Rapport annuel 2021 (II. PROPOSITIONS DE RÉFORME EN MATIÈRE CIVILE POUR LA DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE)

Rapport annuel

Ouvrage de référence dans les milieux judiciaire et universitaire, le Rapport de la Cour de cassation est aussi un précieux instrument de travail pour les praticiens du droit. Le Rapport 2021 comporte des suggestions de modifications législatives ou réglementaires, ainsi que l’analyse des principaux arrêts et avis ayant été rendus, tout au long de l’année, dans les différentes branches du droit privé. Le Rapport présente également, de manière détaillée, l’activité juridictionnelle et extra-juridictionnelle de la Cour de cassation, ainsi que celle des juridictions et commissions instituées auprès d’elle.

  • Informations pratiques
  • Institution judiciaire

Rapport annuel

Rapport annuel 2021 (II. PROPOSITIONS DE RÉFORME EN MATIÈRE CIVILE POUR LA DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE)

II. PROPOSITIONS DE RÉFORME EN MATIÈRE CIVILE POUR LA DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

A. Suivi des suggestions de réforme

Droit des assurances

Réforme de l’article L. 114-1 du code des assurances : alignement du délai de prescription du droit des assurances sur le délai de droit commun

L’article L. 114-1 du code des assurances dispose que toutes les actions dérivant du contrat d’assurance sont prescrites par deux ans à compter de l’événement qui y donne naissance. Ce délai de prescription s’applique tant à l’assureur qu’à l’assuré.

L’article R. 112-1 du même code impose de rappeler ce délai très court dans les polices d’assurance.

Ce délai impératif, qui déroge au délai de prescription de droit commun, qu’il s’agisse de celui de trente ans en vigueur avant la réforme de la prescription par la loi no 2008-561 du 17 juin 2008 ou de celui de cinq ans résultant de cette loi, a été instauré par la loi du 13 juillet 1930 relative au contrat d’assurance, laquelle a jeté les bases du droit des assurances contemporain. Cette dernière loi entendait mettre fin, sur ce point, à la pratique antérieure des assureurs qui, à la faveur de la liberté contractuelle, souhaitaient échapper au délai trentenaire de droit commun et, à cet effet, inséraient fréquemment dans leurs contrats des clauses imposant une prescription très courte, parfois limitée à six mois.

En fixant un délai biennal de prescription et en lui conférant un caractère impératif (article 26 de la loi du 13 juillet 1930 précitée et aujourd’hui article L. 114-3 du code des assurances), la loi de 1930, tout en prenant en compte l’inadaptation d’un délai trentenaire, a cherché à protéger les droits des assurés.

Plus de quatre-vingts ans après, alors que le délai de prescription de droit commun a été ramené à cinq ans et que les législateurs, national et européen, ont mis en œuvre une politique législative de protection des consommateurs, la Cour de cassation constate depuis de nombreuses années, à travers le contentieux qui lui est soumis, l’inadaptation de ce délai trop bref de prescription.

Malgré le développement d’une jurisprudence tendant à renforcer l’information de l’assuré sur ce délai et ses modalités d’application, prenant notamment appui sur les dispositions de l’article R. 112-1 du code des assurances, le contentieux reste abondant et les solutions tout à la fois imparfaites et sources de complexité.

C’est pourquoi la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a suggéré, à plusieurs reprises, dans son Rapport annuel, qu’il soit mis fin à ce régime dérogatoire.

Si le Conseil constitutionnel a récemment jugé, à l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité que lui avait transmise la deuxième chambre civile de la Cour de cassation (2e Civ., 7 octobre 2021, QPC no 21-13.251) que l’article L. 114-1 du code des assurances ne contrevenait à aucune norme constitutionnelle (Cons. const., 17 décembre 2021, décision no 2021-957 QPC, Époux T. [Prescription biennale des actions nées d'un contrat d'assurance]), il reste que le délai qu’il instaure demeure défavorable à l’assuré lequel est, bien souvent, un consommateur inexpérimenté en matière de litiges assurantiels et se trouvé lié par un contrat dont il n’a pas négocié les termes.

