Rapport annuel 2020 de la Cour de cassation (II. PROPOSITIONS DE RÉFORME EN MATIÈRE CIVILE POUR LA DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE)

Rapport annuel

Ouvrage de référence dans les milieux judiciaire et universitaire, le Rapport de la Cour de cassation est aussi un précieux instrument de travail pour les praticiens du droit. Le Rapport 2020 comporte des suggestions de modifications législatives ou réglementaires, ainsi que l’analyse des principaux arrêts et avis ayant été rendus, tout au long de l’année, dans les différentes branches du droit privé. Le Rapport présente également, de manière détaillée, l’activité juridictionnelle et extra-juridictionnelle de la Cour de cassation, ainsi que celle des juridictions et commissions instituées auprès d’elle.

Rapport annuel

Rapport annuel 2020 de la Cour de cassation (II. PROPOSITIONS DE RÉFORME EN MATIÈRE CIVILE POUR LA DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE)

II. PROPOSITIONS DE RÉFORME EN MATIÈRE CIVILE POUR LA DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

A. Suivi des suggestions de réforme

Aide juridictionnelle

L’article 16 de la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique dispose que le bureau établi près la Cour de cassation est présidé par un magistrat du siège de cette Cour en activité ou honoraire.

Les membres désignés du bureau, choisis par la Cour de cassation, peuvent, en revanche, ne pas être des magistrats du siège dès lors que les textes applicables n’ont pas exigé cette qualité. L’article 19 du décret no 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique dispose, en effet, que :

« Les membres des bureaux d’aide juridictionnelle choisis par la Cour de cassation et par le Conseil d’État, les avocats et officiers publics ou ministériels membres des bureaux d’aide juridictionnelle peuvent être choisis parmi les magistrats honoraires à la Cour de cassation, les membres honoraires du Conseil d’État, les avocats honoraires et les officiers publics ou ministériels honoraires. »

Au sein des bureaux d’aide juridictionnelle peuvent être créées des divisions en fonction du volume des demandes à traiter. L’article 8 du décret no 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique prévoit, en effet, que les bureaux d’aide juridictionnelle peuvent comporter des divisions si le nombre des affaires l’exige. Il indique, in fine, que les dispositions concernant les bureaux ainsi que leurs présidents et membres sont applicables à chaque division, à l’exception de celles du premier alinéa de l’article 22, lequel vise le traitement des demandes ne présentant manifestement pas de difficulté sérieuse.

La loi ne contient, quant à elle, aucune disposition spécifique sur la qualité des présidents des divisions, de sorte que cette dernière est déterminée par les seules dispositions réglementaires ci-avant mentionnées.

La lecture combinée des dispositions de l’article 8 du décret du 19 décembre 1991 précité et de celles de l’article 16 de la loi du 10 juillet 1991 précité auxquelles il renvoie en visant les dispositions relatives aux présidents et membres des bureaux implique ainsi que chaque division soit présidée, comme le bureau lui-même, par un magistrat du siège de la Cour de cassation, en activité ou honoraire.

Or rien ne paraît légitimer une telle distinction, pour la présidence des divisions, entre les magistrats du siège de la Cour de cassation et ceux du parquet général, les uns comme les autres pouvant indifféremment être choisis par la Cour pour en être membres et y exercer les responsabilités de cette fonction.

Dans ces conditions, il a été suggéré en 2017 d’opérer une modification de l’article 8 du décret no 91-1266 du 19 décembre 1991 précité. Celui-ci pourrait être ainsi rédigé :

« Les bureaux d’aide juridictionnelle ou les sections de bureau peuvent comporter des divisions si le nombre des affaires l’exige.

La création de divisions au sein d’un bureau ou d’une section de bureau est décidée, selon le cas, par l’autorité compétente en vertu des articles 10 et 11 pour nommer le président du bureau ou d’une section de bureau.

La décision portant création de divisions au sein d’un bureau ou d’une section de bureau désigne celui des présidents de ces divisions qui exerce la fonction de président du bureau ou de la section de bureau.

Les dispositions concernant les bureaux et les sections de bureau ainsi que leurs présidents et membres sont applicables à chaque division, à l’exception de celles du premier alinéa de l’article 22. Toutefois, les divisions créées au sein du bureau établi près la Cour de cassation sont présidées par un magistrat de cette Cour en activité ou honoraire. »

Si la direction des affaires civiles et du sceau indiquait alors que, pour résoudre la difficulté identifiée et permettre aux membres du parquet général de la Cour de présider une division il paraissait possible de modifier le décret du 19 décembre 1991, il faut relever que non seulement aucune évolution n’a été constatée en ce sens, mais qu’au contraire ce décret a été remplacé par le décret no 2020-1717 du 28 décembre 2020 portant application de la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique et relatif à l’aide juridictionnelle et à l’aide à l’intervention de l’avocat dans les procédures non juridictionnelles, lequel ne procède, sur la question considérée, à aucune modification. Il convient donc cette année encore de maintenir cette proposition, voire de suggérer, si nécessaire, que la modification envisagée soit insérée dans la loi du 10 juillet 1991 elle-même, ce que la réforme de l’aide juridictionnelle en cours pourrait être l’occasion de mettre en œuvre.

La direction des affaires civiles et du sceau n’a pas fait connaître cette année sa position sur ce point.

Droit des assurances

Réforme de l’article L. 114-2 du code des assurances : alignement du délai de prescription du droit des assurances sur le délai de droit commun

Le code des assurances déroge au délai de prescription de droit commun de cinq ans prévu par l’article 2224 du code civil pour retenir, aux termes de son article L. 114-1, que toutes les actions dérivant du contrat d’assurance sont prescrites par deux ans à compter de l’événement qui y donne naissance. Mode d’extinction de l’obligation, cette prescription permet à l’assureur de se libérer envers l’assuré resté inactif pendant deux ans.

L’article R. 112-1 du code des assurances impose de rappeler ce délai très court dans les polices d’assurance.

Pour rendre effective cette obligation d’information pesant sur l’assureur, et ainsi protéger l’assuré, la Cour de cassation a été amenée à préciser la sanction de cette obligation et son contenu. En effet, à défaut d’avoir satisfait à l’obligation prévue à l’article R. 112-1 précité, l’assureur ne peut opposer à l’assuré cette prescription (2e Civ., 2 juin 2005, pourvoi no 03-11.871, Bull. 2005, II, no 141). De plus, pour satisfaire à l’obligation, les polices doivent indiquer les différents points de départ du délai de prescription qui sont cités à l’article L. 114-1 précité (2e Civ., 28 avril 2011, pourvoi no 10-16.403, Bull. 2011, II, no 92 ; 3e Civ., 28 avril 2011, pourvoi no 10-16.269, Bull. 2011, III, no 60), et elles doivent mentionner les causes d’interruption de la prescription citées à l’article L. 114-2 du code des assurances (2e Civ., 3 septembre 2009, pourvoi no 08-13.094, Bull. 2009, II, no 201 ; 3e Civ., 16 novembre 2011, pourvoi no 10-25.246, Bull. 2011, III, no 195) mais aussi les causes ordinaires d’interruption de la prescription (2e Civ., 18 avril 2013, pourvoi no 12-19.519, Bull. 2013, II, no 83).

Le législateur a, par la loi no 89-1014 du 31 décembre 1989 portant adaptation du code des assurances à l’ouverture du marché européen, fait échapper à cette prescription biennale, pour la porter à dix ans, les contrats d’assurance sur la vie lorsque le bénéficiaire est une personne distincte du souscripteur et, dans les contrats d’assurance contre les accidents atteignant les personnes, lorsque les bénéficiaires sont les ayants droit de l’assuré décédé. Mais il n’a pas, lors de la réforme du droit des prescriptions par la loi no 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, modifié ce régime qui demeure dérogatoire au droit commun qu’il instituait.

Le contentieux en la matière est abondant et gagnerait en simplicité si la prescription en matière d’assurance répondait au régime unifié aujourd’hui codifié aux articles 2219 et suivants du code civil et, pour le délai, à celui de cinq ans prévu à l’article 2224 de ce code pour les actions personnelles ou mobilières. Cet allongement améliorerait la protection des assurés qui, aujourd’hui, se laissent surprendre par le délai, notamment parce qu’ils ne mesurent pas que les pourparlers avec l’assureur ne suspendent pas la prescription.

Cette dernière difficulté a donné lieu à onze reprises depuis 1990, la dernière au Rapport annuel de 2012, à une suggestion de réforme de l’article L. 114-2 du code des assurances précité qui n’a pas été suivie d’effet. Au regard des conséquences des manquements aux exigences de l’information de l’assuré, qui fait désormais peser sur l’assureur l’obligation de mentionner précisément et complètement dans la police les règles du régime de la prescription applicable sous peine de s’exposer à l’inopposabilité de celle-ci, il y a lieu de s’interroger sur l’opportunité de maintenir le régime spécial de prescription en matière d’assurance tant quant à sa durée que pour les causes d’interruption et l’obligation d’information.

