Rapport annuel 2021 (II/ PROPOSITIONS DE RÉFORME EN MATIÈRE PÉNALE POUR LA CHAMBRE CRIMINELLE)

Rapport annuel

Ouvrage de référence dans les milieux judiciaire et universitaire, le Rapport de la Cour de cassation est aussi un précieux instrument de travail pour les praticiens du droit. Le Rapport 2021 comporte des suggestions de modifications législatives ou réglementaires, ainsi que l’analyse des principaux arrêts et avis ayant été rendus, tout au long de l’année, dans les différentes branches du droit privé. Le Rapport présente également, de manière détaillée, l’activité juridictionnelle et extra-juridictionnelle de la Cour de cassation, ainsi que celle des juridictions et commissions instituées auprès d’elle.

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Rapport annuel 2021 (II/ PROPOSITIONS DE RÉFORME EN MATIÈRE PÉNALE POUR LA CHAMBRE CRIMINELLE)

II/ PROPOSITIONS DE RÉFORME EN MATIÈRE PÉNALE POUR LA CHAMBRE CRIMINELLE

A. Suivi des suggestions de réforme

Droit pénal spécial

Placement sous scellés suite aux opérations de saisie

La chambre criminelle propose de donner la possibilité aux enquêteurs de la DGCCRF de recourir à des scellés fermés provisoires dans le cadre d’opérations de saisie autorisées par le juge des libertés et de la détention en matière d’infractions à la consommation.

Dans le cadre des opérations de visite et de saisie en vue de rechercher la preuve de pratiques prohibées par les articles L. 213-1 et suivants du code de la consommation pratiquées par les agents de la direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, sur autorisation du juge des libertés et de la détention, aucune disposition légale ne permet à ces agents de procéder à des scellés fermés provisoires en cas de difficultés pour dresser l’inventaire.

Ce procédé est cependant prévu par des dispositions de droit commun, à savoir celles du quatrième alinéa de l’article 56 du code de procédure pénale selon lesquelles :

« Tous objets et documents saisis sont immédiatement inventoriés et placés sous scellés. Cependant, si leur inventaire sur place présente des difficultés, ils font l’objet de scellés fermés provisoires jusqu’au moment de leur inventaire et de leur mise sous scellés définitifs et ce, en présence des personnes qui ont assisté à la perquisition suivant les modalités prévues à l’article 57 ».

De même cette faculté de procéder à des scellés provisoires est prévue, en matière de concurrence par l’article 450-4 du code de commerce, en matière fiscale par l’article L. 16 B, IV, du livre des procédures fiscales, ainsi que par l’article L. 212-10 du code de justice militaire.

Ces différences ne paraissent pas justifiées, notamment s’agissant des enquêteurs de la DGCCRF, suivant qu’ils agissent pour la recherche d’infractions au droit de la consommation ou au droit de la concurrence.

Dans un arrêt du 4 mars 2020 (Crim., 4 mars 2020, pourvoi n°18-84.071), la chambre criminelle a validé la pratique de scellés fermés provisoires en matière de consommation en l’absence de grief. Il paraîtrait cependant plus explicite de donner une base textuelle à cette extension des pouvoirs des enquêteurs, à l’instar de ce qui existe dans d’autres domaines.

Cette suggestion proposée au Rapport annuel 2020 n’ayant pas été suivie d’effet, il convient de la maintenir.

La DACG réitère son avis favorable à cette modification. Il apparaît en effet opportun de compléter l’article L. 512-59 du code de la consommation afin de permettre aux agents de la DGCCRF de placer les objets saisis au cours d’une visite domiciliaire sous scellés fermés provisoires. Cette modification n’a pas pu être portée dans un vecteur législatif au cours de l’année 2021.

Procédure pénale

Comparution du condamné

La chambre criminelle propose de revoir les dispositions de l’article 712-13 du code de procédure pénale qui excluent formellement la comparution du condamné devant la chambre de l’application des peines.

