Rapport annuel 2020 de la Cour de cassation (II. ARRÊTS RENDUS EN ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE ET EN CHAMBRE MIXTE)

Rapport annuel

Ouvrage de référence dans les milieux judiciaire et universitaire, le Rapport de la Cour de cassation est aussi un précieux instrument de travail pour les praticiens du droit. Le Rapport 2020 comporte des suggestions de modifications législatives ou réglementaires, ainsi que l’analyse des principaux arrêts et avis ayant été rendus, tout au long de l’année, dans les différentes branches du droit privé. Le Rapport présente également, de manière détaillée, l’activité juridictionnelle et extra-juridictionnelle de la Cour de cassation, ainsi que celle des juridictions et commissions instituées auprès d’elle.

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Rapport annuel 2020 de la Cour de cassation (II. ARRÊTS RENDUS EN ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE ET EN CHAMBRE MIXTE)

II. ARRÊTS RENDUS EN ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE ET EN CHAMBRE MIXTE 

A. Assemblée plénière

1. Arrêts rendus en matière civile

Responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle – Dommage – Réparation – Obligation – Bénéficiaires – Tiers à un contrat – Condition – Dommage causé par un manquement contractuel Ass. plén., 13 janvier 2020, pourvoi no 17-19.963, publié au Bulletin, rapport de Mme Monge et avis de M. de la Tour Le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage. En conséquence, le tiers à un contrat d’alimentation en énergie, qui, en raison de l’interruption de la fourniture en énergie endurée pendant plusieurs semaines par la société avec laquelle il était en relation, a subi un préjudice d’exploitation peut invoquer le manquement contractuel imputable au fournisseur d’énergie pour obtenir réparation.

Le 6 octobre 2006, la Cour de cassation, réunie en assemblée plénière, a rendu un arrêt connu sous le nom d’arrêt Boot shop ou Myr’ho (Ass. plén., pourvoi no 05-13.255, Bull. 2006, Ass. plén, no 9) par lequel elle retenait que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage.

Appelée à s’interroger sur le maintien du principe ainsi énoncé au regard d’arrêts de différentes chambres interprétés par la doctrine comme exprimant une divergence par comparaison avec la fidélité observée dans d’autres arrêts à la formulation de l’arrêt Boot shop, la Cour de cassation, à nouveau réunie en assemblée plénière, a réaffirmé, dans les mêmes termes et en s’en expliquant, son attachement à ce principe.

En l’espèce, au travers d’une action subrogatoire exercée par un assureur, la question était celle de l’indemnisation du tiers à un contrat d’alimentation en énergie, qui, en raison de l’interruption de la fourniture en énergie endurée pendant plusieurs semaines par la société avec laquelle il était en relation, avait subi un préjudice d’exploitation.

Le moyen tiré du manquement contractuel imputable au fournisseur d’énergie ayant été expressément soulevé, la cour d’appel avait fait partiellement application de la solution de l’arrêt Boot shop en en reprenant la formulation pour écarter l’opposabilité des clauses d’arbitrage et limitative de responsabilité invoquées par le contractant dont la responsabilité était recherchée, mais elle s’en était éloignée en exigeant la démonstration d’une faute. C’est cette exigence que l’assemblée plénière sanctionne.

Tout en réaffirmant le fondement délictuel ou quasi délictuel de l’action en indemnisation du tiers au contrat, l’assemblée plénière a ainsi considéré que la caractérisation d’un manquement contractuel, à la condition que ce manquement lui ait causé un dommage, suffisait à ouvrir à ce tiers droit à réparation.

Ce faisant, elle opte, à nouveau et en dépit des critiques qu’a suscitées l’arrêt Boot shop au sein de la doctrine, en particulier celle inquiète des atteintes pouvant être portées au principe de la relativité des contrats, pour une solution répondant aux attentes des tiers qui, victimes d’une inexécution ou d’une mauvaise exécution contractuelle, sont susceptibles, en l’absence de méconnaissance par le contractant poursuivi d’une obligation générale de prudence ou de diligence ou du devoir général de ne pas nuire à autrui, d’être privés de toute indemnisation de leur dommage.

L’arrêt apporte un enseignement supplémentaire : en appliquant le principe énoncé par l’arrêt Boot shop à une situation où le manquement dénoncé portait sur une obligation de résultat et non, comme dans ce précédent arrêt, sur une obligation de moyen, l’assemblée plénière de la Cour de cassation ne retient pas la nécessité d’une distinction fondée sur la nature de l’obligation méconnue.

