultés issues de ces récentes dispositions, la Chambre sociale, dont on connaît l’écrasante surcharge, a obtenu des résultats particulièrement significatifs.

Depuis le mois de juin dernier, sous la conduite d’un conseiller de la Cham­bre, et avec l’étroite collaboration d’un avocat général, une équipe de conseillers référendaires procède au tri systématique des pourvois pendants devant elle.

A partir de fiches de dépouillement établies pour chacune des affaires, ces procédures sont triées, sélectionnées et regroupées.

Les affaires de pure forme et celles dont la solution paraît s’imposer sont jugées en formations restreintes, spécialement constituées, qui, à partir du mois d’octobre dernier, ont siégé très régulièrement.

Des formules d’arrêts types, adaptées aux cas les plus généralement rencon­trés et les plus simples, ont été pré-établies ; elles allègent considérablement le travail de rédaction.

Enfin, ces affaires sont examinées à partir de rapports et de conclusions généralement oraux, abrégés sans doute mais suffisants pour régler la difficulté présentée par l’affaire en cause.

De cette manière, en deux mois, mille cinquante trois arrêts ont été rendus, éteignant 2 200 affaires, à la suite de l’examen de plus de trois mille cinq cents dossiers...

Outre la remarquable illustration des possibilités d’allégement, cette démar­che me semble exemplaire à plusieurs titres.

Elle témoigne tout d’abord de la nécessité d’une étroite collaboration des magistrats du Siège et du Parquet. La mise en place de cette nouvelle organisa­tion a été conjointement décidée par monsieur le procureur général et moi-même et, pour sa réalisation, un avocat général de la Chambre a activement participé à la conception du système de sélection des affaires ; il est d’ailleurs journellement associé au fonctionnement des formations restreintes.

Elle montre aussi l’importance du concours apporté par de jeunes conseillers référendaires dans une formation où ils sont employés soit à des tâches d’organi­sation, d’études et de recherches, soit à des tâches juridictionnelles, à la mesure de leur statut et de leur qualification, sous la direction d’un conseiller ancien de la Chambre.

Cette méthode est encore significative des possibilités de progrès offertes par une organisation rationnelle du travail constituée par le regroupement des affaires en séries.

Il est bien évident que le rapprochement d’affaires posant le même problème juridique, pour être traitées ensemble, est rationnel puisqu’il évite à plusieurs magistrats de procéder en même temps à des études similaires.

Il est non moins certain que la réflexion portant sur un ensemble de situations de fait et de points de droit, totalement ou partiellement identiques, autorise une approche plus ample des problèmes juridiques, et une formulation plus générique des décisions.

Dans une large mesure, ce procédé permet encore d’éviter des divergences ou des nuances divergentes dans l’interprétation des textes.

Il ne s’agit certes pas de transposer sans discernement à chacune des Chambres une expérience propre à la Chambre sociale et à son contentieux, mais il est essentiel que chacune d’elles exploite complètement, en fonction de sa com­pétence, les possibilités de sélection et de rapprochement des affaires, d’allège­ment des procédures et de raccourcissement des délais de jugement prévus par les textes.

Enfin, encore qu’il soit trop tôt pour en faire un bilan exhaustif, un système de gestion informatique a été mis en place à la chambre commerciale. Les premiers résultats paraissent en l’état encourageants et l’expérience ainsi tentée va en être poursuivie et analysée tout au long de l’année 1985. Il me faut ici rendre hom­mage aux magistrats de cette chambre et à leur président qui ont accepté de voir complètement modifier leurs habitudes de travail.

Ces quelques indications montrent bien que la Cour de cassation est partie prenante dans l’oeuvre de modernisation, qu’elle se mobilise, en dépit de la fai­blesse de ses moyens, pour acquérir cette plus grande efficacité dont la plupart de ses membres ressentent eux-mêmes le besoin.

Mais ici, à ce stade de la préparation matérielle des dossiers, d’un mode de gestion inspiré des données les plus contemporaines, s’arrête très précisément le domaine de « l’entreprise Justice » et commence alors celui de ses missions pro­pres.

Dans l’exercice de ce qui était naguère encore « le pouvoir judiciaire », il serait grave de vouloir poursuivre la comparaison pourtant si séduisante.

La Justice n’a pas de « clientèle » à « démarcher », même si dans un langage populaire cher à Courteline on évoque les « clients », « habitués » d’un tribunal. Elle doit continuer d’ignorer la notion de « rentabilité » car on n’ose imaginer quel en serait alors le prix. La perfection technique qui sans cesse pousse en avant ses propres limites nous permet sans doute de supposer dès aujourd’hui que l’ana­lyse d’un dossier puisse se faire à partir d’une gamme étendue de paramètres aboutissant à une solution fournie sur simple interrogation, et certains de penser que ce ne serait pas pire, qu’au moins seraient écartées les divergences de la jurisprudence...

Mais tous ceux qui ont l’expérience de la « chose judiciaire », et je me permets de faire appel à la mienne, déjà fort longue, nous connaissons la valeur de ce « supplément d’âme » qui est indispensable à l’oeuvre de justice.

Des affaires complexes nous sont souvent soumises, leur solution n’est pas évidente. Elles réclament une réflexion soutenue et exigent parfois une matura­tion qui s’accommode mal de la rapidité fort légitimement recherchée par le plai­deur. Elles sont sources de discussions qui conduisent souvent à une clarification utile. Nulle méthode moderne ne peut à ce jour remplacer le fruit de ces échan­ges.