L’article 712-13 du code de procédure pénale exclut formellement la comparution du condamné en ces termes :

« L’appel des jugements mentionnés aux articles 712-6 et 712-7 est porté devant la chambre de l’application des peines de la cour d’appel, qui statue par arrêt motivé après un débat contradictoire au cours duquel sont entendues les réquisitions du ministère public et les observations de l’avocat du condamné. Le condamné n’est pas entendu par la chambre, sauf si celle-ci en décide autrement. Son audition est alors effectuée, en présence de son avocat ou celui-ci régulièrement convoqué, soit selon les modalités prévues par l’article 706-71, soit, par un membre de la juridiction, dans l’établissement pénitentiaire où il se trouve détenu ».

Les dispositions de cet article, issues de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 et jamais modifiées depuis lors, ont été instaurées alors que le processus de juridictionnalisation du droit de l’application des peines venait de débuter et font l’objet aujourd’hui de vives critiques, de la part tant de la doctrine que des professionnels[1], en tant qu’elles excluent par principe la comparution du condamné.

Elles paraissent d’autant plus dépassées aujourd’hui que la comparution des condamnés qui en feraient la demande peut aisément être organisée par visioconférence.

La jurisprudence de la Cour a déjà atténué la portée de cette exclusion, au visa de l’article préliminaire du code de procédure pénale et de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en imposant la comparution si le condamné en fait la demande en cas de révocation de libération conditionnelle (Crim., 15 avril 2015, pourvoi no 14-82.622, Bull. crim. 2015, no 92) ou, dans une affaire où le ministère public avait fait un recours suspensif contre une décision du juge de l’application des peines accordant une libération conditionnelle, et où l’avocat n’était pas présent, en jugeant qu’il appartenait à la chambre de l’application des peines « pour fonder sa décision sur des éléments de fait et des pièces qui n’avaient pas été contradictoirement discutés devant le premier juge, de recueillir les observations du condamné non représenté, en procédant à son audition, au besoin après réouverture des débats » (Crim., 17 juin 2020, pourvoi no 20-80.240, publié au Bulletin).

De plus la commission présidée par Monsieur le président Bruno Cotte[2] avait préconisé une évolution de ces dispositions en ces termes :

« La comparution devant la chambre de l’application des peines.

Cette comparution n’est étonnamment prévue par aucun texte, que le condamné soit appelant ou qu’il ne le soit pas. À moins que la chambre de l’application des peines estime utile d’ordonner son audition, l’intéressé est seulement avisé de la date d’audience. Il peut toutefois formuler des observations écrites et/ou se faire représenter par un avocat. L’audition par la chambre n’est obligatoire que si la personne n’a pas comparu en première instance et si le débat porte sur un retrait de mesure.

Or les personnes condamnées se trouvent souvent dans des situations précaires qui sont susceptibles d’évoluer rapidement. Leur absence lors de la phase d’appel ne permet donc pas aux juges de prendre suffisamment en compte la réalité de leur situation au moment où il est statué.

Au surplus, l’absence de tout échange verbal, direct et personnel, ne permet pas non plus à la chambre de se faire une idée précise de la personne concernée ainsi que du contexte dans lequel elle évolue et s’inscrivent ses éventuels manquements, de la viabilité de son projet.

La commission n’a pas estimé pouvoir retenir le principe d’une comparution systématique de l’intéressé devant la chambre de l’application des peines. En revanche, elle propose d’instituer un droit à la comparution lorsque le condamné en fait la demande dans sa déclaration d’appel ou lorsque, non appelant, il en fait la demande après réception de l’avis d’appel. Afin toutefois d’éviter la comparution réitérée d’une personne dont la présence ne s’avérerait d’aucune utilité pour les débats, il est proposé, à l’instar du pouvoir reconnu au président de la chambre de l’instruction, de donner au président de la chambre de l’application des peines la possibilité de refuser une demande de comparution par ordonnance motivée. La chambre disposerait enfin, en tout état de cause, de la possibilité de procéder, en audience, à l’audition de l’intéressé par un système de visioconférence. Cette procédure remplacerait le dispositif actuellement en usage qui ne prévoit le recours à une telle modalité qu’avant l’audience, l’audition étant effectuée par l’un seulement des magistrats de la chambre. »

Il pourrait ainsi être ajouté à l’article 712-13 selon lequel « Le condamné n’est pas entendu par la chambre, sauf si celle-ci en décide autrement », que le condamné est aussi entendu s’il en fait la demande.

