Rapport annuel 2021 (3. La Commission nationale de réparation des détentions)

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Ouvrage de référence dans les milieux judiciaire et universitaire, le Rapport de la Cour de cassation est aussi un précieux instrument de travail pour les praticiens du droit. Le Rapport 2021 comporte des suggestions de modifications législatives ou réglementaires, ainsi que l’analyse des principaux arrêts et avis ayant été rendus, tout au long de l’année, dans les différentes branches du droit privé. Le Rapport présente également, de manière détaillée, l’activité juridictionnelle et extra-juridictionnelle de la Cour de cassation, ainsi que celle des juridictions et commissions instituées auprès d’elle.

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Rapport annuel 2021 (3. La Commission nationale de réparation des détentions)

3. La Commission nationale de réparation des détentions

a. Étude statistique des recours et des décisions

La Commission nationale de réparation des détentions (CNRD) a enregistré cinquante-neuf recours en 2021. Le nombre des recours a donc sensiblement augmenté par rapport aux deux années précédentes (trente en 2020 et quarante-trois recours en 2019). On ne peut écarter que cette recrudescence trouve, au moins pour partie, son explication dans une reprise de l’activité judiciaire affectée lors des périodes de confinement sanitaire de l’année 2020 et dans la nécessité de relancer des procédures n’ayant pu être alors engagées.

Les recours reçus ont concerné des décisions rendues dans dix-neuf cours d’appel. Celle d’Aix-en-Provence a transmis sept recours à la CNRD, celle de Paris a transmis cinq recours, celle de Bordeaux a transmis quatre recours et celles de Bastia, Bourges, Fort-de-France et Versailles trois recours chacune.

Dix-sept recours ont été formés par l’agent judiciaire de l’État, dont huit concomitamment à un recours formé par le demandeur. Ils représentent ainsi 29 % des recours (35 % en 2019 et 42 % en 2018).

La CNRD a rendu quarante-neuf décisions en 2021, dont quarante-deux ont été rendues au fond. Treize d’entre elles ont été des décisions de rejet, quatre ont accueilli intégralement le recours et vingt-cinq l’ont accueilli partiellement.

La CNRD a en outre rendu deux décisions d’irrecevabilité.

Le délai moyen de jugement par affaire a été de onze mois et quinze jours en 2021. Il était de quinze mois l’année précédente et de dix mois en 2019.

L’âge moyen des demandeurs, à la date de leur incarcération, était de 25,72 ans. Cet âge moyen est moins élevé que celui des années précédentes (36,6 ans en 2020, 30,98 en 2019, 31,20 en 2018 et 33,62 en 2017). Les âges extrêmes ont été de 17 ans et 69 ans.

La durée moyenne des détentions indemnisées a été de 254,72 jours. Elle est inférieure à celle des années précédentes. Cette durée moyenne a été de 379,05 jours en 2020, de 356,19 jours en 2019, de 405,08 jours en 2018, de 288,06 jours en 2017, de 372,61 jours en 2016, de 376 jours en 2015 et de 367 jours en 2014. Il n’apparaît pas envisageable de tirer un enseignement de ces données chiffrées, dans la mesure où elles ne dévoilent aucune tendance qui s’affirmerait de façon pérenne depuis l’année 2016.

Treize détentions indemnisées ont été supérieures à un an, huit d’entre elles supérieures à deux ans, dont une supérieure à cinq ans, la plus longue, ayant été de 2 146 jours. Quatre détentions n’ont pas excédé trois mois, la plus courte ayant été de cinquante-sept jours.

Évolution de l’activité de la Commission nationale de réparation des détentions

Évolution de l’activité de la Commission nationale de réparation des détentions

Répartition des décisions de la Commission nationale de réparation des détentions par catégories – année 2021

Répartition des décisions de la Commission nationale de réparation des détentions par catégories – année 2021

En ce qui concerne la répartition par infractions, il convient de noter la part toujours importante (32 %) des infractions contre les personnes (homicides volontaires, viols et violences).

