Rapport annuel 2020 de la Cour de cassation (1. L’activité des chambres civiles)

Rapport annuel

Ouvrage de référence dans les milieux judiciaire et universitaire, le Rapport de la Cour de cassation est aussi un précieux instrument de travail pour les praticiens du droit. Le Rapport 2020 comporte des suggestions de modifications législatives ou réglementaires, ainsi que l’analyse des principaux arrêts et avis ayant été rendus, tout au long de l’année, dans les différentes branches du droit privé. Le Rapport présente également, de manière détaillée, l’activité juridictionnelle et extra-juridictionnelle de la Cour de cassation, ainsi que celle des juridictions et commissions instituées auprès d’elle.

Rapport annuel

Rapport annuel 2020 de la Cour de cassation (1. L’activité des chambres civiles)

BILAN D’ACTIVITÉ DE LA COUR DE CASSATION POUR L’ANNÉE 2020

I. Activité juridictionnelle

​​​​​​A. L’activité juridictionnelle de la Cour de cassation

​​​​​​1. L’activité des chambres civiles

1. Évolution des affaires nouvelles et terminées et durée des procédures civiles, commerciales et sociales 2011-2020

Oscillant entre 19 000 et 20 000 au cours des années 2011 à 2016, le nombre des pourvois décroît fortement après avoir atteint un maximum en 2017 (22 040). Ce nombre diminue ensuite de 24 % en 2018, puis faiblement en 2019 (16 419, soit de 2 %), pour chuter à nouveau de 19 % en 2020 (13 269) – tableau 1. Cette baisse s’explique en partie par le contexte de la crise sanitaire#11, notamment par l’incidence sur le nombre des pourvois de la réduction importante d’activité enregistrée devant les cours d’appel en 2020 en raison du report des audiences.

 

Tableau 1 – Évolution du nombre des affaires nouvelles et terminées et de la durée de procédures 2011-2020

Unité de compte = pourvoi

Années

Affaires nouvelles *

Affaires terminées **

Durée moyenne (en mois)

2011

20 710

21 315

12,6

2012

20 998

20 688

12,8

2013

19 024

19 822

13,1

2014

20 677

19 398

12,8

2015

19 773

17 648

13,6

2016

19 296

20 882

14,3

2017

22 040

19 999

14,0

2018

16 805

21 303

13,5

2019

16 419

17 509

14,5

2020

13 269

14 076

15,7

* Déclarations de pourvoi.

** Pourvois ayant fait l’objet d’une décision de dessaisissement, y compris après jonction. Source : NOMOS.

La Cour de cassation étant saisie de pourvois formés dans plus de 90 % contre des décisions prononcées par les cours d’appel2, la mise en perspective de la série des décisions rendues par les cours d’appel3 avec celle des pourvois met en évidence le lien existant entre activité des cours d’appel et pourvois formés devant la Cour de cassation – tableau 2 et figure 1.

En 2020, on enregistre une baisse conjoncturelle très importante (- 23,4 %). Les cours d’appel ont en effet rendu près de 42 000 décisions de moins qu’en 2019. On constate l’impact de cette baisse sur le nombre des pourvois, puisque celui-ci diminue également fortement (- 19,2 %).

 

Tableau 2 – Évolution du nombre des décisions prononcées par les cours d’appel et des pourvois 2011-2020

 

Années

Décisions CA

Pourvois

2011

173 584

20 710

2012

175 326

20 998

2013

163 465

19 024

2014

166 619

20 677

2015

175 831

19 773

2016

178 059

19 296

2017

184 949

22 040

2018

177 850

16 805

2019

177 576

16 419

2020

136 051

13 269

Source : RGC cour d'appel et NOMOS

 


1. Il convient de rappeler que pour être déclaré recevable, c’est-à-dire pour pouvoir être examiné, un pourvoi doit être formé dans un délai donné, en général dans les 2 mois qui suivent la signification ou la notification de la décision attaquée (article 612 du code de procédure civile, sauf procédures particulières des articles 996 et 999 du code de procédure civile). Passés ces délais, le pourvoi sera déclaré irrecevable.

