Un tour du monde des codes (XIXe-XXe siècle)

29/06/2022

A l’occasion du bicentenaire de la mort de Napoléon Ier, le 5 mai 1821, de nombreuses manifestations et études historiques sont prévues. Dans le domaine juridique, l’apport de l’empereur en matière de codification est un sujet incontournable. D’aucuns estiment, à l’instar de Pierre Nora et du doyen Jean Carbonnier, que le Code civil constitue un véritable « lieu de mémoire » pour les Français, un bien commun pour la Nation. La Cour de cassation a déjà eu l’opportunité de célébrer ce monument des lois civiles, vieux de deux cents ans, lors des célébrations nationales de 2004 ; de même, en 2010, la haute juridiction avait, avec le Sénat, organisé un colloque consacré à la célébration du bicentenaire du Code pénal. Naturellement, les collections de la bibliothèque gardent traces des travaux de codification originels autant que de leurs développements juridique et historique successifs. En outre, de par les liens entretenus entre les hauts magistrats français et leurs homologues européens, francophones ou francophiles, de par l’attention constante portée par les héritiers de Portalis, Tronchet, Malleville et Bigot de Préameneu sur l’évolution des entreprises de codification dans des pays voisins ou lointains, la bibliothèque de la Cour de cassation n’a cessé d’enrichir ses collections d’ouvrages juridiques étrangers, notamment des codes. Ainsi, cette nouvelle exposition permet d’en présenter une trentaine sous la forme d’un « tour du monde », chaque code marquant une escale dans l’espace et dans le temps. Datant des XIXe et XXe siècles, ces différentes éditions sont exposées dans l’ordre alphabétique des pays, depuis l’Allemagne jusqu’à la Suisse, en passant par le Brésil, la Corée, le Liban, la Russie ou encore le Sénégal. Nous vous souhaitons donc une excellente visite, ou plutôt un bon voyage...

Allemagne

Jusqu’à l’entrée en vigueur des premières versions du Code civil allemand (Bürgerliches Gesetzbuch : BGB), le droit à l’intérieur de l’Empire était morcelé. Il existait certes des règles juridiques communes dans l’espace germanophone, ainsi le droit coutumier allemand (dont le Miroir des Saxons) ou le droit romain (du Corpus juris civilis), mais les particularismes locaux l’emportaient le plus souvent : en Bavière, il existait le Codex Maximilianeus bavaricus civilis de 1756 ; la Prusse possédait son propre régime juridique avec l’Allgemeines Landrecht de 1794 ; sur les territoires de la rive gauche du Rhin, le Code civil était en application depuis 1804 ; au grand-duché de Bade, on se référait au Badisches Landrecht de 1810 ; au royaume de Saxe, la pratique du droit était fondée sur le Sächsisches Bürgerliches Gesetzbuch de 1865, etc.

Après la proclamation de l’Empire allemand en 1871, les appels à la création d’un code civil unifié se multiplièrent. Une commission de codification fut mise en place à partir de 1874. Adopté par le Reichstag en 1896, le Code civil allemand entra en vigueur le 1er janvier 1900, après vingt-cinq ans d’élaboration par des juristes de renom tels Julius Wilhelm von Planck et Bernhard Windscheid.

Le BGB eut une forte influence sur d’autres codifications, comme le Code civil japonais de 1898 ou le Code des obligations de la Suisse de 1911.

Autriche

Ce code est la traduction française du texte autrichien promulgué en 1852 sous le règne de l’empereur François-Joseph Ier. Il avait été précédé, en 1768, par la Constitutio criminalis Theresiana, première œuvre d’unification de la législation pénale réalisée par l’archiduchesse Marie-Thérèse, puis, en 1787, par la Loi générale sur les crimes et leurs peines de l’empereur Joseph II, enfin, en 1803, par Loi pénale sur les crimes et contraventions graves de police de l’empereur François Ier. Ces quatre codes marquent le souci des souverains qui ont présidé à leur élaboration de marcher de pair avec la mutation rapide des idées juridiques pour adapter la législation pénale aux conceptions nouvelles du droit, en lien avec l’évolution de la société.

Après la dissolution de la monarchie austro-hongroise en 1918, le Code de 1852 fut cependant conservé par la Ire République. Lors de l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne, en 1938, il ne fut pas expressément abrogé - le législateur nazi n’en ayant sans doute pas eu le temps - mais il devint le Code pénal de la "Marche de l’Est", désignation de l’ex-Etat autrichien incorporé dans le IIIe Reich.

