N°7 - Mai 2022 (Sous-traitance)

Lettre de la troisième chambre civile

Une sélection commentée des arrêts rendus par la troisième chambre civile de la Cour de cassation (Assurance-construction / Baux commerciaux / Copropriété / Environnement / Expropriation / Hypothèque / Prescription et vices cachés / Sous-traitance).

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Lettre de la troisième chambre civile

N°7 - Mai 2022 (Sous-traitance)

Action en paiement d’une banque, cessionnaire de la créance de l’entrepreneur principal correspondant à des travaux sous-traités, à l’encontre du maître de l’ouvrage

3e Civ., 16 mars 2022, pourvoi n° 20-22.037, publié au Bulletin

L'article 13-1, alinéa 1er, de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, interdit à l'entrepreneur principal de céder ou nantir les créances résultant du marché ou du contrat passé avec le maître de l'ouvrage correspondant à des travaux qu'il a sous-traités. Ces dispositions ont pour but de protéger le sous-traitant contre le risque de non-paiement de ses travaux.

La banque, à laquelle une telle créance a été cédée en violation de l'article 13-1 de la loi du 31 décembre 1975, peut-elle obtenir paiement du maître de l'ouvrage, débiteur cédé, lorsque celui-ci a dû indemniser le sous-traitant sur le fondement quasi-délictuel de l'article 14-1 de la loi précitée ?

Selon une jurisprudence constante, la sanction de la violation de l'interdiction n'est pas la nullité de la cession mais l'impossibilité, pour le cessionnaire, d'obtenir le paiement de la créance correspondant aux travaux que l'entrepreneur cédant n'a pas personnellement effectués. C'est ce que la Cour de cassation a rappelé dans un premier arrêt de cassation (3e Civ., 17 janvier 2019, pourvoi n° 17-11.853) rendu à l'occasion d'un premier pourvoi dans l'affaire à l'origine de la décision commentée.

La cession n'étant pas nulle, la banque pouvait-elle, néanmoins, obtenir le paiement de sa créance par le maître de l’ouvrage ?

Selon la jurisprudence, l'inopposabilité de la cession ne peut être invoquée par le maître de l'ouvrage qu’en présence d’un conflit entre le cessionnaire et le sous-traitant pour l'attribution des sommes correspondant au prix des travaux. Ainsi, lorsque le sous-traitant exerce l'action directe de l'article 12 de la loi du 31 décembre 1975, le maître de l'ouvrage peut se prévaloir de cette action pour s'opposer au paiement demandé par le cessionnaire de la créance du donneur d'ordre.

Le maître de l'ouvrage soutenait qu'ayant été condamné à indemniser le sous-traitant sur le fondement de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975, il n'avait pas à régler le cessionnaire de la créance.

Deux questions se posaient ainsi : la condition d'un conflit entre le cessionnaire et le sous-traitant était-elle abandonnée pour déterminer si le cessionnaire pouvait prétendre au paiement de la créance cédée et, dans la négative, existait-il un conflit entre le cessionnaire et le sous-traitant lorsque celui-ci était indemnisé, non pas au titre de l'action directe prévue par l'article 12 de la loi du 31 décembre 1975, mais sur le fondement quasi-délictuel de l'article 14-1 de cette même loi ?

À ces deux questions, la Cour de cassation répond par la négative.

Ainsi, le maître de l'ouvrage ne peut invoquer, à l'égard du cessionnaire, l'inopposabilité de la cession de créance faite en fraude des droits du sous-traitant que lorsqu'il existe un conflit entre cessionnaire et sous-traitant pour l'attribution du prix des travaux. En l'absence d'un tel conflit, le cessionnaire peut obtenir le paiement de la créance cédée, même si la cession contrevient aux dispositions de l'article 13-1 de la loi du 31 décembre 1975, qui ne protègent que le sous-traitant. La condition du conflit n'est pas abandonnée.

Mais le maître de l'ouvrage ne peut prétendre qu'il existe un tel conflit lorsqu'il doit indemniser le sous-traitant sur le fondement quasi-délictuel de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975. Dans cette hypothèse, le maître de l'ouvrage devra éventuellement supporter deux paiements mais les dispositions de l'article 13-1 de la loi du 31 décembre 1975 n'ont pas pour objet de le protéger des conséquences de sa propre faute.

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