L’alignement du délai et du régime de prescription applicables aux actions dérivant du contrat d’assurance sur celui de droit commun (articles 2219 et suivants du code civil) entraînerait, en outre, une simplification du droit que ne permettent pas toujours d’atteindre les évolutions jurisprudentielles nécessaires à la préservation des droits des assurés.

La DACS est favorable à cette proposition, dans la mesure où le délai de deux ans prescrit par l’article L. 114-1 du code des assurances n’est pas suspendu par les pourparlers entre l’assureur et l’assuré, même en cas d’expertise amiable en cours. Une autre possibilité consisterait à préciser dans le texte que la phase de discussion amiable entre l’assureur et l’assuré est une cause de suspension du délai. La direction précise toutefois que cette proposition de modification du code des assurances relève à titre principal du ministère en charge de l’économie et des finances.

Experts et médiateurs judiciaires

Constitution d’un statut de traducteur assermenté distinct de celui d’expert judiciaire

Si la traduction de documents rendue nécessaire par une procédure judiciaire relève naturellement d’un expert inscrit sur la liste des experts judiciaires de la Cour de cassation ou d’une cour d’appel, de nombreux autres dispositifs, non juridictionnels, imposent la production d’un acte traduit par un traducteur « assermenté » ou « agréé ».

Tel est le cas, notamment, de la légalisation des actes étrangers. En l’absence de statut de traducteur assermenté, il est exigé pour ces traductions administratives, en France – à la différence du système prévalant dans d’autres États, notamment de l’Union européenne – le recours à un expert judiciaire. Cela conduit sans doute un grand nombre de traducteurs qui n’entendent pas intervenir devant les juridictions à solliciter leur inscription sur les listes.

Cette situation est lourde de conséquences en termes de surcroît d’activité, pour les juridictions, en ce comprise la Cour de cassation qui est saisie des recours formés par les candidats dont l’inscription ou la réinscription a été refusée. Elle fait, en outre, peser sur l’institution judiciaire une charge dépourvue de lien avec l’activité juridictionnelle, qui s’avère d’autant plus pesante que le processus de sélection des experts judiciaires s’est progressivement juridictionnalisé.

Préjudiciable pour les juridictions, cette situation n’est pas davantage satisfaisante pour les candidats à l’exercice d’une activité de traduction, qui voient souvent leur demande rejetée, alors même qu’ils disposent, pour beaucoup d’entre eux, des qualifications suffisantes, en raison de l’obligation, peu adéquate à leur égard, de justifier d’une activité et de compétences dans le domaine judiciaire.

La Cour de cassation proposait ainsi, à l’occasion de la publication de ses Rapports annuels depuis 2017 de créer un statut ou une reconnaissance de qualification de traducteur ne relevant pas de l’autorité judiciaire, destiné à permettre l’accomplissement de traductions administratives par des traducteurs non inscrits sur les listes d’experts judiciaires.

La Cour de cassation a pris note de la réponse apportée par la direction des affaires civiles et du sceau à cette proposition, aux termes de laquelle elle indique explorer des pistes de solution qui permettraient de limiter le rôle des juridictions à ce que requièrent les besoins de leur propre fonctionnement. La deuxième chambre civile maintient donc cette suggestion.

La DACS indique maintenir cette année encore ses observations.

La DACS est sensible à la nécessité d’alléger la charge des cours d’appel, au regard de leurs situations, et de la Cour de cassation, au regard du nombre important de recours traités. Néanmoins, l’examen des qualités professionnelles des traducteurs par les cours d’appel permet une appréciation in concreto des qualifications et de l’expérience professionnelle des candidats. La décision d’inscription ou non des traducteurs est un gage de qualité et de sérieux fondés sur l’indépendance des magistrats qui la prennent.

Cependant, il apparaît en effet disproportionné d’imposer aux citoyens de se procurer les services d’un traducteur inscrit sur la liste d’une cour d’appel si la diligence est sans lien avec une procédure judiciaire. De ce point de vue, il pourrait être envisagé : soit de supprimer l’exigence d’une traduction par un expert inscrit sur les listes dans les textes en question, soit de créer un agrément administratif (sujet à examiner en lien avec les ministères concernés).