Répartition des requêtes devant la Commission nationale de réparation des détentions par infractions poursuivies – année 2021

Répartition des requêtes devant la Commission nationale de réparation des détentions par infractions poursuivies – année 2021

b. Analyse de la jurisprudence

1. Procédure de réparation

Par une décision du 14 décembre 2021 (Com. nat. de réparation des détentions, 14 décembre 2021, no 21CRD020), la Commission nationale de réparation des détentions a été amenée à réaffirmer sa jurisprudence relative aux modalités de notification de la décision du premier président en cas d’élection de domicile du demandeur chez son avocat.

Au cas particulier, l’agent judiciaire de l’État soulevait l’irrecevabilité du recours formé devant la CNRD plus de dix jours après la notification de la décision du premier président au demandeur à l’adresse de son avocate chez laquelle il s’était domicilié. Il ajoutait que la jurisprudence de la CNRD, selon laquelle l’élection de domicile chez un avocat ne dispense pas d’une notification personnelle au requérant, n’était pas applicable dans la mesure où, en l’espèce, le requérant, qui s’était déclaré sans domicile fixe, n’avait communiqué aucune autre adresse.

Confirmant ses décisions précédentes (Com. nat. de réparation des détentions, 14 mars 2011, no 10CRD045, Bull. crim. 2011, CNRD, no 1 ; Com. nat. de réparation des détentions, 13 février 2018, no 17CRD031, Bullcrim. 2018, CNRD, no 1), la CNRD, rappelant que l’article 677 du code de procédure civile dispose que les jugements sont notifiés aux parties elles-mêmes, la notification n’étant, selon l’article 689 du même code, valablement faite au domicile élu que si la loi l’admet ou l’impose, en a déduit que la notification à domicile élu d’une décision de réparation de détention provisoire n’étant ni spécialement admise ni, a fortiori, imposée par la loi, le délai du recours ne court qu’à compter de la notification de la décision au requérant lui-même.

Mais, elle a apporté cette précision qu’il importe peu que le demandeur ait ou non mentionné une adresse personnelle dans sa requête. En effet, une telle mention n’étant pas exigée par l’article R. 46 du code de procédure pénale, l’égalité entre requérants interdit de faire varier la solution retenue en fonction de son existence.

Cette jurisprudence de la CNRD illustre bien le caractère éminemment personnel du recours en réparation de la détention défini par l’article R. 40-4 du code de procédure pénale.

2. Étendue du droit à réparation
2.1. Durée de la détention indemnisable

La Commission nationale de réparation des détentions a rendu une décision relative à la durée de la détention indemnisable par laquelle elle s’est prononcée sur l’existence d’une détention pour autre cause lorsque la personne placée en détention provisoire bénéficie d’une libération conditionnelle.

Selon l’article 149 du code de procédure pénale, aucune réparation n’est due lorsque la personne était dans le même temps détenue pour autre cause.

Elle a jugé que le temps passé en liberté au titre de la libération conditionnelle ne constituant pas un temps d’exécution de la peine privative de liberté, n’est pas détenue pour autre cause, au sens de ce texte, la personne qui a été placée en détention provisoire alors qu’elle se trouvait en liberté au bénéfice d’une mesure de libération conditionnelle (Com. nat. de réparation des détentions, 6 avril 2021, no 20CRD011, publié au Bulletin).

Certes, ainsi que le relevait l’avocat général dans cette affaire, la libération conditionnelle est une mesure d’exécution de la peine, comme la semi-liberté et le placement sous surveillance électronique qui constituent, selon la CNRD, des détentions pour autre cause (Com. nat. de réparation des détentions, 23 février 2009, no 08CRD042 ; Com. nat. de réparation des détentions, 20 septembre 2010, no 09CRD070, Bull. crim. 2010, CNRD, no 7).

Cependant, contrairement à ces deux aménagements de peine, la libération conditionnelle entraîne une levée d’écrou. Il en résulte notamment, aux termes de l’article 733, alinéa 3, du code de procédure pénale, qu’en cas de révocation le condamné doit subir, selon les dispositions de la décision de révocation, tout ou partie de la durée de la peine qu’il lui restait à subir au moment de sa mise en liberté conditionnelle.

