Rapport annuel 2020 de la Cour de cassation (IV. PROPOSITIONS DE RÉFORME EN MATIÈRE CIVILE POUR LA CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE)

Rapport annuel

Ouvrage de référence dans les milieux judiciaire et universitaire, le Rapport de la Cour de cassation est aussi un précieux instrument de travail pour les praticiens du droit. Le Rapport 2020 comporte des suggestions de modifications législatives ou réglementaires, ainsi que l’analyse des principaux arrêts et avis ayant été rendus, tout au long de l’année, dans les différentes branches du droit privé. Le Rapport présente également, de manière détaillée, l’activité juridictionnelle et extra-juridictionnelle de la Cour de cassation, ainsi que celle des juridictions et commissions instituées auprès d’elle.

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Rapport annuel 2020 de la Cour de cassation (IV. PROPOSITIONS DE RÉFORME EN MATIÈRE CIVILE POUR LA CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE)

IV. PROPOSITIONS DE RÉFORME EN MATIÈRE CIVILE POUR LA CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE

A. Suivi des suggestions de réforme

Cautionnement

Reprise des poursuites par la caution

La chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation réitère la proposition figurant aux Rapports depuis 2016 tendant à la modification de l’article L. 643-11, II, du code de commerce qui permet, en l’état, aux cautions professionnelles d’échapper à l’absence de reprise des poursuites contre le débiteur.

Pour rappel, aux termes de ces dispositions, par exception posée à la règle selon laquelle le jugement de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif ne fait pas recouvrer aux créanciers l’exercice individuel de leurs actions contre le débiteur, « les coobligés et les personnes ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie peuvent poursuivre le débiteur s’ils ont payé à la place de celui-ci ».

La règle ne pose pas de difficulté en son principe, mais dès lors que, en pratique, ce sont essentiellement les cautions qui poursuivent le débiteur après la clôture pour insuffisance d’actif, et que le texte ne distingue pas entre les cautions personnes morales et les cautions personnes physiques, il a été constaté que la règle s’appliquait, en particulier, à la caution qui est la filiale de l’établissement de crédit qui a consenti un prêt au débiteur principal.

Il en résulte que l’établissement de crédit, au mépris de l’esprit du texte, peut, de fait, recouvrer sa créance par filiale interposée et, ainsi, en réalité, faire obstacle à la libération du débiteur dans un cas où cela ne se justifie pas. Tel était le cas soumis à la chambre commerciale dans un arrêt du 28 juin 2016 (Com., 28 juin 2016, pourvoi no 14-21.810, Bull. 2016, IV, no 98), mais, en l’état du texte, la Cour de cassation n’a pu que constater que « l’article L. 643-11, II, du code de commerce, qui autorise la caution qui a payé à la place du débiteur principal à le poursuivre, malgré la clôture de la liquidation judiciaire de celui-ci pour insuffisance d’actif, ne distingue pas selon que ce paiement est antérieur ou postérieur à l’ouverture de la procédure collective, ni suivant la nature, subrogatoire ou personnelle, du recours exercé par la caution ».

Il est donc proposé comme les années précédentes de modifier l’article L. 643-11, II, du code de commerce précité pour réserver le bénéfice de l’exception instituée par ce texte aux cautions personnes physiques et en exclure les personnes morales.

La direction des affaires civiles et du sceau relève que cette proposition de modification législative part du constat que, en pratique, la règle s’applique à la caution qui est la filiale de l’établissement de crédit qui a consenti un prêt au débiteur principal. Il ressort de la jurisprudence de la chambre commerciale qu’il s’agit d’un moyen permettant à l’établissement de crédit de recouvrer sa créance par filiale interposée, ce qui fait obstacle à la libération du débiteur. Cette solution a notamment été confirmée par un arrêt du 28 juin 2016 (Com., 28 juin 2016, pourvoi no 14-21.810, Bull. 2016, IV, no 98).