La DACS observe qu’il convient d’éviter une multiplication des listes sur lesquelles figureraient les traducteurs, qui pourrait être de nature à créer de la confusion chez les citoyens, qui peuvent selon la diversité des situations qu’ils connaissent, s’adresser à un traducteur certes inscrit sur une liste, mais pas sur la liste permettant de répondre à leur besoin spécifique. L’unicité de la liste sur laquelle figurent les traducteurs assermentés ou agréés est une mesure de simplicité à l’avantage des citoyens.

Experts judiciaires et médiateurs : amélioration de l’élaboration des listes de médiateurs établies par les cours d’appel – certification ou reconnaissance administrative des médiateurs

Dans son Rapport annuel pour 2019, la deuxième chambre civile, tirant les conséquences des premières années d’application du décret no 2017-1457 du 9 octobre 2017 relatif à la liste des médiateurs auprès de la cour d'appel, a suggéré la mise en place d’une certification ou d’une reconnaissance administrative des médiateurs afin de ne pas faire supporter par les juridictions la procédure lourde – et le contentieux qui s’y attache – de la constitution de listes de médiateurs, dès lors que nombre de candidats à cette inscription ont une activité exclusivement extrajudiciaire. Si l’indépendance des magistrats permet de garantir l’objectivité du processus d’inscription, les moyens administratifs et humains des juridictions ne sont sans doute pas les plus adaptés à l’évaluation fine des candidatures soumises en grand nombre à leur examen.

La création de cette certification ne serait pas exclusive de l’établissement, par les juridictions, d’une liste de médiateurs judiciaires qui serait propre à leurs besoins et répondant à des conditions d’inscription spécifiques.

Si la deuxième chambre civile a pris note des observations de la direction des affaires civiles et du sceau, elle considère que les inconvénients liés à la coexistence de deux listes méritent d’être évalués à l’aune du poids que fait peser l’organisation actuelle sur le fonctionnement des juridictions et du bénéfice qui peut être tiré de l’établissement de la liste par des magistrats.

La deuxième chambre civile réitère donc le souhait qu’une réflexion soit engagée par la chancellerie sur ce point.

La DACS partage le constat selon lequel l’établissement d’une liste de médiateurs fait peser sur les juridictions une mission supplémentaire qui ne correspond pas à une activité juridictionnelle. Elle émet néanmoins quelques réserves quant à l’établissement de deux listes distinctes et relève les avantages en termes de cohérence, de lisibilité et de simplicité pour les citoyens d’une liste unique de médiateurs ainsi que le gage de qualité que constitue la décision d’inscription prise en toute indépendance par des magistrats appréciant in concreto les qualifications et l’expérience professionnelle des candidats.

Elle ajoute qu’en 2021, deux textes ont clarifié les conditions d’inscription sur la liste : le décret no 2021-95 du 29 janvier 2021 portant modification des décrets no 2017-1457 du 9 octobre 2017 relatif à la liste des médiateurs auprès de la cour d’appel et no 2019-1089 du 25 octobre 2019 relatif à la certification des services en ligne de conciliation, de médiation et d’arbitrage et l’arrêté du 29 janvier 2021 fixant la liste des pièces justificatives à fournir pour l’inscription sur la liste prévue à l’article 22-1 A de la loi no 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative.

Elle indique qu’une concertation sur l’évolution des dispositions pourra en outre être menée dans le cadre des travaux du Conseil national de la médiation, créé par la loi no 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire, qui est notamment chargé d’émettre des propositions sur les conditions d’inscription des médiateurs sur les listes des cours d’appel.

Procédure civile

Ordonnances sur requête – Harmonisation des règles concernant la compétence territoriale du juge des requêtes et création d’une obligation de signification de la requête et de l’ordonnance lorsque l’article 145 du code de procédure civile est applicable

Dès le Rapport annuel 2016, la Cour de cassation suggérait de procéder à une harmonisation des règles concernant la compétence territoriale du juge des requêtes et de créer une obligation de signification de la requête et de l’ordonnance lorsque l’article 145 du code de procédure civile est applicable.

