Rapport annuel 2021 (Discours du procureur général)

Rapport annuel

Ouvrage de référence dans les milieux judiciaire et universitaire, le Rapport de la Cour de cassation est aussi un précieux instrument de travail pour les praticiens du droit. Le Rapport 2021 comporte des suggestions de modifications législatives ou réglementaires, ainsi que l’analyse des principaux arrêts et avis ayant été rendus, tout au long de l’année, dans les différentes branches du droit privé. Le Rapport présente également, de manière détaillée, l’activité juridictionnelle et extra-juridictionnelle de la Cour de cassation, ainsi que celle des juridictions et commissions instituées auprès d’elle.

  • Informations pratiques
  • Institution judiciaire

Rapport annuel

Rapport annuel 2021 (Discours du procureur général)

DISCOURS PRONONCÉ lors de l’audience solennelle de début d’année judiciaire, le 10 janvier 2022, par

Monsieur François Molins, procureur général près la Cour de cassation

Monsieur le Premier ministre, cette année encore, vous avez bien voulu honorer cette audience de votre présence. Nous vous sommes reconnaissants de cette marque de considération.

Monsieur le garde des sceaux, Mesdames et Messieurs les hautes personnalités, nous sommes très sensibles à votre présence à cette audience solennelle. Elle traduit l’intérêt que vous portez à la justice et à ceux qui sont chargés de la faire vivre au quotidien.

Monsieur le président de la Cour de justice de l’Union européenne, nous sommes très honorés de votre présence à cette audience qui marque l’importance du dialogue des juges dans l’application et l’interprétation du droit primaire et du droit dérivé constitué des règlements et directives européennes dans le respect des grands principes définis par la Cour de justice de l’Union, dialogue dont le moteur doit être la confiance.

Monsieur le président de la Cour européenne des droits de l’homme, je vous remercie pour votre présence : la fréquence de nos rencontres témoigne de la grande qualité de nos relations.

En cette audience solennelle de rentrée sous les ors de la Grand-chambre, nous avons une responsabilité particulière qui nous est donnée depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 par notre double qualité de première présidente et procureur général et de présidents des formations du siège et du parquet du Conseil supérieur de la magistrature qui assiste le Président de la République dans sa mission de garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire. C’est cette même responsabilité qui nous avait conduits en juin dernier à alerter le Président de la République sur la crise de la justice et sur l’état d’esprit des magistrats, partagés entre la lassitude et la désespérance.

J’aborderai donc successivement l’action du parquet général au cours de l’année écoulée puis la situation de notre justice.

Dans le droit fil de son office de rendre des avis dans l’intérêt de la loi et du bien commun et d’éclairer la Cour sur la portée de la décision à intervenir, le parquet général s’est inscrit avec volontarisme dans la mise en œuvre des nouvelles méthodes de travail que vous avez instaurées au sein de la Cour, Madame la première présidente. Je voudrais à cette occasion saluer les initiatives et le travail que vous avez engagés au sein de cette Cour dans un esprit de responsabilité et de modernité, pour lui permettre de toujours mieux remplir ses missions. Je pense notamment à l’instauration de circuits différenciés de traitement des procédures et à la désignation en amont et concomitante du conseiller rapporteur et de l’avocat général pour les pourvois relevant du circuit approfondi. L’instauration dans ce circuit d’une séance d’instruction à laquelle ils participent leur permettra de contribuer pleinement aux travaux préparant le traitement des contentieux d’intérêt majeur.

Comme l’a si bien souligné la Commission « Cour de cassation 2030 », la fonction d’avocat général exercée de façon approfondie et dans des conditions qui en permettent la pleine expression peut être d’un grand profit pour la Cour de cassation. L’avis de l’avocat général contribue en effet à renforcer la sécurité juridique de la décision et fournit un regard extérieur à la chambre incitant les conseillers, concentrés sur la jurisprudence, à prendre en compte des éléments extrajuridiques, notamment le point de vue des différents acteurs de la société, voire la jurisprudence étrangère.

Le parquet général a aussi développé au cours de l’année écoulée une politique de spécialisation en instituant, au sein du parquet général de chacune des chambres de la Cour, des référents qui développent une connaissance approfondie de certains contentieux émergents.