En l’absence de modification du texte malgré l’avis favorable émis par la direction des affaires civiles et du sceau à l’occasion de la publication du Rapport annuel depuis 2018, il convient de maintenir la présente suggestion d’aligner le délai de prescription du droit des assurances sur le délai de droit commun afin que les assurés ne se laissent plus surprendre par la brièveté du délai de deux ans de la prescription.

La DACS est favorable à cette proposition, dans la mesure où le délai de deux ans prescrit par l’article L. 114-2 du code des assurances n’est pas suspendu par les pourparlers entre l’assureur et l’assuré, même en cas d’expertise amiable en cours. Une autre possibilité consisterait à préciser dans le texte que la phase de discussion amiable entre l’assureur et l’assuré est une cause de suspension du délai. La direction précise toutefois que cette proposition de modification du code des assurances relève à titre principal du ministère en charge de l’économie et des finances.

Experts et médiateurs judiciaires

Constitution d’un statut de traducteur assermenté distinct de celui d’expert judiciaire

Si la traduction de documents rendue nécessaire par une procédure judiciaire relève naturellement d’un expert inscrit sur la liste des experts judiciaires de la Cour de cassation ou d’une cour d’appel, de nombreux autres dispositifs, non juridictionnels, imposent la production d’un acte traduit par un traducteur « assermenté » ou « agréé ».

Tel est le cas, notamment, de la légalisation des actes étrangers. En l’absence de statut de traducteur assermenté, il est exigé pour ces traductions administratives en France – à la différence du système prévalant dans d’autres États notamment de l’Union européenne – le recours à un expert judiciaire. Pourtant, l’expertise judiciaire n’est pas une profession (2e Civ., 4 juillet 2007, pourvoi no 07-12.078, Bull. 2007, II, no 196), mais une activité accomplie pour les juridictions. Il en résulte que les listes d’experts judiciaires dressées par la Cour de cassation et les cours d’appel sont établies pour la seule « information des juges » (loi no 71-498 du 29 juin 1971 relative aux experts judiciaires, article 2).

Cette exigence d’un recours à un expert judiciaire pour des activités non juridictionnelles s’avère aujourd’hui inadaptée.

Elle est lourde de conséquences pour les juridictions en termes de surcroît d’activité. En effet, chaque cour d’appel reçoit un nombre important de candidatures à l’inscription sur la liste d’experts judiciaires qu’elle est tenue de dresser chaque année et la Cour de cassation connaît, corrélativement, d’un grand nombre de recours contre les décisions refusant de telles inscriptions, notamment en raison de l’absence de besoin des juridictions (décret no 2004-1463 du 23 décembre 2004 relatif aux experts judiciaires, article 8), auxquelles les requérants opposent la nécessité pour eux de figurer sur une telle liste pour exercer pleinement leur activité professionnelle de traducteur. Or, l’inscription des traducteurs sur ces listes représente actuellement une grande part de cette activité.

Préjudiciable pour les juridictions, cette situation n’est pas davantage satisfaisante pour les candidats à l’exercice d’une activité de traduction. En effet, elle leur impose, pour accomplir des traductions reconnues par l’autorité administrative française ou étrangère – alors qu’ils disposent, pour la plupart d’entre eux, des qualifications suffisantes – l’obligation, peu adéquate, de justifier d’une activité et de compétences dans le domaine judiciaire. Elle fait, ensuite, peser sur l’institution judiciaire une charge dépourvue de lien avec l’activité juridictionnelle et qui s’avère d’autant plus lourde que le processus de sélection des experts judiciaires s’est progressivement juridictionnalisé – avec notamment l’exigence de motivation des refus d’inscription par les assemblées générales des magistrats du siège des cours d’appel et de la Cour de cassation et l’ouverture d’un recours devant la Cour de cassation dispensé de tout ministère d’avocat.

La Cour de cassation proposait ainsi, à l’occasion de la publication de ses Rapports annuels depuis 2017, de créer un statut ou une reconnaissance de qualification de traducteur ne relevant pas de l’autorité judiciaire, destiné à permettre l’accomplissement de traductions administratives par des traducteurs non inscrits sur les listes d’experts judiciaires.

Cette suggestion de réforme n’a toujours pas été suivie d’effet malgré l’avis favorable émis par la direction des affaires civiles et du sceau aux Rapports 2018 et 2019. La Cour de cassation entend la maintenir cette année encore. En effet, les motifs mis en avant au soutien de cette proposition demeurent d’actualité et paraissent d’autant plus justifier l’opportunité de son maintien que, d’une part, cette position a été soutenue par la chambre lors de sa consultation par le groupe de travail interdirectionnel relatif à l’expertise et, d’autre part, un décret du 10 novembre 2020 relatif à la légalisation des actes publics établis par une autorité étrangère prévoit que « Pour être légalisés, les actes publics rédigés en langue étrangère doivent être accompagnés d’une traduction en français effectuée par un traducteur habilité à intervenir auprès des autorités judiciaires ou administratives françaises ou d’un autre État membre de l’Union européenne ou d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou de la Suisse, ou auprès des autorités de l’État de résidence. » (décret no 2020-1370 du 10 novembre 2020, article 5).

La DACS indique maintenir cette année encore ses observations.

La DACS est sensible à la nécessité d’alléger la charge des cours d’appel, au regard de leurs situations, et de la Cour de cassation, au regard du nombre important de recours traités. Néanmoins, l’examen des qualités professionnelles des traducteurs par les cours d’appel permet une appréciation in concreto des qualifications et de l’expérience professionnelle des candidats. La décision d’inscription ou non des traducteurs est un gage de qualité et de sérieux fondé sur l’indépendance des magistrats qui la prennent.

Cependant, il apparaît en effet disproportionné d’imposer aux citoyens de se procurer les services d’un traducteur inscrit sur la liste d’une cour d’appel si la diligence est sans lien avec une procédure judiciaire. De ce point de vue, il pourrait être envisagé soit de supprimer l’exigence d’une traduction par un expert inscrit sur les listes dans les textes en question, soit de créer un agrément administratif (sujet à examiner en lien avec les ministères concernés).

La DACS observe qu’il convient d’éviter une multiplication des listes sur lesquelles figureraient les traducteurs, qui pourrait être de nature à créer de la confusion chez les citoyens, qui peuvent, selon la diversité des situations qu’ils connaissent, s’adresser à un traducteur certes inscrit sur une liste, mais pas sur la liste permettant de répondre à leur besoin spécifique. L’unicité de la liste sur laquelle figurent les traducteurs assermentés ou agréés est une mesure de simplicité à l’avantage des citoyens.

Rejet non spécialement motivé du recours contre les décisions de refus d’inscription et de réinscription

La Cour de cassation connaît du recours contre les décisions des assemblées générales des magistrats du siège des cours d’appel en matière d’inscription et de réinscription des experts judiciaires, des enquêteurs sociaux et, depuis le décret no 2017-1457 du 9 octobre 2017 relatif à la liste des médiateurs auprès de la cour d’appel, de ces derniers.

La nature du contrôle qu’exerce la Cour de cassation en la matière, qui la conduit pour l’essentiel à s’assurer de l’absence d’erreur manifeste dans la procédure suivie ou dans l’appréciation des mérites des candidatures, la conduit à n’accueillir qu’une proportion très limitée des recours qui sont formés devant elle, l’immense majorité de ceux-ci étant écartée, en l’état de la constatation de motifs exempts d’erreur manifeste d’appréciation, par une décision dont la motivation est dénuée de réel intérêt, y compris pour l’auteur du recours lui-même. Il est ainsi paradoxal que la Cour de cassation puisse, en application de l’article 1014 du code de procédure civile, rejeter un pourvoi par une décision non spécialement motivée, mais ne le puisse pas pour un recours formé en cette matière.

En vue de rationaliser le traitement de ce contentieux par la Cour de cassation (en particulier avec la perspective de la multiplication de ces recours par la constitution de listes de médiateurs), il est suggéré de lui permettre de rejeter, par une décision non spécialement motivée, les recours contre une décision de refus d’inscription ou de réinscription sur l’une de ces listes, qui sont irrecevables ou qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner l’annulation de cette décision.

Depuis 2017, la direction des affaires civiles et du sceau s’est déclarée favorable à la proposition consistant à permettre à la Cour de cassation de rejeter sans motivation les recours qui apparaîtraient manifestement irrecevables. Pour les recours recevables, elle relevait en 2017 qu’il convenait de tenir compte de la nature du contrôle opéré par la Cour en la matière, qui ne connaît pas ici d’un pourvoi en cassation mais d’un recours contre une décision administrative.

Cette proposition n’a pas été mise en œuvre et les motifs évoqués par la direction des affaires civiles et du sceau ne paraissent pas de nature à en justifier l’abandon. On rappellera en particulier, au regard des réserves tirées du caractère « administratif » de la décision de l’assemblée générale de la cour d’appel, que l’inscription ou la réinscription sur une liste d’experts judiciaires ne constitue en aucune façon un droit à caractère civil et que le recours exercé en la matière n’entre ainsi notamment pas dans le champ d’application des dispositions de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (2e Civ., 21 septembre 2006, pourvoi no 06-12.007, Bull. 2006, II, no 243).

