N°9 - Décembre 2022 (Action en garantie contructeur)

Lettre de la troisième chambre civile

Une sélection commentée des arrêts rendus par la troisième chambre civile de la Cour de cassation (Action en garantie du constructeur / Associations syndicales / Assurance construction / Baux commerciaux / Baux ruraux / Contrat d'entreprise / Enrichissement sans cause / Environnement / Immeuble en péril / Location de courte durée de logements meublés).

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Lettre de la troisième chambre civile

N°9 - Décembre 2022 (Action en garantie contructeur)

Point de départ de la prescription des recours des constructeurs

Revenant sur la jurisprudence qui fixait le point de départ de la prescription des recours des constructeurs au jour où ils avaient été assignés en référé-expertise, la Cour de cassation juge désormais que l'assignation en référé aux fins d'expertise, si elle n'est accompagnée d'aucune demande de paiement ou d'exécution en nature, fût-ce à titre de provision, ne fait pas courir la prescription des recours en garantie

 

3e Civ., 14 décembre 2022, pourvoi n° 21-21.305, publié au Bulletin et au Rapport

Par un arrêt du 16 janvier 2020 (3e Civ., 16 janvier 2020, pourvoi n° 18-25.915, publié au Bulletin), la Cour de cassation avait jugé que le recours d'un constructeur contre un autre constructeur ou son sous-traitant se prescrivait selon le droit commun de l'article 2224 du code civil, c'est-à-dire par cinq ans à compter du jour où le premier a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. Elle avait également jugé qu'une assignation en référé-expertise mettait en cause la responsabilité du constructeur et constituait donc le point de départ de la prescription de ses recours.

Comme l'expliquait le commentaire de l'arrêt au Rapport annuel, la seconde règle, outre qu'elle se conformait à ce qui était déjà jugé dans les rapports entre assuré et assureur sur le fondement de l'article L. 114-1 du code des assurances, tendait à resserrer le temps du procès et à favoriser au maximum le caractère contradictoire des opérations d'expertise.

La solution retenue par la Cour de cassation, si elle incitait les constructeurs à agir précocement en évitant de retarder le déroulement des opérations d'expertise, avait l'inconvénient d'obliger les constructeurs à agir en garantie avant même l'introduction des demandes principales, dans le seul but d'interrompre la prescription quinquennale, laquelle pouvait expirer avant la forclusion décennale applicable à l'action du maître de l'ouvrage. Or, par plusieurs décisions récentes, la Cour de cassation a jugé qu'il n'était pas possible d'agir en garantie avant d'avoir été soi-même assigné.

Par ailleurs, la multiplication des assignations préventives et des incidents corrélatifs, nuisait à une bonne administration de la justice, certains juges regrettant d'être accaparés par la « gestion des risques de prescription ».

Ces considérations, tant juridiques que pratiques, ont amené la Cour de cassation à réexaminer sa position. Par l'arrêt du 14 décembre 2022 commenté, elle décide désormais que l'assignation en référé aux fins d'expertise, si elle n'est accompagnée d'aucune demande de paiement ou d'exécution en nature, ne fait pas courir la prescription des recours en garantie des constructeurs. Elle rejoint sur ce point la position du Conseil d'État (7ème - 2ème chambres réunies, 10/02/2017, n° 391722, mentionné dans les tables du Recueil Lebon).

Par ce revirement de jurisprudence, la Cour de cassation tire les conséquences des inconvénients de la solution précédente, pour parvenir à un meilleur équilibre entre la sécurité juridique et le droit d'accès au juge des différents intervenants à l'opération de construction. La solution nouvelle, qui préserve les recours des constructeurs dont la responsabilité est recherchée en évitant qu'ils se prescrivent avant que leur auteur soit en mesure d'agir, n'a pas pour effet d'étendre outre mesure le temps pendant lequel les intervenants à l'opération de construction pourront voir leur responsabilité engagée.

En effet, l'action principale est enfermée dans le délai de forclusion décennale courant à compter de la réception et, pour les opérations de construction postérieures à l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, le délai butoir de vingt ans édicté par l'article 2232 du code civil vient, en tout état de cause, borner le délai des recours.

La règle nouvelle, dont il n'a pas été nécessaire de différer l'application, devrait alléger la charge des juridictions en prévenant des actions inutiles, introduites dans le but d'interrompre la prescription d'actions qui ne sont pas nées.

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