Remise du rapport sur le contrôle de conventionnalité

16/10/2020

Par lettre du 23 septembre 2019, Madame la première présidente a confié à Madame Anne-Marie Batut, présidente de la première chambre civile, le soin de conduire une réflexion collective au sein de la Cour de cassation concernant l’application du contrôle de proportionnalité, dans la continuité des propositions formulées en avril 2017 par Monsieur le président Jean et dans le droit fil des orientations concrètes préconisées par le « Memento du contrôle de conventionnalité au regard de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales » élaboré sous la direction de Monsieur le président Pireyre et publié en décembre 2018.

Le groupe de travail, accompagné par le président Alain Lacabarats et composé de représentants de chacune des chambres, du Service de la documentation, des études et du rapport (SDER), du parquet général, a remis son rapport à la Première présidente en juin 2020 (pour consulter le rapport, cliquer ici). Il synthétise les réflexions menées par le groupe de travail, en dresse un bilan et formule des propositions et recommandations.

Le juge aujourd’hui est bien plus qu’une simple « bouche de la loi » : il interprète le sens et la portée de la loi pour l’adapter aux situations particulières.

Plus encore, la fonction créatrice du juge a pris une dimension nouvelle avec l’émergence des traités internationaux. Pour en assurer l’application effective, il utilise l’instrument du contrôle de proportionnalité. Il peut ainsi mesurer la conformité de la loi, ou de l’application qui en est faite, aux principes supérieurs posés par les textes supra-nationaux.

Si le contrôle de proportionnalité n’est pas un principe nouveau en droit interne, une multiplication des hypothèses de contestation de la loi nationale au regard de ces droits et libertés, dans les domaines les plus divers, est constatée.

 

Le rapport rappelle que le contrôle de conventionnalité peut revêtir deux formes :

  • Le contrôle de conventionnalité de la règle de droit elle-même. Le juge vérifie la conformité des règles juridiques internes aux droits et principes conventionnels : le moyen invoquant l’incompatibilité d’un texte de droit interne avec une norme conventionnelle est un moyen de pur droit et la Cour de cassation doit exercer nécessairement un contrôle de violation de la loi, dans ce cas « contrôle lourd », sur les décisions des juges du fond qui se seraient prononcés sur un contrôle in abstracto.
  • Le contrôle de conventionnalité de l’application de la règle de droit. Cette forme de contrôle, in concreto, est la plus délicate. L’application de la norme à une situation particulière fait naître un conflit au regard des droits et principes conventionnels. L’atteinte portée aux droits et libertés fondamentaux, doit être mise en balance avec d’autres principes fondamentaux, ceux de la sécurité juridique et de la prévisibilité du droit. L’objectif du juge est alors de vérifier le respect d’un juste équilibre entre les objectifs poursuivis par le législateur et les moyens utilisés pour les atteindre, lesquels ne doivent pas porter une atteinte excessive aux droits fondamentaux d’autrui.

 

Le groupe de travail formule plusieurs propositions visant à expliquer la démarche à adopter pour parvenir à cet objectif :

  • Le moyen d’inconventionnalité doit être traité en prenant appui sur des données factuelles, en rappelant que la Cour a pour mission de contrôler la légalité des décisions attaquées.
  • La Cour pourrait avoir recours à la procédure de l’arrêt pilote dans chaque contentieux susceptible de donner lieu à un débat sur la conventionnalité, en explicitant les différentes étapes de son contrôle, afin de permettre aux juges du fond de savoir sans équivoque sur quels points il leur appartient de se prononcer.
  • Lorsqu’elle censure une décision ayant omis de procéder au contrôle de conventionnalité, ou lorsqu’il est appliqué dans des conditions défectueuses, la Cour pourrait proposer aux juges de renvoi une méthodologie.
  • Il serait également souhaitable que la Cour poursuive sa réflexion sur les critères d’application du « contrôle lourd » ou du « contrôle léger » dans le domaine du contrôle de conventionnalité in concreto. La notion de marge d’appréciation, si elle est d’application délicate, pourrait constituer une référence utile.
  • Lorsque la Cour procède à un « contrôle léger », il serait souhaitable que soit non seulement contrôlée la balance des intérêts faite par les juges du fond, mais aussi la méthodologie appliquée ainsi que la rectitude du raisonnement suivi.
  • Le développement de la motivation dans les litiges de conventionnalité permet de fixer des lignes de conduite claires à destination des juges du fond et de faire connaître aux justiciables les conditions dans lesquelles la Cour entend exercer son office. C’est dans cet esprit que la Cour de cassation a entrepris d’élaborer des trames de décisions déclinant les différentes étapes qui doivent être suivies pour le contrôle de conventionnalité.

 

Le groupe de travail formule enfin des recommandations :

  • Il invite les avocats aux Conseils à motiver de manière circonstanciée les moyens d’inconventionnalité invoqués, lorsque le moyen n’a pas été soulevé devant les juges du fond, même en substance, et d’expliquer en quoi il peut être considéré comme un moyen de pur droit.
  • Il invite également la Cour de cassation, dans ses relations avec les cours d’appel, à développer des actions communes permettant d’approfondir la réflexion sur le contrôle de conventionnalité, par le biais notamment d’outils méthodologiques tels que des mémentos. Il propose enfin que la Cour développe les temps d’échanges entre chambres sur les conditions d’exercice du contrôle de conventionnalité dans des contentieux transversaux.

 

Les recommandations formulées feront l’objet d’un comité de suivi prochainement mis en place à la Cour.

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