Que serait la richesse d’un délibéré conduit au travers des écrans qui, à un rythme moindre, il est vrai, que celui des pourvois, envahissent peu à peu notre quotidien ? Nous en avons déjà une certaine idée par la pratique des interviews à distance : le dialogue existe certes, mais il a perdu une bonne partie de sa subs­tance émotionnelle. Peut-on imaginer ici dans les murs mêmes de cette salle où fut réhabilité le capitaine Dreyfus, Me Labori plaidant par écrans interposés ?

La Cour de cassation demeure la gardienne des droits et des libertés, des citoyens comme des principes fondamentaux du droit. Par la sagesse réfléchie que lui confèrent son recul, sa composition et ses fonctions, elle est dépositaire de la « doctrine judiciaire » tout en assurant une constante adaptation du droit aux besoins de son époque. C’est donc à une mission primordiale pour l’équilibre d’une société qu’elle doit tout entière se consacrer et parvenir, par la mise en oeuvre d’une véritable politique jurisprudentielle, à réduire les sources de conten­tieux.

Cette politique impose tout d’abord de respecter le caractère souverain des appréciations portées par les juges du fond, et d’éviter la tentation toujours vive de juger une troisième fois, or l’expérience prouve que cette démarche engendre parfois des incohérences et encourage sûrement le plaideur à former un pourvoi.

Elle suppose que soient posés des principes certains, dépourvus d’ambi­guïté, voire de revirements inconsidérés : les décisions doivent être clairement exprimées, dans un langage accessible non seulement aux praticiens du droit, mais aussi à l’ensemble des concitoyens. C’est là une tâche délicate car toute technique a son langage. II paraît juste, toutefois, que le destinataire final de l’arrêt ne soit pas confronté à un texte décryptable seulement par les initiés.

Elle exige encore que les arrêts tranchent sans précipitation, mais aussi sans dérobade, et donnent la solution attendue sur un point de droit contesté.

Enfin, elle invite à un respect rigoureux des principes essentiels de nos insti­tutions. Source jurisprudentielle du droit, la Cour de cassation a sa mission propre qui lui interdit, par le jeu d’une interprétation peut-être espérée, de se substituer au pouvoir du législateur et à ses responsabilités propres. Permettez-moi d’affir­mer que trop souvent une carence législative, voire un texte plus ou moins volon­tairement ambigu, autoriserait cette haute juridiction - si elle n’y prenait pas garde - à sortir de son rôle. Ce pourrait être une tentation, parfois même suggérée, pourtant elle ne respecterait pas nos principes fondamentaux.

La mise en oeuvre de cette politique jurisprudentielle que je viens d’ébaucher nous a conduit, monsieur le procureur général et moi-même, à tenter de déceler rapide­ment les questions de principes sur lesquelles la Cour devait statuer par priorité, soit qu’il s’agisse de trancher des points de droit posés par l’application des lois nouvelles, soit encore qu’il faille reconsidérer, en fonction des nécessités écono­miques et sociales, des règles établies.

Dans ce dessein, nous avons demandé aux chefs des cours d’appel de nous signaler systématiquement et périodiquement les questions qui, dans les juridic­tions de leurs ressorts, se posaient fréquemment de façon ardue.

A chaque fois qu’il nous est donné de les rencontrer, la même proposition est faite aux partenaires de la vie économique et sociale, aux professeurs de droit, aux avocats et aux juristes praticiens, tant il nous paraît évident de parvenir à une très large ouverture de la Cour sur les données de notre monde contemporain, tout en gardant à l’esprit ses composantes et leurs interactions dont certaines ont des effets pervers qui, à terme seulement, révèlent leur nocivité.

L’esquisse de cette politique n’a pas le privilège de la nouveauté et nos pré­décesseurs à la tête de cette Cour ont depuis des années tenté d’endiguer le flux des pourvois. Nous sommes leurs continuateurs même si nous disposons déjà et disposerons plus largement encore demain de l’apport technologique indispensa­ble à la réussite de l’ « entreprise Justice » telle que j’ai tenté de la cerner.

Sa mise en oeuvre appartient pour beaucoup aux magistrats de cette Cour, en grande partie à leur sagesse, à leur savoir. Déjà en prenant mes fonctions je m’interrogeais sur la valeur du dévouement comme mode de fonctionnement d’une institution et voici que celle-ci va perdre au cours des trois années à venir les trois quarts de son effectif par le jeu de la loi abaissant la limite d’âge rendant ainsi plus fragiles nos chances d’arriver plus vite à mener à bonne fin notre « entre­prise »...

Avant de céder la parole à monsieur le Procureur général, je remercie messieurs les repré­sentants des assemblées parlementaires, les membres des grands corps de l’État et toutes les personnalités civiles et militaires qui nous ont fait l’honneur de venir jusqu’à nous."

Les femmes dans l'art, à la Cour de cassation

La Cour de cassation est souvent représentée sous des traits féminins, comme c’est le cas au plafond de la chambre commerciale

Museum Week 2018

"La Glorification de la loi" (1881), réalisée par Paul Baudry (1828-1886) occupe une place centrale au plafond de la Grand’chambre de la Cour de cassation. Différentes allégories féminines nous parlent de justice.

MuseumWeek 2018

Athéna, déesse grecque de la sagesse, fut celle qui, selon la mythologie grecque, substitua la justice à la vengeance.

Le bouclier des Amazones, symbole de la protection que garantit au peuple le maintien de l’ordre social.

Histoire

Jeanne d'Arc : une guerrière

Conférence du 2 février 2023

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