En raison de la crise sanitaire et de la « période juridiquement protégée » (« PJP ») le délai de droit commun pour former un pourvoi a été étendu. Ainsi, tout pourvoi qui aurait dû être formé entre le 12 mars 2020 et la date de fin de la période juridiquement protégée fixée au 23 juin 2020 inclus est réputé avoir été formé à temps s’il l’a été dans les deux mois suivants la fin de PJP. Ainsi à titre d’exemple un pourvoi qui aurait dû, faute d’irrecevabilité, être formé avant le 20 mars 2020 doit être déclaré recevable s’il a été formé avant le 22 août 2020.

 

2. Sur les décisions prononcées en 2019 par les juridictions du fond ayant fait l’objet au moins d’un pourvoi, en 2019 et 2020, plus de 93 % ont été prononcées par une cour d’appel, dont 30 % en matière prud’homale et moins de 1 % par la Cour nationale de l’incapacité et de la tarification. Au total, moins de 6 % des décisions attaquées devant la Cour de cassation ont été prononcées par une juridiction du premier degré. Au sein de ces dernières, le tribunal d’instance arrive en tête (3 %), plus de la moitié de ces pourvois attaquant des décisions rendues en matière d’élections professionnelles. Le tribunal de grande instance arrive en seconde position (1,8 %) mais le dispositif statistique de la Cour de cassation ne permet pas de connaître la nature des contentieux concernés. Seulement 0,9 % des décisions attaquées ont été prononcées par des conseils de prud’hommes, 0,2 % par un tribunal de commerce.

3. Pour établir cette statistique, les données statistiques du répertoire général civil des cours d’appel ont été exploitées. Ont été retenues les décisions des cours d’appel statuant sur les demandes susceptibles d’être attaquées devant la Cour de cassation (codes de la variable DECISION 33A et suivants).


Figure 1 – Évolution du nombre des décisions prononcées par les cours d’appel et des pourvois 2011-2020

Évolution du nombre des décisions prononcées par les cours d’appel et des pourvois 2011-2020
  • À la fin de la décennie, le stock des affaires en cours devant la Cour de cassation diminue légèrement

Au cours des trois dernières années de la décennie, on constate que le nombre d’affaires terminées devant la Cour de cassation dépasse celui des affaires nouvelles (+ 4 498 en 2018, + 1 090 en 2019, enfin + 807 en 2020), ce qui a eu pour effet de résorber le stock des affaires en cours. L’augmentation de la durée moyenne des procédures observée en 2019 et 2020 pourrait ainsi s’expliquer par le fait que, ayant moins été saisies de pourvois, les chambres ont pu traiter davantage d’affaires plus anciennes4 – tableau 1 et figure 2.


4. Les statistiques produites par la Cour de cassation ne permettent pas actuellement de vérifier cette hypothèse et de connaître l’évolution de l’âge du stock.


Figure 2 – Évolution des affaires nouvelles et terminées en matière civile, commerciale et sociale 2011-2020

Évolution des affaires nouvelles et terminées en matière civile, commerciale et sociale 2011-2020

2. Les abandons de procédure

  • 20 % des demandeurs au pourvoi se désistent ou ne déposent pas de mémoire ampliatif dans les délais impartis

Une part non négligeable de procédures introduites devant la Cour de cassation ne fait pas l’objet d’une orientation dans les chambres civiles, commerciale ou sociale, ayant fait l’objet soit d’un désistement, soit d’une déchéance constaté par ordonnance du premier président ou de son délégué.

La déchéance du pourvoi est encourue, lorsqu’il est constaté que le demandeur n’a pas remis au greffe de la Cour de cassation un mémoire ampliatif contenant les moyens de droit invoqués contre la décision attaquée, dans le délai de quatre mois à compter du pourvoi. Sous peine de la même sanction, le mémoire doit être notifié dans le même délai aux avocats des autres parties ou à la partie qui n’est pas tenue de constituer un avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation (article 978 du CPC).

Pour rendre compte de la fréquence des abandons de procédure, nous avons comptabilisé les désistements et déchéances prononcés par ordonnance, donc avant orientation dans les chambres en 2019 et 2020 qui concernaient des pourvois formés en 2019.

On constate ainsi que plus de 20 % des procédures ne sont pas menées jusqu’à leur terme, les désistements étant plus fréquents (13,2 %) que les déchéances (7,6 %)5.


5. Il sera prochainement possible d’exploiter la variable « Nature d’affaire » (Nomenclature des Affaires Civiles) codée par les cours d’appel qui figure désormais dans NOMOS. Cette donnée permettra ainsi de savoir si certains types de contentieux font plus souvent que d’autres l’objet d’abandons de procédure, mais surtout de calculer des taux de pourvoi par nature de contentieux.


