Rapport annuel 2020 de la Cour de cassation (I. AVIS DE LA COUR DE CASSATION)

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Ouvrage de référence dans les milieux judiciaire et universitaire, le Rapport de la Cour de cassation est aussi un précieux instrument de travail pour les praticiens du droit. Le Rapport 2020 comporte des suggestions de modifications législatives ou réglementaires, ainsi que l’analyse des principaux arrêts et avis ayant été rendus, tout au long de l’année, dans les différentes branches du droit privé. Le Rapport présente également, de manière détaillée, l’activité juridictionnelle et extra-juridictionnelle de la Cour de cassation, ainsi que celle des juridictions et commissions instituées auprès d’elle.

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Rapport annuel 2020 de la Cour de cassation (I. AVIS DE LA COUR DE CASSATION)

I. AVIS DE LA COUR DE CASSATION

A. Formation plénière

Aucun avis en formation plénière publié au Rapport en 2020.

B. Formation mixte

Aucun avis en formation mixte publié au Rapport en 2020.

C. Avis rendus par les chambres

1. Avis rendus en matière civile

Protection des consommateurs – Intérêts – Taux – Taux effectif global – Défaut de mention ou mention erronée – Sanction – Détermination – Ordonnance nº 2019-740 du 17 juillet 2019 – Application dans le temps – Application aux contrats de crédit conclus avant son entrée en vigueur (non)

Avis de la Cour de cassation, 1re Civ., 10 juin 2020, no 20-70.001, publié au Bulletin, rapport de M. Vitse et avis de M. Lavigne

Les dispositions de l’ordonnance no 2019-740 du 17 juillet 2019 sont inapplicables aux contrats de crédit conclus avant son entrée en vigueur.

Protection des consommateurs – Crédit immobilier – Offre préalable – Modification du prêt – Conditions du prêt – Intérêts – Taux – Taux effectif global ou taux conventionnel – Erreur – Sanction – Déchéance du droit aux intérêts du prêteur dans la proportion fixée par le juge

Même avis

En cas d’erreur affectant le calcul du taux effectif global ou du taux conventionnel mentionnés dans l’avenant au contrat de crédit immobilier, le prêteur peut être déchu de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge.

L’avis, prononcé au regard de crédits souscrits le 24 mai 2011 et d’un avenant conclu le 17 décembre 2013, précise, d’une part, le champ d’application dans le temps de l’ordonnance no 2019-740 du 17 juillet 2019 relative aux sanctions civiles applicables en cas de défaut ou d’erreur du taux effectif global (1), d’autre part, la sanction encourue par le prêteur en cas d’erreur relative au taux effectif global ou au taux conventionnel mentionnés dans l’avenant de renégociation d’un crédit immobilier (2).

1) À la diversité de sanctions antérieurement encourues en cas de défaut ou d’erreur du taux effectif global l’ordonnance no 2019-740 du 17 juillet 2019 précitée substitue une seule sanction, à savoir la déchéance du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge.

Ce texte ne comporte pas de dispositions transitoires, de sorte que se pose la question de son application dans le temps.

Aux termes de l’article 2 du code civil, la loi ne dispose que pour l’avenir et n’a point d’effet rétroactif.

Si une loi nouvelle peut déroger à ce principe et ainsi s’appliquer aux contrats conclus avant son entrée en vigueur, encore faut-il qu’elle prévoie une disposition expresse en ce sens.

Or tel n’est pas le cas de l’ordonnance no 2019-740 du 17 juillet 2019 précitée, dont on a vu qu’elle ne comportait pas de dispositions transitoires.

Reste que la rétroactivité d’une loi nouvelle peut également être justifiée, de manière prétorienne, par des considérations d’ordre public ou par la théorie des effets légaux du contrat.

Seules des considérations d’ordre public impérieuses peuvent justifier de faire rétroagir une loi nouvelle. Dès lors que l’ordonnance no 2019-740 du 17 juillet 2019 vise à harmoniser le régime des sanctions civiles applicables au prêteur et à assurer leur proportionnalité, elle n’obéit pas à de telles considérations.

Quant à la théorie des effets légaux du contrat, selon laquelle la loi nouvelle a vocation à s’appliquer immédiatement aux contrats en cours lorsque les effets du contrat résultent de la loi et non de la volonté des parties, elle ne saurait davantage justifier l’application rétroactive de l’ordonnance précitée aux contrats en cours, quand bien même la sanction encourue en cas d’inobservation des règles de fixation du taux effectif global échappe manifestement à la volonté des parties. En effet, l’application de cette théorie est bornée par la nécessité d’une situation juridique non définitivement réalisée. Or le vice qui justifie la déchéance du droit aux intérêts affecte le taux effectif global dès la souscription du contrat de crédit, de sorte qu’il procède d’une situation juridique définitivement réalisée au jour de la conclusion du contrat.

À noter que l’avis est prononcé en contemplation des seuls crédits litigieux, une demande d’avis n’étant recevable que si elle commande l’issue du litige. Il s’ensuit que l’avis ne vaut que pour les crédits immobiliers souscrits avant le 18 décembre 2013.

Au vu de la directive 2014/17/UE du Parlement européen et du Conseil du 14 février 2014 sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel et modifiant les directives 2008/48/CE et 2013/36/UE et le règlement (UE) no 1093/2010, qui, à l’article 38, exige que les sanctions applicables en cas d’infraction aux dispositions nationales adoptées sur la base de cette directive soient proportionnées et qui prévoit qu’elle ne s’applique pas aux contrats de crédit en cours au 21 mars 2016, date limite de sa transposition, l’application rétroactive de l’ordonnance no 2019-740 du 17 juillet 2019 précitée aux contrats conclus postérieurement à cette date pourrait se poser.

2) Si l’on considère les textes applicables aux crédits litigieux, l’article L. 312-33 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi no 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, ne renvoie pas aux dispositions de l’article L. 312-14-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance no 2016-351 du 25 mars 2016 sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage d’habitation. Il pourrait s’en déduire que la déchéance du droit aux intérêts prévue au premier de ces textes n’est pas la sanction encourue en cas d’erreur affectant le calcul du taux effectif global ou du taux conventionnel mentionnés dans l’avenant prévu au second, seule la substitution du taux d’intérêt légal à celui de l’intérêt conventionnel étant concevable.

Ce serait toutefois ignorer un arrêt contemporain du présent avis, dont il résulte que l’omission du taux effectif global dans l’écrit constatant un contrat de prêt comme l’erreur affectant la mention de ce taux dans un tel écrit justifient que le prêteur soit déchu de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, même lorsque le contrat a été conclu avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance no 2019-740 du 17 juillet 2019 précitée (1re Civ., 10 juin 2020, pourvoi no 18-24.287, publié au Bulletin).

Une telle jurisprudence a pour but de permettre au juge de prendre en considération, y compris dans les contrats souscrits antérieurement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance précitée, la gravité du manquement commis par le prêteur et le préjudice subi par l’emprunteur.

Le même objectif de proportionnalité impose de prévoir une sanction identique en cas d’erreur affectant le calcul du taux conventionnel mentionné dans l’avenant au contrat de crédit immobilier.

2. Avis rendu en matière pénale

Aucun avis en matière pénale publié au Rapport en 2020.

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