Dans le silence du code de procédure civile concernant la compétence territoriale du juge des requêtes, la jurisprudence a, sur une longue période, dégagé deux critères : le juge compétent est soit le président de la juridiction saisie au fond, soit le président de la juridiction du lieu où la mesure demandée doit être exécutée, étant précisé qu’en cas de pluralité de mesures, chacune d’elles peut désigner territorialement un tribunal (2e Civ., 18 novembre 1992, pourvoi no 91-16.447, Bull. 1992, II, no 266 ; 2e Civ., 30 avril 2009, pourvoi no 08-15.421, Bull. 2009, II, no 105 ; 2e Civ., 5 mai 2011, pourvoi no 10-20.436).

Mais ces critères ont dû être adaptés par la Cour de cassation à certaines règles spéciales en matière de requêtes, pour l’application de l’article 145 du code de procédure civile et pour l’application de l’article 706-15-2 du code de procédure pénale.

Un gain de sécurité juridique serait sans doute la première conséquence d’une réflexion d’ensemble sur la compétence territoriale en matière d’ordonnances sur requête, qu’il s’agisse des règles spéciales ou du droit commun supplétif.

Concernant les requêtes fondées plus particulièrement sur l’article 145 du code de procédure civile, la jurisprudence a évolué dans le sens d’une plus grande efficacité dans l’exécution de l’ordonnance, mais sans que la protection du futur défendeur au procès potentiel puisse être suffisamment garantie par les textes.

a) Absence de délai pour exécuter la mesure contre celui à qui elle est opposée

Il n’est pas prévu que l’ordonnance rendue sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile soit notifiée pour être exécutoire. Si la jurisprudence n’interdit pas au requérant de procéder selon le droit commun de la signification (2e Civ., 17 mars 2016, pourvoi no 14-29.152 ; 2e Civ., 23 juin 2016, pourvoi no 15-19.671, Bull. 2016, II, no 170), le caractère exécutoire de l’ordonnance résulte le plus souvent de la seule présentation de la minute, prévue par une disposition spéciale (article 495, alinéa 2, du code de procédure civile), ce qui rend délicate l’application aux ordonnances sur requête de la règle de droit commun de l’article 503, alinéa 2, du code de procédure civile, pourtant parfois visé par la Cour de cassation, notamment pour justifier que la remise matérielle de l’ordonnance et de la requête, exigée par l’article 495, alinéa 3, ait lieu avant le début des opérations (2e Civ., 10 février 2011, pourvoi no 10-13.894, Bull. 2011, II, no 36), cette règle supportant une exception, dont la portée reste à apprécier, lorsqu’il s’agit de constater un comportement (2e Civ., 4 septembre 2014, pourvoi no 13-22.971).

Que le caractère exécutoire de l’ordonnance résulte de la présentation de la minute avant le début des opérations, dont la date ne dépend que du choix du requérant, ou d’une signification, laquelle n’est enfermée dans aucun délai, il en résulte que le requérant n’est tenu par aucun délai légal pour exécuter l’ordonnance.

b) Absence de délai pour informer le défendeur potentiel au procès

La jurisprudence ayant restreint les destinataires de l’obligation de remise matérielle de l’ordonnance et de la requête imposée par l’article 495, alinéa 3, du code de procédure civile aux seules personnes supportant l’exécution de la mesure, qu’elles soient ou non défendeurs potentiels au procès envisagé et non pas à ses défendeurs potentiels par principe (2e Civ., 27 février 2014, pourvoi no 13-10.013, Bull. 2014, II, no 56 ; 2e Civ., 4 juin 2015, pourvoi no 14-14.233, Bull. 2015, II, no 145 ; 2e Civ., 3 décembre 2015, pourvoi no 15-12.249), il en est résulté une extension jurisprudentielle de l’intérêt à agir en rétractation (article 496 du code de procédure civile) pour assurer le respect du contradictoire a posteriori (2e Civ., 17 mars 2016, pourvoi no 15-12.955 ; 2e Civ., 1er septembre 2016, pourvoi no 15-19.799, Bull. 2016, II, no 194, publié au Rapport annuel, rendu dans le cas particulier d’une intervention volontaire principale dans une instance en rétractation déjà engagée).