Figure 3 – Proportion de procédures introduites en 2019 abandonnées avant orientation dans les chambres

Proportion de procédures introduites en 2019 abandonnées avant orientation dans les chambres

3. Les pourvois orientés

  • En moyenne, sur la période 2011-2020, plus de quatre pourvois sur dix sont orientés devant la chambre sociale

Sur l’ensemble de la période 2011-2020, près de 43 % des pourvois ont été orientés devant la chambre sociale. Si l’on ajoute les pourvois traités par la deuxième chambre civile en matière de protection sociale, on constate que les chambres consacrent près de la moitié de leur activité au traitement de ces deux types de contentieux. Cette part varie cependant notablement selon les années en raison de l’arrivée de contentieux sériels en matière prud’homale qui génèrent d’importantes fluctuations du nombre des pourvois orientés (36,4 % en 2011, 51,4 % en 2017) – tableau 3.

Tableau 3 – Évolution du nombre des pourvois orientés par chambre 2011-2020

Évolution du nombre des pourvois orientés par chambre 2011-2020

En moyenne, sur la période, la deuxième chambre civile a reçu 17,7 % des pourvois orientés, cette part varie également au fil des années de 14,7 % en 2017 à près de 23 % en 2020. On observe que cette chambre consacre une part croissante de son activité au traitement des contentieux de la protection sociale. Cette part représentait en effet un peu plus d’un tiers des pourvois orientés devant la deuxième chambre civile en 2011 (35,7 %), elle dépasse 44 % en 2020.

En moyenne, sur la période 2011-2020, 14,4 % des pourvois ont été orientés devant la première chambre civile, 13 % devant la troisième chambre civile, enfin 12,3 % devant la chambre commerciale, financière et économique. En 2020, ces proportions sont respectivement de 16,3 %, 12,2 % et 13,7 %. En l’absence d’informations qualitatives sur la nature des affaires orientées devant les chambres, il est difficile d’expliquer les fluctuations annuelles observées. La mise en place prochaine d’une nomenclature des affaires orientées (NAO) permettra d’appréhender les évolutions qualitatives des affaires traitées par chaque chambre.

4. De la statistique des pourvois à la statistique des décisions

Chaque déclaration de pourvoi est enregistrée sous un numéro de pourvoi. Lorsque la chambre rend une décision de dessaisissement, celle-ci est à son tour enregistrée sous un numéro d’arrêt. Si l’on comptabilise les numéros d’arrêt, on constate que leur nombre est parfois très inférieur à celui des numéros de pourvois. Cet écart s’observe lorsque la chambre prononce une jonction de plusieurs pourvois – figure 4.

Les décisions de jonction sont prononcées d’une part lorsque plusieurs pourvois sont formés par des personnes différentes contre la même décision, d’autre part lorsque plusieurs pourvois sont formés contre des décisions similaires. Ce dernier cas est de loin le plus fréquent et concerne principalement les litiges jugés par la chambre sociale opposant un nombre parfois très important de salariés à un même employeur.

Les courbes de la figure 4 mettent en évidence un effet de séries permanent devant la chambre sociale, avec des pics très nets en 2016 et 2018. À cet égard, les deux séries les plus emblématiques ont concerné, pour la première, les pourvois formés par près de 700 salariés à la suite du licenciement collectif du groupe « Continental », la seconde, les actions individuelles de 1 704 agents contractuels de droit privé de La Poste réclamant des rappels de salaire au titre du « complément Poste ».

Les autres chambres sont peu concernées, à l’exception d’un pic devant la deuxième chambre civile en 2011. Cette chambre a traité en effet cette année-là des séries de pourvois en matière de protection sociale formés par des demandeurs résidant en Algérie ou au Maroc qui n’avaient pas été régulièrement convoqués.

Figure 4 – Nombre de pourvois jugés et décisions prononcées 2011-2020

Nombre de pourvois jugés et décisions prononcées 2011-2020

5. Les décisions prononcées par les chambres

  • Chaque année, autour d’un tiers des demandeurs au pourvoi obtiennent la cassation

Parmi les décisions statuant sur les moyens des pourvois de 2011 à 2020, on constate qu’un peu plus d’un tiers des décisions attaquées ont été cassées. Cette proportion est assez stable au fil des années, fluctuant peu (34,5 % en 2011 et 31,8 % en 2020)

– tableau 6 et figure 5.

