Contrôles d’identité discriminatoires

09/11/2016

  • Un contrôle d’identité discriminatoire engage la responsabilité de l’État
  • Il y a discrimination si le contrôle d’identité est réalisé sur la seule base de caractéristiques physiques associées à une origine réelle ou supposée
  • Le mode de preuve de la discrimination est précisé

Les faits

Treize personnes estiment avoir fait l’objet d’un contrôle d’identité fondé uniquement sur leur apparence physique : une origine africaine ou nord-africaine réelle ou supposée (couleur de peau, traits, tenue vestimentaire). Elles ont assigné l’Agent judiciaire de l’Etat en réparation de leur préjudice moral.

Le 24 mars 2015, la cour d’appel de Paris a rendu treize arrêts : dans cinq cas, l’Etat a été condamné à verser des dommages-intérêts à la personne contrôlée ; dans les huit autres, la responsabilité de l’Etat n’a pas été retenue.

Des pourvois ont été formés contre ces treize arrêts, soit par l’Agent judiciaire de l’Etat, soit par les personnes contrôlées. La Cour de cassation se prononce donc, pour la première fois, sur ces questions.

Repères juridiques

  • Un contrôle d’identité peut être réalisé en cas de flagrant délit, de risque à l’ordre public ou sur réquisitions du procureur de la République (article 78-2 du code de procédure pénale).
  • Lorsqu’ils n’ont pas conduit au déclenchement par les autorités publiques d’une procédure judiciaire ou administrative, les contrôles d’identité ne font l’objet d’aucun enregistrement.
  • En droit commun, une personne qui estime avoir fait l’objet de discrimination peut saisir un tribunal, devant lequel elle doit apporter la preuve de cette discrimination.
  • En droit du travail, la personne qui estime être victime de discrimination n’a pas à en apporter la preuve, mais uniquement à présenter des éléments qui la laissent présumer. C’est au défendeur de démontrer l’absence de discrimination.  

 

La décision de la Cour de cassation

Un contrôle d’identité fondé sur des caractéristiques physiques associées à une origine réelle ou supposée, sans aucune justification objective préalable, est discriminatoire : il s’agit d’une faute lourde qui engage la responsabilité de l’Etat. 

La Cour précise la façon dont la discrimination doit être prouvée ; il s’agit d’un aménagement de la charge de la preuve en trois temps :

  • la personne qui a fait l’objet d’un contrôle d’identité et qui saisit le tribunal doit apporter au juge des éléments qui laissent présumer l’existence d’une discrimination ;
  • c’est ensuite à l’administration de démontrer, soit l’absence de discrimination, soit une différence de traitement justifiée par des éléments objectifs ;
  • enfin, le juge exerce son contrôle.

 

La Cour de cassation constate que la cour d’appel a correctement appliqué cette méthode :

  • l’État a été condamné lorsqu’il n’a pas démontré que la différence de traitement était justifiée par des éléments objectifs ;
  • l’État n’a pas été condamné lorsque la différence de traitement était justifiée par des éléments objectifs : la personne contrôlée correspondait au signalement d’un suspect recherché ;
  • l’État n’a pas été condamné lorsque la personne contrôlée n’a pas apporté les éléments de fait qui traduisaient une différence de traitement et laissaient présumer l’existence d’une discrimination : l’invocation de statistiques qui attestent de la fréquence de contrôles effectués sur une même catégorie de population appartenant aux "minorités visibles" ne constituait pas, à elle seule, une preuve suffisante ; de plus, les témoignages apportés ne mettaient pas en évidence une différence de traitement.

 

Onze des pourvois formés contre les arrêts de la cour d’appel sont donc rejetés.

Dans deux affaires, cependant, l’arrêt est cassé : dans un cas, pour non-respect d’une règle de procédure civile indépendante de la question des contrôles d’identité ; dans l’autre, parce que la cour d’appel n’a pas recherché si la différence de traitement n’était pas justifiée par des éléments objectifs apportés par l’administration.

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