Il en résulte que c’est l’absence de délai dans les textes pour intenter l’action en rétractation qui, seule, assure actuellement le respect du contradictoire à l’égard du défendeur potentiel au procès, lequel n’apprendra qu’une mesure a été ordonnée qu’à l’occasion de la signification de l’assignation au fond. Ne pouvant discuter l’obtention du mode de preuve qui lui sera opposée sur le terrain de la loyauté de la preuve puisqu’il aura été ordonné par un juge, il ne pourra qu’agir en rétractation, ce qui perturbe le déroulement de l’action au fond.

Une obligation de signification de la requête et de l’ordonnance, une fois celle-ci exécutée, à son profit, dans un délai déterminé à compter de la fin des opérations serait de nature à résoudre l’insuffisance du respect du contradictoire et à assurer une meilleure sécurité juridique.

Une telle réforme gagnerait en outre, de façon plus générale, à se pencher sur les conditions d’accomplissement des mesures d’instruction ordonnées sur requête.

Ces propositions recueillent un avis favorable de la chancellerie, sans pour autant avoir été mises en œuvre.

La Cour de cassation maintient cette suggestion de réforme, qui se justifie d’autant plus que l’ordonnance sur requête revêt une dimension centrale en matière probatoire, voire stratégique dans le domaine économique, où ce dispositif peut être détourné de sa finalité de préparation d’un procès, ce que la jurisprudence nourrie et persistante en la matière tend à démontrer.

La DACS indique être sensible à ces propositions, le rapport sur l’amélioration et la simplification de la procédure civile ayant également préconisé une réforme du régime des ordonnances sur requête.

La DACS n’est pas opposée à ce que soit engagée une réflexion d’ensemble sur la question de la compétence territoriale en matière d’ordonnance sur requête. Fixer la compétence territoriale du juge des requêtes aurait effectivement pour avantage d’offrir plus de sécurité juridique mais cela priverait néanmoins le requérant d’une alternative entre juridiction saisie au fond et celle dans le ressort duquel la mesure demandée doit être exécutée dont il bénéficie aujourd’hui.

S’agissant plus spécifiquement des requêtes fondées sur l’article 145 du code de procédure civile et des propositions formulées afin que la protection du futur défendeur au procès potentiel soit garantie, la direction des affaires civiles et du sceau n’y est pas défavorable, à condition que l’obligation de signifier l’ordonnance ne soit envisagée qu’après l’exécution de la mesure, sauf à priver la décision de tout effet de surprise.

Plus généralement, la DACS est favorable à l’engagement d’une réflexion sur l’évolution des règles de procédure applicables aux demandes de mesures d’instruction in futurum fondées sur l’article 145 du code de procédure civile.

Sécurité sociale

Réparation des conséquences de la faute inexcusable : modification de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale

Depuis 2010, le Rapport suggère une modification des dispositions de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale dès lors que celles-ci, telles qu’interprétées par le Conseil constitutionnel, ne permettent pas une indemnisation intégrale des victimes d’accidents du travail dus à la faute inexcusable de leur employeur. Les normes européennes ne peuvent pas davantage être sollicitées à cette fin (2e Civ., 11 juillet 2013, pourvoi no 12-15.402, Bull. 2013, II, no 158).

Les Rapports depuis 2013 ont exposé combien l’évolution de l’indemnisation des victimes d’accidents du travail liés à une faute inexcusable de l’employeur témoigne de l’acuité du sujet et de l’intérêt de maintenir la proposition précédemment développée.

La Cour de cassation maintient donc sa proposition, au moyen d’une formulation qu’elle souhaite dénuée de toute ambiguïté sur le caractère intégral de la réparation et propose la modification suivante de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale :

« Article unique

I. – Les dispositions du premier alinéa de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale sont abrogées et remplacées par les dispositions suivantes :

“Indépendamment de la majoration de rente qu’elle reçoit en vertu de l’article précédent, la victime a le droit de demander à l’employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation de l’ensemble des préjudices qui ne sont pas indemnisés pour l’intégralité de leur montant par les prestations, majorations et indemnités prévues par le présent livre.”