Le parquet général s’est attaché à assurer tous les deux mois la diffusion sous forme numérique d’un panorama d’une quarantaine d’arrêts rendus dans tous les contentieux pénaux, civils, sociaux et commerciaux qui intéressent le ministère public avec un bref commentaire sur les apports de la décision et l’évolution de la jurisprudence de la Cour.

Enfin, conscients de la qualité du travail accompli dans les services civils et commerciaux des parquets et des parquets généraux dont l’importance est primordiale et qui appartiennent au cœur de métier du ministère public, nous nous sommes attachés à venir à leur soutien en matière civile et de procédures collectives. J’ai ainsi initié, depuis le mois de septembre dernier au niveau interrégional, avec une équipe de quatre avocats généraux, des rencontres d’une journée auxquelles sont conviés tous les magistrats en charge des parquets civils et commerciaux dans les cours d’appel et tribunaux judiciaires concernés. Ces rencontres permettent au parquet général de présenter et d’expliquer les principes et les étapes du contrôle de proportionnalité/conventionnalité et d’expliquer la jurisprudence de la Cour sur les contentieux de la filiation, de la PMA et de la GPA, de l’hospitalisation sous contrainte, des mineurs étrangers isolés et des procédures collectives. Ces rencontres permettent de mieux travailler avec les parquets et parquets généraux, de répondre à leurs interrogations, d’anticiper les questions que des pourvois à venir pourraient susciter et de mieux identifier les contentieux émergents. Nous avons déjà couvert 8 cours d’appel et l’ensemble des cours d’appel sera concerné avant la fin de l’année 2022.

Mais venons-en à la situation de notre justice !

À l’heure où, telle une lame de fond, une tribune a recueilli plus de 7 000 signatures de magistrats, de greffiers et d’avocats qui exigent une justice proche, humaine et qui se traduise par des décisions de qualité rendues dans des délais raisonnables, je voudrais rappeler que, juges ou procureurs, nous sommes magistrats et que nous exerçons un « métier passion ».

Un métier qui nous dépasse et nous incite en permanence au dépassement de nous-mêmes.

Un métier qui nous conduit à juger ou requérir au nom de l’intérêt général en s’assurant que la loi est appliquée pour tous de la même manière.

Un métier qui nous conduit en permanence à décider, ce qui nécessite des qualités d’humanité, d’humilité et de courage.

Un métier qui nous conduit à être le gardien des libertés individuelles mais aussi le protecteur des plus fragiles et des plus vulnérables, un métier qui nous conduit à être en permanence au cœur de la cité, en prise avec tous les enjeux, les évolutions et les difficultés d’un monde à la complexité sans cesse croissante.

Un métier que nous avons choisi par passion de la justice et dans lequel nous voulons donner du sens à nos actions, au service de la justice et des justiciables.

Une passion pour la justice qui nous a, peut-être à tort, conduits à accepter trop longtemps ce qui ne devait pas l’être, c’est-à-dire l’insuffisance chronique et l’inadéquation des moyens qui nous sont donnés au quotidien pour remplir nos missions et qui n’ont pu en réalité être menées à bien que grâce au dévouement sans limite des magistrats et des fonctionnaires de justice.

La crise que nous vivons et que nul ne peut nier aujourd’hui est là : conditions de travail intenables dans les juridictions du fond, souffrance, perte de sens. La tribune, qui dénonce une justice qui déshumanise et maltraite les justiciables ainsi que ceux qui œuvrent à son fonctionnement, rejoint en réalité le constat de nombreux Français qui estiment la justice trop lente et déshumanisée.

Cette situation, qui est au cœur du travail des états généraux qui se déroulent en ce moment, est en fait la conséquence de plusieurs facteurs qui sont connus depuis longtemps tout comme le sont les remèdes nécessaires.

Quels sont ces facteurs ?

Un manque de considération et de reconnaissance pour la justice et celles et ceux qui la rendent. En forçant un peu le trait, on a parfois l’impression que les juges indiffèrent ou insupportent.

