Rapport annuel 2020 de la Cour de cassation (III. PROPOSITIONS DE RÉFORME EN MATIÈRE CIVILE POUR LA TROISIÈME CHAMBRE CIVILE)

Rapport annuel

Ouvrage de référence dans les milieux judiciaire et universitaire, le Rapport de la Cour de cassation est aussi un précieux instrument de travail pour les praticiens du droit. Le Rapport 2020 comporte des suggestions de modifications législatives ou réglementaires, ainsi que l’analyse des principaux arrêts et avis ayant été rendus, tout au long de l’année, dans les différentes branches du droit privé. Le Rapport présente également, de manière détaillée, l’activité juridictionnelle et extra-juridictionnelle de la Cour de cassation, ainsi que celle des juridictions et commissions instituées auprès d’elle.

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Rapport annuel 2020 de la Cour de cassation (III. PROPOSITIONS DE RÉFORME EN MATIÈRE CIVILE POUR LA TROISIÈME CHAMBRE CIVILE)

III. PROPOSITIONS DE RÉFORME EN MATIÈRE CIVILE POUR LA TROISIÈME CHAMBRE CIVILE

A. Suivi des suggestions de réforme

Bail commercial

Restitution du dépôt de garantie

En matière commerciale, en cas de vente des locaux loués, la restitution du dépôt de garantie incombe au bailleur originaire et ne se transmet pas à son ayant cause particulier (voir, notamment, 3e Civ., 30 janvier 1979, pourvoi no 77-12.349, Bull. 1979, III, no 27 ; 3e Civ., 16 mai 2000, pourvoi no 98-20.458 ; 3e Civ., 25 février 2004, pourvoi no 02-16.589, Bull. 2004, III, no 37).

Or, c’est la règle inverse qui s’applique en matière de baux d’habitation : aux termes de l’alinéa 8 de l’article 22 de la loi no 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi no 86-1290 du 23 décembre 1986, introduit par la loi no 2009-323 du 25 mars 2009 dite de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, c’est le propriétaire au jour du terme du bail qui est débiteur de la restitution. La restitution du dépôt de garantie incombe donc au nouveau bailleur, peu important que l’ancien bailleur l’ait ou non transféré à son successeur ou que le locataire en ait été ou non avisé.

La troisième chambre civile de la Cour de cassation a ainsi jugé récemment que, « en cas de vente de locaux donnés à bail commercial, la restitution du dépôt de garantie incombe au bailleur originaire et ne se transmet pas à son ayant cause à titre particulier » (3e Civ., 28 juin 2018, pourvoi no 17-18.100).

La solution applicable en matière de bail commercial est discutable sur le plan pratique dès lors que les baux sont généralement anciens et que les biens font fréquemment l’objet de cession, de sorte que le locataire qui quitte les lieux peut être confronté à des difficultés pour obtenir la restitution de son dépôt de garantie.

Il est donc suggéré, comme proposé depuis le Rapport 2018, d’aligner le régime de restitution du dépôt de garantie en matière de bail commercial sur celui qui existe en matière de bail d’habitation.

Dans le Rapport 2019 la DACS indiquait que la proposition formulée par la Cour de cassation apparaissait pouvoir être retenue, après avis préalable de la direction générale des entreprises du ministère de l’économie. Cette année, la DACS n’a pas fait connaître sa position sur cette suggestion.

Condition de ressources en cas de pluralité de locataires

Article 15, III, de la loi nº 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi nº 86-1290 du 23 décembre 1986

Ce texte est ainsi rédigé :

Le bailleur ne peut s’opposer au renouvellement du contrat en donnant congé dans les conditions définies au paragraphe I ci-dessus à l’égard de tout locataire âgé de plus de soixante-cinq ans et dont les ressources annuelles sont inférieures à un plafond de ressources en vigueur pour l’attribution des logements locatifs conventionnés fixé par arrêté du ministre chargé du logement, sans qu’un logement correspondant à ses besoins et à ses possibilités lui soit offert dans les limites géographiques prévues à l’article 13 bis de la loi no 48-1360 du 1er septembre 1948 précitée. Le présent alinéa est également applicable lorsque le locataire a à sa charge une personne de plus de soixante-cinq ans vivant habituellement dans le logement et remplissant la condition de ressources précitée et que le montant cumulé des ressources annuelles de l’ensemble des personnes vivant au foyer est inférieur au plafond de ressources déterminé par l’arrêté précité. »

La condition du cumul des ressources de la « personne à charge » et du locataire est expressément prévue par le texte à la suite d’une décision d’inconstitutionnalité. Le Conseil constitutionnel (Cons. const., 20 mars 2014, décision no 2014-691 DC, Loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové) a en effet considéré qu’en instituant une telle protection, sans prendre en compte l’addition des ressources du locataire et de la personne à sa charge, ces dispositions permettent que le propriétaire soit, dans certains cas, appelé à supporter une charge telle que l’égalité devant les charges publiques se trouverait méconnue.