Toutefois, pendant les sept années que dura l’annexion, ce texte fut pour ainsi dire mis en sommeil, car les nombreuses lois pénales édictées sous le régime national-socialiste ont eu la prééminence sur ses propres dispositions lorsque ce n’est pas l’arbitraire qui l’a emporté sur le droit. C’est pourquoi l’une des premières manifestations de la souveraineté reconquise par le nouvel État autrichien consista en 1945 en la remise en vigueur du Code de 1852, en sa teneur au 13 mars 1938, date de l’Anschluss.

La bibliothèque possède également une édition du Code pénal de l’Empire d’Autriche de 1833 (cote 16637).

Belgique

Volume de "poche" contenant : 1. la Constitution belge, 2. le Code civil, 3. le Code de procédure civile, 4. le Code du commerce, 5. le Code d’instruction criminelle, 6. le Code pénal, 7. le Code forestier et arrêté d’exécution, 8. les lois usuelles.

Brésil

Dès la promulgation de son indépendance en 1822, le Brésil dut se préoccuper d’élaborer une nouvelle législation adaptée à de nouvelles institutions, ainsi qu’aux besoins d’un pays neuf. A titre provisoire, la loi du 20 octobre 1823 avait remis en vigueur les lois, ordonnances et décrets promulgués par les rois du Portugal jusqu’au 25 avril 1821. Dans cette loi (art. 1), comme, un peu plus tard, dans la constitution du 25 mars 1824, la promesse d’une nouvelle codification était inscrite.

A partir de 1855, l’œuvre de codification fut confiée à M. Teixeira de Freita qui publia la Consolidation des lois civiles en 1858, ordonnant et complétant celles-ci, pour répondre aux besoins du moment, sans esprit de système. A cette époque, la source principale du droit brésilien devait être encore recherchée dans les Ordonnances philippines de 1603. Comme source subsidiaire du droit, les lois du 18 août 1769 et du 28 août 1772 avaient indiqué le droit romain. La matière du mariage restait, quant à elle, régie par le droit canonique.

A partir de 1859, M. Teixeira de Freita fut officiellement chargé de rédiger un avant-projet de Code civil. Jusqu’en 1865, il put en achever plusieurs parties, mais laissa, à son départ, œuvre inachevée. Lui succédèrent M. Nabuco de Aranjo (1872), M. Coelho Rodrigues (1890) et M. Clovis Bevilaqua (1899) qui en acheva la rédaction. Le nouveau Code civil, approuvé par le pouvoir exécutif, fut publié dans le Journal Officiel du 5 janvier 1916. La version définitive du Code, révisée et corrigée, entra en vigueur avec le vote de la loi du 15 janvier 1919, soit près d’un siècle après l’accès du pays à son indépendance. 

Dans la préface à l’édition française, l’auteur ne manque pas de souligner la clarté et la brièveté de ce Code, ne comptant que 1807 articles là où le Code argentin en compte 4051, le portugais 2538, le chilien 2525, l’uruguayen 2392, l’allemand 2385, le péruvien 2321, le français 2281, l’italien 2147, le vénézuélien 2064, l’espagnol 1976 et le suisse 1857.

Cambodge

Chine

La codification est une entreprise ancienne en Chine. Dès les premières périodes historiques de son développement, on trouve l’Empire Chinois pourvu de recueils, tels que le Tchéou-Li, où étaient énoncés sous une forme rituelle les prescriptions essentielles régissant les relations de l’individu avec sa famille et avec l’État. Ces compilations ont pris une forme plus étendue et plus précise sous la dynastie des Tang, vers l’année 654, lorsque fut promulguée la première en date des grandes codifications chinoises. C’est sous la fondation du code des Tang qu’a été élevé tout l’édifice législatif de la Chine impériale. Les dynasties Song (Xe-XIIIe s.), Yuan (XIIIe-XIVe s.) et Ming (XIVe-XVIIe s.) ont repris, à intervalles variables, l’œuvre de leurs prédécesseurs ; les Tsing l’ont remaniée à leur tour et l’ont publiée en 1646 sous le titre de Ta Ts’ing lu-li qu’elle a conservé jusqu’au début du XXe siècle. On en trouve des traductions partielles dans une édition anglaise de George Staunton (Londres, 1810) et dans sa version française par Renouard de Sainte-Croix (Paris, 1812). Il faut toutefois attendre 1890, et l’édition réalisée par le père Gui Boulais, pour qu’une édition de l’ancien droit chinois digne de ce nom soit enfin diffusée en France. La dernière révision de ce texte, datée de 1910, n’a précédé que de peu la chute de la dynastie Qing. Sous le nom de Ta Ts’ing Hien-hien hing-lu, elle constituait en 1912 la base du droit civil en vigueur au moment de la proclamation de la République de Chine et de l’abdication du dernier empereur Mandchou, Puyi. Le nouveau régime constitua un Comité de rédaction des codes, bientôt transformé en Commission de codification des lois, qui aboutit à la publication, en 1925, du Livre des principes généraux du Code civil ; le gouvernement national de Nankin se chargea, entre 1929 et 1930, d’examiner et promulguer les livres I à V constitutifs du nouveau Code civil.