À cet égard, la direction des affaires civiles et du sceau a confié en 2016 au professeur Michel Grimaldi le soin de réunir un groupe de travail « afin qu’il identifie les améliorations susceptibles d’être apportées au livre quatrième du code civil, y compris les champs non couverts par la présente ordonnance, tels que le cautionnement ». Le droit des sûretés avait en effet fait l’objet d’une réforme d’ensemble par ordonnance du 23 mars 2006, à l’exclusion du droit du cautionnement et des privilèges, qui avaient été écartés de l’habilitation par le Parlement. Les propositions du groupe de travail ont été rendues publiques sur le site internet de l’Association Henri Capitant en septembre 2017. Ce projet de réforme du droit des sûretés comprend déjà plusieurs dispositions relatives à l’articulation entre le droit des sûretés et les procédures collectives. Il a été complété avec d’autres propositions de réformes portant sur cette articulation et le livre VI du code de commerce, à partir notamment des suggestions formulées par la Cour de cassation.

Des consultations ont été menées par la direction des affaires civiles et du sceau sur ce projet et sur l’articulation entre le droit des sûretés et le droit des procédures collectives. Le questionnaire soumis à consultation publique comprenait ainsi une question (no 5.15) relative au recours de la caution après clôture de la liquidation judiciaire, laquelle a suscité des réactions contrastées de la part des parties prenantes.

L’avant-projet de réforme du droit des sûretés dans son volet relatif à l’articulation avec le livre VI du code de commerce, soumis à consultation publique au début de l’année 2021, ne comprenait pas de disposition sur la reprise des poursuites de la caution. Il ressort en effet d’échanges antérieurs avec plusieurs répondants à la première consultation publique effectuée en 2019 que la suppression de la reprise des poursuites de la caution personne morale pourrait induire des effets de bord, lorsque cette personne morale n’est pas un établissement spécialisé dans ce type de garanties, outre le risque d’un renchérissement du coût du crédit lié à l’interdiction de la reprise des poursuites ici envisagée.

Sanction du défaut d’information annuelle de la caution

L’article L. 333-2 du code de la consommation dispose que le créancier professionnel fait connaître à la caution personne physique, au plus tard avant le 31 mars de chaque année, le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l’année précédente au titre de l’obligation garantie, ainsi que le terme de cet engagement, et rappelle, si l’engagement est à durée indéterminée, la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée. L’article L. 343-6 de ce code prévoit que, lorsqu’un créancier ne respecte pas ces obligations, la caution n’est pas tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retard échus depuis la précédente information jusqu’à la date de communication de la nouvelle information.

Cette sanction était auparavant prévue, dans les mêmes termes, par l’article L. 341-6 du même code, jusqu’à son abrogation par l’ordonnance no 2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation.

L’article L. 313-22 du code monétaire et financier dispose par ailleurs que les établissements de crédit ou les sociétés de financement ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l’année précédente au titre de l’obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement et, si l’engagement est à durée indéterminée, rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée. Le défaut d’accomplissement de cette formalité emporte, dans les rapports entre la caution et l’établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu’à la date de communication de la nouvelle information.

Dans l’hypothèse d’un cautionnement donné par une personne physique à un établissement de crédit ou une société de financement ayant accordé un concours financier à une entreprise, le créancier encourt donc la déchéance des pénalités ou intérêts de retard, selon les dispositions du code de la consommation, et la déchéance des intérêts, selon les dispositions du code monétaire et financier.

La chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation réitère sa proposition figurant aux Rapports depuis 2017 en vue d’harmoniser les deux sanctions en prévoyant dans l’article L. 313-22 du code monétaire et financier que le créancier encourt la déchéance des « intérêts contractuels et pénalités de retard ».

La DACS maintient comme l’année passée son avis favorable à une harmonisation des divers textes prévoyant des obligations d’information du créancier à destination de la caution, et observe à ce titre que cette proposition rejoint celle formulée par la première chambre civile.

Cette harmonisation a vocation à s’insérer dans le cadre de la réforme du droit des sûretés qui sera réalisée par ordonnance, en application de l’article 60 de la loi no 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (loi PACTE).