Cette proposition s’inscrit dans l’esprit des propositions du rapport « Pour une réforme du pourvoi en cassation en matière civile » remis par M. Nallet à la garde des sceaux le 9 novembre 2019 et prônant de renforcer la procédure d’admission.

Cette proposition n’ayant pas été suivie d’effet, la Cour de cassation entend la maintenir cette année encore. En effet, les motifs mis en avant à son soutien demeurent d’actualité et ont été invoqués par la chambre lors de sa consultation par le groupe de travail interdirectionnel relatif à l’expertise.

La DACS reste favorable à la proposition consistant à permettre à la Cour de cassation de rejeter sans motivation les recours contre une décision de refus d’inscription ou de réinscription sur l’une de ces listes qui seraient manifestement irrecevables.

Sur les recours manifestement infondés la DACS maintient les observations aux suggestions des Rapports de la Cour de cassation depuis 2017, à savoir :

  • qu’il est nécessaire pour le requérant de connaître les raisons pour lesquelles sa demande a été rejetée par la Cour de cassation s’agissant d’une décision non juridictionnelle ;
  • qu’il ne peut être renvoyé au rapport pour connaître la motivation de la décision ;
  • que le contrôle effectué par la Cour (absence d’erreur manifeste dans la procédure suivie et appréciation du mérite de la candidature) a pour conséquence que très peu de recours sont accueillis.

La DACS rappelle par ailleurs l’arrêt du 17 mars 2011 de la CJUE Josep Penarroja Fa : « Il y a dès lors lieu de répondre à la troisième question posée dans l’affaire C-372/09 que l’article 49 CE, auquel correspond actuellement l’article 56, TFUE s’oppose à une réglementation nationale telle que celle en cause au principal, en vertu de laquelle l’inscription sur une liste d’experts judiciaires traducteurs est soumise à des conditions de qualification sans que les intéressés puissent obtenir connaissance des motifs de la décision prise à leur égard et sans que celle-ci soit susceptible d’un recours de nature juridictionnelle effectif permettant de vérifier sa légalité, notamment quant au respect de l’exigence, résultant du droit de l’Union, que leur qualification acquise et reconnue dans d’autres États membres ait été dûment prise en compte. »

Suspension provisoire de l’expert judiciaire

L’article 31 du décret no 2004-1463 du 23 décembre 2004 relatif aux experts judiciaires dispose, en matière disciplinaire : « Lorsque l’urgence le justifie, le premier président de la cour d’appel ou de la Cour de cassation, s’il s’agit d’un expert inscrit sur la liste nationale, ou le magistrat qu’ils délèguent à cet effet, peut, à la demande du procureur général, suspendre provisoirement un expert lorsque ce dernier fait l’objet de poursuites pénales ou disciplinaires, après avoir mis l’intéressé en mesure de fournir ses explications. »

À la différence de la radiation, aucune disposition du décret ne prévoit que la suspension provisoire de l’expert de la liste nationale emporte de plein droit sa suspension sur la liste de la cour d’appel.

En effet, l’article 30 du décret no 2004-1463 du 23 décembre 2004 relatif aux experts judiciaires dispose : « La radiation d’un expert de la liste nationale emporte de plein droit sa radiation de la liste dressée par une cour d’appel. La radiation d’un expert d’une liste dressée par une cour d’appel emporte de plein droit sa radiation de la liste nationale.

Une expédition de la décision de radiation est adressée, selon le cas, au procureur général près la cour d’appel ou au procureur général près la Cour de cassation. »

Or, il semble opportun en termes d’efficience et de cohérence de la décision de suspension provisoire d’un expert de la liste nationale que celle-ci emporte de plein droit sa suspension de la liste dressée par une cour d’appel.

Ainsi, il est proposé de modifier le décret relatif aux experts judiciaires à l’instar de l’article 30 sur la radiation en ajoutant un second alinéa à l’article 31 rédigé comme suit :

« La suspension d’un expert de la liste nationale emporte de plein droit sa suspension de la liste dressée par une cour d’appel. »

L’actuel alinéa 2 de l’article 31, devenant alors alinéa 3, serait ainsi ajusté :

« Le premier président qui a ordonné la suspension peut, à la demande du procureur général, ou à la requête de l’intéressé, y mettre fin. »

Enfin, le parallélisme des formes avec la radiation pourrait inciter à aller plus loin et à prévoir également que la suspension d’un expert d’une liste dressée par une cour d’appel emporterait de plein droit sa suspension de la liste nationale.

Dans le Rapport annuel 2019, la direction des affaires civiles et du sceau avait indiqué ne pas être opposée à une modification de l’article 31 du décret précité du 23 décembre 2004.

Cette année encore la deuxième chambre civile entend maintenir sa proposition, l’ayant fermement soutenue lors de sa consultation par le groupe de travail interdirectionnel relatif à l’expertise.

La direction des affaires civiles et du sceau confirme cette année encore ne pas être opposée à une modification de l’article 31 du décret précité du 23 décembre 2004 qui permettrait de prévoir que la suspension de la liste nationale emporte de plein droit la suspension de l’expert de la liste dressée par la cour d’appel. Elle ajoute qu’il peut aussi être envisagé de modifier le décret en alignant le régime de la suspension provisoire sur celui de la radiation et donc en prévoyant que la suspension d’un expert d’une liste dressée par une cour d’appel emporte de plein droit sa suspension de la liste nationale.

Experts judiciaires et médiateurs : amélioration de l’élaboration des listes de médiateurs établies par les cours d’appel – certification ou reconnaissance administrative des médiateurs

Les premières mises en œuvre du décret no 2017-1457 du 9 octobre 2017 relatif aux listes de médiateurs établies par les cours d’appel démontrent la nécessité de faire évoluer la matière. Sans même évoquer les difficultés ponctuelles posées par cette nouvelle réglementation (par exemple pour ce qui concerne l’inscription de personnes morales : 2e Civ., 27 juin 2019, pourvoi no 19-60.120), le nouveau dispositif gagnerait à faire l’objet de deux grandes évolutions.

En premier lieu, c’est la tenue même par les cours d’appel de telles listes qu’il convient d’interroger. En effet, en l’état de la dénomination de ces listes, regroupant des « médiateurs » et non des « médiateurs judiciaires » et de la volonté affichée de développer les modes extrajudiciaires de règlement des conflits, c’est-à-dire en dehors même de toute procédure judiciaire, on doit se demander si ces listes tendent bien, comme l’indique pourtant l’article 22-1 A de la loi no 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative, à l’information des juridictions. L’établissement des listes de médiateurs par les assemblées générales des magistrats du siège des cours d’appel a ainsi représenté pour ces dernières une mission supplémentaire, alors même qu’elle ne constitue pas une activité juridictionnelle et que la médiation gagne à se développer au-delà de la stricte sphère judiciaire. La Cour de cassation a donc formulé au Rapport 2019 la suggestion nouvelle d’une certification ou d’une reconnaissance administrative des médiateurs. Celle-ci permettrait un pilotage global de l’ensemble de ces activités de résolution amiable, dont tous les observateurs soulignent le caractère indispensable. Il pourrait alors être envisagé la transformation de ces listes en listes de médiateurs judiciaires, alors soumis à des conditions d’inscription plus en phase avec les besoins propres des juridictions.

Cette proposition récente est parfaitement justifiée, en droit comme en opportunité, elle est donc maintenue cette année encore.

La DACS partage le constat selon lequel l’établissement d’une liste de médiateurs fait peser sur les juridictions une mission supplémentaire qui ne correspond pas à une activité juridictionnelle. Elle émet néanmoins quelques réserves quant à l’établissement de deux listes distinctes et souligne les avantages en termes de cohérence, de lisibilité et de simplicité pour les citoyens d’une liste unique de médiateurs ainsi que le gage de qualité que constitue la décision d’inscription prise en toute indépendance par des magistrats appréciant in concreto les qualifications et l’expérience professionnelle des candidats.

Amélioration de l’élaboration des listes de médiateurs établies par les cours d’appel – interdiction du cumul de demandes d’inscription auprès de plusieurs cours d’appel

En deuxième lieu, le décret du 9 octobre 2017 se caractérise par une insuffisance des conditions d’inscription sur une liste, au regard des besoins des juridictions. En particulier, le texte ne prévoit ni prise en compte des besoins des juridictions du ressort de la cour d’appel, ni condition de résidence des candidats, ni interdiction de cumul de candidatures voire d’inscriptions auprès de plusieurs cours d’appel. La Cour de cassation est ainsi amenée à annuler tout refus d’inscription procédant, directement ou indirectement, de tels types de critères (2e Civ., 27 septembre 2018, pourvoi no 18-60.132, publié au Bulletin ; 2e Civ., 18 octobre 2018, pourvoi no 18-60.128, publié au Bulletin). L’instruction des recours formés devant la Cour de cassation démontre alors que nombre de candidats paraissent avoir présenté des demandes d’inscription devant plusieurs cours d’appel, accroissant inutilement la charge qui leur est confiée et faisant encourir le risque d’inscriptions multiples, sans certitude sur la capacité d’un tel médiateur à remplir les missions susceptibles de lui être confiées par les différentes cours d’appel auprès desquelles il serait inscrit. Dans ces conditions, il apparaît indispensable de permettre de prendre en compte les besoins des juridictions, d’imposer aux candidats de choisir une seule cour d’appel auprès de laquelle s’inscrire et d’organiser, corrélativement, une centralisation de l’information – que du reste la certification précédemment évoquée permettrait d’assurer.

