Les bustes de Ballot-Beaupré et Renouard retrouvent une place de choix

08/07/2022

Juridiction suprême, la Cour de cassation s’engage aussi dans le champ culturel, pour la sauvegarde et la mise en valeur des trésors du patrimoine national auxquels elle sert d’écrin. 

Au fil des réaménagements dont le bâtiment a fait l’objet, deux bustes datés des années quarante se sont trouvés remisés en son sous-sol. En mai 2016, la Cour se mobilise pour redonner à ces œuvres une place de choix et, à terme, les rendre accessibles au public.

Pièces du Fonds national d’art contemporain, ces bustes sont ceux de deux figures de la juridiction :

Deux oeuvres, de l’ombre à la lumière

Ces sculptures, taillées dans le marbre, ont été réalisées respectivement par Robert Delandre (1879-1961), élève de Falguière, et Eugène René Arsal (1884-1972), qui s’illustra dans le domaine des arts commémoratifs.

Pour procéder à la remontée d’un ensemble de près d’une tonne, la Cour de cassation a fait appel à des professionnels de la manipulation d’œuvres d’art, une équipe ayant notamment collaboré à plusieurs reprises avec le musée du Louvre.

Bras mécanique, chaînes, cordages et finesse d’exécution ont été nécessaires pour mener à bien ce passage de l’ombre à la lumière.

Les deux pièces ont ensuite été confiées aux soins d’une spécialiste de la conservation, en charge d’appliquer sur le marbre une mousse spéciale ayant pour propriété de redonner son plein lustre à la matière. 

Encadrant désormais la porte principale du palier d’honneur, Alexis Ballot-Beaupré et Charles-Augustin Renouard accueillent les visiteurs qui souhaitent accéder aux salles d’audiences historiques de la Cour de cassation.

La remontée des bustes en images

Alexis Ballot-Beaupré (1839-1917), Premier président

Alexis Ballot-Beaupré est né le 15 septembre 1839 à Saint-Denis de la Réunion. Ce fils d’inspecteur de la Marine mène de brillantes études de droit. Après avoir obtenu son doctorat (1859), il s’inscrit au barreau de Paris où il est reçu deuxième secrétaire de conférence de la promotion 1860-1861. Mais il renonce bientôt à la profession d’avocat pour entrer dans la magistrature. Il y occupe successivement les fonctions de substitut à Montbrison en avril 1862, puis à Marseille en juillet 1865, de procureur à Toulon en 1872 et, enfin, de procureur général à Bastia en 1876. Chef du parquet à Nancy en 1878, il y devient premier président de la Cour d’appel en octobre 1879.

Il entre à la Cour de cassation le 3 novembre 1882, en tant que conseiller. Peu après sa nomination comme président de la chambre civile (1899), il est désigné rapporteur pour la première demande en révision du procès d’Alfred Dreyfus, ce dernier ayant été condamné en 1894 par le Conseil de guerre à la dégradation militaire et à la déportation à perpétuité en Guyane pour haute-trahison. Alexis Ballot-Beaupré déclare alors que le bordereau incriminant le capitaine a été écrit par l’officier Ferdinand Walsin Esterhazy. Convaincu de l’innocence de Dreyfus, il se prononce en faveur de la révision.

Premier président de la Cour de cassation de 1900 à 1911, il donne, en cette qualité, lecture de l’arrêt du 12 juillet 1906 par lequel la juridiction suprême annule sans renvoi le jugement du Conseil de guerre de 1899 qui avait de nouveau condamné Alfred Dreyfus.

Quand sa mort survient à Paris, le 16 mars 1917, le premier président Louis Sarrut, son successeur, salue son empreinte ineffaçable sur la jurisprudence de la Cour. Après ses obsèques, l’avocat général Paul Peyssonié affirme : « L’incarnation du droit, c’était lui ! […] Il a porté le style judiciaire au sommet de la perfection ».

 

 

Augustin-Charles Renouard (1794-1878), Procureur général

C’est à Paris, le 22 octobre 1794, que naît Augustin-Charles Renouard. Alors que son père, libraire de renom, le destine à une carrière littéraire, le jeune normalien décide de s’inscrire au barreau de Paris en 1816 et de faire profession d’avocat. Il acquiert d’ailleurs très vite une grande notoriété en plaidant des affaires politiques.

