N°9 - Décembre 2022 (Editorial)

Lettre de la troisième chambre civile

Une sélection commentée des arrêts rendus par la troisième chambre civile de la Cour de cassation (Action en garantie du constructeur / Associations syndicales / Assurance construction / Baux commerciaux / Baux ruraux / Contrat d'entreprise / Enrichissement sans cause / Environnement / Immeuble en péril / Location de courte durée de logements meublés).

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Lettre de la troisième chambre civile

N°9 - Décembre 2022 (Editorial)

La sixième rencontre de jurisprudence de la troisième chambre civile a mis en évidence l’approche complémentaire du notariat et de la Cour de cassation sur le droit de l’immobilier.

Par Estelle AMRAM,

vice-présidente de la chambre des notaires de Paris

et Xavier LIEVRE,

vice-président sortant du Conseil supérieur du notariat)

 

La sixième rencontre de jurisprudence autour du droit de l’immobilier a, à l’initiative de la Cour de cassation, permis aux auteurs de ces lignes d’intervenir aux deux premières tables rondes.

Elles ont concerné des thèmes au cœur de la pratique des notaires : la vente et la pollution, d’une part, la protection de l’acquéreur dans les ventes en l’état futur d’achèvement, d’autre part.

La première table ronde a permis aux notaires de mieux comprendre comment le juge analyse a posteriori une situation et conclut à la remise en cause de l’accord contractuel initial. Les magistrats de leur côté ont été sensibilisés à la manière dont le notaire travaille lorsqu’il rédige l’acte et remplit son rôle de conseil et de pédagogue du droit à l'égard des parties.

La préoccupation première du notaire est que l’acte qu’il rédige soit efficace et que sa responsabilité ne puisse être mise en cause. Sa raison d’être, ré-exprimée avec force cette année, est, en effet, de « sous le sceau de l’Etat, conseiller avec rigueur et impartialité, … exprimer l’équilibre des volontés dans le cadre fixé par la loi, … et agir ainsi pour la paix au cœur de la société ». De telles exigences conduisent à l’élaboration d’actes ne donnant pas lieu à contentieux et participent, en conséquence, de la sécurité juridique.

Nos échanges ont permis de rappeler, avec force, des principes fondamentaux et simples, que le juge applique au quotidien alors que le notaire est parfois confronté aux aspects techniques et documentaires de dossiers compliqués.

Le premier rappel a été celui de l’article 1602 du code civil aux termes duquel « le vendeur est tenu d'expliquer clairement ce à quoi il s'oblige » et « tout pacte obscur ou ambigu s'interprète contre le vendeur ». Le notaire doit avoir conscience du risque que représente cet article pour le vendeur, notamment lorsque les actes sont longs et complexes et comprennent de nombreuses annexes. Le risque du pacte obscur est d’ailleurs permanent en matière de sites pollués.

Ensuite, a été évoquée une affaire dans laquelle la responsabilité du notaire a été écartée en raison du dol commis par le vendeur constitué par une dissimulation mensongère de la présence antérieure d’une installation classée pour la protection de l’environnement. Si cette jurisprudence peut paraître rassurante, elle constitue néanmoins une alerte pour les notaires qui doivent assurer la cohérence dans l’acte entre ce qui résulte des déclarations du vendeur et des annexes.

Le rappel de la jurisprudence relative à l’obligation de délivrance a été l’occasion pour les notaires d’envisager d’insérer une clause dans les actes portant sur des immeubles qui seront transformés par l’acquéreur (ventes à des promoteurs) pour permettre au juge d’apprécier bien plus clairement l’intention des parties en matière de délivrance.

Enfin, les notaires ont pu constater que le juge est très vigilant sur les grands principes de notre système juridique. Ainsi, en réponse à la proposition adoptée par le 118ème Congrès d’octobre 2022 d’alléger les obligations déclaratives du vendeur non professionnel dans le cas d’application de l’article L. 514-20 du code de l’environnement (vente portant sur un site ayant supporté une ancienne installation classée pour la protection de l’environnement), il a été rappelé que l’objectif n’était pas seulement de protéger l’acquéreur, mais également de préserver un objectif constitutionnel de protection des personnes et de l’environnement.

La deuxième table ronde relative à la protection des acquéreurs en matière de vente en l’état futur d’achèvement (VEFA) a été l’occasion d’analyser le rôle des notaires et des juges dans la mise en œuvre de cette protection. Plus de cinquante ans après la loi n° 67-3 du 3 janvier 1967, alors que la pratique immobilière continue d’imaginer des immeubles répondant à de nouveaux usages, le champ d’application du secteur protégé a encore été précisé par un arrêt du 23 mai 2019 (n° 17-17.908, publié).

Deux propositions importantes ont été évoquées lors du dernier Congrès des notaires : celle d’exclure du champ du secteur protégé les acquéreurs professionnels qui ne nécessitent pas de protection particulière compte tenu de leur compétence et de leurs moyens face aux promoteurs et qui sont demandeurs de plus de souplesse, celle de mettre en place une définition légale de la notion de professionnel et non professionnel, ce point étant encore trop imprécis dans le droit actuel.

D’autres questions ont été abordées : le rôle essentiel du contrat préliminaire de réservation a été rappelé, le rôle fondamental de sécurisation du notaire dans la mise en œuvre de tous les éléments du programme de construction depuis l'acquisition des terrains où se retrouvent les problématiques de pollution, en passant par les autorisations d'urbanisme, et le découpage juridique de l’immeuble à construire. Dans la période actuelle de surcoût des matériaux et d’inflation, la question de l'indexation du prix de vente a été étudiée, ainsi que celle de l’échelonnement des appels de fonds réalisés au fur à mesure de l'édification de l'immeuble, qui peut être source de litiges, en particulier s’agissant de la première échéance exigée au moment de la vente avant l'achèvement des fondations.

La jurisprudence en matière d'achèvement a également été évoquée : cette notion joue un rôle essentiel dans la protection de l’acquéreur tant sur le plan de la conformité que sur celui du respect des délais.

Il a ainsi pu être constaté que malgré quelques incertitudes qui demeurent encore à éclaircir, le système actuel, avec les dernières modifications législatives et précisions jurisprudentielles, est satisfaisant et apporte une réelle protection pour les acquéreurs sur plan.

En conclusion de cette rencontre, nous nous réjouissons de ce dialogue fructueux qui a permis d’illustrer la complémentarité de nos interventions au soutien d’un droit de l’immobilier à la fois accessible et protecteur de l’environnement et des acquéreurs.

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