Cette seconde proposition de réforme intéressant spécialement les listes de médiateurs est parfaitement justifiée, en droit comme en opportunité, et suscite un avis favorable de la chancellerie, elle est donc maintenue cette année encore.

Sous réserve de la compétence de la DACS, cette dernière n’est pas opposée, s’agissant des listes de médiateurs, à une modification du décret no 2017-1457 du 9 octobre 2017 relatif à la liste des médiateurs auprès de la cour d’appel impliquant notamment l’ajout de l’interdiction du cumul de demandes d’inscription auprès de plusieurs cours d’appel, ainsi qu’une condition de résidence des candidats. Cette modification permettrait un alignement des conditions exigées par le décret précité du 9 octobre 2017 pour les médiateurs sur celles prescrites pour les experts judiciaires par le décret no 2004-1463 du 23 décembre 2004.

Procédure civile

Instruction à bref délai des affaires relevant de la procédure ordinaire devant la cour d’appel

La réforme de cette procédure, en 2009 puis en 2017, a suscité une intense activité jurisprudentielle, qui a déjà conduit la Cour de cassation à devoir formuler de nombreuses propositions de réformes, que le décret no 2017-891 du 6 mai 2017 a entendu mettre en oeuvre, en même temps qu’il apportait d’autres modifications substantielles à la procédure d’appel. Ces dernières ont suscité de nouvelles difficultés pratiques et théoriques importantes. Il en va en particulier dans le cas où les affaires doivent être instruites à bref délai. En instaurant dans cette hypothèse des règles de procédure particulières, le décret s’est heurté à la considération que cette instruction ne constitue pas une procédure autonome (comme l’est par exemple la procédure à jour fixe). Cette absence d’autonomie apparaît en particulier au regard des règles de formation de l’appel, qui sont communes à toutes les procédures ordinaires (Avis de la Cour de cassation, 12 juillet 2018, no 18-70.008, publié au Bulletin), de même qu’au regard de la faculté dont dispose le président d’orienter les affaires qui le justifient vers une instruction à bref délai. Dès lors apparaissent des difficultés, tenant tant à la coordination de l’instruction à bref délai avec les règles ordinaires qu’aux modalités mêmes suivant lesquelles cette instruction à bref délai doit être menée (par exemple : 2e Civ., 22 octobre 2020, pourvoi no 18-25.769, publié au Bulletin), les règles relatives à l’instruction à bref délai étant manifestement énoncées de façon incomplète, en particulier pour ce qui concerne les pouvoirs conférés au président de la chambre ou au magistrat chargé d’instruire l’affaire. Aussi il apparaît indispensable de simplifier considérablement le dispositif instauré par le décret du 6 mai 2017. À cette fin, il est proposé de remplacer l’ensemble des règles dédiées au bref délai par une disposition unique au terme de laquelle, lorsque l’affaire relève de plein droit d’une instruction à bref délai (i. e. appel des ordonnances du juge des référés et du juge de la mise en état, des jugements du juge de l’exécution, etc.), les délais ordinaires d’instruction sont de plein droit réduits, par exemple à 15 jours pour la signification de la déclaration d’appel et à deux mois pour la remise des conclusions, et dans le cas où l’affaire est orientée vers une instruction à bref délai sur décision du président de la chambre, celui-ci détermine les différents délais, dans des conditions que le décret pourrait le cas échéant préciser. Ce faisant, outre la simplification de l’ordonnancement des textes en matière d’appel, l’ensemble des règles qui régissent la procédure ordinaire trouverait à s’appliquer, ainsi s’agissant des pouvoirs du conseiller de la mise en état et du déféré contre ses décisions. Les solutions dégagées par la jurisprudence auraient dès lors une portée générale, améliorant la lisibilité de ces règles et la sécurité juridique. Cette réforme pourrait s’étendre à la procédure sur renvoi de cassation, régie par des dispositions similaires (article 1037-1 du code de procédure civile).

Cette proposition, formulée pour la première fois dans le Rapport annuel 2019 et qui a reçu un accueil favorable de la chancellerie, ne peut qu’être maintenue au regard de la jurisprudence récente, soulignant les difficultés que posent les dispositions régissant l’instruction à bref délai (voir 2e Civ., 27 février 2020, pourvoi no 19-11.310 ; 2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi no 19-18.884 ; 2e Civ., 22 octobre 2020, pourvoi no 18-25.769, publié au Bulletin).

La DACS accueille à nouveau avec intérêt cette proposition de la Cour de cassation, qui présenterait l’avantage de simplifier la lecture et l’articulation des textes applicables à la procédure d’appel.

Elle justifie une expertise approfondie, qui pourra être menée à la lumière des conclusions du rapport rendu par l’inspection générale de la justice sur la procédure d’appel.

La DACS souligne par ailleurs que le décret no 2020-1452 du 27 novembre 2020 a, sous l’impulsion de la Cour de cassation, procédé à une nouvelle écriture de l’article 905 du code de procédure civile afin de clarifier les cas dans lesquels l’affaire peut être appelée à bref délai.

Communication par voie électronique – Refonte des arrêtés d’application de l’article 748-1 du code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret nº 2009-1524 du 9 décembre 2009

À l’occasion des Rapports annuels depuis 2016, il était sollicité une refonte des arrêtés d’application de l’article 748-1 du code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret no 2009-1524 du 9 décembre 2009 relatif à la procédure d’appel avec représentation obligatoire en matière civile. En effet, depuis le 1er janvier 2009, la communication par voie électronique est, en application de l’article 748-1 du code de procédure civile, autorisée pour tous les actes de procédure et devant toutes les juridictions judiciaires relevant du code de procédure civile.

Pour ménager une montée en puissance progressive de la communication électronique, cette faculté de communiquer par la voie électronique n’a été organisée que de façon ponctuelle, par des arrêtés techniques déterminant les matières et les actes concernés. Cette orientation relevait alors d’un évident pragmatisme. Plusieurs affaires jugées au cours de l’année ont démontré les lacunes de l’état du droit résultant de ces arrêtés techniques. Ainsi l’arrêté du 5 mai 2010 relatif à la communication par voie électronique dans la procédure sans représentation obligatoire devant les cours d’appel ne permet-il l’accomplissement par la voie électronique que de la déclaration d’appel, de la constitution d’avocat et des actes qui leur sont associés, à l’exclusion de tout autre acte : il en découle que l’appel en matière d’expropriation, procédure écrite dans laquelle le ministère d’avocat n’est pas obligatoire, peut être formé par une déclaration remise par un avocat au greffe suivant la voie électronique (2e Civ., 10 novembre 2016, pourvoi no 14-25.631, Bull. 2016, II, no 246), déclaration qui ne peut toutefois être suivie de la remise par les parties de leurs mémoires suivant cette même voie (2e Civ., 10 novembre 2016, pourvoi no 15-25.431, Bull. 2016, II, no 247). Un autre pourvoi a mis en lumière le caractère incomplet de l’arrêté du 30 mars 2011 relatif à la communication par voie électronique dans les procédures avec représentation obligatoire devant les cours d’appel, qui, alors que l’article 930-1 du code de procédure civile impose aux parties de remettre l’ensemble de leurs actes au greffe par la voie électronique, envisage simplement une énumération des actes susceptibles d’être accomplis de la sorte, omettant ainsi de prendre en compte certains actes, tels que la déclaration de saisine sur renvoi après cassation (2e Civ., 1er décembre 2016, pourvoi no 15-25.972, Bull. 2016, II, no 260).

Quinze ans après le décret no 2005-1678 du 28 décembre 2005 relatif à la procédure civile, à certaines procédures d’exécution et à la procédure de changement de nom ayant adopté cette réforme et plus de dix ans après les premières applications de ces textes en procédure civile, il paraît devenu indispensable d’envisager la refonte de ces arrêtés techniques. En effet, leur caractère fragmentaire n’est plus justifié, voire pourrait nuire à la lisibilité du droit en la matière et partant à la sécurité juridique pour les parties et, de façon plus générale, au développement de la communication électronique, qui a pourtant démontré sa réelle utilité, ainsi que l’illustre, par exemple, sa généralisation réussie devant la Cour de cassation.

Cette proposition doit cette année encore être retenue. En effet, la refonte appelée de ses vœux par la Cour de cassation n’a été que partiellement mise en œuvre, à la faveur de deux réformes intervenues en 2020 : d’une part, la création du tribunal judiciaire qui a, par voie de conséquence, étendu au contentieux jusqu’alors traité par le tribunal d’instance l’autorisation de la communication électronique en vigueur devant le seul tribunal de grande instance ; d’autre part, un arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d’appel, qui a généralisé la faculté pour les avocats de communiquer par la voie électronique devant les cours d’appel. La communication électronique ne concerne cependant pas toutes les juridictions et reste limitée aux greffes, ministère public et avocats.