Corée

L’édition possède au faux-titre un envoi manuscrit de l’auteur "Offert à la Bibliothèque de la Cour de cassation au Palais de justice."

Ethiopie

Grèce

Jusqu’à la mise en vigueur du Code civil hellénique, le droit civil appliqué dans la majeure partie du pays était fondé sur le droit romain byzantin, en tant que droit national grec. Des codes civils existaient uniquement dans les Îles Ioniennes, à Samos et en Crète. Parallèlement, des lois civiles spéciales avaient complété et modernisé les institutions civiles sur certains points. Le Code civil hellénique - qui a unifié le droit civil grec - est entré en vigueur le 23 février 1946. Il fut toutefois appliqué, dès 1941, et ce, malgré l’occupation de la Grèce, par les autorités des territoires non soumis au contrôle de l’occupant.

Le Code civil hellénique ne rompt pas avec la tradition juridique nationale, trois fois millénaire. Il constitue, pour la plus grande part, une codification moderne des institutions civiles préexistantes. La division du Code en cinq parties est conforme à la conception adoptée par la science hellénique depuis le milieu du XIXe siècle et maintenue pendant les cent ans qui en ont précédé la publication.

Durant les dix premières années qui ont suivi son entrée en vigueur en Grèce, nulle difficulté n’a surgi pour les praticiens du droit qui en ont, dès le premier jour, aisément appliqué les dispositions. L’unique modification a été celle de la loi du 21 avril 1955 qui a complété l’égalité des deux sexes devant la loi.

L’Institut hellénique de droit international et étranger a considéré comme un devoir, dès la promulgation du Code, de procéder à sa traduction en français, pour en faciliter, d’une part, son étude par les milieux scientifiques internationaux et sa meilleure mise en valeur, et, d’autre part, son application à l’étranger, dans les cas où cette application peut s’imposer selon les règles du droit international privé. La publication de cette traduction a dû être différée en raison de la Deuxième Guerre mondiale et des événements de l’après-guerre qui ont éprouvé la Grèce jusqu’à la fin du régime des Colonels, l’instauration de la République (1974) et l’adoption d’une nouvelle constitution (1975).

Haïti

Haïti fut la première colonie française du Nouveau Monde – réserve faite de la Louisiane – à s’affranchir de la métropole dès 1804, après plus de deux siècles de domination et d’esclavage. Le 1er janvier 1804, l’indépendance fut proclamée solennellement aux Gonaïves par Jean-Jacques Dessalines, le général en chef de l’armée indigène victorieuse, en reprenant le nom indien d’Haïti. L’acte d’Indépendance, rédigé en français par Boisrond Tonnerre, marqua le début d’un long processus juridique matérialisé, notamment, par l’entreprise de codification. Plutôt que d’élaborer un code spécifique pour Haïti, le législateur haïtien a choisi d’adopté le Code civil de la France comme loi nationale. À la nécessité de généraliser les activités législatives et d’unifier les règles de droit de diverses sources s’associa, pour lui, celle d’un nouvel État, soucieux de rentrer dans le concert des nations après la reconnaissance officielle (par l’ordonnance du roi Charles X en date du 17 avril 1825) de son indépendance, et d’offrir aux investisseurs nationaux et étrangers un cadre juridique sécurisant calqué sur le modèle français. Quoi qu’il en soit, le Code Napoléon n’a pas été adopté spontanément ni de plein gré. Il fit l’objet d’une réception timide, partielle et quasiment imposée. Certes il est encore aujourd’hui considéré comme un monument juridique, malgré maintes tentatives de refonte par les pouvoirs publics. Toutefois, depuis près de deux siècles, son application suscite encore bien des questionnements quant à sa pleine adaptation au milieu haïtien.