Une inflation législative (plus de 40 réformes de droit pénal et procédure pénale en 18 ans) et une « fait-diversification » du droit pénal avec des lois suscitées par l’émotion et dont la qualité, notamment en termes de cohérence du droit et de lisibilité de la norme, laisse parfois à désirer.

Un accroissement exponentiel de l’activité des juges et des procureurs qui ne s’est pas accompagné d’une augmentation des moyens à la hauteur des tâches nouvelles à accomplir. Comme le souligne la Cour des comptes, « faute d’une capacité du ministère de la justice à améliorer son organisation […], le rythme de ces réformes contribue à l’augmentation des délais de traitement des affaires ».

Par ailleurs, la logique mise en œuvre avec la LOLF a souvent considéré la justice au même niveau que n’importe quelle administration. Or, la justice n’est pas un simple service public et elle ne peut être pensée par le seul prisme d’une logique budgétaire d’efficience. Elle doit certes se réformer, mais elle occupe une place particulière dans notre démocratie régie par deux principes fondamentaux : la hiérarchie des normes et la séparation des pouvoirs où pouvoir exécutif, pouvoir législatif et pouvoir judiciaire expriment chacun la souveraineté nationale sans qu’aucun ne puisse en revendiquer le monopole. Ces trois pouvoirs se complètent et se contrôlent. La justice est rendue au nom du peuple français : c’est un pouvoir constitutionnel indépendant et impartial.

Dans la quête d’une justice à qui on demande toujours plus, ce manque de moyens s’est traduit par une logique productiviste dans laquelle la qualité est passée au second plan, derrière une logique de flux et de recherche constante d’un taux de couverture positif, c’est-à-dire d’une situation où, dans une juridiction, il y a plus d’affaires sorties que d’affaires entrées. C’est cela que refusent les jeunes magistrats et il faut leur rendre hommage d’avoir voulu rappeler les fondamentaux de notre métier et d’avoir dénoncé le décalage profond qui existe entre la noblesse et la hauteur de leur mission et la précarité des conditions dans lesquelles ils travaillent au quotidien. Ils ont eu le courage de tenir leur place et leur serment ; ils ont le droit d’en être fiers et il n’y a aucune honte, bien au contraire, à revendiquer les moyens à la hauteur de notre belle mission.

La conjugaison du manque de moyens et de cette logique productiviste a fait naître des tensions au sein des juridictions, et a conduit à une dégradation des conditions de travail et à des phénomènes de souffrance au travail qui ne sont pas traités à leur juste mesure. Combien de tribunaux n’ont pas de médecins de prévention ? Combien de comités médicaux saisis dysfonctionnent en ne rendant leurs avis qu’après de nombreux mois ? Le rapport d’activité de la médecine de prévention pour l’année 2020 souligne lui-même « un nombre important d’agents en difficulté et en souffrance avec des collectifs de travail dégradés ».

À travers les missions qu’il effectue régulièrement dans les cours d’appel et tribunaux et à travers les affaires disciplinaires portées devant lui, le Conseil supérieur de la magistrature est régulièrement le témoin de ces dysfonctionnements.

Un manque structurel de moyens qui perdure même si ne peuvent être niés les efforts budgétaires consentis particulièrement ces dernières années (entre 2011 et 2021 plus 22 % de crédits votés en loi de finances initiale pour le programme justice judiciaire et recrutement depuis le début du quinquennat de 650 magistrats et de 850 greffiers). Mais ces efforts et notamment ceux consentis depuis un an à travers le recrutement de deux milliers de contractuels, outre qu’ils demeurent insuffisants, ne sont-ils pas en réalité la traduction d’un certain manque de confiance de l’État dans sa justice et dans sa capacité à se réorganiser ? Si cette confiance existait, ce sont bien des ETP, donc des créations d’emplois pérennes de magistrats et de greffiers, qui seraient intervenus et ce sont ces sucres lents dont la justice a besoin pour remplir ses missions.

Cette observation rejoint en réalité celles de la Cour des comptes qui pointe bien un problème de confiance dans notre institution quand elle dit depuis des années que la justice a moins besoin d’être réformée que mieux gérée et quand elle explique que les remèdes aux faiblesses structurelles dont elle souffre passent par plusieurs voies.