La DACS confirme que la chancellerie entend procéder à ce travail de refonte des arrêtés techniques, ce point s’intégrant dans le plan de transformation numérique du ministère de la justice, en cours de réalisation.

La refonte des arrêtés techniques a progressé en 2020, par la publication de l’arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d’appel. Les avocats ont désormais la faculté de communiquer par la voie électronique devant les cours d’appel l’ensemble des actes de procédure, l’arrêté renvoyant aux envois, remises et notifications mentionnés à l’article 748-1 du code de procédure civile qui dispose que sont concernés par la communication par voie électronique les actes de procédure, les pièces, avis, avertissements ou convocations, des rapports, des procès-verbaux ainsi que les copies et expéditions revêtues de la formule exécutoire des décisions juridictionnelles.

En outre, via le Portail du justiciable, il est désormais possible pour un justiciable, non représenté par un avocat, de se constituer partie civile s’il a reçu un avis à victime, et pour un majeur protégé ou un représentant légal de déposer une requête au juge des tutelles en cours de mesure de protection.

Communication par voie électronique – Modification de la procédure de recours contre les décisions du directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle

Dans le prolongement de la suggestion précédente formulée par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation concernant la refonte des arrêtés d’application de l’article 748-1 du code de procédure civile, afin de renforcer l’efficacité de la communication électronique, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation considérait qu’il serait opportun de mieux organiser la faculté de communiquer par voie électronique dans les procédures de recours exercés devant la cour d’appel contre les décisions du directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) en matière de délivrance, rejet ou maintien des titres de propriété industrielle, prévus aux articles R. 411-9 et suivants du code de la propriété intellectuelle.

Cette suggestion a été suivie d'effets, la communication par voie électronique dans le cadre du recours devant la cour d’appel contre les décisions du directeur général de l’INPI est désormais possible.

En effet, l’article R. 411-20 du code de la propriété intellectuelle, tel que modifié par le décret no 2019-1316 du 9 décembre 2019, dispose que « Sous réserve des dispositions particulières de la présente section, les recours mentionnés à l’article R. 411-19 sont formés, instruits et jugés conformément aux dispositions du code de procédure civile » et l’article R. 411-24 du même code, tel que modifié par le décret no 2019-1316 du 9 décembre 2019, prévoit expressément qu’à peine d’irrecevabilité relevée d’office les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique, sauf exception tenant à une cause étrangère.

Dénonciation au ministère public de l’appel du jugement en matière de recours en révision

Lorsqu’une affaire doit être communiquée au ministère public, cette communication a lieu à la diligence du juge. Tel est en principe le cas du recours en révision, qui doit être communiqué au ministère public tant en première instance qu’en appel. Le décret no 2012-1515 du 28 décembre 2012 portant diverses dispositions relatives à la procédure civile et à l’organisation judiciaire a toutefois complété l’article 600 du code de procédure civile, à l’effet que la communication de ce recours au ministère public, lorsqu’il est formé par citation, soit faite par son auteur à peine d’irrecevabilité. On peut souligner l’opportunité de cet ajout, qui tendait à répondre à une préoccupation manifestée par la Cour de cassation dans ses précédents Rapports. Toutefois, cette disposition ne concerne que la dénonciation du recours en révision lui-même. Lorsque le recours en révision doit être, comme c’est le plus fréquent, porté devant une juridiction du premier degré, la communication au ministère public de l’affaire en cause d’appel demeure par conséquent accomplie par la cour d’appel, à rebours de l’objectif poursuivi par le décret du 28 décembre 2012 précité.

Il est dès lors suggéré que l’article 600 du code de procédure civile soit complété de manière à prévoir que, en cas d’appel du jugement statuant sur le recours en révision, la déclaration d’appel soit, à peine d’irrecevabilité, notifiée, par son auteur, au ministère public.

Cette proposition, réitérée à trois reprises, aisée à mettre en œuvre et accueillie favorablement par la chancellerie, n’a pas été mise en œuvre alors qu’elle demeure d’actualité. La Cour de cassation entend la maintenir cette année encore.

Cette année encore la DACS reste favorable à cette proposition. Lorsque le recours en révision est formé par citation, il n’est pas cohérent que l’obligation de le communiquer au ministère public pèse sur le demandeur en première instance mais sur le juge en cas d’appel. Le transfert de cette charge du juge aux parties, initié par le décret no 2012-1515 du 28 décembre 2012, doit être étendu à la cour d’appel en cas d’appel d’un jugement de révision rendu sur citation.

Ordonnances sur requête – Harmonisation des règles concernant la compétence territoriale du juge des requêtes et création d’une obligation de signification de la requête et de l’ordonnance lorsque l’article 145 du code de procédure civile est applicable

Dès le Rapport annuel 2016, la Cour de cassation suggérait de procéder à une harmonisation des règles concernant la compétence territoriale du juge des requêtes et de créer une obligation de signification de la requête et de l’ordonnance lorsque l’article 145 du code de procédure civile est applicable.

Dans le silence du code de procédure civile concernant la compétence territoriale du juge des requêtes, la jurisprudence a, sur une longue période, dégagé deux critères : le juge compétent est soit le président de la juridiction saisie au fond, soit le président de la juridiction du lieu où la mesure demandée doit être exécutée, étant précisé qu’en cas de pluralité de mesures, chacune d’elles peut désigner territorialement un tribunal (2e Civ., 18 novembre 1992, pourvoi no 91-16.447, Bull. 1992, II, no 266 ; 2e Civ., 30 avril 2009, pourvoi no 08-15.421, Bull. 2009, II, no 105 ; 2e Civ., 5 mai 2011, pourvoi no 10-20.436).

Mais ces critères ont dû être adaptés par la Cour de cassation à certaines règles spéciales en matière de requêtes, pour l’application de l’article 145 du code de procédure civile et pour l’application de l’article 706-15-2 du code de procédure pénale.

Un gain de sécurité juridique serait sans doute la première conséquence d’une réflexion d’ensemble sur la compétence territoriale en matière d’ordonnances sur requête, qu’il s’agisse des règles spéciales ou du droit commun supplétif.

Concernant les requêtes fondées plus particulièrement sur l’article 145 du code de procédure civile, la jurisprudence a évolué dans le sens d’une plus grande efficacité dans l’exécution de l’ordonnance, mais sans que la protection du futur défendeur au procès potentiel puisse être suffisamment garantie par les textes.

a) Absence de délai pour exécuter la mesure contre celui à qui elle est opposée

Il n’est pas prévu que l’ordonnance rendue sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile soit notifiée pour être exécutoire. Si la jurisprudence n’interdit pas au requérant de procéder selon le droit commun de la signification (2e Civ., 17 mars 2016, pourvoi no 14-29.152 ; 2e Civ., 23 juin 2016, pourvoi no 15-19.671, Bull. 2016, II, no 170), le caractère exécutoire de l’ordonnance résulte le plus souvent de la seule présentation de la minute, prévue par une disposition spéciale (article 495, alinéa 2, du code de procédure civile), ce qui rend délicate l’application aux ordonnances sur requête de la règle de droit commun de l’article 503, alinéa 2, du code de procédure civile, pourtant parfois visé par la Cour de cassation, notamment pour justifier que la remise matérielle de l’ordonnance et de la requête, exigée par l’article 495, alinéa 3, ait lieu avant le début des opérations (2e Civ., 10 février 2011, pourvoi no 10-13.894, Bull. 2011, II, no 36), cette règle supportant une exception, dont la portée reste à apprécier, lorsqu’il s’agit de constater un comportement (2e Civ., 4 septembre 2014, pourvoi no 13-22.971).

Que le caractère exécutoire de l’ordonnance résulte de la présentation de la minute avant le début des opérations, dont la date ne dépend que du choix du requérant, ou d’une signification, laquelle n’est enfermée dans aucun délai, il en résulte que le requérant n’est tenu par aucun délai légal pour exécuter l’ordonnance.

b) Absence de délai pour informer le défendeur potentiel au procès

La jurisprudence ayant restreint les destinataires de l’obligation de remise matérielle de l’ordonnance et de la requête imposée par l’article 495, alinéa 3, du code de procédure civile aux seules personnes supportant l’exécution de la mesure, qu’elles soient ou non défendeurs potentiels au procès envisagé et non pas à ses défendeurs potentiels par principe (2e Civ., 27 février 2014, pourvoi no 13-10.013, Bull. 2014, II, no 56 ; 2e Civ., 4 juin 2015, pourvoi no 14-14.233, Bull. 2015, II, no 145 ; 2e Civ., 3 décembre 2015, pourvoi no 15-12.249), il en est résulté une extension jurisprudentielle de l’intérêt à agir en rétractation (article 496 du code de procédure civile) pour assurer le respect du contradictoire a posteriori (2e Civ., 17 mars 2016, pourvoi no 15-12.955 ; 2e Civ., 1er septembre 2016, pourvoi no 15-19.799, Bull. 2016, II, no 194, rendu dans le cas particulier d’une intervention volontaire principale dans une instance en rétractation déjà engagée).

