Rapport annuel 2020 de la Cour de cassation (3. La Commission nationale de réparation des détentions)

Rapport annuel

Ouvrage de référence dans les milieux judiciaire et universitaire, le Rapport de la Cour de cassation est aussi un précieux instrument de travail pour les praticiens du droit. Le Rapport 2020 comporte des suggestions de modifications législatives ou réglementaires, ainsi que l’analyse des principaux arrêts et avis ayant été rendus, tout au long de l’année, dans les différentes branches du droit privé. Le Rapport présente également, de manière détaillée, l’activité juridictionnelle et extra-juridictionnelle de la Cour de cassation, ainsi que celle des juridictions et commissions instituées auprès d’elle.

Rapport annuel

Rapport annuel 2020 de la Cour de cassation (3. La Commission nationale de réparation des détentions)

3. La Commission nationale de réparation des détentions

a. Étude statistique des recours et des décisions

La Commission nationale de réparation des détentions a enregistré trente recours en 2020. Le nombre des recours a donc sensiblement diminué par rapport aux années précédentes (quarante-trois recours en 2019 et soixante-quatre recours en 2018).

Les recours reçus ont concerné des décisions rendues dans dix-sept cours d’appel. Celles d’Aix-en-Provence et de Rennes ont transmis à la commission nationale quatre recours chacune, celles de Paris et de Versailles trois recours chacune.

La commission nationale a rendu quarante décisions en 2020, dont trente-cinq ont été rendues au fond. Treize d’entre elles ont été des décisions de rejet, trois ont accueilli intégralement le recours et dix-neuf l’ont accueilli partiellement.

La Commission nationale de réparation des détentions a en outre rendu une décision d’irrecevabilité et a été saisie d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), qu’elle n’a pas transmise à la Cour de cassation.

Le délai moyen de jugement par affaire a été de quinze mois en 2020. Ce délai, qui était de dix mois l’année précédente, peut s’expliquer par la prise en compte statistique d’un recours du 14 octobre 2011, sur lequel la décision, rendue le 24 septembre 2012, a fait l’objet d’une requête en rectification d’erreur matérielle, déposée le 17 février 2020.

L’âge moyen des demandeurs, à la date de leur incarcération, était de 36,6 ans. Cet âge moyen est plus élevé que celui des années précédentes (30,98 en 2019, 31,20 en 2018 et 33,62 en 2017), comparable à celui de l’année 2016 (36,22 ans). Les âges extrêmes ont été de 19 ans et 71 ans.

La durée moyenne des détentions indemnisées a été de 379,05 jours. Elle est supérieure à celle de l’année précédente (356,19 jours) mais inférieure à celle de l’année 2018 (405,08 jours). Cette durée moyenne a été de 288,06 jours en 2017, de 372,61 jours en 2016, de 376 jours en 2015 et de 367 jours en 2014.

Onze détentions indemnisées ont été supérieures ou égales à un an, six d’entre elles supérieures à deux ans, dont deux supérieures à trois ans, la plus longue ayant été de 1 644 jours. Sept détentions n’ont pas excédé trois mois, la plus courte ayant été de trente-quatre jours.

Évolution de l’activité de la Commission nationale de réparation des détentions

Évolution de l’activité de la Commission nationale de réparation des détentions

Répartition des décisions de la Commission nationale de réparation des détentions par catégories – année 2020

Répartition des décisions de la Commission nationale de réparation des détentions par catégories – année 2020

En ce qui concerne la répartition par infractions, il convient de noter la part toujours importante des infractions contre les personnes (homicides volontaires, viols et violences).

Répartition des requêtes devant la Commission nationale de réparation des détentions par infractions poursuivies – année 2020

Répartition des requêtes devant la Commission nationale de réparation des détentions par infractions poursuivies – année 2020

b. Analyse de la jurisprudence

Conditions du droit à réparation

La commission nationale a jugé qu’une demande en réparation de la détention provisoire est recevable dans le cas où :

  • d’une part, la procédure d’information a été annulée partiellement par un arrêt de la chambre de l’instruction ayant prononcé la nullité du réquisitoire introductif, de la mise en examen du requérant et de l’ensemble des titres de détention de celui-ci ;
  • d’autre part, le reliquat des pièces de la procédure a ultérieurement fait l’objet d’une décision de classement sans suite du ministère public, aucune poursuite n’ayant été reprise (Com. nat. de réparation des détentions,13 octobre 2020, no 19CRD035).

Cette décision s’inscrit dans le courant de la jurisprudence de la commission nationale selon laquelle, en édictant l’article 149 du code de procédure pénale, le législateur a voulu, sauf dans les cas limitativement énumérés, que toute personne non déclarée coupable définitivement ait le droit d’obtenir réparation du préjudice que lui a causé la détention provisoire quelle que soit la cause de la non-déclaration de culpabilité.

Elle a ainsi admis des demandes d’indemnisation dans certains cas d’annulation d’actes de la procédure, lorsque l’annulation empêche celle-ci d’aller jusqu’à son terme normal et prive la personne ayant été détenue de toute possibilité d’obtenir une décision de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement (Com. nat. de réparation des détentions, 21 janvier 2008, no 07CRD068, Bull. crim. 2008, CNRD ; Com. nat. de réparation des détentions, 15 avril 2013, no 12CRD036, Bull. crim. 2013, CNRD, no 2 ; Com. nat. de réparation des détentions, 16 juin 2015, no 14CRD066, Bull. crim. 2015, CNRD, no 4).