Aux multiples textes actuels sera substituée une obligation d’information unique, inscrite dans le code civil. L’avant-projet de réforme élaboré par l’Association Henri Capitant proposait ainsi un nouvel article 2303 du code civil :

« Le créancier professionnel est tenu, avant le 31 mars de chaque année, de faire connaître à toute caution personne physique le montant du principal de la dette et de ses accessoires restant dus au 31 décembre de l’année précédente, sous peine de déchéance des intérêts et accessoires échus depuis la date de la précédente information et jusqu’à celle de la communication de la nouvelle information. Dans les rapports entre le créancier et la caution, les paiements effectués pendant cette période sont imputés prioritairement sur le principal de la dette.

Si le cautionnement est à durée indéterminée, le créancier professionnel est, en outre, tenu de rappeler à la caution sa faculté de résiliation. »

Aux termes de son avant-projet d’ordonnance soumis à consultation publique au mois de décembre 2020, le gouvernement a proposé un nouvel article 2302 ainsi rédigé :

« Le créancier professionnel est tenu, avant le 31 mars de chaque année, de faire connaître à toute caution personne physique le montant du principal de la dette, des intérêts et autres accessoires restant dus au 31 décembre de l’année précédente au titre de l’obligation garantie, sous peine de déchéance de la garantie des intérêts et pénalités échus depuis la date de la précédente information et jusqu’à celle de la communication de la nouvelle information. Dans les rapports entre le créancier et la caution, les paiements effectués pendant cette période sont imputés prioritairement sur le principal de la dette.

Le créancier professionnel est tenu, sous la même sanction, de rappeler à la caution le terme de son engagement ou, si le cautionnement est à durée indéterminée, sa faculté de résiliation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci peut être exercée.

Le coût de réalisation de cette obligation légale est à la charge du créancier.

Le présent article est également applicable aux cautionnements souscrits par une personne morale envers un établissement de crédit ou une société de financement en garantie d’un concours financier accordé à une entreprise. »

La sanction consisterait ainsi en la déchéance de l’ensemble des intérêts et pénalités, mais seulement pour la période durant laquelle l’information n’a pas été fournie.

Banque

Action en responsabilité appartenant au Fonds de garantie des dépôts et de résolution – Proposition de modification de l’article L. 312-6 du code monétaire et financier

L’article L. 312-5 du code monétaire et financier prévoit que le Fonds de garantie des dépôts et de résolution agit soit à titre préventif lorsque la situation d’un établissement de crédit devient préoccupante quant à la disponibilité des fonds des clients, soit à titre « curatif » lorsqu’un établissement de crédit n’est plus en mesure de restituer les fonds des clients. Le Fonds met en œuvre le mécanisme de garantie des dépôts à la demande de l’Autorité de contrôle prudentiel et de régulation (ACPR).

L’article L. 312-6 du même code crée une action en responsabilité au profit du Fonds, à l’encontre des dirigeants de fait et de droit ainsi que, depuis la loi no 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires, à l’encontre des actionnaires, aux fins d’obtenir le remboursement de tout ou partie des sommes qu’il a versées au titre du mécanisme de garantie des dépôts.

Cependant, le législateur a omis de préciser les modalités procédurales de l’exercice de cette action.

Par un arrêt du 6 décembre 2005 (Com., 6 décembre 2005, pourvoi no 03-11.858, Bull. 2005, IV, no 239), la chambre commerciale, financière et économique a jugé qu’« il résulte des termes mêmes de la loi du 25 juin 1999 » (devenue l’article L. 312-6 du code monétaire et financier) « que le législateur a entendu conférer au Fonds le pouvoir d’exercer à l’encontre des dirigeants des établissements de crédit à l’origine de la situation ayant rendu nécessaire son intervention, fût-ce à titre préventif, toutes les actions en responsabilité déjà existantes, de sorte que l’action engagée ne se heurtait pas au principe » de non-rétroactivité des lois.

Les actions en responsabilité étant, selon la Cour de cassation, « déjà existantes », un deuxième débat concernant le délai dans lequel le Fonds peut agir ainsi que le point de départ de ce délai s’est ouvert.

