Code de déverrouillage d’un écran de téléphone et cryptologie

07/11/2022

Communiqué relatif à la décision rendue par l'assemblée plénière le 7 novembre 2022 - Pourvoi n° 21-83.146.

Le refus de communiquer le code de déverrouillage d’un téléphone portable peut constituer un délit.

Avertissement : le communiqué n’a pas vocation à exposer dans son intégralité la teneur des arrêts rendus. Il tend à présenter de façon synthétique leurs apports juridiques principaux.   

Repères

L’art. 434-15-2 du code pénal

Refuser de donner aux autorités judiciaires la « convention secrète de déchiffrement d’un moyen de cryptologie » susceptible d'avoir été utilisée pour préparer, faciliter ou commettre un crime ou un délit est puni de 3 ans d'emprisonnement et de 270 000 € d'amende.

Si ce refus est opposé alors que cette information aurait permis d'éviter la commission d'un crime ou d'un délit ou d'en limiter les effets, la peine est portée à 5 ans d'emprisonnement et à 450 000 € d'amende.

 

L’art. 29 al. 1 de la loi de 2004 pour la confiance dans l'économie numérique

On entend par moyen de cryptologie tout matériel ou logiciel conçu ou modifié pour transformer des données, à l'aide de conventions secrètes ou pour réaliser l'opération inverse avec ou sans convention secrète. Ces moyens de cryptologie visent principalement à garantir la sécurité du stockage ou de la transmission de données, en permettant d'assurer leur confidentialité, leur authentification ou le contrôle de leur intégrité.

Les faits

Une personne a été arrêtée pour possession de stupéfiants. Pendant sa garde à vue, elle a refusé de donner aux enquêteurs les codes permettant de déverrouiller deux téléphones susceptibles d’avoir été utilisés dans le cadre d’un trafic de stupéfiants.

 

La procédure

Cette personne, poursuivie devant une juridiction correctionnelle, n’a pas été condamnée pour avoir refusé de donner ses codes de déverrouillage de téléphones ; elle a été relaxée.

La cour d’appel a considéré que ce code n’était pas une « convention de déchiffrement d’un moyen de cryptologie » car il ne servait pas à décrypter des données, mais uniquement à débloquer un écran d’accueil permettant d’accéder aux données contenues dans l’appareil.

En 2020, la chambre criminelle de la Cour de cassation a censuré cette décision.

Elle a jugé que le code de déverrouillage d’un téléphone pouvait constituer une clé de déchiffrement si l’appareil disposait d'un moyen de cryptologie : certains téléphones sont équipés, dès l’origine, d’un dispositif nommé « convention secrète de déchiffrement », dont le but est de rendre incompréhensibles les informations contenues dans l’appareil : ce n’est qu’une fois le code de déverrouillage de l’écran d’accueil activé que les données peuvent être déchiffrées.

En 2021, la cour d’appel chargée de rejuger l’affaire a de nouveau relaxé le prévenu. Le ministère public a formé un nouveau pourvoi contre cette décision.

La décision de la cour d’appel de renvoi, qui n’a pas suivi la position de la chambre criminelle, a conduit la Cour de cassation à réexaminer cette affaire en assemblée plénière, formation de jugement la plus solennelle, au sein de laquelle toutes les chambres de la Cour sont représentées.

 

La question posée à la Cour de cassation

Le code permettant de déverrouiller l’écran d’accueil d’un téléphone est-il ou non une « convention secrète de déchiffrement d’un moyen de cryptologie », au sens de la loi pénale ?

 

La décision de la Cour de cassation

L’assemblée plénière confirme la jurisprudence de la chambre criminelle

Un « moyen de cryptologie » a pour but de rendre des informations incompréhensibles, afin de sécuriser leur stockage ou leur transmission.

Une « convention secrète de déchiffrement » permet la mise au clair des informations cryptées.

Lorsqu’un téléphone portable est équipé d’un « moyen de cryptologie », le code de déverrouillage de son écran d’accueil peut constituer une « clé de déchiffrement » si l’activation de ce code a pour effet de mettre au clair les données cryptées que l’appareil contient ou auxquelles il donne accès.

Dès lors, si un téléphone portable doté de ces caractéristiques techniques - comme c’est le cas aujourd’hui de la plupart des téléphones portables -  est susceptible d’avoir été utilisé pour la préparation ou la commission d’un crime ou d’un délit, son détenteur, qui aura été informé des conséquences pénales d’un refus, est tenu de donner aux enquêteurs le code de déverrouillage de l’écran d’accueil.

S’il refuse de communiquer ce code, il commet l’infraction de « refus de remettre une convention secrète de déchiffrement ».

Par conséquent, en l’espèce, la décision de la cour d’appel est cassée et une autre cour d’appel est désignée pour rejuger l’affaire.

 

Lire la décision (pDf)

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