"Dématérialisation des procédures en matière civile" - par Didier Le Prado

11/12/2009

Allocution prononcée par Me Didier Le Prado, président de l'Ordre des avocats aux Conseils, lors de la conférence de presse, lors de la conférence de presse du 11 décembre 2009 sur la dématérialisation des procédures en matière civile.

La Cour de cassation et son barreau, les avocats aux Conseils travaillent ensemble depuis plusieurs années à la mise en oeuvre d’une procédure dématérialisée.

Je suis très heureux aujourd’hui, avec le Premier Président Monsieur Vincent Lamanda, et Monsieur Jean-François Weber, Président de chambre, qui a animé au sein de la Cour le groupe de travail chargé de promouvoir ce projet, de vous présenter le résultat de cette démarche.

La procédure devant la Cour de cassation est aujourd’hui entièrement dématérialisée.

Et je crois que l’on peut dire que la Cour de cassation est la première juridiction à être parvenue à un tel résultat.

Il s’agit d’un signe très fort qui illustre les caractéristiques de cette juridiction et de son barreau : tradition et modernité.

Tradition et modernité sont indissociables : une modernité dans le respect des acquis du passé, une modernité au service de la justice et du justiciable.

La dématérialisation n’a pas bouleversé les règles de procédure devant la Cour de cassation.

Elle les a, au contraire, simplifiées, et a favorisé les rapports qui existent entre les juges et les parties représentées par leurs avocats.

La dématérialisation a permis d’améliorer la transparence, la fluidité et la rapidité par un accès facilité de tous, magistrats et avocats, à tous les éléments du dossier.

Le Président Weber vous exposera la façon dont les magistrats utilisent cet outil dématérialisé à travers ce qu’on appelle un bureau virtuel, c’est-à-dire un écran qui leur permet d’accéder à toutes les données des dossiers.

Mais avant que les magistrats puissent travailler sur un dossier, en vue de parvenir à ce qui sera un arrêt de la Cour de cassation, c’est l’avocat qui accomplit différents actes pour saisir la Cour.

La procédure devant la Cour de cassation est essentiellement écrite : la Cour est saisie par un pourvoi en cassation, dont l’objet est d’attaquer une décision des juridictions de fond, le plus souvent un arrêt de cour d’appel.

Est ensuite produit à l’appui de ce pourvoi un mémoire appelé mémoire ampliatif.

Puis le défendeur au pourvoi dépose un mémoire en défense. Ces mémoires sont bien sûr déposés au greffe de la Cour, mais ils sont également signifiés entre avocats, afin que le principe du contradictoire soit respecté.

Une fois que ces différents actes de procédure sont déposés et échangés, le dossier est attribué à une chambre puis à un conseiller rapporteur qui l’étudie et dépose un rapport.

Puis un avocat général est désigné, qui émet un avis.

Enfin, le dossier vient à l’audience, et la chambre délibère avant de rendre son arrêt.

Voici schématiquement le déroulement d’un dossier devant la Cour de cassation.

Ces différents actes de procédure étaient traditionnellement établis et signés sur support papier, en un nombre non négligeable d’exemplaires.

Dès l’année 2006, il a été décidé entre la Cour et les avocats aux Conseils que les actes déposés sur support papier seraient doublés d’une transmission sous une forme dématérialisée : le greffe recevait donc systématiquement un exemplaire virtuel des actes de procédure, et notamment des mémoires, qu’il pouvait ainsi mettre à disposition des magistrats.

Mais il ne s’agissait là que d’une première étape avant une véritable communication électronique.

Cette communication électronique a commencé en 2008.

D’abord par une convention signée en décembre 2007 entre le Premier Président de la Cour de cassation et le Président de l’Ordre des avocats aux Conseils, prévoyant la possibilité de former en matière civile des pourvois par voie électronique, et de les transmettre sous la forme numérisée.