Cette suggestion proposée au Rapport annuel 2020 n’ayant pas été suivie d’effet, il convient de la maintenir.

La DACG a indiqué comprendre cette demande, mais a fait part en l’état de ses réserves. Elle considère qu’il conviendra en effet sur ce point de solliciter l’avis de la Conférence nationale des premiers présidents et de la Conférence nationale des procureurs généraux, ainsi que des magistrats de l’application des peines, au regard des risques de voir ce nouveau droit entraîner une multiplication des appels assortis de demandes de comparution personnelle devant la chambre de l’application des peines.

Elle ajoute que si un tel droit était reconnu aux condamnés, il conviendrait en tout état de cause de permettre au président de la chambre de l’application des peines de refuser par décision motivée la comparution du condamné, comme l’envisage le rapport Cotte, et non pas simplement de compléter les textes actuels pour préciser que le condamné aussi est entendu s’il en fait la demande.

Extension de l’appel en matière de contravention de police

Il a été suggéré, depuis 2009, de réformer les dispositions de l’article 546 du code de procédure pénale, en étendant le droit d’appel à toute la matière contraventionnelle.

Outre qu’il est paradoxal que les justiciables puissent saisir directement la Cour de cassation de pourvois contre les décisions les moins importantes prises par les juridictions pénales, ces pourvois débouchent parfois sur des cassations, résultant d’erreurs procédurales commises par certains juges de proximité en matière de procédure pénale. Et force est de constater que ces erreurs pourraient sans difficulté aboutir à des arrêts de réformation rendus par un juge unique d’appel, sans qu’il soit besoin de mobiliser la chambre criminelle à travers la procédure complexe de cassation applicable à l’ensemble des pourvois.

En ce domaine, pour répondre à la crainte parfois exprimée d’un trop grand nombre d’appels, il pourrait en outre être envisagé, afin de limiter le nombre des recours dilatoires, de modifier l’article L. 223-6 du code de la route. Ce texte prévoit que les points du permis de conduire perdus à la suite du paiement d’une amende forfaitaire ou d’une amende forfaitaire majorée, ou à la suite d’une condamnation devenue définitive, sont récupérés dès lors qu’aucune nouvelle infraction ayant donné lieu à retrait de points n’a été commise dans le délai prévu. Cette disposition incite les usagers à multiplier les recours afin que la perte de points n’intervienne pas au cours de ce délai. La loi pourrait utilement prévoir que c’est la date de l’infraction qui est prise en compte pour mettre obstacle à une récupération des points, et non la date de la perte effective des points à la suite d’une nouvelle infraction.

L’avis réservé de la direction des affaires criminelles et des grâces était notamment motivé, en 2017, par un risque d’engorgement des cours d’appel, ce qui ne semble pas pouvoir justifier le maintien d’une voie de recours inadaptée au contentieux traité.

En l’absence de modification envisagée, la Cour de cassation persiste à solliciter une évolution sur ce point.

La position réservée de la DACG exprimée depuis le Rapport 2018 demeure d’actualité, sous la réserve que, dans la mesure où, à compter du 1er juin 2019, la loi no 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice (LPJ) a étendu la compétence de la formation en juge unique en appel en matière correctionnelle, les gains résultant de cette réforme pourraient désormais permettre la généralisation de l’appel contraventionnel. La DACG ne dispose cependant toujours pas de statistiques fiables sur les conséquences pratiques de la compétence du juge unique en appel, d’autant que la LPJ prévoit que l’appelant pourra demander le recours à la collégialité, et qu’aucune donnée ne permet à ce jour d’apprécier si cette possibilité est fréquemment utilisée.

Extension de la représentation obligatoire devant la chambre criminelle

La procédure de cassation en matière pénale présente la particularité que les demandeurs peuvent soutenir leurs pourvois en déposant un mémoire personnel alors que, devant toutes les autres chambres de la Cour, la représentation par un avocat aux Conseils est obligatoire. Cette différence n’est pas justifiée dans la mesure où l’aide juridictionnelle est ouverte aussi pour les procédures de cassation en matière pénale.

