16/12/2022

Assemblée plénière – 16 décembre 2022 - pourvois n° 21-23.719 et 21-23.685
Lorsque le juge des libertés et de la détention rend une ordonnance autorisant l’Autorité des marchés financiers (AMF) à procéder à des visites domiciliaires et des saisies dans un lieu déterminé, les enquêteurs peuvent sous certaines conditions saisir les ordinateurs et les téléphones des personnes de passage dans ce lieu.
Avertissement : le communiqué n’a pas vocation à exposer dans son intégralité la teneur des arrêts rendus. Il tend à présenter de façon synthétique leurs apports juridiques principaux.
Les faits
En 2015, la société [A] a réalisé une opération boursière massive sur les titres de la société [B].
L'Autorité des marchés financiers (AMF) a ouvert une enquête sur les conditions dans lesquelles des informations dont était détenteur le directeur général de la société [B] ont pu être utilisées par la société [A] avant leur communication au public.
Le juge des libertés et de la détention a autorisé les enquêteurs de l’AMF à procéder à une visite domiciliaire au sein de la société [B] à l’occasion de l’un de ses conseils d'administration, et à saisir tout élément susceptible de caractériser la communication ou l'utilisation d'une information privilégiée.
Les représentants de la société [A] qui participaient à ce conseil d’administration ont vu leurs ordinateurs et leurs téléphones saisis.
La procédure
La société [A] a contesté l’ordonnance du juge des libertés ainsi que la régularité des opérations qui ont été menées par l’AMF lors du conseil d’administration de la société [B].
L’ordonnance ainsi que les opérations menées sur place ont été jugées régulières par la cour d’appel.
En 2020, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation a censuré cette décision.
Elle a considéré que seuls les documents et supports d'information qui appartiennent ou sont à la disposition de « l' occupant des lieux » peuvent faire l’objet d’une saisie.
Les représentants de la société [A] n’étant que de passage au sein de la société [B], leurs ordinateurs et téléphones ne pouvaient être saisis.
En 2021, la cour d'appel chargée de rejuger l’affaire n’a pas suivi la position de la Cour de cassation.
Elle a estimé que les représentants de la société [A] devaient être considérés comme « occupants des lieux », en retenant notamment qu’une conception trop restrictive de cette notion pourrait entraver l'action de l'AMF dans sa lutte contre les abus de marché.
Cette position de la cour d’appel a conduit la Cour de cassation à réexaminer l’affaire en assemblée plénière, formation de jugement la plus solennelle, au sein de laquelle toutes les chambres de la Cour sont représentées.
La question posée à la Cour de cassation
Lorsque le juge des libertés et de la détention a rendu une ordonnance autorisant l’AMF à procéder à des visites domiciliaires et des saisies dans un lieu déterminé, les enquêteurs peuvent-ils saisir les ordinateurs et les téléphones des personnes de passage dans ce lieu ?
La décision de la Cour de cassation
Oui, sous certaines conditions
Les documents, ordinateurs et téléphones qui se trouvent sur un lieu déterminé peuvent être saisis par les enquêteurs de l’AMF si :
- le juge des libertés et de la détention a désigné ce lieu comme pouvant faire l’objet d’une visite domiciliaire et de saisies ;
- les objets saisis ont un lien avec l’enquête.
Le fait que ces documents, ordinateurs et téléphones appartiennent aux occupants des lieux ou à des personnes de passage n’entre pas en considération.
Cette solution adoptée par la Cour de cassation ne porte pas une atteinte excessive au droit au respect de la vie privée garanti par la Convention européenne des droits de l’homme, dès lors que :
- ces visites et ces saisies ont fait l’objet d’une autorisation par un juge, qui en assure le contrôle ;
- elles sont strictement nécessaires à la recherche de l’infraction objet de l’enquête ;
- les occupants des lieux sont informés de leurs droits ;
- ces opérations peuvent être contestées devant un premier président de cour d’appel.
Par conséquent, la Cour de cassation rejette les pourvois.
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