La réforme de la carte des cours d’appel pour que la justice se dote de moyens de gestion plus performants.

La nécessité de disposer enfin d’outils d’évaluation de la charge de travail et de répartition des effectifs dans les juridictions, adaptés aux besoins, réforme d’autant plus nécessaire dans un contexte inédit d’augmentation des budgets du ministère de la justice, comme l’a rappelé à plusieurs reprises la Cour des comptes.

La mise à niveau enfin du numérique et de l’outil informatique dont le confinement au cours de la crise sanitaire a une fois de plus montré toutes les limites.

Les états généraux de la justice décidés par le Président de la République doivent permettre d’avancer mais ils renverront en réalité à la volonté et au courage du politique à porter les bonnes solutions. Et sur ce point, il ne faut pas se tromper. Vous me permettrez d’aborder deux questions structurelles qui ont été posées à l’occasion de ces états généraux : celle du statut du parquet et celle de l’unité du corps, questions intimement liées.

Certains critiquent en effet le principe de l’unité du corps judiciaire gravé aujourd’hui dans le marbre de notre Constitution et de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, et soutiennent qu’il faudrait l’abandonner au profit de la séparation du siège et du parquet.

Cette analyse serait fondée sur le fait que, comme l’a souligné à plusieurs reprises la CEDH, le ministère public français n’est pas une autorité judiciaire qualifiée, qu’il est une autorité poursuivante et qu’il ne saurait être au sens de l’article 5 de la CEDH un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires. Il est vrai que le procureur ne sera jamais un juge et restera toujours une autorité de poursuite. Mais il a pris, dans notre procédure pénale, des prérogatives de plus en plus importantes à travers notamment l’accroissement de ses pouvoirs d’enquête, et son avenir passe plus par le renforcement de ses garanties statutaires que par une dégradation de son statut, une vraie régression qui en ferait un fonctionnaire comme c’est le cas en Allemagne.

Parce qu’il s’agit de choisir l’orientation de la procédure et donc déjà de juger, le magistrat du parquet est un magistrat et doit le rester pour mieux protéger la liberté individuelle, en toute impartialité, une impartialité qui n’est pas celle du juge qui, lui seul, porte une appréciation sur le bien-fondé d’une accusation en matière pénale. Ce n’est pas le cas du ministère public qui quelque part est nécessairement partial en ce qu’il croit à la culpabilité de celui qu’il poursuit. L’impartialité du ministère public renvoie à une exigence différente : celle d’enquêter à charge et à décharge et de veiller à la proportionnalité des moyens employés au cours des enquêtes.

Tout est lié. C’est parce qu’il est magistrat et appartient à l’autorité judiciaire que, comme le souligne le Conseil constitutionnel dans ses décisions des 22 juillet 2016 et 8 décembre 2017, le ministère public exerce librement, en recherchant la protection des intérêts de la société, son action devant les juridictions. Et c’est encore parce qu’il appartient à l’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, qu’il a un pouvoir de direction et de contrôle direct et effectif de la police judiciaire, principe à valeur constitutionnelle comme l’a rappelé le Conseil constitutionnel dans sa décision du 10 mars 2011

Sans indépendance, il n’y a en effet pas d’impartialité et sans impartialité, il n’y a pas de justice. Il ne saurait donc y avoir de justice de qualité sans parquet indépendant et impartial. Pour le traitement des affaires pénales, les juges ont besoin d’un parquet fort, indépendant et impartial, et non de fonctionnaires aux ordres du gouvernement. Car c’est bien l’appartenance au même corps judiciaire et le fait qu’ils prêtent le même serment qui garantissent une éthique et une déontologie communes des magistrats du siège et du parquet.

L’unité du corps favorise enfin la qualité de la justice et la gestion des ressources humaines. Les missions des magistrats du siège et du parquet, tout aussi différentes soient-elles, sont très complémentaires et cette complémentarité transcende les différences fonctionnelles. Unité du corps ne signifie pas connivence et influences réciproques, mais bien au contraire enrichissement des réflexions, compréhension fine des logiques et positionnements respectifs et sentiment de travailler ensemble, chacun à sa place, à l’œuvre de justice.