Puis c’est le Garde des Sceaux, ministre de la Justice, qui a autorisé par un arrêté du 17 juin 2008 une mise en oeuvre anticipée de la communication électronique devant la Cour de cassation, anticipée par rapport aux autres juridictions.

Une phase d’expérimentation a eu lieu en 2008 avec un certain nombre de mes confrères.

Et après cette phase d’expérimentation, qui a été concluante, l’accès à la dématérialisation a été ouvert depuis le 1er janvier 2009 à l’ensemble des 60 cabinets d’avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation.

Chacun de mes confrères dispose aujourd’hui d’une clé USB qui leur permet de signer électroniquement tous leurs actes de procédure, les pourvois, les mémoires, et de les transmettre à la Cour par l’intermédiaire d’un tiers certificateur, la société CertEurope.

Toutes les productions faites à l’appui des mémoires sont également adressées de façon dématérialisée à la Cour de cassation.

Aucun exemplaire papier ne circule plus aujourd’hui.

Réciproquement, chaque avocat a accès quotidiennement à l’ensemble du dossier dématérialisé et des évènements qui surviennent : il a connaissance des mémoires déposés par les autres parties, des productions faites à l’appui de ces mémoires, du rapport du conseiller rapporteur, de l’avis de l’avocat général, de la date de l’audience, puis de l’arrêt qui est rendu.

Et ceci en temps réel.

Une première signification électronique d’acte de procédure entre avocats vient même d’être réalisée la semaine dernière : un mémoire signé électroniquement par l’avocat a été transmis, de façon dématérialisées bien sûr, à un huissier de justice, qui l’a signifié en utilisant lui aussi une clé USB, et l’a transmis de façon tout aussi dématérialisée à l’avocat de l’autre partie. Cette signification s’est réalisée sans que le moindre exemplaire papier ne circule.

Il s’agit, à ma connaissance, d’une première en France.

L’huissier de justice qui a réalisé cette première signification dématérialisée est d’ailleurs là aujourd’hui pour répondre, si vous le souhaitez, à vos questions.

Cette dématérialisation est aujourd’hui un véritable succès : tous les cabinets d’avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation y ont recours ; plus de trois quart des pourvois sont aujourd’hui déposés de façon dématérialisée (nous avons même dépassé le chiffre de 80% la semaine dernière) ; et demain la dématérialisation sera totale.

Quelles sont les incidences de ces étonnantes simplifications ?

La première incidence est flagrante : au moment où s’ouvre le sommet de Copenhague, la survie de nos forets.

La justice n’est plus papier.

Adieu les mémoires en 10 exemplaires.

J’ajouterai que la dématérialisation améliore la transparence et la sécurité et favorise l’accélération du temps du procès.

Grâce à la dématérialisation, l’avocat aux Conseils, et à travers lui le justiciable, peut suivre pas à pas les étapes de la procédure et avoir accès à tous les éléments.

Cette transparence est de nature à permettre au justiciable, par l’intermédiaire de son avocat, de s’approprier plus facilement un système judiciaire dont il dénonce parfois l’opacité.

Quant à la sécurité, j’évoquerai les facilité engendrées : archivage simplifié, suppression du risque lié à la manipulation et au transport des dossiers, fiabilité de la signature électronique.

Vous vous souvenez peut-être de la boutade de Jacques Prévert à propos du progrès : « trop robot pour être vrai ».

Et bien la Cour de cassation et les avocats aux Conseils ont su faire mentir le poète : la dématérialisation est un succès.

Tous ont a y gagner : le justiciable et son avocat, la Cour de cassation et, derrière elle, la justice dans son ensemble.

Avant de passer la parole au Président Weber qui vous exposera le point de vue de la Cour elle-même, je vais demander à mon confrère François Molinié, qui a énormément travaillé à la mise en oeuvre de cette réforme, de vous présenter sur un écran comment, du côté des avocats, se prépare et se transmet, se dépose et se signifie un mémoire par la voie dématérialisée.

Ce que vous verrez sur l’écran est l’équivalent de notre propre écran d’ordinateur.

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