N°9 - Décembre 2022 (Environnement)

Lettre de la troisième chambre civile

Une sélection commentée des arrêts rendus par la troisième chambre civile de la Cour de cassation (Action en garantie du constructeur / Associations syndicales / Assurance construction / Baux commerciaux / Baux ruraux / Contrat d'entreprise / Enrichissement sans cause / Environnement / Immeuble en péril / Location de courte durée de logements meublés).

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Lettre de la troisième chambre civile

N°9 - Décembre 2022 (Environnement)

Périmètre de l’obligation d’information du vendeur d’un terrain sur lequel a été exploité une installation classée soumise à autorisation

3e Civ., 21 septembre 2022, pourvoi n° 21-21.933, publié au Bulletin

L'article L. 514-20 du code de l'environnement met à la charge du vendeur d’un terrain sur lequel a été exploitée une installation soumise à autorisation ou à enregistrement une stricte obligation d’information de l’acquéreur.

A défaut, si une pollution constatée rend le terrain impropre à la destination prévue par le contrat, l’acquéreur a le choix de demander la résolution de la vente, la restitution d’une partie du prix ou encore la réhabilitation du site aux frais du vendeur, lorsque le coût de cette réhabilitation ne paraît pas disproportionné par rapport au prix de vente.

Dans la présente espèce, une collectivité publique avait acquis un terrain et, à l’occasion de la démolition de la maison qui s’y trouvait, avait découvert que le sol supportait une pollution importante d’origine industrielle.

Cette pollution affectait une parcelle qui avait constitué l'entrée d'une usine dans laquelle avait été exploitée, de 1893 à 1961, une activité de traitement des déchets d'usines à gaz de manière à en extraire le soufre noir. La maison d’habitation s’y trouvant était celle du gardien du site, édifiée en 1926 sur un remblai pollué issu de l'activité de l'usine.

La collectivité avait assigné son vendeur en indemnisation, notamment sur le fondement de l’article L. 514-20 du code de l’environnement, dès lors que l’activité anciennement exercée relevait des installations classées soumises à autorisation visées par ce texte.                                                               

Toutefois, la cour d’appel avait écarté l’application de ce texte, après avoir retenu que l’acquéreur ne démontrait pas qu’une activité classée avait été exercée sur les parcelles vendues, qui abritaient depuis 1926 une maison à usage de logement.

La difficulté était donc de déterminer si le terrain vendu devait être considéré comme ayant supporté l'exploitation d'une installation classée soumise à autorisation, alors que l'usine elle-même n'y était pas implantée, mais qu'il servait uniquement d'entrée au site et ne supportait qu'un logement d'habitation.

Ce terrain constituait-il un accessoire nécessaire au fonctionnement du site, devant être inclus dans l’obligation d’information du vendeur, ou, au contraire, s’agissait-il d’une parcelle située hors du champ de cette obligation, dès lors que l’activité polluante n’y avait pas été exercée ?

Privilégiant une approche fonctionnelle, la Cour de cassation a considéré que le terrain vendu ayant constitué l’entrée de l’usine et supporté la maison de gardien du site, il était inclus dans le périmètre de l'installation classée soumise à autorisation.

Destruction de faucons crécerellettes, espèce protégée, par collision avec des éoliennes

La destruction de faucons crécerellettes, espèce protégée, par collision avec des éoliennes, malgré la mise en place de systèmes d'éloignement et en l’absence d’une dérogation prévue par la loi, permet d’engager la responsabilité des exploitants devant le juge civil

 

3e Civ., 30 novembre 2022, pourvoi n° 21-16.404, publié au Bulletin

Entre 2006 et 2013, trente-une éoliennes ont été construites et mises en service dans l’Hérault, sur des sites classés en zone de protection spéciale en application de la directive 2009/147/CE du 30 novembre 2009 du Parlement européen et du Conseil sur la protection des oiseaux sauvages (dite directive “oiseaux”).