Dans un arrêt du 30 mars 2010 (Com., 30 mars 2010, pourvoi no 08-17.841, Bull. 2010, IV, no 69), la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, faisant application des dispositions de l’article L. 225-254 du code de commerce, a retenu que le point de départ de la prescription triennale de l’action en responsabilité contre les dirigeants de droit devait être fixé à la date de la révélation du fait dommageable, dans une hypothèse où celui-ci avait été dissimulé.

La fixation du point de départ du délai de prescription au jour du fait dommageable ou, en cas de dissimulation, de sa révélation peut avoir pour effet de priver le Fonds de garantie des dépôts et de résolution de facto de toute possibilité de recouvrer les fonds versés, dans les cas notamment où ce délai serait déjà expiré au moment de leur versement.

Ainsi, dans l’espèce ayant donné lieu à un arrêt de la chambre commerciale, financière et économique en date du 9 janvier 2019 (Com., 9 janvier 2019, pourvoi no 16-23.675), il a été jugé que la prescription de trois ans avait commencé à courir au jour des faits dommageables, soit en mai 1996. Le Fonds n’ayant versé les sommes à l’établissement concerné qu’en 2000, il apparaît que l’action en responsabilité dont il disposait était déjà prescrite à cette date.

Cet arrêt illustre les difficultés de mise en œuvre de l’action prévue par l’article L. 312-6 du code monétaire et financier, à défaut de règles spécifiques de prescription régissant cette action.

La chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation réitère comme l’année passée sa suggestion de modifier l’article L. 312-6 du code monétaire et financier afin que des règles spécifiques de prescription soient fixées s’agissant de l’action en responsabilité prévue par cette disposition.

La direction des affaires civiles et du sceau avait indiqué au Rapport 2018 ne pas être opposée à la création d’un délai de prescription spécifique à l’action en responsabilité du Fonds contre le dirigeant. Cette suggestion n’ayant néanmoins pas été suivie d’effet, il convient de la maintenir.

La DACS réitère n’être toujours pas opposée à la création d’un délai de prescription spécifique, mais que cette question relève du ministère de l’économie, des finances et de la restructuration.

Procédures collectives

Cession « Dailly » consentie à titre de garantie pendant la période suspecte

L’article L. 632-1 du code de commerce dispose que sont nuls de plein droit, lorsqu’ils sont intervenus depuis la date de cessation des paiements, d’une part, « tout paiement, quel qu’en ait été le mode, pour dettes non échues au jour du paiement » (3o) et, d’autre part, « toute hypothèque conventionnelle, toute hypothèque judiciaire ainsi que l’hypothèque légale des époux et tout droit de nantissement ou de gage constitués sur les biens du débiteur pour dettes antérieurement contractées » (6o).

La chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation a jugé que la cession de créances professionnelles par bordereau Dailly effectuée à titre de garantie n’est pas une constitution d’un droit de nantissement sur un bien du débiteur (Com., 28 mai 1996, pourvoi no 94-10.361, Bull. 1996, IV, no 151) et ne constitue pas un paiement (Com., 22 mars 2017, pourvoi no 15-15.361, Bull. 2017, IV, no 43), de sorte qu’une telle garantie consentie pendant la période suspecte échappe à la nullité prévue par les dispositions précitées.

La chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation maintient sa proposition figurant au Rapport 2018 de remplacer la liste des garanties énoncée par l’article L. 632-1, 6o, du code de commerce par les termes : « toute garantie constituée sur les biens du débiteur pour dettes antérieurement contractées ».

La direction des affaires civiles et du sceau observe que la situation du créancier cessionnaire « Dailly » suppose de distinguer selon que la cession de créances professionnelles a été opérée sous forme de cession « Dailly » – escompte ou de cession « Dailly » – garantie.