Il convient d’examiner l’intérêt, pour les justiciables concernés, de ces pourvois en cassation formés sans l’appui d’un professionnel de la procédure de cassation. L’examen des statistiques publiées à l’occasion de chacun des Rapports annuels montre qu’une cassation est prononcée deux fois plus souvent lorsque le pourvoi est soutenu par un avocat aux Conseils que lorsqu’il l’est par un mémoire personnel. On peut aussi relever que les avocats aux Conseils dissuadent fréquemment les justiciables de former ou maintenir un pourvoi voué à l’échec en l’absence de tout moyen ayant un caractère sérieux.

Cette situation a abouti à des initiatives d’ordre législatif, rappelées au Rapport annuel 2016 (p. 96-97) mais qui ont été écartées par les députés exprimant la crainte que l’intervention obligatoire d’un avocat aux Conseils limite l’accès à la Cour de cassation et le souci que tout citoyen menacé d’une privation de liberté puisse adresser son mémoire personnel à la Cour de cassation.

Les arguments ainsi avancés au soutien d’une absence de représentation obligatoire devant la chambre criminelle ignoraient le caractère vain d’un recours le plus souvent conclu par un échec du demandeur et ne permettent pas au justiciable de ne solliciter l’intervention de la chambre criminelle que dans des conditions correspondant à la nature véritable du pourvoi en cassation lequel exige l’intervention de professionnels du droit.

L’évolution des discussions parlementaires encore engagées récemment à l’occasion du vote de la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice montre une meilleure prise de conscience de ces considérations essentielles. Reste la nécessité d’une réforme parallèle de la loi sur l’aide juridictionnelle, dernier obstacle à une telle réforme selon les discussions menées en commission des lois.

L’an passé la DACG a indiqué être d’avis que la solution de compromis envisagée en 2016, dans le cadre de l’examen du projet de loi sur la justice du xxie siècle, et consistant à ne prévoir la représentation obligatoire qu’en matière contraventionnelle, est satisfaisante, même s’il n’est pas certain qu’elle soit de nature à être adoptée par le Parlement. La DACG s’était engagée à garder une vigilance, dans le but de proposer de nouveau, le moment venu, un amendement instaurant la représentation obligatoire devant la chambre criminelle en matière contraventionnelle uniquement.

Cette proposition de réforme régulièrement formulée depuis 2000 n’ayant pas été suivie d’effet doit encore être renouvelée aujourd’hui. En effet, elle revêt la plus haute importance dans le cadre de l’objectif général d’instaurer pleinement la Cour de cassation dans son rôle de Cour suprême judiciaire, tout en assurant les justiciables d’une voie de recours garantissant la bonne application de la loi.

La DACG réitère son avis selon lequel la solution de compromis envisagée en 2016 dans le cadre de l’examen du projet de loi sur la justice du xxie siècle[3] pouvait constituer une solution satisfaisante, même s’il n’est pas certain qu’elle soit de nature à être adoptée par le Parlement. La DACG s’engage à faire état de cette possible réforme – soit représentation obligatoire dans les hypothèses qui avaient été envisagées en 2016, soit uniquement en matière contraventionnelle – au prochain garde des sceaux et au prochain cabinet, si un vecteur législatif devait intervenir.

Création d’un répertoire unique et centralisé des personnes majeures protégées

Par un arrêt Vaudelle du 30 janvier 2001, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la France pour avoir fourni une protection insuffisante à un prévenu en curatelle. Elle affirmait que des garanties de procédure devaient être imposées « pour protéger ceux qui, en raison de leurs troubles mentaux, ne sont pas entièrement capables d’agir pour leur propre compte » (CEDH, arrêt du 30 janvier 2001, Vaudelle c. France, no 35683/97).

La loi no 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs a pris en compte cette exigence. Désormais, chaque fois qu’il est établi qu’un majeur bénéficie d’une protection, le curateur ou le tuteur doit être informé, par le procureur de la République ou le juge d’instruction, des poursuites engagées à son encontre ainsi que de l’ensemble des décisions à intervenir (article 706-113 du code de procédure pénale). Le tuteur ou le curateur doit également être avisé de la date d’audience. Il peut faire désigner un avocat à la personne protégée, qui doit être assistée d’un conseil, et prendre connaissance de la procédure dans les mêmes conditions que celui-ci. De plus, une expertise médicale aux fins d’évaluer le degré de responsabilité de la personne protégée est impérative conformément aux dispositions de l’article 706-115 du code de procédure pénale et sous réserve cependant des dispositions des articles D. 47-22 et D. 47-23 du code de procédure pénale qui la rendent facultative.