Il en résulte que c’est l’absence de délai dans les textes pour intenter l’action en rétractation qui, seule, assure actuellement le respect du contradictoire à l’égard du défendeur potentiel au procès, lequel n’apprendra qu’une mesure a été ordonnée qu’à l’occasion de la signification de l’assignation au fond. Ne pouvant discuter l’obtention du mode de preuve qui lui sera opposée sur le terrain de la loyauté de la preuve puisqu’il aura été ordonné par un juge, il ne pourra qu’agir en rétractation, ce qui perturbe le déroulement de l’action au fond.

Une obligation de signification de la requête et de l’ordonnance, une fois celle-ci exécutée, à son profit, dans un délai déterminé à compter de la fin des opérations serait de nature à résoudre l’insuffisance du respect du contradictoire et à assurer une meilleure sécurité juridique.

Une telle réforme gagnerait en outre, de façon plus générale, à se pencher sur les conditions d’accomplissement des mesures d’instruction ordonnées sur requête.

Ces propositions recueillent un avis favorable de la chancellerie, sans pour autant avoir été mises en œuvre.

La Cour de cassation maintient cette suggestion de réforme, qui se justifie d’autant plus que l’ordonnance sur requête revêt une dimension centrale en matière probatoire, voire stratégique dans le domaine économique, où ce dispositif peut être détourné de sa finalité de préparation d’un procès, ce que la jurisprudence nourrie et persistante en la matière tend à démontrer.

La DACS est sensible à ces propositions, le rapport sur l’amélioration et la simplification de la procédure civile ayant également préconisé une réforme du régime des ordonnances sur requête.

La DACS n’est pas opposée à ce que soit engagée une réflexion d’ensemble sur la question de la compétence territoriale en matière d’ordonnance sur requête. Fixer la compétence territoriale du juge des requêtes aurait effectivement pour avantage d’offrir plus de sécurité juridique mais cela priverait néanmoins le requérant d’une alternative entre juridiction saisie au fond et celle dans le ressort duquel la mesure demandée doit être exécutée dont il bénéficie aujourd’hui.

S’agissant plus spécifiquement des requêtes fondées sur l’article 145 du code de procédure civile et des propositions formulées afin que la protection du futur défendeur au procès potentiel soit garantie, la direction des affaires civiles et du sceau n’y est pas défavorable, à condition que l’obligation de signifier l’ordonnance ne soit envisagée qu’après l’exécution de la mesure, sauf à priver la décision de tout effet de surprise.

Regroupement des dispositions législatives relatives à la procédure civile

L’accessibilité, la lisibilité et la cohérence des dispositions régissant la procédure civile imposent de promouvoir leur regroupement. Certes, la plupart des règles intéressant la procédure civile relèvent du pouvoir réglementaire autonome, et peuvent ainsi trouver leur place dans le code de procédure civile, institué par un décret en Conseil d’État. Toutefois des dispositions de plus en plus nombreuses sont insérées dans des lois, sans aucun souci de regroupement. La question ne porte pas ici sur le niveau législatif ou réglementaire des textes considérés, mais sur la dispersion néfaste des dispositions de procédure civile. La pratique, un temps appliquée, consistant à insérer dans le code de procédure civile une disposition reproduisant un texte législatif (tel l’article 700 de ce code, reproduisant l’article 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique), ou à tout le moins y renvoyant, apparaît avoir été abandonnée, de sorte qu’on assiste à une fragmentation du droit de la procédure civile avec, par exemple, des dispositions essentielles contenues dans la loi du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative, qui intéressent la médiation. La complexité et le manque d’accessibilité de la procédure civile, que déplorent différents travaux récents, ne peuvent qu’être accrus par une telle dispersion, à laquelle il devient impératif de remédier, en entreprenant, dans un esprit de codification, le regroupement des dispositions législatives intéressant la procédure civile.

En 2020, comme depuis 2018, la DACS a maintenu son avis favorable à cette proposition et a indiqué entendre cette préconisation, l’objectif de lisibilité et d’accessibilité des textes ayant valeur constitutionnelle. Elle a ajouté que l’opportunité de créer une partie législative dans le code de procédure civile, à l’instar de ce qui a été fait dans le code de justice administrative qui comprend un titre préliminaire recensant les grands principes applicables à la matière, est toujours à l’étude et qu’un recensement des dispositions qui auraient vocation à intégrer une partie législative dans le code est en effet nécessaire.

Malgré l’avis favorable de la chancellerie, l’examen de cette proposition par ses services ne semble guère avancer. Il s’agit pourtant d’une proposition de vaste ampleur, qui permet en outre de réunir et de mettre en cohérence nombre des propositions plus ponctuelles de la Cour en matière de procédure civile, qui relèvent clairement d’un exercice de refonte de certains textes imparfaits du code de procédure civile (par ex. les propositions en matière de recours en révision ou encore de fermeture du pourvoi en matière d’exécution provisoire). La Cour de cassation maintient donc sa proposition de réforme.

Transmission électronique des dossiers de procédure

Depuis l’insertion, par le décret no 2005-1678 du 28 décembre 2005 relatif à la procédure civile, à certaines procédures d’exécution et à la procédure de changement de nom, d’un article 729-1 dans le code de procédure civile, le dossier que le greffe ouvre pour chaque affaire peut être tenu sur support électronique. En pratique, un dossier matériel demeure toujours constitué, même pour les juridictions devant lesquelles a été Depuis l’insertion, par le décret no 2005-1678 du 28 décembre 2005 relatif à la procédure civile, à certaines procédures d’exécution et à la procédure de changement de nom, d’un article 729-1 dans le code de procédure civile, le dossier que le greffe ouvre pour chaque affaire peut être tenu sur support électronique. En pratique, un dossier matériel demeure toujours constitué, même pour les juridictions devant lesquelles a été

En outre, en dehors d’une éventuelle impression par les greffes des données électroniques, qui constitue une tâche chronophage et onéreuse, qui n’est assurément pas en adéquation avec les mutations actuelles et futures de la procédure civile, induites par la révolution numérique, la Cour de cassation ne dispose d’aucun moyen pour se faire communiquer les éléments du dossier établis et conservés sur support électronique. Ainsi, la communication du dossier matériel de l’affaire par la juridiction du fond ne la met pas toujours en mesure d’apprécier le respect de telle ou telle exigence procédurale, notamment à l’effet d’éviter des cassations motivées par l’ignorance dans laquelle la Cour se trouve du respect par la juridiction du fond de ces exigences. Le développement de la communication électronique rend ainsi nécessaire d’organiser les conditions dans lesquelles la Cour de cassation pourrait consulter, dans des conditions propres à garantir le principe de la contradiction, les données des dossiers électroniques des affaires des juridictions du fond. Au-delà du pourvoi en cassation, nombreuses sont en outre les hypothèses dans lesquelles le dossier d’une affaire doit être transmis à une autre juridiction, qu’il s’agisse bien sûr de l’appel (article 968 du code de procédure civile) ou encore du renvoi d’une affaire, fondé par exemple sur la compétence, la litispendance, la connexité, etc.

Il apparaît donc nécessaire de modifier, à un second égard, l’article 729-1 du code de procédure civile, à l’effet de prévoir que le système de traitement des informations doit permettre d’assurer non seulement la conservation du dossier de la procédure, mais également l’accès par la juridiction devant laquelle l’affaire se trouve portée en vertu de l’article 729 du même code. Cette modification réglementaire rendra alors possible une évolution, le cas échéant progressive, de l’outil informatique, propre à mettre en œuvre cet accès dans des conditions garantissant l’intégrité et la confidentialité des données électroniques correspondantes.

Malgré l’avis favorable de la chancellerie en 2018 et 2019, cette proposition n’a pas été mise en œuvre. Si le développement du projet de portail de la justice peut constituer un préalable technique à la mise en œuvre de la faculté de consultation que cette proposition tend à instaurer, il n’en demeure pas moins que ce développement ne constitue pas une base juridique à cette proposition, simplement un prérequis technique, qui laisse donc entière l’opportunité de la réforme proposée. Elle constitue en outre un enjeu majeur de sécurisation pour la Cour de cassation, qui, depuis la dématérialisation des procédures civiles, n’est pas en mesure de s’assurer, avec le dossier papier de la procédure, que les pièces qui lui sont produites figuraient bien dans les débats devant la juridiction dont émane la décision frappée de pourvoi. Cette proposition est donc maintenue.

La DACS souscrit pleinement à la précision terminologique proposée et ce, afin de tenir compte des contraintes qui pèsent sur les greffes.