II. – La branche accidents du travail du régime général et celle du régime des salariés agricoles supportent définitivement, chacune en ce qui la concerne, la charge imputable à la modification de l’étendue de la réparation, résultant du I du présent article, des accidents du travail survenus et des maladies professionnelles constatées antérieurement à la publication de la présente loi. »

La direction de la sécurité sociale a adopté une position défavorable à l’égard d’une telle évolution de la réparation des victimes d’une faute inexcusable de l’employeur, pour les raisons déjà évoquées les années précédentes, sur la base des éléments suivants :

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision no 2010-8 QPC du 18 juin 2010, a admis le caractère forfaitaire de la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, rappelant toutefois que, en cas de faute inexcusable de l’employeur, les dispositions de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ne sauraient faire obstacle à ce que les victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle ou leurs ayants droit puissent, devant les juridictions, demander à l’employeur réparation non seulement des chefs de préjudice énumérés par cet article, mais aussi de l’ensemble des autres dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale.

La Cour de cassation a précisé dans ce cadre que les dispositions du dernier alinéa de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale prévoyant l’avance par les caisses primaires d’assurance maladie des indemnités afférentes à ces préjudices s’appliquaient identiquement pour les deux types de préjudice, ce qui préserve la victime de tout risque d’insolvabilité de l’employeur.

Dans son arrêt du 12 janvier 2017 (CEDH, arrêt du 12 janvier 2017, Saumier c. France, no 74734/14), la Cour européenne des droits de l’homme a, quant à elle, jugé conforme aux stipulations de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales le régime de réparation forfaitaire du préjudice du salarié à raison de la faute inexcusable de l’employeur en considérant que cette réparation vient en complément de dédommagements automatiquement perçus par le salarié, ce qui singularise sa situation par rapport à la situation de droit commun. Elle en déduit qu’il existe une différence de situation ne permettant pas l’application de l’article 14 de la Convention précitée relatif à la prohibition des discriminations.

La direction de la sécurité sociale a considéré que l’articulation de ces jurisprudences permet de préserver le caractère forfaitaire de droit commun de la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles avec la nécessité de la réparation des préjudices non indemnisés par ailleurs en cas de faute inexcusable. En conséquence, l’état actuel de la jurisprudence offre, à ses yeux, aux victimes de sinistres d’origine professionnelle un niveau élevé de réparation de leurs préjudices en cas de faute inexcusable de l’employeur.

La direction de la sécurité sociale a, en outre, estimé que la proposition de la Cour de cassation en faveur d’une réparation intégrale des préjudices, qu’ils soient ou non déjà partiellement indemnisés au sein du livre IV du code de la sécurité sociale, va au-delà de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui mentionne uniquement les dommages non couverts par la législation au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles. Elle aurait pour caractéristique de supprimer la distinction en vigueur entre la réparation de la faute inexcusable et celle de la faute intentionnelle prévue par l’article L. 452-5 du même code. Elle élargirait les cas dans lesquels la branche des accidents du travail et des maladies professionnelles avance, sans assurance de récupération, des sommes pour le compte des employeurs, à des situations dans lesquelles elle assure déjà, sous les règles prévues par le code de la sécurité sociale, la réparation des sinistres. Enfin, elle a émis l’avis qu’une telle proposition comporterait ainsi des risques financiers importants pour l’équilibre de la branche, qui est au cœur de son fonctionnement.

Il n’en apparaît pas moins que cette importante suggestion de réforme, dont les motifs exposés conservent toute leur pertinence, présente un caractère essentiel au regard de ses enjeux et de ses conséquences et en considération de l’équilibre qu’elle recherche quant à l’étendue de la réparation assurée aux victimes. Elle ne peut qu’être maintenue.

Surendettement des particuliers

Effet interruptif de prescription attaché à la décision de recevabilité de la demande de traitement d’une situation de surendettement

Si la décision de recevabilité d’une demande de traitement d’une situation de surendettement emporte, depuis la loi no 2010-737 du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation, suspension et interdiction des procédures d’exécution diligentées à l’encontre des biens du débiteur, elle n’interrompt en revanche pas le délai de prescription, en l’absence de disposition en ce sens.

