29/07/2022
Le bâtiment de la Cour de cassation et le décor de ses salles d’audience accordent une place importante aux symboles. La balance, le lion, le miroir ou encore le buste d’Athéna, autant de représentations qui, puisant dans le mythe, véhiculent un message. Cette rubrique vous propose de décrypter, un à un, les symboles de justice.
Que ce soit dans nos tribunaux ou dans les arts, l’association du glaive et de la balance est l’un des symboles courants de la justice. Le glaive et la balance, c’est rendu sensible par l’image l’acte de juger.
La balance

Balance - chambre du conseil de la première chambre civile, Cour de cassation
La balance est cet instrument dont on se sert pour déterminer avec une parfaite objectivité le poids d’un objet et, par extension, en mesurer la valeur au regard d’une échelle de référence prédéterminée. L’acte de juger réclame du magistrat qu’il adopte une posture intellectuelle à l’équilibre afin de faire éclater la vérité.
Dans l’Egypte antique, le dieu funéraire Anubis se servait d’une balance pour évaluer la gravité des fautes commises par les morts tout au long de leur vie. Sur un plateau le cœur, sur l’autre une plume. Au terme de la pesée, si le cœur était plus lourd que la plume, la déesse Ammout dévorait l’âme impure du défunt, privé d’accès à la vie éternelle. La balance matérialise ici le principe de responsabilité.
Le christianisme fait lui aussi une place à ce symbole. C’est au Jugement dernier que l’archange Michel, psychopompe chargé de séparer les justes des pêcheurs, brandira une balance pour sous-peser les âmes.
Vitrail représentant une balance - cour d'appel de Paris
Mais c’est dans la main de la titanide de la justice, Thémis (« loi divine », en grec ancien), que l’on retrouve le plus fréquemment la balance.
Fille de Gaïa et d’Ouranos, mère de l’Equité, de la Loi et de la Paix, Thémis, se servait de cette instrument pour peser et ainsi comparer les arguments des mortels venus l’implorer de mettre fin à leurs litiges. S’en remettant au verdict des plateaux, Thémis, dont les yeux sont d’ailleurs fréquemment bandés, nous rappelle qu’il n’est de bonne justice qu’impartiale et contradictoire.

Thémis, titanide grecque de la Justice, tenant dans ses mains le glaive et la balance
Le glaive
Détail de "La glorification de la loi" (1881) de Paul Baudry, plafond de la Grand'chambre de la Cour de cassation
Or pour qu’il y ait justice, la balance ne suffit pas. S’il est indispensable de peser le pour et le contre, de procéder à une analyse objective des éléments constitutifs du litige, doit ensuite venir le temps de l’action. Le cheminement intellectuel qu’il suit doit conduire le juge à prendre une décision qui produise des effets. On dit du juge qu’il « tranche ». C’est la raison pour laquelle Thémis est couramment représentée tenant de la main gauche une balance, brandissant un glaive du bras droit.
Dans sa colère, la partie n’ayant pas obtenu gain de cause peut vouloir faire obstacle à la mise en application de la décision de justice. Dès lors, l’Etat doit pouvoir recourir à la force : c’est lui qui, pour maintenir la paix sociale, détient le monopole de la violence physique légitime.
Le glaive est une arme à double tranchant. Les deux fils de sa lame nous disent la dualité de la décision de justice : d’un même coup porté au cœur du litige, le glaive arrache la partie victorieuse aux tourments de l’affaire et punit celui dont les torts ont été reconnus.
La Justice punissant le crime - fronton de la Cour de cassation
Arme privilégiée des légionnaires romains, le glaive se retrouve aussi dans le jus gladii (« droit du glaive ») qui donnait aux proconsuls, représentants de Rome dans les provinces, le pouvoir de prononcer et exécuter les peines à mort. Le glaive ne s’abattait pas seulement sur le fautif. Il était aussi objet de crainte pour tous les citoyens, sensibles à la portée exemplaire du châtiment public.
Dans la Bible le glaive de justice joue un rôle redoutable. D’après la Genèse, Adam, après avoir commis la faute originelle, est chassé du Jardin d’Eden. Depuis, deux chérubins armés d’épées de feu interdisent aux hommes l’entrée du paradis perdu. Mais surtout, dans le Livre des rois, Salomon, souverain à la sagesse inégalée, feint de couper en deux le nourrisson dont deux femmes se disputent la maternité ; la vraie mère se révèle ainsi aux yeux de tous, prête à céder son droit sur l’enfant pour lui sauver la vie.
La Cour de cassation fait une place de choix au double symbole du glaive et de la balance, que ce soit dans le décor de ses salles d’audiences ou gravé sur nombre de ses linteaux.
Glaive, balance et Tables de la Loi en chambre criminelle de la Cour de cassation.
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