Dans la cession « Dailly » conclue à titre d’escompte, le créancier cessionnaire acquiert les créances et, par le paiement du prix, fournit au client cédant de la trésorerie. Il s’agit d’une opération de crédit. Dans la cession « Dailly » conclue à titre de garantie, le créancier cessionnaire consent un crédit à son client, sans lien direct avec les créances professionnelles cédées. Cette cession à titre de garantie présente la particularité de pouvoir être effectuée sans prix (article L. 313-24 du code monétaire et financier). Les créances sont cédées au banquier jusqu’à ce que le crédit soit remboursé. Il s’agit ici d’une garantie et non d’une opération de crédit qui échappe à la nullité de droit de la période suspecte du paiement pour dettes non échues, prévue au 3o du I de l’article L. 632-1 du code de commerce.

Il convient donc de s’interroger sur l’opportunité de maintenir un tel régime de faveur pour le créancier cessionnaire « Dailly » à titre de garantie, par rapport aux créanciers bénéficiaires d’une des sûretés listées au 6o du I de l’article L. 632-1 (hypothèque, nantissement ou gage).

La proposition de la Cour de cassation présente a priori le mérite d’adopter un même régime pour l’ensemble des « garanties » conclues pendant la période suspecte.

Toutefois, la référence à la notion de « garantie », si elle est source d’unité, risque d’engendrer des difficultés d’interprétation quant à son champ d’application. Cette notion de « garantie » regroupe en outre potentiellement tous les avantages procurés à un créancier dans le but de faire face au défaut de son débiteur, comme le crédit-bail ou l’assurance-crédit. Or, il n’est pas certain qu’il soit opportun d’inscrire une règle identique pour toutes ces garanties contractuelles dont une liste exhaustive ne peut être dressée, sans distinction.

La cession « Dailly » conclue à titre de garantie présente en outre des similitudes avec la fiducie. Les deux garanties constituent deux formes de propriété-sûreté. La fiducie connaît, à ce titre, un régime spécifique en période suspecte (aux 9o et 10o du I de l’article L. 632-1 du code de commerce). Tout transfert de biens ou de droits dans un patrimoine fiduciaire est nul lorsqu’il est intervenu depuis la date de cessation des paiements, à moins que ce transfert ne soit intervenu à titre de garantie d’une dette concomitamment contractée. Seule la fiducie-sûreté conclue en garantie d’un nouveau financement échappe ainsi à la nullité de la période suspecte.

L’avant-projet de réforme du droit des sûretés, dans son volet relatif à l’articulation avec le livre VI du code de commerce, soumis à consultation publique au début de l’année 2021, prévoit de modifier le 6o de l’article L. 632-1 du code de commerce pour remplacer l’énumération actuelle par toute sûreté réelle conventionnelle constituée sur les biens du débiteur pour dettes antérieurement contractées. Une telle modification étendrait l’application de cet alinéa à la cession « Dailly » et plus généralement à toutes les sûretés réelles conventionnelles.

Pourvoi du ministère public contre une décision statuant sur la durée de la période d’observation

En matière de sauvegarde, il résulte de l’article L. 621-3 du code de commerce (applicable au redressement judiciaire en vertu de l’article L. 631-7 du même code) que « le jugement ouvre une période d’observation d’une durée maximale de six mois qui peut être renouvelée une fois, pour une durée maximale de six mois, par décision motivée à la demande de l’administrateur, du débiteur ou du ministère public » et il est ajouté qu’« elle peut en outre être exceptionnellement prolongée à la demande du procureur de la République par décision motivée du tribunal pour une durée maximale de six mois ».

Il ressort des éléments parvenus à la connaissance de la Cour de cassation de manière informelle que dans d’assez nombreux tribunaux de commerce des prolongations exceptionnelles au-delà d’un an interviennent sans demande du procureur de la République, voire contre son avis exprès. Le plus souvent, le tribunal est saisi par l’administrateur, mais se saisit parfois d’office. Cette pratique peut trouver une justification dans un arrêt de la chambre commerciale, financière et économique du 10 juin 2008 (Com., 10 juin 2008, pourvoi no 07-17.043, Bull. 2008, IV, no 115) qui a jugé que ni la loi, ni son décret d’application ne sanctionnent le dépassement des délais de la période d’observation, non plus que sa prolongation exceptionnelle en l’absence de demande du procureur de la République.