La chambre criminelle de la Cour de cassation a ainsi censuré les procédures dans lesquelles une personne protégée avait été condamnée alors que le tuteur ou le curateur n’avaient pas été avisés des poursuites, lorsque la mesure de protection était connue en procédure (Crim., 12 juillet 2016, pourvoi no 16-82.714, Bull. crim. 2016, no 212, pour l’avis de l’audience de la chambre d’instruction où sera évoqué l’appel d’une prolongation de détention, ou encore Crim., 19 décembre 2017, pourvoi no 17-85.841, pour l’avis de l’audience d’appel de refus d’actes et le renvoi devant la cour d’assises), mais également, dans une volonté protectrice de la personne, alors même que la mesure de protection n’était pas connue de la juridiction (Crim., 14 octobre 2014, pourvoi no 13-82.584 ; Crim., 10 janvier 2017, pourvoi no 15-84.469, Bull. crim. 2017, no 10 ; Crim., 9 janvier 2019, pourvoi no 17-86.922).

La chambre criminelle de la Cour de cassation s’assure, par ailleurs, que, dans la phase antérieure au jugement, les autorités de poursuite aient pris les mesures nécessaires en cas de doute pour vérifier l’existence de la mesure de protection. Ainsi a-t-elle pu censurer des procédures dans lesquelles le tuteur ou le curateur d’une personne protégée n’avaient pas été avisés alors même que n’avait pas été caractérisée « une circonstance insurmontable faisant obstacle à cette vérification » (Crim., 19 septembre 2017, pourvoi no 17-81.919, Bull. crim. 2017, no 222) ou, au contraire, validé une procédure dans laquelle cette vérification s’était effectivement avérée impossible (Crim., 11 décembre 2018, pourvoi no 18-80.872, Bull. crim. 2018, no 210).

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel, récemment saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité par la chambre criminelle de la Cour de cassation concernant l’article 706-113 du code de procédure pénale, a déclaré le premier alinéa de cet article inconstitutionnel – avec effet différé au 1er octobre 2019 – au motif qu’en « ne prévoyant pas, lorsque les éléments recueillis au cours de la garde à vue d’une personne font apparaître qu’elle fait l’objet d’une mesure de protection juridique, que l’officier de police judiciaire ou l’autorité judiciaire sous le contrôle de laquelle se déroule la garde à vue soit, en principe, tenu d’avertir son curateur ou son tuteur afin de lui permettre d’être assistée dans l’exercice de ses droits, les dispositions contestées méconnaissent les droits de la défense » (Cons. const., 14 septembre 2018, décision no 2018-730 QPC, M. Mehdi K. [Absence d’obligation légale d’aviser le tuteur ou le curateur d’un majeur protégé de son placement en garde à vue]).

Le champ des situations dans lesquelles le tuteur ou le curateur d’une personne majeure protégée devra être tenu informé s’en trouve ainsi étendu.

Ainsi, les décisions de la Cour de cassation ci-dessus évoquées ont mis en exergue la difficulté, dans la pratique, de mettre effectivement en œuvre les exigences posées par les articles 706-113 et D. 47-14 du code de procédure pénale et pourtant indispensables pour assurer la défense de la personne majeure protégée qui n’est pas toujours en état de le faire en raison précisément de l’altération de ses facultés personnelles.

En effet, la connaissance d’une mesure de protection n’est pas aisée dans la mesure où il n’existe pas de répertoire dématérialisé centralisé de ces mesures.

Certes le procureur de la République du domicile de la personne protégée est avisé de la mesure par la consultation du répertoire civil du lieu de naissance, mais il est illusoire de penser qu’à l’occasion de chaque enquête, il pourrait être sollicité un extrait intégral d’acte de naissance.

