N°7 - Mai 2022 (Expropriation)

Lettre de la troisième chambre civile

Une sélection commentée des arrêts rendus par la troisième chambre civile de la Cour de cassation (Assurance-construction / Baux commerciaux / Copropriété / Environnement / Expropriation / Hypothèque / Prescription et vices cachés / Sous-traitance).

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Lettre de la troisième chambre civile

N°7 - Mai 2022 (Expropriation)

La plus-value bénéficiant à l’expropriant lors de la revente des biens expropriés n’est pas à l’origine d’un préjudice né directement de la dépossession

3e Civ., 2 mars 2022, pourvoi n° 20-17.133, publié au Bulletin

Des expropriés reprochaient à la cour d’appel d’avoir fixé le montant de l’indemnité d’expropriation sans tenir compte de la plus-value importante que l’expropriant avait réalisée en revendant immédiatement les parcelles aux conditions du marché.

Par une décision du 11 juin 2021 (n° 2021-915/916 QPC) le Conseil constitutionnel, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité transmise par la Cour de cassation à l’occasion du même pourvoi a décidé que les dispositions applicables, ne permettant pas la prise en compte de cette plus-value, étaient conformes à la Constitution.

Outre l’inconstitutionnalité qu’ils avaient soulevée, les expropriés faisaient également valoir que le mode d’évaluation de l’indemnité, dans cette situation particulière, portait une atteinte disproportionnée au droit au respect de leurs biens garanti par l’article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

La cour d’appel avait toutefois relevé que la plus-value que devaient générer ces reventes, s’inscrivant dans un projet d’utilité publique, n'avait pas à être prise en compte pour déterminer l'indemnité réparant la dépossession.

L’arrêt commenté l’a approuvée d’avoir jugé que l'indemnité de privation de plus-value revendiquée par les expropriés n'était pas en lien direct avec le préjudice résultant de la dépossession, qui seul pouvait être indemnisé par le juge de l'expropriation.

La Cour de cassation a pris soin de préciser que, dans cette espèce, il n’était pas contesté que les biens expropriés avaient été revendus pour la réalisation du projet déclaré d'utilité publique, ce qui la distinguait d’autres affaires dans lesquelles les expropriés avaient été privés de la plus-value générée par le bien, alors que celui-ci n’avait pas été affecté à l’opération d’utilité publique (CEDH, 2 juillet 2002, Motais de Narbonne c. France, req. n° 48161/99, 3e Civ., 12 février 2014, pourvoi n° 13-14.180, 3e Civ., 18 avril 2019, pourvoi n° 18-11.414, publié au Rapport).

Elle a rappelé, enfin, que la cour d’appel avait constaté que l’indemnité était fixée en rapport avec la valeur des biens expropriés, sur la base d’éléments de comparaison portant sur des biens comparables.

Elle n'était pas tenue de procéder à un contrôle relatif à l'atteinte disproportionnée au droit au respect des biens des expropriés que l’ensemble de ces éléments rendait inopérant. La plus-value n’étant pas, en effet, à l’origine d'un préjudice né directement de la dépossession, l’indemnité d’expropriation ne pouvait en tenir compte.

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