Figure 5 – Évolution de la proportion de cassations, de rejets et de RNSM 2011-2020 Ensemble des chambres civiles, commerciale et sociale

Évolution de la proportion de cassations, de rejets et de RNSM 2011-2020 Ensemble des chambres civiles, commerciale et sociale
  • En moyenne, de 2011 à 2020, 10 % des cassations sont prononcées sans renvoi

Aux termes de l’article L. 411.3 du code de l’organisation judiciaire entré en vigueur le 20 novembre 2016 : « La Cour de cassation peut casser sans renvoi lorsque la cassation n’implique pas qu’il soit à nouveau statué sur le fond.

Elle peut aussi, en matière civile, statuer au fond lorsque l’intérêt d’une bonne administration de la justice le justifie (…) ».

Sur l’ensemble de la période, les cassations sans renvoi représentent 3,4% du total des arrêts statuant sur les moyens des pourvois et 10 % du total des cassations – tableau 6.

En l’absence d’informations sur la nature des contentieux concernés, il n’est pas possible d’identifier les matières à cassation n’impliquant pas qu’il soit à nouveau statué sur le fond.

On verra que la proportion de cassations prononcées sans renvoi varie d’une chambre à l’autre, sans doute en raison de la spécificité des contentieux traités. Au cours de la période 2011 à 2020, en moyenne 10 % des cassations ont été prononcées sans renvoi. On constate que la première chambre civile, la deuxième chambre civile et la chambre sociale sont les chambres qui prononcent le plus fréquemment des cassations sans renvoi (respectivement 13,5 %, 11,9 % et 10,1 %) – tableaux 6-1, 6-2 et 6-5.

Tableau 6 – Évolution des décisions prononcées 2011-2020 Ensemble des chambres civiles, commerciale et sociale

Évolution des décisions prononcées 2011-2020 Ensemble des chambres civiles, commerciale et sociale
  • La part des rejets non spécialement motivés augmente et dépasse 42 % en 2020

Comme la proportion des cassations, celle de l’ensemble des rejets varie peu. En revanche, la part des rejets non spécialement motivés (RNSM) poursuit sa progression. En 2017, pour la première fois, la part des RNSM devance celle des rejets et cette pro- portion se situe autour de 40 %, voire la dépasse les trois années suivantes. En 2020, elle atteint même 42 %. Ainsi, en 2020, plus de six rejets sur dix ne sont pas motivés.

Seules les parties ont une connaissance précise des motifs pour lesquels leur pourvoi a été rejeté. En effet, le rapport du conseiller rapporteur leur est systématiquement communiqué avant l’audience. Il y expose les motifs justifiant, selon lui, qu’une décision d’irrecevabilité ou de rejet non motivé soit rendue.

La mise en place prochaine par la Cour de cassation d’une nomenclature de la nature des affaires orientées permettra cependant de connaître la nature des litiges qui font plus fréquemment que d’autres l’objet de ces décisions non motivées.

Si la proportion de demandeurs au pourvoi qui obtiennent la cassation est relativement stable au fil des années devant toutes les chambres, on observe en revanche des pratiques différentes en matière de recours aux RNSM. En effet, si l’on observe une croissance générale de la part des RNSM devant toutes les chambres, l’ampleur de la hausse diffère selon les chambres – figures 5-1 à 5-5.

 

  • Première chambre civile

Devant la première chambre civile, la proportion de cassations est en moyenne d’un tiers sur l’ensemble de la période, elle oscille entre 29 % et 36,6 % selon les années

tableau 6-1 et figure 5-1. La part des cassations sans renvoi représente en moyenne 13,5 % du total des cassations prononcées. Elle varie d’une année sur l’autre (de 9,2 % en 2014 à 21,9 % en 2020) mais, compte tenu des variations annuelles observées, on ne peut pas en déduire une véritable tendance à la hausse, la part des cassations sans renvoi dépend vraisemblablement de la nature des contentieux traités par cette chambre : dans celui des étrangers et des hospitalisations sans consentement, on a constaté au cours de la période des proportions de cassations sans renvoi atteignant 100 %.