En réalité, l’arrêt rendu subordonne le succès de l’action en indemnisation du tiers à la preuve du lien de causalité qu’il incombe à celui-ci de rapporter entre le manquement contractuel qu’il demande de reconnaître et le préjudice dont il justifie et invite, par conséquent, les juges du fond à continuer de privilégier dans leur examen cet aspect essentiel du litige qui permet de distinguer le préjudice indemnisable de celui qui ne l’est pas.

Procédures civiles d’exécution – Mesures d'exécution forcée – Saisie-attribution – Effets – Intérêts moratoires – Exclusion – Force majeure – Conditions – Extériorité Ass. plén., 10 juillet 2020, pourvois no 18-18.542 et no 18-21.814, publié au Bulletin, rapport de M. Mollard et avis de M. Molins Le gel des avoirs d'une personne ou d'une entité qui est frappée par cette mesure en raison de ses activités, ne constitue pas pour elle un cas de force majeure, faute d'extériorité, de sorte que, malgré l'impossibilité où elle se trouve d'exécuter une condamnation au paiement d'une somme d'argent, le cours des intérêts légaux sur cette somme n'est pas suspendu.

Au début des années 2000, la République islamique d’Iran, État signataire du Traité de non-prolifération des armes nucléaires, a été suspectée par la communauté internationale de développer un programme nucléaire et de missiles balistiques en violation de ses engagements internationaux.

Par la résolution 1737 (2006) du 23 décembre 2006, le Conseil de sécurité des Nations unies a décidé que l’Iran devait suspendre toutes les activités liées à l’enrichissement et au retraitement ainsi que les travaux sur tous projets liés à l’eau lourde, et prendre certaines mesures prescrites par le Conseil des gouverneurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique. Par cette même résolution, il a décidé que l’ensemble des États membres des Nations unies devraient appliquer un certain nombre de mesures restrictives, parmi lesquelles le gel des fonds et ressources économiques qui sont la propriété ou sont sous le contrôle de personnes ou entités désignées par le Conseil de sécurité comme concourant au programme nucléaire ou de missiles balistiques iranien.

Par la résolution 1747 (2007) du 24 mars 2007, le Conseil de sécurité a identifié la société de droit iranien Bank Sepah (la banque Sepah) comme faisant partie des « entités concourant au programme nucléaire ou de missiles balistiques » de l’Iran auxquelles devait s’appliquer la mesure de gel des avoirs.

Ces résolutions ont été transposées dans le droit communautaire par les règlements (CE) no 423/2007 du Conseil du 19 avril 2007 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et (CE) no 441/2007 de la Commission du 20 avril 2007 modifiant le règlement (CE) no 423/2007 du Conseil concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran, de sorte qu’à compter du 21 avril 2007 tous les avoirs détenus par la banque Sepah sur le territoire de la Communauté européenne, et notamment en France, ont été gelés.

La banque Sepah n’a pas exercé, devant les juridictions européennes, les voies de droit permettant de contester son inscription sur la liste des personnes et entités frappées par une mesure de gel.

Quelques jours après le gel des avoirs de la banque Sepah, la cour d’appel de Paris (chambre des appels correctionnels) a, par arrêt du 26 avril 2007 devenu irrévocable, déclaré celle-ci civilement responsable des agissements délictueux commis, en 1995, par l’ancien directeur de sa succursale en France et l’a en conséquence condamnée à payer certaines sommes aux sociétés de droit américain Overseas Financial Ltd (la société Overseas) et Oaktree Finance Ltd (la société Oaktree).

Le 17 janvier 2016, le Conseil de sécurité des Nations unies a radié la banque Sepah de la liste des personnes et entités faisant l’objet du gel de leurs avoirs. Cette décision a été transposée dans le droit de l’Union européenne par le règlement d’exécution (UE) no 2016/74 du Conseil du 22 janvier 2016 mettant en oeuvre le règlement (UE) no 267/2012 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran, entré en vigueur le 23 janvier 2016, date à laquelle la banque Sepah a donc recouvré la libre disposition des avoirs qu’elle détenait dans l’Union européenne.

Le 17 mai 2016, en vertu de l’arrêt du 26 avril 2007 de la cour d’appel de Paris, les sociétés Overseas et Oaktree ont fait délivrer des commandements de payer aux fins de saisie-vente contre la banque Sepah. Le 5 juillet 2016, elles ont encore fait pratiquer entre les mains de la Société générale des saisies-attributions et des saisies de droits d’associés et valeurs mobilières, au préjudice de la banque Sepah.