Il est, par ailleurs, intéressant de noter que, dans un arrêt du 11 décembre 2018 (Crim., 11 décembre 2018, pourvoi no 18-80.872, Bull. crim. 2018, no 210), la chambre criminelle de la Cour de cassation semble avoir souligné l’intérêt que pourrait avoir l’existence d’un tel fichier. En effet, au soutien de sa décision de rejet, elle a notamment indiqué dans sa motivation que « […] d’autre part, à l’heure de cette décision, prise suite aux informations qui lui ont été transmises par le service enquêteur, le vendredi à 18 h 50, le procureur de la République, non plus que le juge d’instruction, faute de fichier national des mesures de protection juridique consultable par l’autorité judiciaire dans les mêmes conditions que le fichier central du casier judiciaire, ne pouvaient ni vérifier l’existence d’une mesure de protection ni prendre connaissance de l’identité du curateur, le juge des tutelles détenant seul cette information ».

Au vu de l’ensemble de ces éléments, et à l’instar de ce qui a été suggéré dans le Rapport de mission interministérielle sur l’évolution de la protection juridique des personnes (proposition no 40), il est proposé la création d’un répertoire unique des personnes majeures protégées, national, dématérialisé et centralisé, dont l’intérêt serait évident dans les procédures pénales, à la fois pour les autorités judiciaires, pour les personnes protégées suspectées, mais aussi, plus largement, pour les victimes qui ont également besoin d’être accompagnées.

Malgré l’avis favorable émis par la direction des affaires criminelles et des grâces au Rapport annuel depuis 2018, aucune évolution n’a été constatée. Il convient de maintenir la présente suggestion.

La DACG souligne qu’à la suite de la QPC sur la garde à vue des personnes majeures protégées, la loi no 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice (« LPJ ») a inséré dans le code de procédure pénale, à compter du 1er juin 2019, un article prévoyant l’information du tuteur ou du curateur lors de la garde à vue. Anticipant une éventuelle prochaine QPC, la LPJ prévoit une même information en cas d’audition libre.

Par ailleurs, à la suite d’une décision du Conseil constitutionnel (Cons. const., 15 janvier 2021, décision no 2020-873 QPC, M. Mickaël M. [Absence d’obligation légale d’aviser le tuteur ou le curateur d’un majeur protégé d’une perquisition menée à son domicile dans le cadre d’une enquête préliminaire]), la loi no 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire a créé l’article 706-112-3 du code de procédure pénale qui prévoit désormais l’obligation d’aviser le curateur ou le tuteur pour procéder au recueil du consentement en vue d’une perquisition au cours d’une enquête préliminaire et, à défaut, la nécessité d’une autorisation du juge des libertés et de la détention pour procéder à la perquisition.

Un répertoire des personnes protégées pourrait faciliter la mise en œuvre de ces dispositions.

La DACG n’est donc pas opposée à la création d’un tel répertoire, qui ne dépend toutefois nullement de sa compétence, mais relève de celles de la direction des affaires civiles et du sceau d’une part, du secrétariat général d’autre part.

L’attention de la DACS et du secrétariat général a été à nouveau attirée en mars 2022 par la DACG sur cette proposition de la Cour de cassation au vu des enjeux, notamment juridiques, qui s’y attachent.


[1]. Voir notamment M. Giacoppelli, « La pénétration des règles du procès pénal devant les juridictions de l’application des peines : état des lieux », RSC 2015, p. 799 ; P. Faucher, JCl. Procédure pénale, LexisNexis, Articles 712-1 à 712-23, fasc. 40 « Juridictions de l’application des peines – Débat contradictoire, commission de l’application des peines, modification des mesures en cours », novembre 2010, mise à jour mai 2021 ; et M. Herzog-Evans, « Sanction dans les aménagements de peine : l’article 6 s’applique et… ne s’applique pas ! », AJ Pénal 2015, p. 562.

[2]. Rapport au garde des sceaux de la commission présidée par Monsieur le président honoraire de la chambre criminelle de la Cour de cassation Bruno Cotte, Pour une refonte du droit des peines, décembre 2015.

[3]. Représentation uniquement pour les pourvois contre des arrêts de condamnations délictuelles (sauf si la personne est détenue) ou contraventionnelles.