Figure 5-1 – Première chambre civile

Évolution de la proportion de cassations, rejets et rejets non spécialement motivés 2011-2020
  • Devant la première chambre civile, la proportion des RNSM progresse et dépasse celle des rejets à partir de 2017

Depuis 2015, la proportion de RNSM n’a cessé d’augmenter au détriment des rejets, passant de 30,6 % à 45,7 % en 2020. En 2017, la part des RNSM dépasse pour la première fois celle des rejets (38,2 % contre 27,5 %). Les années suivantes, l’écart se creuse, en 2020, la proportion de RNSM devance de 21 points celle des rejets (45,7 %, contre 24,9 %) – figure 5-1

Tableau 6-1 – Évolution des décisions prononcées par la première chambre civile

Évolution des décisions prononcées par la première chambre civile
  • Deuxième chambre civile

Devant la deuxième chambre civile, les demandeurs au pourvoi obtiennent la cassation dans 35,3 % en moyenne sur la période. Cette part varie de 41 % en 2011 à 30 % en 2014 et se situe à 34 % en 2020.

Comme devant toutes les chambres, la proportion des cassations prononcées sans renvoi fluctue d’une année à l’autre. Devant la deuxième chambre civile cette part varie ainsi de 7,8 % en 2012 à 15,9 % en 2019 – tableau 6-2. Il est difficile d’interpréter ces fluctuations annuelles en l’absence d’informations sur la nature des contentieux concernés6.

  • Devant la deuxième chambre civile, la proportion des RNSM progresse et dépasse celle des rejets à partir de 2017

Devant cette chambre, la proportion des RNSM tend constamment à augmenter à partir de 2016 et dépasse celle des rejets en 2018 (28,3 % et 36,5 %), pour atteindre 38,9 % en 2020 – figure 5-2. Il est difficile, ici encore, d’apprécier ces évolutions des RNSM en l’absence de données qualitatives sur la nature des contentieux faisant l’objet d’un rejet ou d’un RNSM.


6. À cet égard, la mise en place prochaine de la nomenclature des affaires orientées permettra d’apporter un éclairage sur la fréquence des cassations sans renvoi par nature de contentieux.


Figure 5-2 – Deuxième chambre civile

Évolution de la proportion de cassations, rejets et rejets non spécialement motivés 2011-2020

Tableau 6-2 – Évolution des décisions prononcées par la deuxième chambre civile

Évolution des décisions prononcées par la deuxième chambre civile
  • Troisième chambre civile

Devant la troisième chambre civile, la proportion moyenne de cassations est de 31,5 %. Selon les années, cette part fluctue légèrement autour de cette moyenne : de l’ordre de 28 % en 2011 et 2018, elle atteint 33 % en 2013 et 2019 et 32 % en 2020.

  • La part des cassations sans renvoi reste moins fréquente devant la troisième chambre civile que devant les autres chambres

La part des cassations sans renvoi est très faible, ne dépassant pas 7 % en moyenne sur la période 2011-2020. Au fil des années, cette part fluctue entre 4,5 % en 2011 et 7,9 % en 2019 – tableau 6-3. On peut faire l’hypothèse que cette fréquence plus faible de cassations prononcées sans renvoi devant la troisième chambre civile tient vraisemblablement à la nature des affaires qu’elle traite.

  • Restée à un faible niveau dans la première moitié de la décennie, la part des RNSM progresse ensuite régulièrement pour atteindre près de 38 % en 2020

En moyenne, sur la période, la proportion des RNSM observée devant la troisième chambre civile est significativement plus faible que devant les autres chambres (26,2 %). En effet, bien que tendant à augmenter régulièrement au fil des années, les proportions de RNSM sont demeurées relativement basses jusqu’en 2017, descendant même à 14,6 % et 18,4 % en 2013 et 2014. Ce n’est qu’en 2018 que cette part dépasse pour la première fois celle des rejets de 6 points (respectivement 38,8 % et 32,9 %). L’année suivante, la part des rejets devance celle des RNSM (36,2 % et 30,7 %). En 2020, la part des RNSM surpasse à nouveau celle des rejets (de plus de 7 points : 37,7 % et 30,2 %) – figure 5-3.