La banque Sepah a alors assigné les sociétés Overseas et Oaktree devant le juge de l’exécution aux fins, notamment, de voir retrancher les intérêts au taux légal des causes des saisies. Si elle reconnaissait devoir le principal des sommes au paiement desquelles elle avait été condamnée, elle soutenait que le gel de ses avoirs, qui l’avait empêchée d’exécuter l’arrêt du 26 avril 2007 précité, constituait un cas de force majeure ayant entraîné la suspension des intérêts.

Par arrêt du 8 mars 2018, la cour d’appel de Paris a écarté le moyen pris de la force majeure aux motifs que « la résolution 1747 (2007) en date du 24 mars 2007 du Conseil de sécurité des Nations unies qui a ordonné le gel des fonds et des ressources économiques de la Bank Sepah constitue une sanction prononcée à l’encontre de celle-ci » et que, « dès lors, l’appelante est mal fondée à invoquer l’existence d’une cause étrangère qui l’exonérerait de son obligation d’exécuter l’arrêt du 26 avril 2007 en ce qu’il l’a condamnée au paiement des intérêts au taux légal à compter de son prononcé ». Elle a donc rejeté la demande de la banque Sepah de voir retrancher des causes des saisies le montant des intérêts au taux légal.

Mais, considérant que rien n’interdisait aux sociétés Overseas et Oaktree d’engager, sur les avoirs gelés de la banque Sepah, des mesures d’exécution, ne serait-ce qu’à titre conservatoire, elle a dit prescrits les intérêts courus antérieurement au 17 mai 2011, en l’absence de toute cause interruptive de prescription antérieure à la signification des commandements de payer du 17 mai 2016.

La banque Sepah et les sociétés Overseas et Oaktree ont chacune formé un pourvoi.

Ces pourvois offrent, pour la première fois, à la Cour de cassation l’opportunité de préciser la nature et les conséquences d’une mesure de gel des fonds et des ressources économiques. La portée des solutions apportées aux questions qu’ils soulèvent est d’autant plus grande que, depuis une vingtaine d’années, les régimes de gel des avoirs se sont multipliés. Aussi, par arrêt du 27 février 2020, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a-t-elle ordonné le renvoi des deux pourvois devant l’assemblée plénière.

Le premier moyen de la banque Sepah soulevait à la fois la question de la nature d’une mesure de gel des fonds et des ressources économiques et celle de savoir si une telle mesure constitue, pour la personne ou l’entité qui en est frappée, un cas de force majeure.

Selon une jurisprudence constante, un événement n’est constitutif de force majeure que s’il est à la fois imprévisible, irrésistible et extérieur. À cet égard, il y a lieu de souligner que la nouvelle définition de la force majeure en matière contractuelle, introduite dans l’article 1218 du code civil par l’ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, n’était applicable ni ratione materiae, ni ratione temporis.

La cour d’appel avait constaté l’absence d’extériorité en se fondant sur la nature de sanction de la mesure de gel. Or il ressort de la jurisprudence des juridictions de l’Union européenne que le gel des avoirs n’est pas une sanction, de sorte que la motivation de l’arrêt attaqué écartant la force majeure était erronée.

Pour autant, l’assemblée plénière de la Cour de cassation a rejeté le moyen de la banque Sepah pris de la force majeure. En effet, elle a constaté, par un motif substitué de pur droit, que, la banque Sepah ayant été désignée par le Conseil de sécurité en raison de ses activités – puisque le motif de sa désignation était l’appui qu’elle apportait au programme de missiles balistiques iranien –, la mesure de gel ne remplissait pas à son égard la condition d’extériorité.

Le moyen unique des sociétés Overseas et Oaktree soulève la question de savoir si des mesures conservatoires ou d’exécution forcée peuvent être diligentées sur des fonds et des ressources économiques gelés. La réponse est d’un intérêt considérable pour les créanciers dont les débiteurs voient leurs avoirs gelés.

L’assemblée plénière de la Cour de cassation s’est plus particulièrement demandée si, compte tenu de son absence d’effet attributif, une mesure conservatoire (sûreté judiciaire ou saisie conservatoire) peut être diligentée sur des avoirs gelés. Elle a constaté que cette question est inédite, tant devant les juridictions de l’Union européenne que devant les juridictions nationales des États membres, que la réponse nécessite une interprétation du règlement (CE) no 423/2007 précité et des règlements qui l’ont remplacé, et qu’elle ne s’impose pas avec la force de l’évidence.

