N°8 - Septembre 2022 (Construction)

Lettre de la troisième chambre civile

Une sélection commentée des arrêts rendus par la troisième chambre civile de la Cour de cassation (Associations / Assurance-construction / Baux commerciaux / Covid-19 / Baux d'habitation / Construction / Environnement / Société civile immobilière / Vente d'immeuble).

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Lettre de la troisième chambre civile

N°8 - Septembre 2022 (Construction)

Délai de prescription de l’action en garantie des vices cachés exercée à titre récursoire / Charge de la dépollution d’un site classé pour la protection de l’environnement en cas d’éviction du locataire

3e Civ., 25 mai 2022, pourvoi n° 21-18.218, publié au Bulletin

Quels sont les délais pour agir en garantie des vices cachés, notamment à titre récursoire ? Un pourvoi, concernant des ventes de matériaux de construction antérieures et postérieures à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription, a donné l'occasion à la Cour de cassation de préciser et compléter sa jurisprudence.

Par son arrêt du 25 mai 2022, la Cour de cassation confirme, tout d'abord, la solution adoptée le 16 février 2022 (3e Civ., 16 février 2022, pourvoi n° 20-19.047, publié) pour les ventes de matériaux de construction antérieures à l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008. Avant l'entrée en vigueur de cette loi, il était jugé que l'action en garantie des vices cachés devait être exercée dans le délai biennal de l'article 1648 alinéa 1er du code civil, tout en étant enfermée dans le délai de prescription de droit commun courant à compter de la vente. Mais, sauf à porter une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge, le constructeur, dont la responsabilité est retenue en raison des vices affectant les matériaux qu'il a mis en oeuvre pour la réalisation de l'ouvrage, doit pouvoir exercer une action récursoire contre son vendeur sur le fondement de la garantie des vices cachés sans voir son action enfermée dans un délai de prescription courant à compter de la vente initiale.

L'arrêt du 25 mai 2022 apporte, ensuite, deux précisions concernant la prescription des actions en garantie des vices cachés de biens vendus après l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008.

Par un précédent arrêt (3e Civ., 8 décembre 2021, pourvoi n° 20-21.439, publié), la Cour de cassation avait jugé que, pour ces ventes, la prescription de droit commun de l'article 2224 du code civil ne pouvait plus jouer le rôle de délai butoir en venant enfermer l'action en garantie des vices cachés car le point de départ de ce délai, désormais glissant comme dépendant du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, se confondait avec le point de départ du délai de deux ans imparti par l'article 1648, alinéa 1er, du code civil pour agir après la découverte du vice. C'est donc le délai butoir de vingt ans prévu par le nouvel article 2232 du code civil qui devait s'appliquer.

Restait à savoir si cette solution pouvait être retenue en cas de vente par un commerçant, dès lors que l'article L. 110-4, I, du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008, aligne la durée de la prescription commerciale sur celle du droit commun de l'article 2224 du code civil mais sans préciser le point de départ de ce délai.

La Cour de cassation avait déjà retenu qu'en l'absence de dispositions spéciales fixant le point de départ de la prescription commerciale à une autre date, c'était le droit commun de l'article 2224 du code civil qui trouvait à s'appliquer. Reprenant ce principe, elle en déduit que l'article L. 110-4, I, du code de commerce ne plus jouer le rôle de délai butoir pour les ventes postérieures à l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, puisque le point de départ de ce délai se confond, lui aussi, avec le point de départ du délai biennal de l'article 1648, alinéa 1er, du code civil.

Ainsi, l'action en garantie des vices cachés affectant un bien vendu par un commerçant doit être introduite dans le délai de deux ans à compter de la découverte du vice sans pouvoir dépasser le délai butoir de vingt ans à compter de la vente initiale.

Le second apport de l'arrêt concerne les actions récursoires. La Cour de cassation précise que les recours sont également soumis au délai butoir de l'article 2232 du code civil. Ils doivent être introduits dans les deux ans de l'assignation délivrée par le sous-acquéreur, mais pas au-delà d'un délai de vingt ans courant à compter de la vente consentie par le vendeur initial. La suspension de prescription qui prévaut pour les ventes antérieures à la loi du 17 juin 2008 ne s'applique pas au délai butoir de l'article 2232 du code civil : ce délai a précisément pour objet d'encadrer dans le temps les actions à compter de la naissance du droit et son point de départ ne peut être reporté. Il est suffisamment long pour permettre un équilibre entre sécurité juridique et droit d'accès au juge.

Proportionnalité de la démolition d’une construction édifiée en contravention aux stipulations du cahier des charges d’un lotissement

3e Civ., 13 juillet 2022, pourvoi n° 21-16.407, publié au Bulletin

En cas de violation du cahier des charges d’un lotissement, la jurisprudence, se fondant sur la règle selon laquelle l’exécution forcée en nature du contrat constitue un droit pour le créancier, juge que le propriétaire a le droit de demander que ce qui a été fait par contravention à l’engagement résultant du cahier des charges soit détruit, indépendamment de l’existence ou de l’importance du préjudice, dès lors que, l’infraction aux clauses du cahier des charges étant établie, aucune impossibilité d’exécution de la démolition n’est invoquée ou caractérisée.

Au visa de l’article 1143 ancien du code civil, la jurisprudence excluait donc tout contrôle de proportionnalité en la matière et considérait qu’il y avait lieu d’accueillir la demande de démolition, quelles que fussent la gravité du défaut constaté et les conséquences de la mise en conformité.

Toutefois, la réalisation d’un bilan coût/avantages en cas de demande d’exécution en nature d’une obligation contractuelle est désormais imposée par l'article 1221 du code civil qui, dans sa version issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, et modifiée par la loi n° 2018-287 du 20 avril 2018 portant ratification de cette ordonnance, dispose que « le créancier d'une obligation peut, après mise en demeure, en poursuivre l'exécution en nature sauf si cette exécution est impossible ou s'il existe une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur de bonne foi et son intérêt pour le créancier ».

Ces dispositions ne sont pas applicables aux contrats antérieurs au 1er octobre 2016 mais, dès avant la réforme, la Cour de cassation avait infléchi sa jurisprudence en admettant que certaines demandes pussent se heurter au principe de proportionnalité, même en dehors d'une atteinte à un droit fondamental. Elle en avait jugé ainsi pour les demandes de démolition consécutives à une annulation du contrat de construction de maison individuelle, ou les demandes de démolition et de reconstruction d'ouvrages affectés de vices.

Par le présent arrêt, la Cour de cassation approuve les juges du fond d'avoir recherché si la demande de démolition d'un ouvrage ne respectant pas certaines stipulations du cahier des charges du lotissement était proportionnée, au regard de son coût pour le maître de l'ouvrage et du préjudice subi par les colotis. Les juges, qui avaient fait ressortir le caractère manifestement disproportionné de la démolition, pouvaient retenir une autre sanction de la violation de l'obligation contractuelle. On voit ainsi que l'exigence de proportionnalité est un principe de portée générale, aujourd'hui consacré par l'article 1221 nouveau du code civil, mais qui lui préexistait.

Par le même arrêt, la Cour de cassation précise qu'une société civile immobilière ne peut être considérée comme une professionnelle de la construction du seul fait que son objet social est d'acquérir et de construire tous biens immobiliers, puis de les gérer. La qualité de professionnelle de la construction suppose des connaissances et des compétences techniques spécifiques dans ce domaine. Il est, ainsi, de nouveau rappelé que les qualités de professionnel de l'immobilier et professionnel de la construction ne se confondent pas et que pour se voir attribuer la seconde, il ne suffit pas de faire construire des immeubles à titre professionnel.

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