Figure 5-3 – Troisième chambre civile

Figure 5-3 – Troisième chambre civile

Tableau 6-3 – Évolution des décisions prononcées par la troisième chambre civile

Évolution des décisions prononcées par la troisième chambre civile
  • Chambre commerciale, financière et économique

Comme devant les autres chambres, la proportion des demandeurs au pourvoi qui obtiennent la cassation varie relativement peu annuellement au cours de la période

  • tableau 6-4 et figure 5-4. De 2011 à 2020, en moyenne, les cassations représentent 32,2 % des décisions statuant sur les moyens des pourvois. Cette part varie peu autour de cette moyenne : par exemple, elle avoisine 36 % en 2016 et se situe entre 30 % et 31 % de 2012 à 2015 et 2018 et 33 % en 2020.

Comme devant les autres chambres, la part des cassations sans renvoi est relative- ment faible (6,9 % en moyenne sur la période). On observe des fluctuations annuelles de cette part (4,8 % en 2019, 10,6 % en 2011) qui tiennent ici encore probablement à la nature des litiges traités.

  • Une évolution contrastée de la part des RNSM devant la chambre commerciale, financière et économique

Devant la chambre commerciale, financière et économique, l’évolution des parts respectives des deux types de rejets est plus contrastée – figure 5-4. On observe en effet une baisse sensible de la proportion des RNSM de 2012 à 2016, celle-ci passant de 34,4 % en 2011 à 22 % en 2016 (il s’agit là de la proportion la plus faible observée devant toutes les autres chambres). Dès l’année suivante (2017) cette baisse laisse place à une nette tendance haussière. La part des RNSM atteignant 41 % en 2018 dépasse de 13 points celle des rejets. Elle diminue ensuite au cours des deux années suivantes mais continue à devancer la part des rejets.

Figure 5-4 – Chambre commerciale, financière et économique

Évolution de la proportion de cassations, rejets et rejets non spécialement motivés 2011-2020

Tableau 6-4 – Évolution des décisions prononcées par la chambre commerciale, financière et économique

Tableau 6-4 – Évolution des décisions prononcées par la chambre commerciale, financière et économique
  • Chambre sociale

En moyenne, sur la période, devant la chambre sociale, les demandeurs au pourvoi obtiennent gain de cause au moins partiellement dans un peu plus d’un tiers des cas (33,8 %), cette part variant de 30,4 % (2019) à 37 % (2011, 2012 et 2015) et s’établit à

29,8 % en 2020 – tableau 6-5 et figure 5-5.

La part des cassations prononcées sans renvoi est de l’ordre de 10 % en moyenne sur la période. Elle fluctue au fil des années, entre 6 % et 8 % de 2015 à 2017, elle dépasse 11 % plusieurs années de suite (2011, 2012 et 2013), remonte à 13 % en 2018, baisse

en 2019 (9,5 %) remonte enfin à 13,4 % en 2020 – tableau 6-5.

  • Devant la chambre sociale, la part des RNSM augmente fortement au fil des années, elle représente près de la moitié des arrêts prononcés en 2020

Devant la chambre sociale, au cours de la décennie, on observe une forte tendance à la hausse de la part des RNSM au détriment des rejets. En 2017, cette part, atteignant plus de 40 % des décisions statuant sur les moyens des pourvois, dépasse de 13 points celle des rejets. Cet écart se creuse les années suivantes. En 2020, il est de 29 points. La proportion de RNSM représente près de la moitié des décisions statuant sur les moyens des pourvois prononcées par la chambre sociale – figure 5-5.

Figure 5-5 – Chambre sociale

Évolution de la proportion de cassations, rejets et rejets non spécialement motivés 2011-2020

Tableau 6-5 – Évolution des décisions prononcées par la chambre sociale 2011-2020

Tableau 6-5 – Évolution des décisions prononcées par la chambre sociale 2011-2020

6. Durée moyenne des décisions statuant sur les moyens des pourvois prononcées en 2020

Il convient de rappeler que pour être déclaré recevable, c’est-à-dire pour pouvoir être examiné, un pourvoi doit être formé dans un délai donné, en général dans les 2 mois qui suivent la signification ou la notification de la décision attaquée (article 612 du code de procédure civile, sauf procédures particulières des articles 996 et 999 du code de procédure civile). Passés ces délais, le pourvoi sera déclaré irrecevable.