Cette pratique des tribunaux de commerce prend à revers plusieurs évolutions majeures de la législation des procédures collectives : célérité de la procédure, rôle régulateur du ministère public et interdiction de la saisine d’office.

S’il ne paraît pas nécessaire que le législateur l’ait prévue pour qu’une violation de la loi encoure la censure de la Cour de cassation, cette pratique est néanmoins difficile à faire sanctionner par la Cour, car il résulte du jeu combiné des articles L. 661-6 et L. 661-7 du code de commerce qu’il n’est pas possible (même pour le ministère public) de se pourvoir contre les décisions statuant sur la durée de la période d’observation (la question de la recevabilité du pourvoi n’avait pas été posée dans le dossier qui a abouti à la décision du 10 juin 2008, pourvoi no 07-17.043, précitée).

Conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, le pourvoi reste possible en cas d’excès de pouvoir. Mais la chambre commerciale, financière et économique de la Cour considère que le tribunal qui prolonge exceptionnellement, pour une durée n’excédant pas six mois, la période d’observation en l’absence de demande du ministère public ou en dépit de l’opposition de celui-ci ne commet pas d’excès de pouvoir. Elle a donc déclaré irrecevable le pourvoi formé par le ministère public à l’encontre d’un arrêt de cour d’appel ayant refusé d’annuler un jugement statuant en ce sens (Com., 13 décembre 2017, pourvoi no 16-50.051, Bull. 2017, IV, no 166).

La chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation réitère donc comme depuis 2018 sa suggestion de dire dans l’article L. 661-7 du code de commerce (alinéa 2) que « le pourvoi en cassation n’est ouvert qu’au ministère public à l’encontre des arrêts rendus en application du I-2o de l’article L. 661-6 », le reste inchangé.

La direction des affaires civiles et du sceau rappelle que, à l’instar du redressement judiciaire, l’ouverture d’une procédure de sauvegarde permet au débiteur de bénéficier durant la période d’observation d’une protection très étendue. La durée de la période d’observation doit être ainsi strictement encadrée et limitée dans le temps afin de respecter la concurrence. Il est également nécessaire d’éviter des délais excessifs pendant lesquels l’entreprise continue de générer du passif sans perspective de redressement.

Au niveau européen, la volonté de célérité des procédures préventives comme la sauvegarde est également un des objectifs de la directive (UE) 2019/1023 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 dite « restructuration et insolvabilité » (article 6.8) qui limite à douze mois la durée totale de la période de suspension des poursuites, prolongations et renouvellements compris.

La loi confère au procureur de la République, garant de l’ordre public économique, dont le rôle et les facultés de recours ont été systématiquement renforcés au cours des dernières réformes, le pouvoir exclusif de solliciter la prorogation exceptionnelle de la période d’observation. Il s’agit d’une disposition légale impérative. Tout autre mode de saisine (par l’administrateur ou d’office du tribunal) doit être considéré comme irrégulier.

La violation de la loi dans les décisions des cours d’appel qui auraient passé outre l’absence de demande du ministère public (ou auraient approuvé la juridiction de première instance qui aurait fait de même) doit pouvoir être sanctionnée.

La chancellerie est donc favorable à la proposition tendant à ouvrir au ministère public le pourvoi en cassation contre les décisions rendues par les cours d’appel statuant sur la durée de la période d’observation.

Une telle proposition de réforme est actuellement à l’étude dans le cadre de la préparation de la transposition de la directive « restructuration et insolvabilité » à laquelle le gouvernement est habilité à procéder par ordonnance sur habilitation de l’article 196 de la loi PACTE.