Elle a donc sursis à statuer et saisi la Cour de justice de l’Union européenne de questions préjudicielles en interprétation de ces règlements, ce qui l’a conduite, dans son arrêt, à apporter à la Cour de justice les explications nécessaires quant à la nature et aux effets des mesures conservatoires prévues dans le code français des procédures civiles d’exécution.

Les questions posées sont les suivantes :

« 1o) Les articles 1er, sous h) et j), et 7, paragraphe 1, du règlement (CE) no 423/2007, 1er, sous i) et h), et 16, paragraphe 1, du règlement (UE) no 961/2010 ainsi que 1er, sous k) et j), et 23, paragraphe 1, du règlement (UE) no 267/2012 doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce que soit diligentée sur des avoirs gelés, sans autorisation préalable de l’autorité nationale compétente, une mesure dépourvue d’effet attributif, telle une sûreté judiciaire ou une saisie conservatoire, prévues par le code des procédures civiles d’exécution français ?

2o) La circonstance que la cause de la créance à recouvrer sur la personne ou l’entité dont les avoirs sont gelés soit étrangère au programme nucléaire et balistique iranien et antérieure à la résolution 1737 (2006) du 23 décembre 2006 du Conseil de sécurité des Nations unies est-elle pertinente aux fins de répondre à la première question ? ».

2. Arrêts rendus en matière pénale

Convention européenne des droits de l’Homme – Article 6, § 1 – Tribunal – Impartialité – Cour de justice de la République – Commission d'instruction statuant sur la régularité des actes de l'information qu'elle a conduite Ass. plén., 13 mars 2020, pourvois no 19-86.609, no 18-80.162, no 18-80.164 et no 18-80.165, publié au Bulletin, rapport de M. Guéry et avis de M. Salomon Ne méconnaît pas les garanties de l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, l'arrêt de la commission d'instruction de la Cour de justice de la République statuant sur la régularité des actes de l'information qu'elle a conduite, en application de l'article 23 de la loi organique du 23 novembre 1993, dès lors qu'elle se prononce sous le contrôle de l'assemblée plénière de la Cour de cassation ayant, en la matière, pleine compétence pour statuer en fait et en droit.

Comptes de campagne – Validation par le Conseil constitutionnel – Décision – Autorité de chose jugée – Etendue – Infractions prévues à l’article L. 113-1 du code électoral exclusivement Même arrêt La validation des comptes de campagne, à la date de la décision rendue par le Conseil constitutionnel, résulte d'un contrôle juridictionnel et l'autorité de la chose jugée de cette décision ne trouve à s'appliquer qu'au regard des infractions prévues par l'article L. 113-1 du code électoral, sanctionnant l'absence de respect des obligations visées par ce texte et imposées à un candidat.

Par le présent arrêt, l’assemblée plénière de la Cour de cassation rejette les pourvois formés par M. A… X…, ancien Premier ministre et candidat à l’élection présidentielle en 1995, contre trois arrêts avant-dire droit rendus le 21 décembre 2017 par la commission d’instruction de la Cour de justice de la République et contre l’arrêt rendu par la même commission, le 30 septembre 2019, portant renvoi devant la formation de jugement de ladite Cour, et non-lieu partiel.

Il est reproché à M. X…, en qualité de complice et de receleur d’abus de biens sociaux, d’avoir participé à la mise en place d’un réseau d’intermédiaires venu se greffer sur des contrats d’armement conclus avec l’Arabie saoudite et le Pakistan, générant des rétro-commissions ayant pu alimenter sa campagne électorale présidentielle.

Seules les principales questions juridiques discutées font l’objet de la présente notice.

Le premier moyen portait sur l’arrêt no 1, rendu le 21 décembre 2017, par lequel la commission d’instruction avait rejeté la demande de nullité de procédure prise de ce que les juges de droit commun se seraient dessaisis tardivement de la procédure alors qu’apparaissaient déjà des éléments mettant en cause le Premier ministre.

L’assemblée plénière de la Cour de cassation n’a pas suivi le demandeur dans la comparaison qu’il établissait avec la procédure des anciens articles 679 à 688 du code de procédure pénale, dite des « privilèges de juridiction », dont la portée était profondément différente.

Elle rappelle que non seulement le dessaisissement au profit de la Cour de justice de la République ne peut avoir lieu que lorsqu’un ministre est mis en cause, mais encore lorsqu’il est établi que les faits, à les supposer avérés, auraient été commis dans le cadre de ses fonctions ministérielles.