En 2011 et 2012, la découverte au pied des installations de plusieurs cadavres de faucons crécerellettes, relevant de cette directive, a été signalée.

Malgré la mise en place de dispositifs de détection et d’effarouchement des oiseaux (DT-Bird) prescrits par le préfet, de nouveaux cadavres de faucons crécerellettes ont été découverts, ce qui a conduit l’association France nature environnement à engager la responsabilité des exploitants des sites et de leur gestionnaire, EDF, en indemnisation du préjudice moral causé par la destruction de spécimens d’une espèce protégée.

La première question posée à la Cour de cassation était celle de la recevabilité de l’action.

Il était, en effet, prétendu qu’une association ne pouvait agir devant le juge civil en application de l'article L. 142-2 du code de l'environnement, sans qu’ait été constatée l'infraction pénale liée à l'environnement invoquée.

L’arrêt commenté, écartant cette analyse, juge qu’une telle action est subordonnée à l'existence de faits susceptibles de revêtir une qualification pénale entrant dans le champ des dispositions législatives relatives à la protection de la nature et de l'environnement, sans être conditionnée à la constatation préalable d'une infraction.

En second lieu, le pourvoi invoquait une atteinte à la séparation des pouvoirs entre autorité administrative et autorité judiciaire, en tirant argument de l’existence d’arrêtés préfectoraux ayant autorisé l'exploitation du parc éolien avec les dispositifs susmentionnés.

Rappelant que ces arrêtés préfectoraux étaient intervenus en application de la police spéciale autonome régissant le fonctionnement des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), la Cour considère que ne constitue pas une atteinte au principe de la séparation des pouvoirs le fait pour le juge judiciaire, saisi d'une action en responsabilité civile, de constater la violation, par les exploitants du parc éolien, des dispositions de l'article L. 411-2, 1°, du code de l'environnement interdisant la destruction d'espèces sauvages protégées sans être titulaires de la dérogation prévue par la loi.

Se posait ensuite la question des éléments constitutifs de l’infraction d’atteinte à la conservation d’une espèce animale non domestique, prévue par l’article L. 415-3 du code de l’environnement.

Les exploitants et gestionnaire du parc éolien soutenaient que ce délit supposait, en plus du constat de la destruction d’un ou plusieurs spécimens appartenant à une espèce protégée, la démonstration d’une atteinte à la conservation de l’espèce protégée en résultant.

La Cour de cassation retient qu’une telle démonstration n’est pas nécessaire, le délit d'atteinte à la conservation d'espèces animales non domestiques étant constitué, dans son élément matériel, par la violation des interdictions de destruction d'espèces protégées prévues par les articles L.411-1, L.411-2 du code de l'environnement et ses règlements d'application.

Elle ajoute qu’une faute d'imprudence suffit à caractériser l’élément moral du délit.

Elle précise, enfin, que l'article L. 411-1 du code de l'environnement applique à toutes les espèces protégées, y compris les oiseaux, les mesures de protection stricte édictées par la directive européenne 92/43/CEE du 21 mai 1992 (directive « habitats ») dont l'interprétation de l'article 12 a été donnée par la CJUE dans un arrêt du 4 mars 2021 C-6473/19 et C-474/19).

Par conséquent, elle approuve la cour d’appel d’avoir jugé l’infraction constituée, et la responsabilité civile des contrevenants engagée, dès lors qu’elle avait constaté que vingt-huit  faucons crécerellettes, espèce animale non domestique protégée au titre de l’article L. 411-1, 1°, du code de l’environnement, avaient été tués entre 2011 et 2016 par collision avec les éoliennes, que cette destruction perdurait malgré la mise en place du système DT-Bird, et que les propriétaires exploitants ne justifiaient pas d’une dérogation aux interdictions édictées par cet article, constitutive d'un fait justificatif exonératoire de responsabilité.

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