S’il n’était pas mis fin à l’unité du corps, certains imaginent alors un cloisonnement des carrières, au bout d’un certain temps. Une telle solution serait aussi illogique que contre-productive. Elle serait d’abord en contradiction avec la stratégie de recrutement et d’ouverture du corps qui vise à l’élargir aux autres professionnels issus d’autres horizons. Ensuite, elle viendrait restreindre la mobilité interne qui est précisément une richesse de la magistrature et le gage d’une plus grande maîtrise des processus et des organisations.

Par contre, l’unité du corps ne fait pas obstacle à des mesures visant à éviter tout risque de confusion des apparences. Le Conseil supérieur de la magistrature applique ainsi depuis de nombreuses années la règle des cinq ans : pour prétendre exercer une fonction au parquet dans une juridiction au sein de laquelle le magistrat avait précédemment exercé au siège, ou inversement, celui-ci doit attendre l’expiration de ce délai avant de pouvoir être nommé dans cette juridiction.

Pourquoi ne pas sacraliser cette règle en l’inscrivant dans l’ordonnance statutaire ?

La seconde question structurelle est celle de la consolidation de l’indépendance du parquet par un renforcement de ses garanties statutaires, ce qui fait d’ailleurs perdre à la première question une grande partie de sa pertinence.

La nature du parquet français est hybride : soumis à l’autorité hiérarchique, il est chargé de mettre en œuvre la politique pénale déterminée par le gouvernement conformément à l’article 20 de notre Constitution. Mais il exerce librement l’action publique dans les affaires individuelles, cette liberté étant illustrée par quatre éléments particulièrement forts :

La théorie des pouvoirs propres selon laquelle tout acte du magistrat du parquet produit pleinement ses effets, quand bien même il serait en contradiction avec une instruction de son chef hiérarchique.

Le principe de la liberté de parole à l’audience.

L’interdiction faite au garde des sceaux de donner des instructions dans les affaires individuelles.

L’indépendance à l’égard des juridictions et des parties qui interdit les injonctions et les critiques de la juridiction au parquet, ainsi que sa récusation.

Ces quatre éléments forts sont bien la marque de l’authentique autorité de magistrat que lui confèrent les textes. La reconnaissance de ces prérogatives autonomes du parquet est donc bien une donnée inhérente au ministère public : comment en effet s’assurer, dans une société démocratique, que les responsables publics fassent l’objet d’enquêtes et de poursuites pour les infractions qu’ils auraient commises sans la garantie d’un parquet indépendant dans l’exercice de ces prérogatives ?

Il est donc nécessaire de mettre les modalités de gestion de sa carrière en accord avec ses prérogatives et ses responsabilités afin que l’on puisse avoir la certitude qu’elles sont exercées sans risque de pressions ou d’influences. Pour faire disparaître le venin de la suspicion, il est nécessaire de faire évoluer le statut du parquet dans le sens d’un alignement des deux régimes statutaires du siège et du parquet tant sur le plan des nominations que sur celui du régime disciplinaire.

Cette nécessaire évolution constitue un triple enjeu : un enjeu juridique, un enjeu de confiance des citoyens dans l’institution judiciaire, enfin un enjeu de crédibilité et de morale politique si l’on admet que celle-ci est fondée sur les notions de loyauté, de sincérité et de volonté. En effet, les nombreux engagements pris depuis 20 ans mais jamais tenus par des élus et candidats à la présidence de la République en vue d’un rapprochement des statuts ont fait de cette réforme l’Arlésienne de la ve République.

Je ne doute pas que, par leurs synthèses et leurs propositions, les états généraux de la justice permettent d’objectiver ces constats. Mais ils renverront nécessairement à cette question que Mireille Delmas-Marty posait déjà il y a dix ans, celle de « savoir si les responsables politiques sont réellement prêts à engager une réforme qui garantisse les deux qualités d’une bonne justice : l’impartialité et l’indépendance ».

Faut-il rappeler sous forme de supplique cette pensée de Confucius : « Quand on peut accomplir sa promesse sans manquer à la justice, il faut tenir sa parole » ?

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.