Ainsi, la libération conditionnelle, définie par une recommandation européenne de 2003, comme « la mise en liberté anticipée de détenus condamnés », n’est pas, selon la CNRD, une détention pour autre cause au sens de l’article 149 du code de procédure pénale.

Et elle a précisé dans sa décision que seule la mise à exécution du reliquat de la peine d’emprisonnement, par l’effet de la révocation de cette mesure, peut constituer, le cas échéant, la détention pour autre cause prévue par ce texte.

2.2. Indemnisation de la perte de chance de percevoir des revenus

Plusieurs décisions illustrent l’application par la Commission nationale de réparation des détentions des principes de droit commun régissant l’évaluation de la perte de chance.

La CNRD a ainsi été amenée à rappeler que le requérant qui invoque une perte de chance de percevoir des revenus pendant sa détention ou postérieurement à sa remise en liberté doit établir que l’impossibilité d’exercer un emploi est directement liée à la détention provisoire (Com. nat. de réparation des détentions, 9 février 2021, no 19CRD041 ; Com. nat. de réparation des détentions, 14 décembre 2021, no 21CRD018).

La CNRD a également rappelé que la perte de chance, qui doit être sérieuse, se mesure, selon la jurisprudence traditionnelle, à la chance perdue et ne peut être égale à l’avantage qu’elle aurait procuré si elle s’était réalisée (Com. nat. de réparation des détentions, 14 décembre 2021, no 21CRD025 ; Com. nat. de réparation des détentions, 14 septembre 2021, no 20CRD023).

Le caractère sérieux de la perte de chance s’analyse en tenant compte d’un faisceau d’indices (Com. nat. de réparation des détentions, 14 décembre 2021, no 21CRD025 précitée). Par exemple, la perte de chance de trouver un emploi s’apprécie, notamment, à partir d’éléments tirés de la qualification et du passé professionnel du requérant ainsi que du fait qu’il retrouve un emploi dès sa remise en liberté (Com. nat. de réparation des détentions, 14 septembre 2021, no 20CRD022 ; Com. nat. de réparation des détentions, 14 septembre 2021, no 20CRD023).

La CNRD, qui veille à recueillir au préalable les observations des parties lorsque le préjudice invoqué n’a pas été envisagé sous l’angle de la perte de chance, a ainsi jugé que le préjudice découlant de la rupture du contrat de prestation de services conclu entre le requérant, auto-entrepreneur, et une plateforme de livraison de repas constitue, compte tenu de la nature de ce contrat et de sa brève durée d’exécution, une simple perte de chance d’exécuter le contrat sur toute sa durée et non une perte de revenus déterminée.

Au cas particulier, elle a relevé que le contrat était résiliable unilatéralement et sans indemnité et que les prestations que devait effectuer le requérant n’étaient pas prédéterminées mais par nature discontinues et variables selon les semaines, de sorte que les sommes qu’il devait percevoir n’étaient ni fixes ni déterminables à l’avance. Elle a également retenu que son activité venait de débuter et que la courte période pendant laquelle il avait pu effectuer des prestations avant son incarcération ne permettait pas de déterminer le montant moyen hebdomadaire ou mensuel qu’il pouvait certainement escompter percevoir ultérieurement de la société de livraison (Com. nat. de réparation des détentions, 6 avril 2021, no 20CRD014).

2.3. Indemnisation de la perte de revenus

On signalera enfin que la Commission nationale de réparation des détentions a jugé que le fait qu’un requérant, qui venait de conclure un contrat à durée indéterminée, exécutait une période d’essai au moment de son placement en détention ne permettait pas de tenir pour simplement éventuel son préjudice de perte de salaire, dès lors que la faculté que conservait l’employeur de mettre fin librement au contrat demeurait purement hypothétique dans son exercice et ne remettait pas en cause l’embauche avérée (Com. nat. de réparation des détentions, 14 décembre 2021, no 21CRD015).

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