Néanmoins, si elle partage la préoccupation d’un accès large de la Cour de cassation au dossier dématérialisé, elle souligne que la réforme réglementaire ne pourra trouver d’application concrète qu’avec une évolution des applications existantes. Elle rappelle toutefois que la chancellerie est actuellement engagée dans un vaste plan de transformation numérique devant permettre une dématérialisation totale de la justice civile dans le cadre du portail des juridictions, lequel a vocation à remplacer l’ensemble des applications existantes et à constituer l’outil commun à l’ensemble des juridictions.

Réparation du préjudice

Revalorisation légale des rentes indemnitaires

Il est proposé, depuis 2014 :

  • une amélioration de l’indice légal de revalorisation prévu à l’article L. 434-17 du code de la sécurité sociale ;
  • un alignement sur le même indice de revalorisation de l’ensemble des rentes indemnitaires.

Il s’agit de mettre un terme, à cet égard, à l’inégalité de traitement entre les victimes d’accidents de la circulation et les autres victimes.

La revalorisation de plein droit des rentes indemnitaires est en effet prévue seulement pour les rentes versées en réparation de préjudices causés par un accident de la circulation, par la loi no 74-1118 du 27 décembre 1974 qui dispose, en son article 1er, que sont majorées de plein droit, selon le coefficient de revalorisation prévu à l’article L. 434-17 du code de la sécurité sociale, les rentes allouées soit conventionnellement, soit judiciairement, en réparation du préjudice causé, du fait d’un accident de la circulation, à la victime ou, en cas de décès, aux personnes qui étaient à sa charge, étant noté que l’article 2 de cette loi précise que les majorations en cause dont le versement incombe aux sociétés d’assurance sont gérées et financées par le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages.

Dans les autres cas, le choix de l’indice de revalorisation de la rente indemnitaire est libre et il peut arriver que la revalorisation selon l’indice légal d’ordre public précité s’avère inférieure à celles rendues possibles par le choix d’autres indices, laissé à l’appréciation souveraine des juges du fond.

La DACS, qui a indiqué être favorable à la réforme ainsi proposée, a précisé l’année dernière qu’il était prévu d’intégrer au projet de réforme de la responsabilité civile un article 1272 dont le premier alinéa disposerait que : « l’indemnisation due au titre de la perte de gains professionnels, de la perte de revenus des proches ou de l’assistance d’une tierce personne a lieu en principe sous forme d’une rente. Celle-ci est indexée sur un indice fixé par voie réglementaire et lié à l’évolution du salaire minimum ».

Certes, la réitération depuis plusieurs années de la proposition de modification considérée n’a pas été suivie d’effet jusqu’à présent, mais il apparaît opportun de la maintenir dès lors que la modification en cause pourrait intervenir à la faveur de la réforme de la responsabilité civile, le cas échéant sous la forme de l’article 1272 précité, ce qui présenterait le double avantage, relevé dans le Rapport 2019, de prévoir un indice de référence unique d’ordre public, défini réglementairement, et de lier cet indice à l’évolution du coût du travail, ce qui constitue une condition indispensable pour permettre une réparation intégrale du préjudice compte tenu de l’objet de la rente.

La DACS indique cette année encore demeurer favorable à cette proposition, dont la mise en œuvre ne relève toutefois pas de sa compétence.

Proposition de modification des dispositions relatives au recours en indemnité ouvert à certaines victimes de dommage résultant d’une infraction

Les articles R. 50-18 et R. 50-19 du code de procédure pénale prévoient la communication au ministère public, qui doit être informé de la date d’audience, des affaires soumises à la commission d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI). Il n’y a pas de dispositions équivalentes pour la procédure d’appel des décisions des CIVI.

Or, il est certain que le regard du ministère public en ce domaine est aussi important en appel qu’en première instance dès lors notamment que l’indemnisation des victimes est liée à la condition que les faits litigieux présentent le caractère matériel d’une infraction.

Il a en conséquence été proposé de compléter l’article R. 50-23 du code de procédure pénale par la mention suivante : « en cas d’appel, le procureur général est informé de la date d’audience. »

Il apparaît souhaitable de réitérer cette proposition, étant noté qu’il est regrettable qu’elle n’ait pu être mise en œuvre à l’occasion des modifications apportées par le décret no 2020-1452 du 27 novembre 2020 à certaines des dispositions régissant la procédure organisée par les articles R. 50-1 et suivants du code de procédure pénale.

La DACS maintient cette année encore être favorable à cette proposition, dès lors que l’avis du ministère public apparaît tout aussi incontournable en première instance qu’en cause d’appel dans ces contentieux impliquant la caractérisation de l’élément matériel de l’infraction. La direction précise toutefois que cette proposition de modification du code des assurances relève à titre principal de la direction des affaires criminelles et des grâces.

Saisie immobilière

Péremption du commandement valant saisie immobilière

Les précédents Rapports soulignaient la nécessité de neutraliser les effets néfastes de la péremption du commandement de payer valant saisie immobilière telle que prévue à l’article R. 321-20 du code des procédures civiles d’exécution, sur le déroulement de la procédure de la saisie immobilière, à tout le moins en en allongeant la durée, pour la porter de deux à cinq ans, correspondant au délai de droit commun de la prescription.

Cette suggestion a été suivie d’effet. Le décret no 2020-1452 du 27 novembre 2020 (article 2, 4o) met en œuvre cette proposition en modifiant l’article R. 321-20 du code des procédures civiles d’exécution, pour porter à cinq ans le délai de péremption du commandement valant saisie immobilière mettant ainsi fin à cette source de contentieux stérile.

La DACS souligne que la modification apportée, applicable depuis le 1er janvier 2021 aux instances en cours, permet une meilleure prise en compte de la durée réelle de la procédure de saisie immobilière, sans affecter le rythme de celle-ci, qui demeure contraint par les délais prévus par ailleurs par le code des procédures civiles d’exécution.

Surendettement des particuliers

Appréciation de la situation du surendettement : harmonisation du traitement des dettes professionnelles

Si les dettes professionnelles sont exclues au stade de l’appréciation de la recevabilité, à l’exception notable de la dette résultant d’un engagement de caution pris en faveur d’une société, ces dettes ne sont pas exclues d’un plan de surendettement. Aussi ces dettes peuvent-elles faire l’objet d’un plan de surendettement et notamment être effacées partiellement ou être comprises dans un moratoire. Pourtant, elles demeuraient exclues d’une mesure d’effacement par un plan de rétablissement personnel à l’exception de celles résultant d’un engagement de caution au profit d’une société (ancien article L. 332-5 du code de la consommation devenu articles L. 741-1 et suivants du code de la consommation depuis l’ordonnance no 2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation). Il était regrettable que la loi no 2010-737 du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation et l’ordonnance no 2016-301 du 14 mars 2016 précitée n’aient pas corrigé cette exclusion, correction qui avait pourtant été recommandée par le comité de suivi de la loi no 2003- 710 du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine. En pratique, le débiteur était alors parfois incité à refuser la procédure de rétablissement personnel pour ce seul motif, un effacement partiel des dettes professionnelles étant possible dans le cadre des mesures classiques et ne comportant aucune limite de montant ou de proportion. Depuis 2014, les Rapports suggèrent ainsi une harmonisation du traitement des dettes professionnelles.

Cette suggestion a été suivie d’effet.

L’article 39 de la loi no 2020-734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne a introduit cette proposition en permettant désormais l’effacement de l’ensemble des dettes du débiteur, personnelles comme professionnelles, dans le cadre de la procédure de rétablissement personnel, en modifiant les articles L. 741-2 et L. 742-22 du code de la consommation.

Effet interruptif de prescription attaché à la décision de recevabilité de la demande de traitement d’une situation de surendettement

Si la décision de recevabilité d’une demande de traitement d’une situation de surendettement emporte, depuis la loi no 2010-737 du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation, suspension et interdiction des procédures d’exécution diligentées à l’encontre des biens du débiteur, elle n’interrompt en revanche pas le délai de prescription relatif aux créances qui correspondent à ces procédures d’exécution, en l’absence de disposition en ce sens.

Le lien doit pourtant être fait entre la possibilité d’accomplir une mesure d’exécution et le cours de la prescription, chaque fois en particulier que le créancier dispose déjà d’un titre exécutoire, de sorte qu’il ne sera pas conduit à interrompre la prescription par l’engagement d’une procédure tendant à l’obtention d’un tel titre exécutoire. Pour y remédier, la Cour de cassation a pu s’appuyer, dans une affaire, sur la constatation d’une impossibilité d’agir du créancier, au sens de l’article 2232 du code civil (2e Civ., 28 juin 2018, pourvoi no 17-17.481, Bull. 2018, II, no 142). Toutefois, il s’agit d’une solution indirecte et partielle, faute notamment de concerner le créancier qui n’est pas titulaire d’un titre exécutoire. De façon générale, dès lors que la procédure de surendettement tend au traitement de l’endettement de son bénéficiaire, elle peut justifier que le créancier attende l’issue de cette procédure propre à permettre le règlement ou à entraîner l’effacement des dettes concernées. Il apparaît ainsi évidemment souhaitable d’éviter une multiplication des actions en justice, que la procédure de surendettement rend possible, dans un souci, tout à la fois, de préservation des parties et de modération de l’activité des juridictions.