B. Suggestions nouvelles

Procédure pénale

Délai pour statuer sur une demande de mise en liberté

Il est proposé d’aligner l’article 148-2 du code de procédure pénale sur l’article 194 du même code, en prévoyant la possibilité pour la juridiction de proroger le délai imparti pour statuer sur la demande de mise en liberté lorsque des vérifications concernant la demande ont été ordonnées ou si des circonstances imprévisibles et insurmontables mettent obstacle au jugement de l’affaire dans le délai prévu, à l’instar de ce qui est prévu devant la chambre de l’instruction.

L’article 194, relatif à l’appel des ordonnances rendues en matière de détention, et l’article 148 du code de procédure pénale, qui concerne les demandes de mise en liberté autres que celles présentées par une personne renvoyée devant une juridiction de jugement, prévoient des délais dans lesquels il doit être statué, faute de quoi la personne est mise d’office en liberté. Ces deux textes précisent que ce délai peut être dépassé « si des vérifications concernant sa demande ont été ordonnées ». L’article 194 y ajoute l’hypothèse des « circonstances imprévisibles et insurmontables [qui] mettent obstacle au jugement de l’affaire dans le délai prévu » par ce texte.

L’article 148-2 du code de procédure pénale, relatif aux demandes de mise en liberté présentées par une personne renvoyée devant le tribunal correctionnel ou la cour d’assises ne vise, pour sa part, ni les circonstances imprévisibles et insurmontables, ni l’hypothèse où des vérifications ont été ordonnées.

La jurisprudence de la Cour de cassation a partiellement atténué la portée d’une telle distinction, en jugeant que « lorsqu’une juridiction est appelée à statuer sur une demande de mise en liberté, elle doit se prononcer à compter de la réception de celle-ci, dans le délai que fixe le deuxième alinéa de l’article 148-2 […], faute de quoi le demandeur est remis d’office en liberté, sauf si des circonstances imprévisibles et insurmontables, extérieures au service de la justice, mettent obstacle au jugement de l’affaire dans le délai prévu » (Crim., 11 décembre 2013, pourvoi no 13-86.649 ; Crim., 13 octobre 2020, pourvoi no 20-82.016, publié au Bulletin).

Si la chambre criminelle a également admis au visa des articles 3 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et 148-2 du code de procédure pénale, que le délai prévu par ce dernier texte puisse être prolongé dans le cas très particulier où la juridiction saisie entend faire procéder aux vérifications sur les conditions de détention dès lors que leur caractère indigne, susceptible de caractériser un traitement inhumain ou dégradant, est allégué, ce n’est que pour satisfaire à l’effectivité du droit au recours accordé à toute personne détenue par sa jurisprudence et avant que le législateur n’ait mis en place un tel recours (Crim., 13 avril 2021, pourvoi no 21-80.728, publié au Bulletin).

En revanche, la chambre criminelle rappelle régulièrement que l’article 148-2 du code de procédure pénale, qui concerne les demandes de mise en liberté adressées à la juridiction appelée à statuer en application de l’article 148-1 dudit code ne prévoit aucune faculté de prolonger les délais qu’il fixe et dans lesquels la juridiction saisie doit se prononcer sur la demande (Crim., 28 février 1984, pourvoi no 84-90.018, Bull. crim. 1984, no 78 ; Crim., 8 juin 2011, pourvoi no 11-82.402, Bull. crim. 2011, no 125 et encore récemment Crim., 8 juillet 2020, pourvoi no 20-82.472, publié au Bulletin).

Aussi, dans le prolongement de l’arrêt de la chambre criminelle du 13 avril 2021 précité, une modification de l’article 148-2 du code de procédure pénale serait souhaitable pour mettre fin à une distinction, source de confusions, qu’aucun élément objectif ne semble pouvoir justifier.

La DACG est favorable à cette réforme, visant à ce que le délai prévu à l’article 148-2 du code de procédure pénale puisse être prolongé lorsque des vérifications concernant la demande ont été ordonnées ou si des circonstances imprévisibles et insurmontables mettent obstacle au jugement de l’affaire dans le délai prévu, à l’instar de ce qui est prévu à l’article 194 du code de procédure pénale devant la chambre de l’instruction. Elle pourrait figurer dans le prochain vecteur législatif utile.

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