Elle ne l’est pas en revanche pour les cotitulaires du bail, l’article 15, III, de la loi précitée disposant toujours que la protection s’applique à l’égard de « tout locataire âgé de plus de soixante-cinq ans et dont les ressources annuelles sont inférieures à un plafond de ressources ».

Une telle rédaction invite donc à la prise en compte des revenus du seul locataire âgé de plus de soixante-cinq ans, ce que décidait la jurisprudence.

La troisième chambre civile a été saisie d’une question prioritaire de constitutionnalité ainsi posée (3e Civ., 20 juin 2019, QPC no 19-40.009) :

« L’article 15 III de la loi no 89-462 du 6 juillet 1989 et la jurisprudence du juge judiciaire faisant corps avec cette disposition qui précise qu’il convient de prendre en compte les revenus de chacun des époux séparément pour calculer les ressources du locataire âgé bénéficiant de la protection instituée par cet article sont-ils conformes à la Constitution, en particulier à l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui garantit le principe d’égalité devant les charges publiques ? »

La troisième chambre civile a répondu que la jurisprudence évoquée n’avait pas été rendue sur le fondement de l’article 15, III, dans sa rédaction issue de la loi no 2014- 366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, qui a modifié les conditions de ressources du locataire.

En effet, la loi du 24 mars 2014 précitée a modifié le plafond de ressources, qui est désormais fixé par référence au « plafond de ressources en vigueur pour l’attribution des logements locatifs conventionnés fixé par arrêté du ministre chargé du logement ». Ce plafond est défini par catégories de ménages et implique la prise en considération des revenus cumulés du ménage.

La question de l’articulation entre la lettre de l’article 15, III, de la loi no 89-462 du 6 juillet 1989 qui invite à une prise en considération individuelle des ressources de chacun des locataires et la détermination du nouveau plafond de ressources par référence aux revenus cumulés du ménage, risque de poser une difficulté, dont on ignore à ce jour comment elle sera résolue par la jurisprudence.

Il pourrait paraître opportun de modifier l’article 15, III, de la loi no 89-462 du 6 juillet 1989 afin de préciser comment doit être appréciée la condition de ressources en cas de pluralité de locataires, ce qui restituerait sa cohérence à ce texte qui, d’un côté, invite à prendre en considération la situation de « tout locataire […] dont les ressources… », ce qui implique la prise en considération individualisée de sa situation, de l’autre côté, renvoie à un plafond qui implique de prendre en considération les revenus du ménage, donc de tous les cotitulaires du bail.

Cette suggestion proposée au Rapport annuel 2019 n’ayant pas été suivie d’effet, il convient de la maintenir.

La DACS est d’avis qu’en l’état du texte, la conjonction d’une appréciation individuelle de l’éligibilité à la protection légale et d’un renvoi à des plafonds de ressources déterminés selon la taille du ménage entraîne une difficulté de compréhension et d’application de la mesure.

Dans l’hypothèse d’un titulaire de bail non éligible à titre personnel, qui prend à charge à son domicile une personne âgée remplissant les conditions d’éligibilité, le Conseil constitutionnel a considéré que les ressources de ce locataire devaient être prises en compte pour apprécier son éligibilité, sauf à méconnaître le principe d’égalité devant les charges publiques. Il peut s’en déduire qu’au stade de l’appréciation du niveau de ressources de la personne âgée à charge, les revenus des autres membres du foyer n’étaient donc pas pris en compte. De la même façon, on pourrait estimer que les revenus de la personne âgée titulaire d’un bail et sollicitant la protection doivent être appréciés par référence au plafond de ressources d’un ménage de catégorie 1, sans prise en compte des revenus de ses cotitulaires.

La DACS souligne que cela ne ressort toutefois nullement des textes puisqu’il est simplement renvoyé au « plafond de ressources en vigueur pour l’attribution des logements locatifs conventionnés fixé par arrêté du ministre chargé du logement ».

La DACS considère que la rédaction mériterait donc d’être clarifiée quant à la catégorie de ménage à retenir pour la mise en œuvre de la protection primaire, afin d’en assurer l’intelligibilité et la cohérence avec la protection secondaire.

Cette question doit être soumise à l’analyse de la DHUP, celle-ci entrant pleinement dans leur champ de compétence.

B. Suggestions nouvelles

Pas de suggestions nouvelles en 2020.

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