Dans ces conditions, il apparaît nécessaire de prévoir que la décision de recevabilité de la demande de mesure de traitement d’une situation de surendettement interrompt le cours du délai de prescription ou de forclusion relatif aux créances concernées par cette demande. Il est proposé de compléter en ce sens l’article L. 722-2 du code de la consommation.

Il convient de maintenir cette proposition de réforme, encore récente et qui suscite un avis favorable de la chancellerie, sans pour autant avoir été mise en œuvre.

La DACS, qui avait émis un avis favorable à cette proposition, indique le maintenir et renvoie à ses précédentes observations.

En l’état, contrairement à ce qui est prévu en droit des procédures collectives (article L. 622-21, III, du code de commerce), la décision de recevabilité rendue par la commission de surendettement n’a pas pour effet de suspendre ou d’interrompre les délais de prescription ou de forclusion ; seule interrompt les délais la demande du débiteur adressée à la commission, tendant à ce qu’elle impose certaines mesures prévues par l’article L. 733-1 du code de la consommation en l’absence d’élaboration d’un plan conventionnel de redressement (article L. 721-5 du code de la consommation).

Certaines dispositions de droit commun, appliquées par les juridictions, permettent de parvenir à une telle solution : il en va ainsi des dispositions de l’article 2240 du code civil qui dispose que la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription, appliqué du fait de la reconnaissance par le débiteur d’une dette via sa prise en compte dans l’état du passif adressé à la commission, ou encore des dispositions de l’article 2234 du même code qui disposent que la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l’impossibilité d’agir par suite notamment d’un empêchement résultant de la loi, évoqué dans la proposition.

Ces dispositions ne permettent toutefois pas de couvrir l’ensemble des cas, de sorte qu’il serait effectivement souhaitable de prévoir que la décision de recevabilité rendue par la commission de surendettement interrompt les délais de prescription ou de forclusion des créances contre le débiteur.

Une telle modification des textes pourrait intervenir dans le cadre d’une prochaine réforme du surendettement.

Sécurité sociale

Réparation des conséquences de la faute inexcusable : modification de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale

Depuis 2010, le Rapport suggère une modification des dispositions de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale dès lors que celles-ci, telles qu’interprétées par le Conseil constitutionnel, ne permettent pas une indemnisation intégrale des victimes d’accidents du travail dus à la faute inexcusable de leur employeur. Les normes européennes ne peuvent pas davantage être sollicitées à cette fin (2e Civ., 11 juillet 2013, pourvoi no 12-15.402, Bull. 2013, II, no 158).

Les Rapports depuis 2013 ont exposé combien l’évolution de l’indemnisation des victimes d’accidents du travail liés à une faute inexcusable de l’employeur témoigne de l’acuité du sujet et de l’intérêt de maintenir la proposition précédemment développée.

La Cour de cassation maintient donc sa proposition, au moyen d’une formulation qu’elle souhaite dénuée de toute ambiguïté sur le caractère intégral de la réparation, et propose la modification suivante de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale :

« Article unique

I. – Les dispositions du premier alinéa de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale sont abrogées et remplacées par les dispositions suivantes :

“Indépendamment de la majoration de rente qu’elle reçoit en vertu de l’article précédent, la victime a le droit de demander à l’employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation de l’ensemble des préjudices qui ne sont pas indemnisés pour l’intégralité de leur montant par les prestations, majorations et indemnités prévues par le présent livre.”

II. – La branche accidents du travail du régime général et celle du régime des salariés agricoles supportent définitivement, chacune en ce qui la concerne, la charge imputable à la modification de l’étendue de la réparation, résultant du I du présent article, des accidents du travail survenus et des maladies professionnelles constatées antérieurement à la publication de la présente loi. »

La direction de la sécurité sociale a adopté une position défavorable à l’égard d’une telle évolution de la réparation des victimes d’une faute inexcusable de l’employeur, pour les raisons déjà évoquées les années précédentes, sur la base des éléments suivants :

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision no 2010-8 QPC du 18 juin 2010, a admis le caractère forfaitaire de la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, rappelant toutefois que, en cas de faute inexcusable de l’employeur, les dispositions de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ne sauraient faire obstacle à ce que les victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle ou leurs ayants droit puissent, devant les juridictions, demander à l’employeur réparation non seulement des chefs de préjudice énumérés par cet article, mais aussi de l’ensemble des autres dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale.

La Cour de cassation a précisé dans ce cadre que les dispositions du dernier alinéa de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale prévoyant l’avance par les caisses primaires d’assurance maladie des indemnités afférentes à ces préjudices s’appliquaient identiquement pour les deux types de préjudice, ce qui préserve la victime de tout risque d’insolvabilité de l’employeur.

Dans son arrêt du 12 janvier 2017 (CEDH, arrêt du 12 janvier 2017, Saumier c. France, no 74734/14), la Cour européenne des droits de l’homme a, quant à elle, jugé conforme aux stipulations de la Convention européenne des droits de l’homme le régime de réparation forfaitaire du préjudice du salarié à raison de la faute inexcusable de l’employeur en considérant que cette réparation vient en complément de dédommagements automatiquement perçus par le salarié, ce qui singularise sa situation par rapport à la situation de droit commun. Elle en déduit qu’il existe une différence de situation ne permettant pas l’application de l’article 14 de la Convention précitée relatif à la prohibition des discriminations.

La direction de la sécurité sociale a considéré que l’articulation de ces jurisprudences permet de préserver le caractère forfaitaire de droit commun de la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles avec la nécessité de la réparation des préjudices non indemnisés par ailleurs en cas de faute inexcusable. En conséquence, l’état actuel de la jurisprudence offre, à ses yeux, aux victimes de sinistres d’origine professionnelle un niveau élevé de réparation de leurs préjudices en cas de faute inexcusable de l’employeur.

La direction de la sécurité sociale a, en outre, estimé que la proposition de la Cour de cassation en faveur d’une réparation intégrale des préjudices, qu’ils soient ou non déjà partiellement indemnisés au sein du livre IV, va au-delà de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui mentionne uniquement les dommages non couverts par la législation au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles. Elle aurait pour caractéristique de supprimer la distinction en vigueur entre la réparation de la faute inexcusable et celle de la faute intentionnelle prévue par l’article L. 452-5. Elle élargirait les cas dans lesquels la branche des accidents du travail et des maladies professionnelles avance, sans assurance de récupération, des sommes pour le compte des employeurs, à des situations dans lesquelles elle assure déjà, sous les règles prévues par le code de la sécurité sociale, la réparation des sinistres. Enfin, elle a émis l’avis qu’une telle proposition comporterait ainsi des risques financiers importants pour l’équilibre de la branche, qui est au cœur de son fonctionnement.

Il n’en apparaît pas moins que cette importante suggestion de réforme, dont les motifs exposés conservent toute leur pertinence, présente un caractère essentiel au regard de ses enjeux et de ses conséquences et en considération de l’équilibre qu’elle recherche quant à l’étendue de la réparation assurée aux victimes. Elle ne peut qu’être maintenue.

Notification de la décision attributive de rente AT

Suivant les dispositions de l’article R. 434-32, alinéa 3, du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction issue du décret no 2009-938 du 29 juillet 2009, applicable au 1er janvier 2010, qui régissent la notification des décisions prises en matière d’attribution de la rente en cas d’incapacité permanente, « la décision motivée est immédiatement notifiée par la caisse primaire d’assurance maladie par tout moyen permettant de déterminer la date de réception, avec mention des voies et délais de recours, à la victime ou à ses ayants droit et à l’employeur au service duquel se trouvait la victime au moment où est survenu l’accident ».

La Cour de cassation a jugé que ces dispositions n’avaient pas vocation à s’appliquer lorsque l’attribution (ou le refus d’attribution) de la rente se rapporte à une incapacité permanente consécutive non à un accident du travail, au sens étroit du terme, mais à une maladie professionnelle (2e Civ., 4 avril 2019, pourvoi no 17-28.785, publié au Bulletin). La solution ainsi retenue a une conséquence bien précise : dès lors que l’attribution de la rente s’applique à une maladie professionnelle, le recours de l’employeur n’est a priori enfermé dans aucune condition de délai. Il paraît utile, ne serait ce qu’aux fins de sécurisation des décisions prises dans une matière que caractérise la complexité des rapports entre la victime ou ses ayants droit, l’employeur et l’organisme social, de préciser le régime spécifique de la notification des décisions en matière de rente propre aux maladies professionnelles.

Deux formules paraissent envisageables, qui consistent, la première, à prévoir la notification de la décision à l’employeur à l’égard duquel la procédure d’instruction de la demande de prise en charge a été menée, la seconde, à opter pour la notification à l’employeur (ou à chacun des employeurs) au service duquel la victime a été exposée au risque.

Le texte n’ayant pas été modifié, il convient de renouveler cette proposition.

La DACS n’a pas émis d’avis concernant cette proposition.

B. Suggestions nouvelles

Pas de suggestions nouvelles en 2020.

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