Procédures collectives – Distinction de l’irrecevabilité de la déclaration de créance et du rejet de la créance

Lorsqu’un débiteur est soumis à une procédure collective (sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire), l’article L. 622-24 du code de commerce impose en principe à son créancier de déclarer sa créance au passif dans un certain délai, afin d’être admis dans les répartitions et dividendes susceptibles d’intervenir dans le cadre de cette procédure. Il appartient ensuite au juge-commissaire de statuer sur le sort de cette créance, en application de l’article L. 624-2 du code de commerce. Ce texte dispose, à l’instar de l’ancien article L. 621-104, qu’ « au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire décide de l’admission ou du rejet des créances ou constate soit qu’une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence », l’ordonnance no 2014-326 du 12 mars 2014 ayant ajouté qu’ « En l’absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l’a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d’admission. »

Sous l’empire de la législation antérieure à la loi no 2005-845 du 26 juillet 2015 de sauvegarde des entreprises (article 53 de la loi no 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises, devenu l’ancien article L. 621-46 du code de commerce), la Cour de cassation jugeait que la déclaration de créance irrégulière (notamment en raison du défaut de pouvoir du déclarant) valait absence de déclaration, ce qui emportait extinction de la créance.

Depuis la loi de sauvegarde des entreprises, la créance non déclarée est non plus éteinte, mais inopposable à la procédure collective (article L. 622-26 du code de commerce). La créance non déclarée continue par conséquent d’exister (v. par ex. : Com., 3 novembre 2010, pourvoi no 09-70.312, Bull. 2010, IV, no 165 ; Com., 8 septembre 2015, pourvoi no 14-15.831, Bull. 2015, IV, no 126 ; Com., 6 juin 2018, pourvoi no 16-23.996, Bull. 2018, IV, no 69), de sorte qu’elle est opposable à la caution (Com., 12 juillet 2011, pourvoi no 09-71.113, Bull. 2011, IV, no 118).

Et lorsque la déclaration de créance est irrégulière, la Cour de cassation, reconduisant la jurisprudence antérieure, juge que l’article L. 624-2 du code de commerce « ne distingue pas entre les différents motifs de rejet d’une créance déclarée, de sorte que la décision par laquelle le juge-commissaire retient qu’une créance a été irrégulièrement déclarée et ne peut être admise au passif est, au sens du texte précité, une décision de rejet de la créance » (Com., 4 mai 2017, pourvoi no 15-24.854, Bull. 2017, IV, no 65).

La Cour de cassation en a déduit que cela entraîne l’extinction de la sûreté qui garantissait la créance (Com., 4 mai 2017, précité) et que la caution peut se prévaloir de l’absence de déclaration régulière de la créance (Com., 17 mai 2017, pourvoi no 15-25.802).

Cette jurisprudence, qui assimile l’irrecevabilité de la déclaration de créance et le rejet de la créance, trouve son origine dans la rédaction même de l’article L. 624-2 du code de commerce, précité, qui prévoit que le juge-commissaire ne peut prendre que trois types de décision : une décision de rejet de la créance déclarée, une décision d’admission de cette créance ou une décision d’incompétence, sans prévoir que ce juge puisse déclarer irrecevable une déclaration de créance irrégulière.

De nombreux auteurs ont critiqué cette jurisprudence, et ce pour deux séries de raisons. D’abord, selon les principes régissant la procédure civile, lorsqu’une prétention est jugée irrecevable, il est fait interdiction au juge d’examiner cette prétention sur le fond. Ainsi, au cas particulier de la déclaration de créance, si le juge-commissaire constate l’irrégularité de la déclaration de créance en raison d’une fin de non-recevoir (défaut de qualité ou de pouvoir du déclarant, notamment) ou d’une exception de nullité, ce juge ne statue pas sur le fond de la créance ; il se prononce seulement sur un moyen de défense en application de ses pouvoirs généraux de juge. Ensuite et surtout, cette jurisprudence aboutit à ce que le créancier qui ne déclare pas sa créance soit mieux traité que le créancier qui a mal déclaré sa créance, puisque, dans la première hypothèse, la créance n’étant pas considérée comme rejetée, le créancier peut toujours actionner la caution de son débiteur défaillant.

Il conviendrait, dès lors, de modifier l’article L. 624-2 du code de commerce afin de préciser explicitement que, parmi les pouvoirs du juge-commissaire statuant en matière de vérification du passif, se trouve le pouvoir de dire irrecevable une déclaration de créance irrégulière et que, dans ce cas, cette irrecevabilité n’équivaut pas à un rejet de la créance emportant, pour le créancier, la perte des sûretés qui pouvaient garantir sa créance.