Après la Révolution de Juillet, il abandonne le barreau et commence une brillante carrière mise au service de l’État : il est notamment conseiller d’État (1830), député d’Abbeville (1831-1837 ; 1839-1842) et pair de France (1846).

Il entre à la Cour de cassation en tant que conseiller, le 1er juin 1837. C’est la seule fonction qu’il conserve après 1848. Membre de la Haute Cour chargée de poursuivre toute atteinte à la Constitution, il est désigné par ses collègues pour requérir contre le prince-président Louis-Napoléon Bonaparte lors du coup d’État du 2 décembre 1851. Dès le lendemain matin, l’acte d’accusation à peine rédigé, une intervention militaire met brutalement fin à l’audience de la Haute Cour dont les membres sont dispersés. Augustin-Charles Renouard n’en conserve pas moins son poste de conseiller jusqu’en 1869, année de sa retraite.

Deux ans plus tard, il est appelé par Adolphe Thiers pour occuper les fonctions de procureur général près la Cour de cassation, fonctions qu’il occupe jusqu’en 1877.

Membre de l’Institut, Augustin-Charles Renouard a publié un nombre considérable d’ouvrages de caractère moral, politique et juridique. Son Traité des droits d’auteurs (1838-1839) a servi longtemps de référence dans le domaine. On lui doit également de nombreuses études sur les brevets d’inventions, le droit industriel, les questions de propriété et sur la liberté de la presse.

Augustin-Charles Renouard est mort à Paris, le 17 août 1878.

 

 

Robert Delandre (1879-1961), sculpteur

Robert Delandre naît le 6 octobre 1879 à Elbeuf (Seine-Maritime), dans une famille de notables. D’abord employé de commerce, son père Alfred Delandre connaît une brillante carrière dans l’industrie textile avant de devenir président du tribunal de commerce d’Elbeuf, en 1897.

Élève au lycée Corneille de Rouen, Robert Delandre côtoie le futur écrivain André Maurois. Poussé notamment par son père, il décide d’embrasser une carrière artistique. Il entre alors dans l’atelier parisien du sculpteur Denys Puech. Reçu 3e en 1899 au concours d’entrée à l’École des Beaux-Arts de Paris, il étudie d’abord dans l’atelier d’Alexandre Falguière, puis dans celui d’Antonin Mercié dont l’enseignement académique l’influence durablement.

Les sculptures de Robert Delandre sont remarqué dès 1905 par sa ville natale qui lui confie la réalisation du monument aux morts de la guerre de 1870 dans le cimetière Saint-Jean. Après la Première Guerre, il reçoit de nombreuses commandes publiques pour les monuments aux morts ou des portraits d’hommes illustres puis, dans les années 1930, pour des monuments à la gloire de l’aviation.

Installé à Paris, il n’en demeure pas moins très attaché à sa région d’origine pour laquelle il réalise de nombreuses œuvres. La raréfaction des commandes publiques au milieu du XXe siècle rend ses dernières années difficiles. Attaché à un certain conservatisme des formes, le sculpteur s’éloigne des recherches artistiques menées par ses contemporains, et s’isole. Il meurt à Paris le 2 juin 1961, à l’âge de 81 ans.

C’est autour de 1946 que Robert Delandre a réalisé le buste d’Alexis Ballot-Beaupré.

A sa mort, une partie de son atelier est léguée au musée d’Elbeuf qui lui rend hommage dans un catalogue, Laissez-vous conter le sculpteur Robert Delandre, d’où sont tirées les notes biographiques ci-dessous :

 

Consulter en ligne

 

Eugène René Arsal (1884-1972), sculpteur

Eugène René Arsal naît à Paris, en 1884. Cet élève de Miolle et de Lemaire installe son atelier à Vincennes et expose régulièrement au Salon des Artistes français entre 1905 et 1939. Il s’illustre tout particulièrement dans le domaine de la sculpture commémorative en exécutant des bustes et des portraits-médaillons.

Parmi ses œuvres les plus importantes compte le monument de Lacalm pour lequel il réalise un buste à mi-corps commémorant la mémoire du Clairon Raynal, héros de la bataille de Sidi-Brahim en Algérie, livrée en 1845 contre l’Emir Abd-el-Kader.

 Le buste d’Augustin-Charles Renouard qu’il réalise pour la Cour de cassation date vraisemblablement de 1946.

Culture

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