Plusieurs décisions ont par ailleurs été l’occasion pour la Commission nationale de réparation des détentions de rappeler certaines de ses jurisprudences constantes.

En premier lieu, la commission a confirmé que sa compétence est limitée aux détentions résultant de poursuites exercées par les autorités judiciaires françaises, de sorte que la détention subie en France sous écrou extraditionnel à la requête d’un État étranger ne revêt pas le caractère d’une détention provisoire au sens des articles 149 à 150 du code de procédure pénale, et n’ouvre donc pas droit à indemnisation en faveur du demandeur, qui ne justifie d’aucune décision de non-lieu, de relaxe, ou d’acquittement rendue par une juridiction française (Com. nat. de réparation des détentions, 14 janvier 2020, no 19CRD017 – en ce sens : Com. nat. de réparation des détentions, 24 février 2014, no 13CRD029, Bull. crim. 2014, CNRD, no 2).

En deuxième lieu, la commission a jugé à nouveau que l’hypothèse selon laquelle un demandeur, ayant exécuté durant sa détention provisoire une peine d’emprisonnement ferme, aurait pu, en d’autres circonstances, bénéficier d’un éventuel aménagement de cette peine, demeure sans incidence sur l’application de l’article 149 du code de procédure pénale, qui exclut toute réparation lorsque le demandeur était, dans le même temps, détenu pour autre cause (Com. nat. de réparation des détentions, 11 février 2020, no 19CRD026 – en ce sens : Com. nat. de réparation des détentions, 13 juin 2017, no 16CRD055, Bull. crim. 2017, CNRD, no 1).

En troisième lieu, la Commission nationale de réparation des détentions a rappelé que s’appliquent au droit à réparation ouvert par les articles 149 et suivants du code de procédure pénale les dispositions de l’article 1er de la loi no 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l’État, les départements, les communes et les établissements publics, selon lequel sont prescrites au profit de l’État toutes créances qui n’ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l’an- née suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis.

Faisant application de ce texte, elle a jugé que l’absence de notification à l’intéressé de la possibilité de former une demande en réparation n’a d’effet que sur la recevabilité de la requête au regard du délai de six mois dans lequel elle doit être déposée, et ne constitue pas un empêchement à agir résultant de l’ignorance légitime de l’existence de la créance, au sens de l’article 3 de la loi no 68-1250 du 31 décembre 1968 précitée (Com. nat. de réparation des détentions, 14 janvier 2020, no 19CRD012 – en ce sens : Com. nat. de réparation des détentions, 16 juin 2015, no 14CRD066, Bull. crim. 2015, CNRD, no 4).

 

 

Étendue du droit à indemnisation

La Commission nationale de réparation des détentions a rendu plusieurs décisions relatives à la durée de la détention indemnisable, par lesquelles elle s’est prononcée sur la transposition des dispositions de l’article 716-4, alinéa 1, du code de procédure pénale selon lequel « quand il y a eu détention provisoire à quelque stade que ce soit de la procédure, cette détention est intégralement déduite de la durée de la peine prononcée ou, s’il y a lieu, de la durée totale de la peine à subir après confusion ».

Elle a jugé par application de ce texte que lorsqu’un demandeur, placé en détention provisoire du chef d’une des infractions poursuivies, bénéficie d’une décision définitive de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement pour cette infraction, mais est définitivement condamné, pour tout ou partie des autres chefs de la poursuite, à une peine d’emprisonnement ferme, la durée de la détention provisoire indemnisable est déterminée en tenant compte de cette peine, peu important que les infractions qu’elle réprime n’autorisaient pas le placement en détention provisoire (Com. nat. de réparation des détentions, 15 octobre 2020, no 19CRD001).

De même a-t-elle jugé que l’article précité est applicable lorsque le demandeur a été, dans une même procédure, placé en détention provisoire pour tentative de meurtre et que, les faits ayant été ultérieurement disqualifiés, il a en définitive été condamné, pour un délit distinct pour lequel il n’avait pas été placé en détention provisoire, à une peine d’emprisonnement ferme (Com. nat. de réparation des détentions, 15 décembre 2020, no 19CRD042).

En revanche, la Commission nationale de réparation des détentions a jugé que lorsque les faits pour lesquels le demandeur a été mis en examen et placé en détention provisoire ont fait l’objet d’un arrêt définitif de non-lieu rendu par une chambre de l’instruction, ordonnant par ailleurs une disjonction, et un renvoi devant un juge d’instruction s’agissant de faits objets d’une mise en examen supplétive, il n’y avait pas lieu, en raison de la disjonction, et de l’existence subséquente d’une seconde procédure, à application de l’article 716-4 du code de procédure pénale, de sorte qu’il était en la circonstance justifié d’une détention provisoire indemnisable et que la requête en indemnisation était recevable (Com. nat. de réparation des détentions, 15 décembre 2020, no 19CRD039).

On précisera que l’agent judiciaire de l’État, dont l’argumentation s’appuyait sur la jurisprudence selon laquelle le demandeur est irrecevable à présenter une requête en réparation tant qu’il n’a pas été statué par une décision devenue définitive sur chacune des infractions faisant l’objet de la mise en examen, de la prévention ou de l’accusation (Com. nat. de réparation des détentions, 23 mai 2011, no 10CRD076, Bull. crim. 2011, CNRD, no 3), avait en l’espèce soulevé une fin de non-recevoir tirée du caractère pré- maturé de la demande d’indemnisation, en faisant valoir qu’en cas de condamnation à une peine d’emprisonnement ferme la durée de détention subie serait, en application de l’article 716-4 du code de procédure pénale, déduite de la peine prononcée.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.