Une fois le pourvoi formé dans les 2 mois qui suivent la signification ou la notification de la décision attaquée, les parties sont tenues, sauf disposition contraire, de choisir un avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation devant les chambres civiles avec représentation obligatoire (article 973 du code de procédure civile). Sous peine de déchéance, l’avocat du demandeur remet au greffe, dans le délai de quatre mois, un mémoire ampliatif contenant les moyens de droit invoqués contre la décision attaquée et fait signifier ce mémoire au défendeur (article 978). Le défendeur dispose alors d’un délai de deux mois pour produire un mémoire en réponse (article 982).

En 2020, toutes chambres civiles, commerciale et sociale confondues, les décisions statuant sur les moyens des pourvois ont été rendues en 18 mois en moyenne - tableau 7. Il s’est écoulé 18,5 mois entre la déclaration de pourvoi et la décision de cassation. Les procédures se terminant par une cassation sans renvoi sont légèrement plus longues que celles qui cassent avec renvoi (19,7 mois, contre 18,4 mois).

Enfin, la durée des rejets, qu’ils soient motivés ou non, est du même ordre (autour de 17 mois) – tableau 7.

 

La durée de traitement des procédures varie beaucoup d’une chambre à l’autre (de 15,3 mois devant la deuxième chambre civile à 23,6 mois devant la chambre commerciale, financière et économique). En l’absence d’informations qualitatives sur la durée des procédures par nature et de contentieux traités par chacune des chambres, il est difficile d’interpréter les écarts observés.

Pour la chambre sociale, il se pourrait que l’existence de pourvois sériels génère un allongement des durées. De façon générale, on peut également faire l’hypothèse d’une dispersion plus importante des contentieux devant certaines chambres qui requièrent un investissement de spécialisation plus grand pour juger des litiges, certes numériquement peu importants, mais très variés.

Tableau 7 – Durée moyenne des décisions statuant sur les moyens des pourvois prononcées en 2020 par chambre

Durée moyenne des décisions statuant sur les moyens des pourvois prononcées en 2020 par chambre

7. Les formations de jugement

Aux termes de l’article L. 431-1 du code de l’organisation judiciaire : « Les affaires soumises à une chambre civile sont examinées par une formation de trois magistrats appartenant à la chambre à laquelle elles ont été distribuées.

Cette formation statue lorsque la solution du pourvoi s’impose. Dans le cas contraire, elle renvoie l’examen du pourvoi à l’audience de la chambre.

Toutefois, le premier président ou le président de la chambre concernée, ou leurs délégués, d’office ou à la demande du procureur général ou de l’une des parties, peuvent renvoyer directement une affaire à l’audience de la chambre par décision non motivée.»

Aux termes de l’article R. 421-3 du code de l’organisation judiciaire : « La Cour de cassation comprend cinq chambres civiles et une chambre criminelle.

Chaque chambre comprend une ou plusieurs sections.

Chaque chambre siège soit en formation plénière, soit en formation de section, soit en formation restreinte, en matière civile, conformément aux deux premiers alinéas de l’article L. 431-1, et, en matière pénale, conformément à l’article L. 431-2 et à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale.»

 

La part des formations restreintes7 n’a cessé d’augmenter au cours de ces 10 dernières années, pour représenter près de 95 % des affaires traitées en matière civile toutes chambres confondues.

Au sein de ces formations restreintes, une ventilation peut être faite entre celles donnant lieu à un arrêt motivé qui représentent 52 % des formations et celles aboutissant à un rejet non spécialement motivé (« RNSM ») qui représentent 41 % des formations. L’article 1014 du code de procédure civile autorise la Cour de cassation à rejeter de manière non spécialement motivée les pourvois irrecevables ou qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation de l’arrêt attaqué (voir également p. 257).

En 2020, seulement 5,5 % des affaires relèvent de la formation de section8, alors qu’en 2011, 11 % des affaires relevaient d’une formation de section. On constate donc un glissement opéré ces dernières années des formations de section au profit des for- mations restreintes et plus spécifiquement celles aboutissant à un RNSM.


7. Formation de trois magistrats appartenant à la chambre à laquelle l’affaire a été distribuée.

8. Formation composée habituellement de l’ensemble d’une section de la chambre.


Tableau 8 – Répartition des décisions selon la formation Ensemble des chambres civiles

Répartition des décisions selon la formation Ensemble des chambres civiles

Figure 6 – Évolution de la proportion de décisions prononcées en formation de section par chambre

Évolution de la proportion de décisions prononcées en formation de section par chambre

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