Italie

Japon

 

A partir de la restauration du pouvoir impérial en 1867-1868, le gouvernement japonais s’est efforcé de poursuivre les travaux ayant pour objet la réforme législative, notamment la codification des lois criminelles, civiles et commerciales, inspirées des principes du droit moderne de l’Occident. La confection du Code civil est proposée en 1870 par le ministre de la Justice, M. Yeto, puis continuée par son successeur, le comte Ogni, de 1873 à 1886. Avec notamment la participation active du professeur G.E. Boissonade de la faculté de droit de Paris, un premier projet est présenté en 1890. Celui-ci est ajourné à des fins de révision ; promulgué en 1896, le Code civil japonais entre finalement en vigueur en 1898. Composé de cinq livres (I : « Partie générale », II : « Droit des biens », III : « Rapports d’obligation », IV : « Droit de la famille » et V : « Droit des successions » ), ce code proclame l’égalité de la capacité de jouissance, le caractère absolu de la propriété, l’autonomie de la volonté et la responsabilité civile fondée sur la faute. Les livres IV et V avaient été marqués par l’inégalité entre l’homme et la femme, mais ils ont été entièrement modifiés en 1947 en vue de la conformité avec le principe de non-discrimination de la nouvelle Constitution de 1946. Une commission permanente a été créée en 1949 en vue de la modernisation des codes : la Commission législative du ministère de la Justice.

Liban

Louisiane

Le Code civil de Louisiane fut le tout premier code civil adopté dans la foulée du Code civil des Français, dont il s’inspira fortement. Adopté en 1808 sous le titre de Digeste des lois civiles actuellement en force dans le territoire d’Orléans, il fut refondu en 1825 sous le titre de Code civil de l’État de la Louisiane. Rédigés en français, ces deux textes furent promulgués avec une traduction anglaise. Lors de la grande révision de 1870, à la suite de l’abolition de l’esclavage, le texte fut refondu et publié en anglais seulement. Il a été révisé à partir de 1960 à deux reprises, s’émancipant parfois du modèle français et recevant des apports de common law.

La bibliothèque possède deux autres éditions de ce code : West’s Louisiana statutes annotated. Civil Code. Under arrangement of the Official Louisiana Civil Code. Saint-Paul, Min. : West Publishing Co, 1952, reprint 1979, avec sa mise à jour de 1982, 17 vol. (cote 6757) et Louisiana Civil Code and Ancillaries.... Edited by Ralph Slovenko. Baton Rouge : Claitor’s Publishing Division, 1984 (cote : 6789).

Pays-Bas

Pérou

Russie

Dans l’Empire russe, l’entreprise de codification remonte au tsar Alexis Mikhaïlovitch (1645-1676). L’assemblée chargée de cette mission (Zemski sobor) publia en 1649 un recueil de lois appelé Ulogénie, comprenant 968 articles classés sous 25 chapitres. En 1700, Pierre-le-Grand (1682-1725) institua une nouvelle commission chargée de refondre et de compléter l’Ulogénie ; à partir de cette date et jusqu’en 1826, dix commissions furent nécessaires à l’établissement d’un cadre cohérent de classement, puis à l’inventaire systématique et exhaustif des lois en vigueur dans le vaste Empire russe. L’empereur Nicolas Ier (1825-1855), montant sur le trône, voulut imprimer aux travaux de la réforme législative une nouvelle impulsion. Il déclara par oukase du 31 janvier 1826 prendre lui-même la haute surveillance de ces travaux qui, sous la direction du comte de Spéranski, furent achevés sept ans plus tard. C’est ainsi que le Code civil de l’Empire de Russie fut publié en 1833 ; un manifeste de l’Empereur daté du 31 janvier 1833 le rendit exécutoire à partir du 1er janvier 1835.

Sénégal

Siam (i.e. Thaïlande)

Ce volume a été publié sous la direction du Comité de législation étrangère et imprimé en vertu de l’autorisation de M. le Garde des sceaux. M. Charles Falcimaigne, conseiller à la Cour de cassation, membre du Comité de législation étrangère, en a suivi l’impression en qualité de commissaire responsable.

Suisse

Ce volume a été publié par le Comité de législation étrangère avec le concours de la Société de législation comparée et imprimé en vertu de l’autorisation de M. le Garde des sceaux. M. Louis Loew, président de chambre à la Cour de cassation, membre du Comité de législation étrangère, en a suivi l’impression en qualité de commissaire responsable.

La bibliothèque possède également une édition des Lois civiles et commerciales qui constituent, avec les codes, la législation du canton de Genève. Genève : Jules-Guillaume Fick, 1859 (cote 16477) ; le Commentaire populaire et pratique sur le Code fédéral des obligations... Genève : Henri Trembley, s.d. [1882-1883] (cote 16475).

Culture

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