Voie de fait et maintien de soins vitaux

28/06/2019

La Cour de cassation casse l’arrêt de cour d’appel qui ordonnait le maintien des soins vitaux prodigués à M. X…., et ne renvoie pas l’affaire devant un nouveau juge. La Cour de cassation déclare la juridiction judiciaire incompétente.

Notion-clef

Qu’est-ce qu’une « voie de fait » ?

Lorsque l’État prend une décision qui porte atteinte à la liberté individuelle et que cette décision n’est pas manifestement rattachée à un pouvoir qui lui appartient, on parle de « voie de fait ». Les litiges qui opposent les justiciables à l’État sont tranchés par le juge administratif. Mais par exception, le juge judiciaire est le juge des voies de fait. En effet, selon l’article 66 de la Constitution de 1958, le juge judiciaire est le gardien de la liberté individuelle.

Les faits et la procédure

29 septembre 2008 : M. X... est victime d’un grave accident de la circulation.

9 avril 2018  : Le centre hospitalier universitaire (CHU) et le docteur E…, en charge du patient, prennent la décision d’arrêter les soins.

24 avril 2019 : Le Conseil d’État juge que la décision d’arrêt des soins est légale.

30 avril 2019 : La Cour européenne des droits de l’homme rejette la demande des parents, du demi-frère et d’une sœur de M. X... visant à ce que la France suspende la décision d’arrêt des soins.

3 Mai 2019 : Saisi par les parents, le demi-frère et une sœur de M. X..., le comité des droits des personnes handicapées de l’ONU donne 6 mois à la France (État signataire de la Convention relative aux droits des personnes handicapées) pour présenter ses observations sur le dossier. Le comité demande que les soins se poursuivent jusqu’à ce qu’il ait pu examiner la réponse de l’État français.

7 mai 2019 : L’État français répond au comité de l’ONU qu’il n’est pas en mesure de réclamer le maintien des soins.

17 mai 2019 : Le tribunal de grande instance, saisi par les parents, le demi-frère et une sœur de M. X…, se déclare incompétent pour ordonner à l’État de prendre les mesures demandées par le comité de l’ONU. Selon le tribunal de grande instance, l’État n’est pas l’auteur d’une « voie de fait ».

20 mai 2019 : La cour d’appel se déclare compétente, considérant que l’État est l’auteur d’une « voie de fait ». Elle condamne l’État français et l’ordonne de prendre toutes les mesures provisoires demandées par le comité de l’ONU. Les soins apportés à M. X… sont donc maintenus.

31 mai 2019  : L’État, le ministère des solidarités et de la santé, le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, le CHU et le docteur E... attaquent la décision de la cour d’appel devant la Cour de cassation.

 

La question posée à la Cour de cassation

L’État français est-il l’auteur d’une « voie de fait » (porte-il une atteinte à la liberté individuelle qui n’est manifestement pas rattachée à un pouvoir lui appartenant) lorsqu’il refuse d’ordonner le maintien des soins vitaux prodigués à M. X… le temps nécessaire au comité des droits des personnes handicapées de l’ONU d’examiner le dossier ?

 

La réponse de la Cour de cassation

L’article 66 de la Constitution de 1958 fait du juge judiciaire le gardien de la « liberté individuelle ». Selon le Conseil constitutionnel, seules les privations de libertés peuvent être qualifiées d’atteintes à la « liberté individuelle » (garde à vue, détention, hospitalisation sans consentement) ; le droit à la vie n’entre pas dans le champ de l’article 66. Dès lors, le refus de l’État d’ordonner le maintien des soins vitaux prodigués à M. X… ne constitue pas une atteinte à la liberté individuelle.

Le code de la santé publique prévoit la possibilité pour un CHU, sous certaines conditions, de cesser de prodiguer à un patient des soins vitaux. La justice administrative a validé la décision du CHU en charge de M. X…. d’arrêter les soins. La Cour européenne des droits de l’homme a conforté la France dans son analyse. Dès lors, en refusant d’ordonner le maintien des soins demandé par le comité de l’ONU, l’État n’a pas pris une décision qui dépasse manifestement les pouvoirs lui appartenant.

Aucun des éléments constitutifs de la voie de fait n’est réuni : le juge judiciaire n’est donc pas compétent dans cette affaire.

Dans ces conditions, la Cour de cassation n’avait pas à se prononcer sur le caractère contraignant ou non d’une demande de mesure provisoire formulée par le comité des droits des personnes handicapées de l’ONU.

La Cour de cassation casse l’arrêt de la cour d’appel sans renvoyer l’affaire devant un nouveau juge. Elle déclare la juridiction judiciaire incompétente.

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