Prix de thèse de la Cour de cassation 2022

27/02/2023

Guillaume Leroy remporte le Prix de la Cour de cassation 2022 pour sa thèse "La pratique du précédent en droit français. Étude à partir des avis de l’avocat général à la Cour de cassation et des conclusions du rapporteur public au Conseil d’État.".

François Molins, procureur général / Guillaume Leroy, lauréat du Prix de thèse 2022 / Christophe Soulard, premier président

La cérémonie de remise du prix de thèse s’est tenue lundi 27 février 2023, au sein de la Grand’chambre de la Cour de cassation.

Ce concours, qui a lieu tous les deux ans, est l’occasion pour la Cour de cassation de valoriser les travaux de recherches menés par les candidats mais aussi, et surtout, l’occasion pour la Cour d’affirmer les liens forts qui l’unissent au monde universitaire.

Le 27 février 2023, Monsieur Guillaume Leroy a remporté la troisième édition du prix de thèse de la Cour de cassation, avec sa thèse intitulée « La pratique du précédent en droit français : étude à partir des avis de l’avocat général à la Cour de cassation et des conclusions du rapporteur public au Conseil d’Etat » rédigée sous la direction de Monsieur Frédéric Rouvière, professeur de droit privé et sciences criminelles agrégé des facultés de droit et Directeur du Laboratoire de Théorie du Droit de l’Université d’Aix-Marseille.

Etaient notamment présents, Monsieur le premier président de la Cour de cassation, Christophe Soulard, Monsieur le procureur général, François Molins, Madame Sandrine Zientara, présidente de chambre, directrice du Service de documentation, des études et du rapport et présidente du jury, ainsi que plusieurs membres du jury. Les Editions Lextenso ainsi que l’IERDJ étaient représentés.

Cette cérémonie solennelle était l’occasion pour les intervenants de saluer le travail effectué par Monsieur Guillaume Leroy, son admirable maîtrise du droit, sa capacité d’analyse, sa formidable culture juridique et la sagacité des recherches menées.

Cette thèse, qui a conquis l’ensemble des membres du jury, propose un parallèle audacieux entre les avis des avocats généraux et ceux des rapporteurs publics. Son apport pratique et théorique permet de comprendre comment se construit la jurisprudence et pose la question de la légitimité du pouvoir discrétionnaire du juge. Il s’agit en effet d’une thèse unique en son genre dont l’originalité de la recherche a particulièrement séduit le jury.

Il est certain que la thèse de M. Leroy deviendra, dès sa publication aux éditions Lextenso, un véritable ouvrage de référence pour l’ensemble des praticiens du droit.

La Cour de cassation renouvelle ses chaleureuses félicitations à Monsieur Guillaume Leroy et lui souhaite ses meilleurs vœux de réussite pour la suite de sa carrière.

Guillaume Leroy, lauréat du Prix de thèse de la Cour de cassation 2022, entouré des membres du jury