Malgré l’avis favorable de la DACS en 2019 cette suggestion n’a pas été suivie d’effet, il convient donc de la réitérer pour l’année 2020.

La DACS rappelle que la loi PACTE habilite le gouvernement à transposer la directive (UE) 2019/1023 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 dite « restructuration et insolvabilité ». Le choix a été effectué de transposer le titre II de cette directive sur les cadres de restructuration préventive en procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire.

La prise en compte des droits et intérêts des différents créanciers appelés à voter sur le projet de plan de restructuration par classes de créanciers implique de s’assurer en amont d’une clarté du dispositif de déclaration de créances et des conséquences qui sont susceptibles d’en être tirées pour les créanciers, en particulier s’agissant des sûretés dont ils bénéficient.

Un bilan du dispositif de la déclaration de créances et des dernières réformes pourrait en outre être opportunément réalisé à l’occasion de ces travaux de transposition.

La différence de traitement entre le créancier qui n’a pas déclaré sa créance et celui qui l’a mal déclarée n’apparaît pas justifiée. Une modification de l’article L. 624-2 du code de commerce dans le sens proposé par la Cour de cassation est d’ores et déjà à l’étude dans le cadre de la préparation des projets d’ordonnances et a été soumise à la consultation publique ouverte au début de l’année 2021.

Procédures collectives – Responsabilité pour insuffisance d’actif – Négligence

La responsabilité pour insuffisance d’actif est, aux termes de l’article L. 651-1 du code de commerce, applicable « aux dirigeants d’une personne morale de droit privé soumise à une procédure collective, ainsi qu’aux personnes physiques représentants permanents de ces dirigeants personnes morales et aux entrepreneurs individuels à responsabilité limitée ». Cette responsabilité ne concerne donc pas uniquement les dirigeants de sociétés, mais aussi, par exemple, les dirigeants d’associations.

L’article L. 651-2, alinéa 1, de ce code définit les conditions de mise en œuvre de la responsabilité pour insuffisance d’actif, laquelle est conditionnée à la constatation d’une « faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif ». Cependant, afin d’éviter la condamnation d’un dirigeant en cas de faute de « simple négligence », la loi no 2016- 1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique y a ajouté cette précision : « Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l’insuffisance d’actif ne peut être engagée. »

La portée de cette modification législative suscite une difficulté d’interprétation en ce que l’on pourrait se demander si l’intention du législateur est que seul le dirigeant d’une société puisse bénéficier de ces nouvelles dispositions, de sorte que la faute de simple négligence du dirigeant d’une personne morale autre qu’une société (telle une association) pourrait, au contraire, être retenue. Si, au contraire, l’intention du législateur est que cette modification législative profite à tous les dirigeants, quelle que soit la personne morale concernée, il conviendrait de modifier la fin de l’article L. 651-2, alinéa 1er, en évoquant la simple négligence « dans la gestion de la personne morale. »

La DACS rappelle que la loi no 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique a modifié l’article L. 651-2 du code de commerce afin d’introduire une atténuation dans l’appréciation de la gravité de la faute, condition de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif du dirigeant. En cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l’insuffisance d’actif ne peut ainsi être engagée.

Le premier alinéa issu de cette dernière réforme tend néanmoins, dans sa rédaction actuelle, à engendrer une confusion dès lors qu’il est fait référence à la liquidation judiciaire d’une personne morale puis à « la simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société ».

Il n’existe pas a priori de raison d’exclure les dirigeants des personnes morales autres que les sociétés, telles les associations, du bénéfice de cette réforme. La DACS a par conséquent proposé une modification législative de cet article pour une application, sans distinction, à l’ensemble des dirigeants des personnes morales concernées. Cette modification a été soumise à consultation publique au début de l’année 2021, en même temps que l’avant-projet d’ordonnance relative à la transposition de la directive « restructuration et insolvabilité ».

B. Suggestions nouvelles

La chambre commerciale, financière et économique n’a pas de suggestions nouvelles à formuler pour l’année 2020.

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