Le lien doit pourtant être fait entre la possibilité d’accomplir une mesure d’exécution et le cours de la prescription, chaque fois en particulier que le créancier dispose déjà d’un titre exécutoire, de sorte qu’il ne sera pas conduit à interrompre la prescription par l’engagement d’une procédure tendant à l’obtention d’un tel titre exécutoire. Pour y remédier, la Cour de cassation a pu s’appuyer, dans une affaire, sur la constatation d’une impossibilité d’agir du créancier, au sens de l’article 2234 du code civil (2e Civ., 28 juin 2018, pourvoi no 17-17.481, Bull. 2018, II, no 142). Toutefois, il s’agit d’une solution indirecte et partielle, faute notamment de concerner le créancier qui n’est pas titulaire d’un titre exécutoire. De façon générale, dès lors que la procédure de surendettement tend au traitement de l’endettement de son bénéficiaire, elle peut justifier que le créancier attende l’issue de cette procédure propre à permettre le règlement ou à entraîner l’effacement des dettes concernées. Il apparaît ainsi évidemment souhaitable d’éviter une multiplication des actions en justice, que la procédure de surendettement rend possible, dans un souci, tout à la fois, de préservation des droits des parties et de modération de l’activité des juridictions.

Dans ces conditions, il apparaît nécessaire de prévoir que la décision de recevabilité de la demande de mesure de traitement d’une situation de surendettement interrompt le cours du délai de prescription ou de forclusion relatif aux créances concernées par cette demande. Il est proposé de compléter en ce sens l’article L. 722-2 du code de la consommation.

Il convient de maintenir cette proposition de réforme, encore récente et qui suscite un avis favorable de la chancellerie, sans pour autant avoir été mise en œuvre.

Cette modification pourrait s’accompagner de l’abrogation des dispositions de l’article L. 721-5 du code de la consommation qui seraient, dans cette perspective, redondantes.

Par ailleurs, l’effet interruptif de la décision de recevabilité ne résout pas entièrement le problème, puisque le délai de prescription va immédiatement recommencer à courir à l’encontre des créanciers. Dès lors, il pourrait être pertinent, afin d’éviter d’imposer à un créancier, dépourvu de titre exécutoire, d’engager une action à la seule fin d’interrompre, à nouveau, la prescription, de prévoir, selon un mécanisme qui pourrait s’inspirer des dispositions de l’article 2242 du code civil, que l’effet interruptif se poursuit jusqu’au terme de la procédure de surendettement (pour exemples : jusqu’à ce que le plan conventionnel ou les mesures imposées se terminent, jusqu’au jugement de clôture de la procédure de rétablissement personnel avec liquidation judiciaire, jusqu’à un jugement d’irrecevabilité ou de déchéance…).

La DACS, qui avait émis un avis favorable à cette proposition, indique le maintenir et renvoie à ses précédentes observations.

En l’état, contrairement à ce qui est prévu en droit des procédures collectives (article L. 622-21, III, du code de commerce), la décision de recevabilité rendue par la commission de surendettement n’a pas pour effet de suspendre ou d’interrompre les délais de prescription ou de forclusion ; seule interrompt les délais la demande du débiteur adressée à la commission, tendant à ce qu’elle impose certaines mesures prévues par l’article L. 733-1 du code de la consommation en l’absence d’élaboration d’un plan conventionnel de redressement (article L. 721-5 du code de la consommation).

Certaines dispositions de droit commun, appliquées par les juridictions, permettent de parvenir à une telle solution : il en va ainsi des dispositions de l’article 2240 du code civil qui dispose que la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription, appliqué du fait de la reconnaissance par le débiteur d’une dette via sa prise en compte dans l’état du passif adressé à la commission, ou encore des dispositions de l’article 2234 du même code qui disposent que la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l’impossibilité d’agir par suite notamment d’un empêchement résultant de la loi, évoqué dans la proposition.

Ces dispositions ne permettent toutefois pas de couvrir l’ensemble des cas, de sorte qu’il serait effectivement souhaitable de prévoir que la décision de recevabilité rendue par la commission de surendettement interrompt les délais de prescription ou de forclusion des créances contre le débiteur.

Une telle modification des textes pourrait intervenir dans le cadre d’une prochaine réforme du surendettement.

B. Suggestions nouvelles

Pas de suggestions nouvelles en 2021.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.