Un tel dessaisissement ne peut être envisagé qu’après qu’il a été instruit sur ces critères de compétence et l’analyse de la commission d’instruction est confirmée sur ce point.

Le deuxième moyen portait sur l’arrêt no 2, daté du même jour, par lequel la commission d’instruction avait dit n’y avoir lieu à annulation de la mise en examen de M. X…. Le moyen faisait valoir que la commission d’instruction n’aurait pas dû statuer, pour apprécier cette nullité, dans la même composition que celle ayant ordonné la mise en examen. La question de violation de l’impartialité soulevée ne touchait pas la personne des magistrats mais la procédure prévue par l’article 23 de la loi organique no 93-1252 du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République.

En réponse, l’assemblée plénière rappelle que ce sont les dispositions expresses de l’article 23 de la loi organique no 93-1252 du 23 novembre 1993 précitée qui prévoient que la commission d’instruction de la Cour de justice de la République statue sur les nullités de la procédure, un pourvoi pouvant être formé devant la Cour de cassation, ayant, en la matière, pleine compétence pour statuer en fait et en droit, de sorte que ces dispositions ne méconnaissent pas les garanties de l’article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme.

L’assemblée plénière de la Cour de cassation avait rendu un arrêt dans le même sens le 6 juin 2003 (Ass. plén., 6 juin 2003, pourvois no 01-87.092 et no 03-80.734, Bull. crim. 2003, Ass. plén., no 2).

Le troisième moyen critiquait l’arrêt no 3, également rendu le 21 décembre 2017. Il invoquait, dans une première branche, l’impossibilité pour la commission d’instruction de répondre dans la même composition que celle ayant statué en 2016 sur la même question. La Cour de cassation rappelle que la première décision rendue sur la prescription de l’action publique, par la commission d’instruction de la Cour de justice de la République, n’avait pas autorité de la chose jugée à l’égard de M. X….

Le demandeur prétendait, dans le cadre de ce moyen (et du quatrième qui en constituait la conséquence), que la prescription de l’action publique était acquise dès lors que le contrôle par le Conseil constitutionnel des comptes de campagne était exclusif de toute dissimulation.

Mais le fait de faire figurer certaines sommes dans les recettes de campagne du candidat n’excluait pas la dissimulation de leur origine. À l’époque des faits, le Conseil constitutionnel n’avait ni la mission ni les pouvoirs d’ordonner des investigations sur ce point.

En conséquence, le point de départ de la prescription de l’action publique avait pu être fixé par la commission d’instruction au jour de la découverte, en septembre 2006, d’un rapport attestant de l’existence de rétro-commissions ayant pu bénéficier à la campagne présidentielle de M. X….

Peu importe, à cet égard, que des membres du Conseil constitutionnel aient, à des dates postérieures, fait état de leur connaissance de l’existence d’irrégularités.

Peu importe, encore, que certaines autorités qui auraient dû dénoncer les faits en application de l’article 40 du code de procédure pénale ne l’aient pas fait, dès lors que c’est leur seule connaissance par le ministère public, dans des conditions permettant la mise en oeuvre de l’action publique, qui constitue le point de départ de la prescription.

Le cinquième moyen et le troisième moyen, dans l’une de ses branches, arguaient de la violation de l’article 62, alinéa 3, de la Constitution du 4 octobre 1958, qui énonce que les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d’aucun recours et s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles.

Après avoir admis que cette disposition s’applique aux décisions rendues par le Conseil constitutionnel dans le domaine particulier des comptes de campagne, l’assemblée plénière de la Cour de cassation se livre à un examen de l’objet du contrôle exercé en cette occasion par le Conseil.

En effet, l’autorité dite absolue de la chose jugée des décisions du Conseil constitutionnel est circonscrite à son objet.

Or la décision du Conseil constitutionnel validant les comptes de campagne a un objet différent de celui des investigations menées par l’autorité judiciaire sur des délits autres que les délits électoraux prévus par l’article L. 113-1 du code électoral, sanctionnant l’absence de respect des obligations visées par ce texte et imposées à un candidat. Aussi n’empêche-t-elle pas le juge de procéder à de telles investigations.

Telles sont les questions juridiques que l’assemblée plénière de la Cour de cassation a tranchées à l’occasion des présents pourvois.

B. Chambre mixte

Aucun arrêt en chambre mixte publié au Rapport en 2020.

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