Visionnez la cérémonie de remise du Prix de thèse 2022

Lundi 27 février 2023

Entretien avec Guillaume Leroy, lauréat du Prix de thèse 2022

Ma thèse porte sur l’argument du précédent en droit français, que j’étudie à partir des travaux préparatoires des arrêts de la Cour de cassation et des décisions du Conseil d’Etat.
Et le constat préliminaire c’est que l’argument du précédent en France n’a pas été étudié en tant que tel puisqu’on a véritablement focalisé en doctrine l’attention sur la jurisprudence.
La difficulté c’est que on a surtout évalué la question de savoir si la jurisprudence était ou non une source du droit.
Et le but de cette recherche c’est de prendre le contre-pied de cette analyse et d’étudier l’argument dans sa dynamique argumentative devant les juridictions suprêmes.
Et la thèse révèle que l’argument du précédent est une véritable contrainte pour l’avocat général et pour le rapporteur public.
Et on peut présumer par conséquent qu’elle l’est aussi pour la juridiction.
Une contrainte qui a certaines spécificités qu’essaie de révéler la thèse.
J’ai effectué un master 2 de théorie du droit à la faculté de droit d’Aix-en-Provence. Et en même temps un LLM à l’université d’Ottawa pour ensuite commencer un doctorat en droit privé et droit public dans cette même faculté.
Par la suite, j’ai fait deux années d’attaché temporaire d’enseignement et de recherche à l’université Paris 2 avant d’être recruté au mois de septembre dernier en tant que maître de conférence des universités à l’université Paris 2.
Mes recherches se focalisent principalement sur l’argumentation juridique au travers du prisme des juridictions suprêmes nationales et dans une perspective de droit comparé.
Prochainement, j’aimerais bien mener, en collaboration avec le Service de documentation, des études et du rapport de la Cour de cassation (SDER), une recherche spécifiquement tournée sur l’argument conséquentialiste notamment à l’égard des études d’impact qui se développent devant la Cour de cassation, dont je pense qu’on peut tirer beaucoup d’enseignement assez riches sur la politique jurisprudentielle de la Cour.
Et c’est donc là-dessus que j’aimerais poursuivre mes recherches.
Je suis particulièrement honoré et d’une certaine manière ému après tant d’années de travail qui ont été vraiment menées sur la Cour de cassation.
Le fait de recevoir ce prix c’est d’une certaine manière une consécration.
Je mesure la chance d’être publié aux éditons Lextenso prochainement.

Résumé de la thèse

La pratique du précédent en droit français.

Étude à partir des avis de l’avocat général à la Cour de cassation et des conclusions du rapporteur public au Conseil d’État.

 

La fonction argumentative assignée au précédent en droit français est officiellement dérisoire en raison du style de motivation des arrêts et décisions des juridictions suprêmes et de la tradition légicentriste. À partir de l’avis de l’avocat général à la Cour de cassation et des conclusions du rapporteur public au Conseil d’État, l’étude se propose d’analyser les fonctions du précédent en droit français d’un point de vue argumentatif, en s’émancipant du débat consistant à déterminer si la jurisprudence constitue ou non une source du droit. Elle s’inscrit dans le champ relativement inexploré en France des recherches sur l’argumentation juridique.

L’examen systématique de plus de trois cent soixante travaux préparatoires atteste de l’omniprésence du précédent comme contrainte argumentative. Le caractère contraignant du précédent se manifeste par le fait que la résolution des problèmes de droit véhiculés par le cas porté à la connaissance de la juridiction invite avant tout l’avocat général et le rapporteur public à s’interroger sur l’existence et le contenu d’un précédent applicable ou transposable à l’espèce. La contrainte s’exerce de manière indifférenciée devant la Cour de cassation et le Conseil d’État, si bien qu’un tel constat est de nature à tempérer la distinction entre droit public et droit privé d’un point de vue argumentatif.

L’approche centrée sur les sources du droit invite à penser le précédent seulement en tant qu’il constituerait un objet normatif et donc comme l’expression d’un pouvoir potentiellement illégitime exercé par le juge. Au contraire, dès l’instant où, sous un angle argumentatif, le précédent est identifié comme une contrainte, son usage intègre le champ du savoir juridique. La première partie de la thèse est ainsi l’occasion d’envisager la fonction et le statut de cet objet argumentatif en s’émancipant d’une approche ontologique et spéculative de la jurisprudence, laquelle constitue la cause d’une absence de méthodologie du précédent en droit français.

La seconde partie de la thèse montre comment l’étude argumentative du précédent rend possible la mesure de l’intensité du pouvoir du juge. La discrétion judiciaire vise la situation où le juge doit exercer un choix entre plusieurs solutions dans un certain nombre d’hypothèses où les ressources juridiques ne déterminent pas une solution unique à un problème de droit. La question consiste alors à déterminer ce qui justifie d’un point de vue argumentatif que telle solution soit choisie au détriment d’une autre. Cette question, pour fondamentale qu’elle soit, est extrêmement peu abordée par la doctrine juridique nationale. Pourtant, bien plus qu’un simple questionnement théorique sur l’argumentation juridique, la mesure de la discrétion judiciaire interroge la séparation des pouvoirs, la fidélité que les juges entretiennent avec le droit positif, la distinction entre les cas faciles et difficiles. Dans cette perspective, l’étude dégage un modèle de représentation du pouvoir discrétionnaire du juge, à partir de l’interaction entre le précédent et le cas, dans certaines hypothèses spécifiques.

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